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Procédures spéciales

Observations préliminaires du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, Clément Nyaletsossi Voule, à l'issue de sa visite en Tunisie

01 Octobre 2018

TUNIS (28 septembre 2018) Je tiens d’abord à remercier le gouvernement de la République tunisienne pour l’invitation faite à mon mandat de visiter le pays du 17 au 28 septembre 2018.   Je viens de conclure cette visite et je profite pour exprimer ma sincère reconnaissance au gouvernement, à toutes les institutions et entités étatiques, au bureau du Haut- commissariat des droits de l’homme à Tunis, à la société civile et les autres acteurs impliqués dans la promotion et la protection des droits de l’homme pour leur accueil et disponibilité durant mon séjour. 

L'invitation du gouvernement tunisien à mon mandat vient à point nommé vu le contexte post- révolutionnaire et le processus démocratique dans lequel le pays est engagé depuis 2011.

Ma visite s’est déroulée dans un cadre de pleine coopération du gouvernement, ce qui m'a permis d’avoir des échanges fructueux avec les autorités. J'apprécie leurs contributions qui m’ont aidé à  mieux cerner les conditions dans lesquelles le droit de réunion pacifique et d’association sont garantis aujourd’hui en Tunisie.

A Tunis,  je me suis entretenu avec un nombre important d’autorités, à savoir le Chef du Gouvernement, le Secrétaire Général du gouvernement, le Ministre de l’Intérieur, le Ministre de la Justice, le Secrétaire d’Etat des affaires étrangères, le vice-gouverneur  de la banque centrale, les représentants du Conseil supérieur de la magistrature, la Secrétaire d’Etat à la migration, le Ministre des affaires religieuses, la Ministre de la femme, de la famille, de l’enfance et des seniors, la Ministre de la jeunesse et des sports, la commission des droits et des libertés du Parlement, le Service des relations avec les instances constitutionnelles et les droits de l’homme, et  les autorités locales  tel que le Maire de Tunis et le gouverneur d’Ariana. A l’intérieur du pays, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Gouverneur de Kébili.

J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer les autorités des institutions indépendantes, telles que l’Instance Vérité et Dignité (IVD), le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Centre IFEDA, l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) et le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Au cours de ma visite, j'ai rencontré des dizaines d’acteurs de la société civile représentant un large éventail de points de vue, intérêts et besoins sociaux, politiques et économiques. J’ai pu constater la vitalité de la vie associative dans des régions éloignées de la capitale où l’action des citoyens a permis de protéger le bien commun, et j’ai également eu l’occasion de constater le pouvoir de changement social des associations dans les grandes villes. 

Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris le temps de me rencontrer et de partager leurs histoires et témoignages. Certaines personnes se sont déplacées depuis des régions éloignées pour pouvoir me rencontrer. La diversité, l’énergie et la force de proposition de la société civile tunisienne est l’un des plus grands atouts de ce pays. Je la félicite pour son travail et son esprit d’ouverture et de dialogue.

Contexte de la visite : progrès et défis depuis la révolution de 2011

Progrès

Sept ans après la révolution de 2011, je constate que la Tunisie continue son processus de démocratisation avec l’adoption de nouvelles lois, la mise en place de nouvelles institutions, telles que : l’Instance Vérité et Dignité (IVD), l’instance nationale de la prévention de la torture, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), le Conseil supérieur de la magistrature (CMS), l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), l’Instance Nationale de la lutte contre la corruption (INLUCC)…

Il faut aussi souligner l’adoption du code des collectivités locales et l’organisation des élections municipales. 

Le pays a aussi signé et ratifié plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l’homme et a reçu la visite de près d’une quinzaine de rapporteurs spéciaux depuis 2011

Ces progrès sont aussi marqués par une dynamique d’implication de plusieurs acteurs, dont les mouvements sociaux et les acteurs de la société civile, qui sont des acquis de la révolution.

Avec l’adoption d’une nouvelle constitution en 2014, le pays a marqué sa volonté de s’engager dans un processus démocratique qui prend en compte les aspirations légitimes de sa révolution.

