Skip to main content

Procédures spéciales

Un expert onusien demande à la Turquie de libérer des détenus dans un contexte de “graves inquiétudes” au sujet de la liberté d’expression

Turquie: Liberté d’expression

18 Novembre 2016

GENEVE / ANKARA (18 Novembre 2016) – Le Rapporteur  spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, a exprimé aujourd'hui sa profonde inquiétude concernant les mesures systèmatiques utilisées en Turquie visant à affaiblir le droit à la liberté d’opinion et d’expression.

« De manière générale et unilatérale, le gouvernement impose des mesures drastiques qui portent atteinte à la liberté d'expression », a déclaré M. Kaye à l'issue d'une mission officielle d'une semaine effectuée dans le pays.

« La presse, les particuliers exerçant des activités en ligne, les artistes, les voix de l'opposition et bien d'autres font face à des pressions sans précédent, allant de la censure à la détention pure et simple. J’exhorte le gouvernement à mettre un terme à tout cela, et recommencer de nouveau à protéger et promouvoir les droits dont toutes les personnes vivant en Turquie doivent jouir, et cela, en vertu de la Constitution et du droit international en matière de droits de l’homme. »

M. Kaye a déclaré que la Turquie était confrontée à une multitude de menaces, et qu’il éprouvait beaucoup de compassion à l’égard de ceux qui continuent à ressentir le choc causé par la tentative de coup d'Etat du 15 juillet, les décès et les blessures qui en ont découlé, ainsi que l’effet dévastateur qu’elle a eu sur les institutions démocratiques turques.
Puis a-t-il rajouté: « Il est indéniable que la Turquie a la responsabilité de protéger la vie de chaque individu vivant dans le pays, et d'assurer le maintien du respect des libertés démocratiques ».

«Le gouvernement m’a fait part de ses préoccupations relatives à la sécurité nationale, des craintes qui seraient d’ailleurs sources d’inquiétude pour n’importe quel autre gouvernement. Toutefois, les attaques injustifiées contre les avocats, les juges, les journalistes, les artistes, les universitaires, de même que celles menées à l’encontre des activistes minent la sécurité et engendrent une polarisation et une instabilité sur le long terme.

L'expert de l'ONU a noté que la protection des vies humaines et des institutions démocratiques devait s’accompagner de mesures conformes aux obligations souscrites par la Turquie au niveau international. Il a partagé sa profonde préoccupation devant le fait que plusieurs lois - en particulier la loi antiterroriste, les décrets d'urgence, la pénalisation de la diffamation à l’encontre du président et les règlements portant sur l’usage de l’internet – ouvraient la voie à des attaques imposées à la liberté d'expression, des violations qui demeurent inutiles et disproportionnées, même dans un contexte d’état d'urgence.

Au cours de sa visite, il a constaté que les lois antiterroristes étaient régulièrement utilisées comme base pour criminaliser les reportages, et en profiter pour fermer tous types de médias. Il a déclaré que la situation concernant la liberté d'expression était «grave».

« Je lance un appel fort au gouvernement, et l’exhorte de libérer immédiatement tous les détenus emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la liberté d'opinion et d'expression », a déclaré M. Kaye.

Le Rapporteur spécial a affirmé que lors de sa visite, il a eu l’honneur de rencontrer plusieurs personnes qui avaient été arrêtées en raison du travail qu’elles effectuaient dans les médias. Les réunions se sont tenues avec l'autorisation préalable du Ministère de la Justice.

Cinq des détenus qu'il a rencontrés travaillent pour le journal Cumhuriyet, et sont gardés en détention à la prison de Silivri à Istanbul: Hakan Karasınır, Bülent Utku, Güray Tekin Öz, Mustafa Kemal Güngör, et Onder Celik. Il a également rencontré l'écrivaine et activiste Necmiye Alpay à la prison pour femmes de Borokoy à Istanbul et s’est entretenu avec les avocats et associés d’autres détenus.

M. Kaye a déclaré qu’à son grand regret, le ministère de la Justice lui avait malheureusement refusé l'accès à huit autres écrivains et journalistes - Asli Erdogan, Ahmet Altan, Mehmet Altan, Kadri Gursel, Murat Sabuncu, Turhan Gunay, Musa Kart, Guray Tekin- ainsi qu’au juge de la CPI Aydin Sefa Akay.

« J’invite le gouvernement à non seulement libérer tous ces individus, mais aussi leurs collègues et autres personnes détenues à travers tout le pays, suite à des accusations similaires » a-t-il déclaré.

L'expert de l'ONU s'est dit particulièrement préoccupé par le nombre alarmant de licenciements au niveau des universités et des médias.

