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Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Turkménistan

Le rapport du Turkmenistan

22 Novembre 2016

Comité contre la torture 

22 novembre 2016

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Turkménistan sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Meret Taganov, Ministre adjoint de la justice du Turkménistan, a déclaré que le pays ne tolérait la torture sous aucune forme.  Affirmant que des progrès importants avaient été accomplis dans les différents domaines couverts par la Convention, il a indiqué que le Parlement avait adopté une nouvelle législation nationale davantage en accord avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.  A notamment été adopté un nouveau texte de Constitution, dont un chapitre est consacré aux droits et libertés; les principales modifications apportés sont celles qui prévoient que les droits et les libertés sont inaliénables et inviolables, a souligné M. Taganov.  La présomption d’innocence est consacrée par la loi, laquelle prévoit également que nul ne peut être soumis à de la torture, a poursuivi le Ministre adjoint.

Un projet de loi est actuellement à l’étude au Parlement qui vise la création d’une institution de médiateur des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris; ce projet de loi devrait être adopté sous peu, a par ailleurs indiqué M. Taganov.  Le Parlement a adopté en 2012 une nouvelle loi intégrant dans la législation pénale (Code pénal) un article qui traite directement de la torture conformément aux dispositions de la Convention, a-t-il en outre fait valoir. 

La délégation turkmène était également composée de M. Atageldi Haljanov, Représentant permanent du Turkménistan auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Pirnazar Hudaynazarov, Président du Comité de la législation au Parlement turkmène ; et de M. Begench Hojamammedov, Vice-Président de la Cour Suprême. 

La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s’agissant, notamment, de l’indépendance du système judiciaire ; de la définition de la torture ; de l’institution du Médiateur ; de la présomption d’innocence et du faible nombre d’acquittements prononcés dans le pays ; de la garde à vue et autres questions de procédure pénale ; des conditions de vie en détention ; des mesures de prévention de la torture ; de la lutte contre la traite de personnes ; ou encore du travail forcé lors de la récolte du coton.

Mme Felice Gaer, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Turkménistan, a regretté que la Constitution ne prévoie pas d’abrogation de la torture en cas d’état d’urgence ou de loi martiale.  Elle a en revanche salué les amendements apportés au Code pénal concernant l’incrimination de la torture et sa définition. Elle a néanmoins exprimé des préoccupations s’agissant du cadre juridique global et plus particulièrement de la Constitution qui ne mentionne pas expressément l’interdiction absolue de la torture. La rapporteuse a souhaité que les autorités turkmènes prennent des mesures établissant clairement que les responsables de torture ou de disparition forcée ne peuvent être ni graciés, ni amnistiés.

Mme Gaer a ensuite fait part de ses préoccupations face aux allégations systématiques faisant état d’actes généralisés de torture à l’encontre des détenus et a rappelé que le Gouvernement turkmène avait pourtant pour sa part déclaré qu’il n’y avait pas eu de plainte pour torture et mauvais traitements commis par des agents de l’État.  Le Comité a reçu des allégations concernant de nombreux cas de torture et de détention secrète, a insisté la rapporteuse, avant de souligner que personne ne savait si les victimes de ces actes étaient en vie ou décédées et de rappeler que la détention secrète était en elle-même une violation de la Convention. Mme Gaer a souligné que la torture dans les centres de détention semblait donc se poursuivre depuis l’examen du précédent rapport du Turkménistan devant le Comité, en 2011, et a déploré qu’aucune enquête n’ait été ouverte face à ces allégations. 

M. Kening Zhang, corapporteur du Comité pour l’examen du Turkménistan, s’est notamment enquis de la prise en charge par les autorités des détenus atteints de tuberculose, avant de s’inquiéter de certaines allégations selon lesquelles, en raison de la surpopulation carcérale, certains détenus malades auraient été mélangés avec les autres détenus, ce qui aurait favorisé la contagion au sein des prisonniers.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Turkménistan et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 7 décembre.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Arménie.

Présentation du rapport

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique établi par le Turkménistan (CAT/C/TKM/2) sur la base d’une liste de points à traiter (CAT/C/TKM/Q/2) que lui avait adressée le Comité.

M. MERET TAGANOV, Ministre adjoint de la justice du Turkménistan, a souligné que cette année marquait le vingt-cinquième anniversaire pour le Turkménistan de la construction d’un État laïc et démocratique. Il a déclaré que le pays, qui a adhéré à la Convention, ne tolérait la torture sous aucune forme.  Le chef de la délégation turkmène a ensuite estimé que des progrès importants avaient été accomplis dans les différents domaines couverts par la Convention. Le Parlement a adopté une nouvelle législation nationale davantage en accord avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, a-t-il indiqué.  A notamment été adopté un nouveau texte de Constitution qui revoit les pouvoirs et compétences des différents organes de l’État, a-t-il précisé, ajoutant qu’un chapitre de cette nouvelle Constitution est consacré aux droits et libertés de la population du Turkménistan. Les principales modifications apportés sont celles qui prévoient que les droits et les libertés sont inaliénables et inviolables, a souligné M. Taganov.  Les normes concernant la  « suspension des droits et des libertés » ont été remplacées et d’une manière générale, la protection des droits de l’homme est renforcée dans cette nouvelle Constitution, a-t-il insisté.

La présomption d’innocence est consacrée par la loi, laquelle prévoit également que nul ne peut être soumis à de la torture, a poursuivi le Ministre adjoint. L’État garantit le droit à l’aide juridictionnelle gratuite, a-t-il ajouté.  Un projet de loi est actuellement à l’étude au Parlement qui vise la création d’une institution de médiateur des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris; ce projet de loi devrait être adopté sous peu, a précisé M. Taganov.