Défis

Sept ans après la révolution, des interrogations liées à l’avenir de la Tunisie persistent et créent un environnement d’incertitude. Malgré les progrès réalisés, le bilan du pays en termes de développement économique et de droits économiques, sociaux et culturels demeure mitigé.

Une autre dimension de contexte dans lequel ma visite s’est tenue est le processus de justice transitionnelle en Tunisie, qui constitue un exemple positif pour le reste du monde. La volonté des autorités de transition de faire la lumière sur le passé et d’éviter la non-répétition s’est manifestée par la mise en place de l’Instance Vérité et Dignité. Son mandat consiste à démanteler le système autoritaire et à faciliter la transition vers un État de droit en révélant la vérité sur les violations du passé, ainsi qu’en aidant les victimes à obtenir justice et réparation. Toutefois, les conditions politiques et administratives difficiles dans lesquelles l’instance mène son travail risquent d’impacter la réussite de sa mission, à savoir la lutte contre l’impunité, les garanties de non-répétition et la réparation des victimes.

Il faut aussi noter que le pays est toujours sous l’état d’urgence qui a été déclaré suite aux attentats de 2015.

En résumé, grâce aux réformes institutionnelles et légales, une culture du dialogue s’est développée en Tunisie depuis la révolution de 2011. Toutefois, les défis en termes de développement économique et menaces terroristes fragilisent les avancées positives.

Le droit à la liberté d’association

Cadre juridique

En ce qui concerne le droit d’association, il est régi par le décret-loi n°88-2011 du 24 septembre 2011 portant organisation des associations, qui consacre un régime de déclaration (notification) au lieu du régime d’autorisation (d’enregistrement). Ce texte a été conçu juste après la révolution, au moment où les aspirations de libertés étaient énormes. Il consacre un régime largement conforme aux normes internationales concernant la liberté d’association.

Avec cette nouvelle loi, le pays constate une floraison significative du nombre d’associations qui se sont multipliées de 9’000 en 2011 à plus de 21'500 aujourd’hui, selon le registre national des associations du centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations (IFEDA).

Cette augmentation des associations dans tout le pays confirme l’éveil démocratique et l’intérêt légitime de la société tunisienne de prendre une part active dans le processus démocratique à travers la protection et la promotion des droits de l’homme, la surveillance de l’action gouvernementale, la lutte contre l’impunité, la corruption et les inégalités sociales.

J'ai pu constater lors des différentes rencontres avec la société civile, à la fois dans la capitale et à l'intérieur du pays, que les leaders et membres des organisations, indépendamment de leurs activités et domaines d’intervention, sont attachés à ce cadre juridique, aux droits et aux devoirs qui y sont contenus.

En ce sens, la connaissance du droit qui régit les associations depuis 2011 contribue non seulement à donner un cadre juridique aux associations afin de s’organiser comme un des piliers fondamentaux de la transition démocratique dans le pays, mais aussi à la sécurité juridique, caractéristique propre d’une bonne gouvernance dont la Tunisie aspire à atteindre.

De plus, les articles 35 et 49 de la Constitution font également partie de ce cadre juridique du droit à la liberté d’association, en ce sens qu’ils apportent les garanties constitutionnelles nécessaires à ce droit. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la Tunisie le 18 mars 1969, garanti le droit de réunion pacifique à l’article 22.

Je constate que le défi qui se pose est la mise en œuvre effective du décret-loi 88 de 2011 qui nécessite une administration dotée de meilleures ressources permettant d'appliquer la teneur de la loi. Cette administration devrait aussi pouvoir faire face à l’augmentation du nombre d’associations, indicateur de la vivacité de toute démocratie.

Au cours de plusieurs réunions, il a été porté à ma connaissance des retards préjudiciables lors de la réception de l’accusé de réception, l’octroi du récépissé postal et les publications au journal officiel. Des allégations d'obstruction à la constitution de certaines associations, en particulier celles qui aspirent à avoir un mandat impliquant des actions telles que l'observation ou la surveillance ont aussi été portées à ma connaissance.

D’autres allégations sur l’utilisation du régime actuel pour créer des associations fictives, partisanes ou servant des objectifs illicites me préoccupent.