« Les mesures aussi drastiques que disproportionnées, sont dépourvues de toute forme de transparence», a-t-il lancé. « Tout comme avec les professionnels des médias, le gouvernement accuse les gens de crimes graves, sans présenter de preuve, sans passer par les procédures requises, et le tout est orchestré sans aucune forme de transparence. »

Il a souligné l’importance de mettre en place des mécanismes de recours et des systèmes d'appel indépendants.
M. Kaye a également attiré l'attention sur les violations portées à la liberté d'expression des artistes, des médias et des universitaires kurdes.

Les organisations non gouvernementales ont signalé une détérioration de leur environnement de travail, 370 ONG ont notamment été suspendues le 11 novembre 2016. La société civile continue d’être la cible d’un contrôle accru exercé par  gouvernement, tout en étant victime de censure et de pressions administratives, a-t-il noté.

« La Turquie jouit d'une société civile dynamique, que les autorités ont le devoir de protéger et de promouvoir », a déclaré M. Kaye. «La société civile est l'allié de n’importe quel gouvernement dans la promotion de la stabilité et de la croissance économique. C'est avec un profond regret que je note les mesures austères prises par les autorités allant dans le sens inverse».
Faisant référence au blocage de réseaux et de sites internet, y compris les services mobiles, le Rapporteur spécial a souligné que ces mesures étaient disproportionnées et incompatibles avec les normes internationales. «Le Parlement devrait envisager d'adopter une loi qui imposerait des restrictions au pouvoir arbitraire et unilatéral de bloquer l'internet et les communications mobiles», a-t-il déclaré.

M. Kaye a conclu ses propos en soulignant son intention de travailler davantage avec le Gouvernement turc dans le but d’améliorer l’environnement juridique et politique pour un plus grand respect des libertés fondamentales. 

«La Turquie a maintenu un dialogue ouvert et de qualité avec différents mécanismes de défense des droits de l'homme. Je remercie les autorités de leur volonté à participer à des discussions franches, et je me réjouis à l'idée d'échanger de plus amples informations concernant mes inquiétudes », a-t-il déclaré.  

L'expert qui a visité le pays suite à l'invitation du Gouvernement turc soumettra un rapport au Conseil des droits de l'homme sur les principales conclusions de sa visite et formulera des recommandations pour la promotion du droit à la liberté d'expression dans le pays. Au cours de sa visite, il a également tenu des réunions avec un certain nombre d'autorités nationales et des discussions avec des organisations non gouvernementales, des journalistes, des artistes, les médias, des détenus, des activistes et des avocats.

 (*) Consulter la déclaration intégrale de fin de mission du Rapporteur spécial: http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20891&LangID=E

FIN

David Kaye (Etats Unis) a été nommé Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d’expression en Août 2014 par le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies. Pour en savoir plus, consultez le site: http://www.ohchr.org/EN/Issues/FreedomOpinion/Pages/OpinionIndex.aspx

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des Droits de l’Homme. Les Procédures spéciales, constituant le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom généralement attribué aux mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil. Les titulaires de mandat en vertu des Procédures spéciales sont des experts indépendants des droits de l'homme nommés par le Conseil des Droits de l'Homme pour répondre à des situations nationales spécifiques, ou à des questions thématiques à travers le monde entier. Ils ne sont pas membres du personnel de l'ONU et ne dépendent d’aucun gouvernement ou organisation. Ils siègent à titre personnel et ne sont pas rémunérés pour leur travail.

Consulter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques:
http://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/CCPR.aspx

Site web des Nations Unies dédié à la Turquie, en matière des Droits de l’Homme: http://www.ohchr.org/EN/Countries/ENACARegion/Pages/TRIndex.aspx

Pour plus d’informations et demandes des médias, veuillez s’il vous plait contacter M. Stefano Sensi (+41 79 444 3707 / ssensi@ohchr.org), Mlle Azin Tadjdini (+90 539 381 2112 / +41 79 444 4702 / atadjdini@ohchr.org)

Pour vos sites d’informations, d’actualités et médias sociaux: Le contenu multimédia & les messages clés relatifs à nos communiqués de presse sont disponibles via les supports des réseaux sociaux des Droits de l’Homme pour les Nations Unies, listés ci-dessous. Prière de nous taguer en utilisant les termes appropriés tels que spécifiés ci-dessous:
 
Twitter: @UNHumanRights
Facebook: unitednationshumanrights
Instagram: unitednationshumanrights
Google+: unitednationshumanrights
Youtube: unohchr

VOIR CETTE PAGE EN :