Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Conférence de haut niveau : Ensemble pour atteindre une protection sociale universelle d’ici 2030
05 février 2019
Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
5 février 2019
Distingués présidents,
Distingués participants,
Excellences,
Chers collègues et amis,
C’est un honneur pour moi de prendre la parole durant cette conférence et de participer aux efforts menés afin d’assurer une protection sociale à chaque être humain.
Le Partenariat mondial pour la protection sociale universelle en vue de la réalisation des objectifs de développement durable est une initiative exceptionnelle visant à soutenir l’un des engagements essentiels de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce partenariat a montré que la protection sociale est un outil essentiel pour réduire la pauvreté et constitue un droit humain fondamental.
Quel est le but du développement ? Il s’agit d’améliorer le bien-être de chaque membre de la société. Nous ne sommes pas simplement les acteurs du développement, nous devons aussi en être la raison. C’est à nous que sert le développement. Un véritable développement engendre une plus grande justice sociale, réduisant les inégalités qui effacent les droits fondamentaux des pauvres et des marginalisés.
Tel est le message clé du Programme 2030. Il s’agit d’inclure tout le monde – et de ne " laisser personne de côté ", en touchant en priorité ceux qui sont les plus laissés pour compte. Il s’agit d’éradiquer et de corriger les causes de la pauvreté – les multiples violations des droits de l’homme qui privent les individus d’accéder au pouvoir, de contrôler les ressources, et d’avoir une voix dans leur gouvernement, leur économie et leur société.
Le Programme 2030 constitue une véritable feuille de route pour établir des mesures pratiques et détaillées, qui visent à améliorer notre soutien aux droits universels de chacun, y compris le droit au développement. C’est l’occasion de vaincre la pauvreté, d’éliminer la discrimination, de mettre fin aux déséquilibres des rapports de force et de respecter les droits.
Notre travail d’aujourd’hui portera essentiellement sur l’objectif de développement durable 1.3 , qui vise à mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous - et, en particulier, à assurer une véritable protection sociale aux populations pauvres et marginalisées.
L’objectif 1.3 s’inspire directement de l’Article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui énonce le droit à la sécurité sociale. Ce droit comprend l’accès à des soins de santé adéquats et abordables et la sécurité du revenu – pour les personnes âgées, les chômeurs, les malades, les blessés, les personnes handicapées, les personnes ayant besoin de soins de maternité ou dans d’autres situations de vulnérabilité, afin qu’elles puissent conserver leur dignité.
Ce sont là des engagements profonds et fondamentaux. L’OIT a fait un travail de recherche remarquable et a démontré que même les pays les plus pauvres peuvent se permettre un système de protection sociale universel, grâce à l’approche axée sur le socle de protection sociale. Par exemple, une étude de l’OIT de 2017 a indiqué qu’un système de protection sociale comprenant des allocations pour tous les enfants, des prestations de maternité pour toutes les femmes ayant des nouveau-nés, des prestations pour toutes les personnes gravement handicapées et des pensions de vieillesse universelles ne coûte en moyenne que 1,6 pour cent du PIB.
Un certain nombre de pays en développement ont déjà mis en place un système de protection sociale universelle, et nombre de nos intervenants d’aujourd’hui ont participé à la mise en place de mesures de protection sociale dans des situations où les ressources sont limitées, comme c’est mon cas. Nous pouvons parler de l’effet très puissant que ces systèmes peuvent avoir sur la réduction de la pauvreté et de la marginalisation, la revitalisation de l’économie et le respect de la dignité humaine.
Ils ont également des répercussions en chaîne de grande ampleur, qui s’étendent à l’ensemble de la société. Les droits de l’homme sont les moteurs de la paix, de la sécurité, de l’assurance, de la résilience et de la confiance du public. Des sociétés inclusives et participatives bénéficient des compétences de chacun ; et lorsque des services essentiels sont fournis, tels que des soins de santé, une éducation et un logement adéquats et accessibles, chacun en retire des avantages économiques, politiques et sociaux considérables.
Inversement, les sociétés qui excluent des groupes de personnes des opportunités et des ressources essentielles entravent la capacité de la nation tout entière à se développer à son plein potentiel. Ces violations des droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux engendrent des griefs et des tensions qui portent gravement atteinte à l’harmonie sociale et peuvent engendrer des conflits.
Excellences,
Selon la FAO, 821 millions de personnes souffrent de la faim chaque jour. Le chômage des jeunes est en augmentation : 70 millions de jeunes étaient au chômage en 2017. Les mesures d’austérité à court terme érodent les systèmes de protection sociale, avec des mesures d’économie à court terme qui ne tiennent pas compte des obligations et des engagements en matière de droits de l’homme pour la réalisation des objectifs de développement durable.
Nous devons encourager les dirigeants nationaux à mettre en place des budgets de défense des droits et à veiller à ce que les services essentiels restent accessibles, même en cas de coupes budgétaires. Par exemple, les mesures de protection sociale sont essentielles pour lutter contre le chômage des jeunes – en leur fournissant un accès à l’éducation supérieure, en améliorant leurs compétences pertinentes pour les marchés du travail et en garantissant les droits à la santé, à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement, à l’éducation et au logement.
Prenons un autre exemple : la protection sociale permet aux personnes handicapées d’acquérir une autonomie et de participer plus activement à la société, y compris en favorisant leur employabilité. Mais seulement 27 pour cent des personnes gravement handicapées dans le monde reçoivent une pension d’invalidité.
Près des deux tiers des enfants dans le monde - 1,3 milliard - ne sont pas couverts par des mesures de protection sociale. 71 % de nos concitoyens ne sont pas protégés ou ne le sont que partiellement par un système de sécurité sociale.
Même dans les pays disposant d’un système de retraite universel, le niveau des prestations est souvent insuffisant pour sortir les personnes âgées de la pauvreté. C’est particulièrement vrai pour les femmes âgées qui ont investi des années de leur vie à s’occuper de leurs enfants et de leurs parents âgés. Les politiques de protection sociale doivent également promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, au lieu de creuser les déséquilibres entre eux.
Les chiffres sont inquiétants et indiquent que nous devons redoubler d’efforts de toute urgence pour nous remettre sur les rails si nous voulons atteindre les OMD, en particulier la faim " zéro ", l’accès à un travail décent et la protection sociale universelle.
Je me joins de tout cœur à vous pour appeler les gouvernements, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux et de développement à adhérer à ce Partenariat mondial et à œuvrer en faveur d’une protection sociale véritablement universelle. Nous avons les moyens de permettre à chacun de vivre dans la dignité et de jouir de ce droit humain fondamental ; nous en avons les outils. Le Haut-Commissariat est prêt à vous appuyer dans cette entreprise vitale.
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