Je suis convaincu qu’à travers une mise en œuvre effective de ce cadre juridique avec les mécanismes appropriés permettra de lutter contre ses abus et les entraves constatées.

Je considère que le décret-loi 88 constitue un acquis de la révolution tunisienne et son intégrité nécessite d’être préservée.

Lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux

Je constate qu’aujourd’hui, il y a un important débat suscité suite à la vague d’attentats terroristes sur le pays depuis 2015 et aux exigences du Groupe d’Action Financière (GAFI) envers la Tunisie dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’adoption de la loi 30-2018 sur le registre national des entreprises et l’insertion des associations comme entité soumise à ce registre suscite des interrogations et des craintes sur l’utilisation de ce registre pour restreindre l’espace de la société civile.

Selon les informations reçus pendant ma visite, la raison d'être de l'adoption de cette loi est  d’assurer la transparence du financement des associations et la responsabilité des associations de déclarer officiellement leur existence, ce qui crée un nouveau régime parallèle à celle du décret-loi 88 mélangeant les associations à but non lucratif avec celles des entreprises à but lucratif.

J’estime que l’insertion des associations dans cette nouvelle loi est regrettable, car l’application d’un tel régime créerait un environnement défavorable pour la vie associative en Tunisie en imposant un nouveau régime très lourd, surtout pour les petites associations, qui seront dans l’incapacité de satisfaire aux exigences financières et matérielles de l’enregistrement. De plus, des sanctions lourdes imposées par ce nouveau régime pour omission ou négligence de s’enregistrer sont disproportionnées si l’on considère la nature humanitaire et non-lucrative des associations. De plus, cette loi crée un nouveau journal parallèle au journal officiel dans lequel les entités visées par la loi sont obligées de publier leurs opérations.

Je voudrais également souligner qu’en appliquant des mesures de contrôle axées spécifiquement sur les organisations de la société civile, très peu de cas de financement du terrorisme n’ont été détectés. Ce qu’il faudrait, c’est plutôt renforcer le renseignement financier.

À cet égard, pendant ma rencontre avec la Banque Centrale, j’ai été informé du travail de fond et des progrès atteints par le Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF) dans le cadre de l’évaluation nationale des risques sur le secteur des associations et j’ai constaté que le régime et les outils en vigueur permettent de trouver des solutions favorables à la diminution de ces risques. Ceci confirme qu’un nouveau registre incluant les associations n’est pas nécessaire pour combattre ces risques. Ce qui importe, c’est l’application cohérente du décret-loi n°88, la collaboration étroite avec l’administration et un système de renseignement financier solide pour empêcher tout financement illicite. J’invite donc les autorités à s’assurer que cette loi numéro 30 sera amendée pour retirer les associations soumises à ce registre.

La lutte contre le terrorisme n’est pas une lutte proportionnelle à la quantité de restrictions imposées à la société civile. Au contraire, les liens directs qu’elle a avec la population et le prodigieux travail qu’elle accompli dans les domaines de la réduction de la pauvreté, du maintien de la paix, de l’assistance humanitaire, des droits de l’homme et de la justice sociale, y compris dans des zones frontalières complexes comme à Médenine, jouent un rôle essentiel dans la réponse contre la menace du terrorisme.

Accès aux financements des associations

En outre, l’accès au financement public demeure problématique. Selon les informations reçues, un pourcentage élevé du financement public est destiné aux amicales. L’accès au financement public nécessite des procédures complexes que la plupart des associations ne sont pas en mesure de remplir. De plus, ce financement n’est pas à la hauteur de l’évolution du monde associatif depuis 2011.

Dans ces conditions, le financement étranger est la principale source des associations en Tunisie et sa restriction constituerait une menace pour leur existence. J’encourage les bailleurs de fonds et la communauté des donateurs en général, à soutenir financièrement la transition démocratique, avec des programmes visant à renforcer la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales et le maintien de l’espace de la société civile comme un éveil,     
 
Le droit de réunion pacifique

Cadre juridique

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la Tunisie le 18 mars 1969, garanti le droit de réunion pacifique à l’article 21. L’article 37 de la Constitution tunisienne de 2014 garantie également ce droit, mais il n’a jusqu’à présent pas été traduit en loi respectant les standards internationaux. Par conséquent, le droit de réunion pacifique continue à être régulé par une loi adoptée en 1969, sous le règne du Président Bourguiba. Cette loi 1969-4 réglementant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements, limite considérablement le droit de réunion pacifique et s’inscrit en contradiction avec la Constitution tunisienne de 2014 et les standards internationaux.

En outre, l’état d’urgence adopté en juillet 2015 et continuellement renouvelé depuis, interdit les grèves et les manifestations jugées menaçantes pour l’ordre public, et prohibe les rassemblements menaçant l’ordre public.

Il est nécessaire de réformer le cadre législatif régulant les manifestations pour le rendre conforme à la constitution et aux standards internationaux.

J’ai reçu un projet de loi organique relatif aux manifestations pacifiques en cours d’élaboration au niveau du Ministère de l’Intérieur et je souhaite vivement y apporter mes contributions.

La gestion des assemblées et l’usage de la force

La loi de 1969 permet aux forces de sécurité d’intervenir et de disperser une manifestation à tout moment en cas de menace à l’ordre public. A la suite de la révolution, des améliorations en termes de gestion des assemblées et d’usage de la force ont été observées. Malgré ces développements positifs, quelques débordements m’ont encore été reporté, dénotant la nécessité de former les forces de l’ordre à la bonne gestion des assemblées, ainsi que l’adoption de bonnes pratiques.

Des associations m’ont fait état de méthodes brutales et de manœuvres d’intimidation par les forces de l’ordre lors des manifestations de janvier 2018 qui ont eu lieu dans une vingtaine de villes en Tunisie contre les mesures d’austérité imposées par la loi de finance ainsi que l’augmentation des prix. Bien que des personnes se soient rendues coupables de pillages et d’actes de vandalisme, les actes de ces individus isolés ne dispensent pas l’Etat de son obligation positive de protéger les manifestants pacifiques en veillant à ce que les forces de sécurité ne recourent à la force qu’en cas d’absolu nécessité et de manière proportionnée.

Il est important que les autorités continuent de développer de bonnes pratiques en matière de gestion des manifestations. La culture de la gestion des manifestations par les forces de l’ordre doit évoluer vers une bonne gestion des assemblées répondant aux nouvelles exigences de l’ère post-révolution. Ce changement est d’autant plus nécessaire dans le contexte des élections de 2019.

Les motifs poussant la population à manifester

  1. Conditions économiques et sociales

  2. Les améliorations relatives au droit de réunion pacifique depuis la révolution ont permis de mettre en lumière les préoccupations en termes de droits économiques, sociaux et culturels du peuple tunisien. Les manifestations de janvier 2018 reflètent la frustration de nombreux Tunisiens de promesses non-tenues par la révolution en termes de développement économique. Cette situation pousse de nombreux jeunes à traverser la Méditerranée dans des conditions très dangereuses ou à se tourner vers des mouvements religieux extrémistes.

    Une autre source de mécontentement poussant le peuple à manifester concerne la gestion des ressources naturelles. Durant ma visite sur le terrain, j’ai rencontré des mouvements sociaux qui défendent le droit à un environnement sain. C’est le cas de la montagne de Jbel fadhloun où la population a manifesté pour empêcher l’exploitation d’une carrière qui aurait eu pour conséquence de détruire ces montagnes.

    J’appelle le gouvernement à non seulement permettre le droit de réunion pacifique, mais à s’attaquer également aux revendications légitimes du peuple tunisien en matière de développement économie et d’égalité sociale.

  3. La corruption

  4. La corruption a été une des raisons qui a provoqué les manifestations de décembre 2010 débouchant sur la révolution de jasmin. Le gouvernement a lancé un programme de lutte contre la corruption incluant des législations avancées, que ce soit en termes d’accès à l’information ou de protection des lanceurs d’alerte. La déclaration de patrimoine adoptée en août 2018 est également nécessaire pour rétablir la confiance en la classe politique. Il reste toutefois à voir comment ces normes seront exécutées. Mise en place par le décret-loi 210-2011, l’instance nationale de lutte contre la corruption a enregistré de nombreux progrès depuis sa création. Néanmoins, elle continue à rencontrer des obstacles, notamment en termes de moyens mis à sa disposition pour remplir son mandat. J’invite le gouvernement à instaurer la transparence de la gestion des ressources financière et naturelle du pays.

  5. La mise en place des institutions post-révolution

La constitution de 2014 a amené d’importants changements institutionnels et légaux visant à améliorer l’accès à la justice et l’indépendance du système judiciaire. Toutefois, le retard et les difficultés dans la mise en place des institutions constitue un sujet de frustration. Par exemple, la constitution de 2014 établit le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) qui garantit le bon fonctionnement de la justice et le respect de son indépendance. Composé de 45 juges de trois juridictions différentes, il fait actuellement face à certains défis notamment liés au manque de ressources matérielles ainsi qu’à la formation et à la promotion des magistrats. Des retards dans l’établissement du CSM ont des répercussions sur la mise en place de cette cour, qui n’a pas encore vu le jour. L’établissement dans les meilleurs délais de la Cour constitutionnelle, ainsi que de la nouvelles Cour des comptes et de l’Instance des droits de l’homme, est essentielle pour assurer le bon fonctionnement du jeu démocratique, surtout en cette période où des lois importantes sont adoptées

L’adoption de la loi relative à la réconciliation administrative, amnistiant des fonctionnaires accusés de corruption sous le régime de Ben Ali, met également en péril la justice transitionnelle.

 Défis liés au renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit

Dans le contexte d’équilibre précaire que traverse la Tunisie, la pleine jouissance du droit de réunion pacifique et d’association est essentielle pour assurer le succès de l’héritage de la révolution de jasmin, ainsi que pour maintenir la confiance des gouvernés en les gouvernants.

En effet, les manifestations telles que celles de janvier 2018 suite à l’adoption de la loi de finance montre à quel point un dialogue national sur les défis économiques et sociaux que traverse le pays est nécessaire. Ce dialogue national est essentiel afin d’assurer la confiance du peuple tunisien en son gouvernement. Cette confiance est aussi nécessaire pour mener les réformes législatives à la lumière de la constitution de 2014.

Le retard dans la mise en place des institutions prévues par la constitution de 2014, telles que la cour constitutionnelle et la cour des comptes menace les acquis de la révolution. En effet, sans la mise en place de ces institutions, le droit de réunion pacifique et d’association ne pourra être pleinement assuré.

Recommandations

Dans ce contexte, je souhaite formuler les recommandations suivantes :

  1. A l’endroit du gouvernement

  2. a. La mise en place urgente des institutions prévues par la constitution de 2014, en particulier la cour constitutionnelle. Celle-ci est nécessaire pour assurer le contrôle de constitutionalité des lois adoptées dans cette période critique.
    b. Le maintien de l’intégrité du décret-loi 88 de 2011, sa mise en œuvre effective et le renforcement des capacités des institutions pertinentes
    c. L’exclusion des associations du champ d’application de la loi 30-2018 relative au registre national des entreprises et la révision des articles sanctionnant solennellement  les associations dans les révisions de la loi organique 2015-26  relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent
    d. Le développement de bonnes pratiques respectant les standards internationaux en matière de gestion des manifestations
    e. Doter la police du matériel approprié pour la gestion des manifestations
    f. La révision de la loi 1969-4 réglementant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements afin que celle-ci soit en accord avec la Constitution tunisienne de 2014 et les standards internationaux.
    g. L’instauration d’un dialogue franc et permanent avec la société civile ainsi que les mouvements sociaux afin de relever les défis liés à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, une des causes principales des manifestations

  3. A l’endroit de la société civile

  4. a. Se conformer à l’intégralité des dispositions du décret-loi 88-2011 surtout en ce qui concerne la transparence, l’indépendance et la reddition des comptes.

  5. A l’endroit de la communauté internationale et des institutions financières.

    a. Soutenir la transition démocratique tunisienne en aidant le pays à relever ses défis économiques et sociaux
    b. Veiller à ce que la mise en œuvre des standards internationaux en matière de blanchiment et de lutte contre le terrorisme ne limite le droit de réunion pacifique et d’association, pilier essentiel de la transition démocratique tunisienne