Le Parlement a adopté en 2012 une nouvelle loi intégrant dans la législation pénale (Code pénal) un article qui traite directement de la torture conformément aux dispositions de la Convention. Cette loi prévoit notamment la mise en place d’un système de protection des témoins et des victimes, a précisé le Ministre adjoint de la justice du Turkménistan.  Par ailleurs, toute une gamme de nouvelles lois a été adoptée dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. La loi sur la liberté de croyance et la liberté de religion, par exemple, interdit les activités des mouvements religieux extrémistes, a précisé M. Taganov.

Des cours dans le domaine des droits de l’homme sont organisés par la Cour Suprême, a poursuivi le Ministre adjoint.  Le Ministère de l’intérieur a pris des mesures de lutte contre le mariage précoce, notamment en lançant une série de campagnes de sensibilisation à travers tout le pays, a-t-il ajouté.  Des mesures ont en outre été prises pour combattre les violences et le bizutage au sein de l’armée et des examens médicaux sont organisés pour chaque allégation de violence ou de torture, a-t-il par ailleurs fait valoir.

M. Taganov a assuré que toutes les observations et recommandations du Comité ont été prises en compte.  Le plan national des droits de l’homme y fait référence et le Turkménistan a entamé une nouvelle étape de réformes judiciaires et de transformation des institutions afin de fournir aux citoyens de meilleures garanties pour leurs libertés, a-t-il conclu.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Turkménistan, a regretté que la Constitution ne prévoie pas d’abrogation de la torture en cas d’état d’urgence ou de loi martiale.  Elle a en revanche salué les amendements apportés au Code pénal concernant l’incrimination de la torture et sa définition. Elle a néanmoins exprimé des préoccupations s’agissant du cadre juridique global et plus particulièrement de la Constitution qui ne mentionne pas expressément l’interdiction absolue de la torture. La rapporteuse a souhaité que les autorités turkmènes prennent des mesures établissant clairement que les responsables de torture ou de disparition forcée ne peuvent être ni graciés, ni amnistiés.

Mme Gaer a fait part de ses préoccupations face aux allégations systématiques faisant état d’actes généralisés de torture à l’encontre des détenus et a rappelé que le Gouvernement turkmène avait pourtant pour sa part déclaré qu’il n’y avait pas eu de plainte pour torture et mauvais traitements commis par des agents de l’État.  La rapporteuse a souligné que le Comité avait reçu des allégations concernant de nombreux cas de torture et de détention secrète.  Elle a relevé que personne ne savait si les victimes de ces actes étaient en vie ou décédées et a rappelé que la détention secrète était en elle-même une violation de la Convention. L’experte a demandé si des enquêtes avaient été ouvertes sur ces différents cas et notamment sur la détention arbitraire prolongée de 17 personnes, accompagnée d’allégations de torture, dans une petite ville à une dizaine de kilomètres d’Achgabat.  Mme Gaer a demandé davantage d’informations sur une série de cas de détention secrète, de torture ou de décès en prison de journalistes, de Témoins de Jéhovah et de personnalités politiques. Elle a souhaité savoir ce qu’il en était de la protection des témoins dans ces affaires et s’est également enquise des mesures prises en matière de protection des personnes qui ont coopéré avec le Comité, afin qu’elles ne soient pas soumises à des représailles, notamment sous forme de torture.  Mme Gaer a également voulu connaître le point de vue de la délégation turkmène s’agissant des allégations de torture qui aurait été commise dans le camp de travail de Seidy; elle a souhaité savoir si les auteurs de ces actes avaient été poursuivis.

Mme Gaer a souligné que la torture dans les centres de détention semblait se poursuivre depuis l’examen du précédent rapport du Turkménistan devant le Comité, en 2011, et a déploré qu’aucune enquête n’ait été ouverte face à ces allégations.  Elle s’est enquise des mesures prises pour abolir la « détention incommunicado » (détention au secret) et pour garantir à chacun le droit à un procès équitable.  Elle s’est également enquise des mesures prises en matière de prévention de la torture, s’agissant notamment du droit d’accès à un avocat et du droit d’accès à un examen médical réalisé par un médecin indépendant.

Mme Gaer a demandé à la délégation si des personnes avaient déjà été libérées après que leur détention eut été considérée comme illégale.  Les familles et les proches des détenus ont-ils accès au registre centralisé des détenus, a-t-elle aussi demandé?  La délégation peut-elle en outre confirmer que tous les interrogatoires sont enregistrés dans les commissariats?  

L’experte s’est ensuite enquise des procédures de sauvegarde pour les mineurs et des mesures prises pour amender les lois afin d’exiger la présence d’un avocat ou d’un membre de la famille lorsqu’un mineur est interrogé par la police.

Si le Président du pays a la capacité de nommer et de limoger le médiateur, alors il y a là un problème d’indépendance de cette institution, a ensuite fait observer la rapporteuse. 

Mme Gaer a par ailleurs demandé à la délégation quand les autorités turkmènes comptaient ratifier le Protocole facultatif à la Convention comme elles s’y sont engagées.

Qu’en est-il de la possibilité pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ou pour les procédures des Nations Unies comme le Groupe de travail sur la détention arbitraire, entre autres, de réaliser des visites inopinées dans les lieux de détention du pays, a d’autre part demandé la rapporteuse?

L’experte a ensuite estimé qu’il y avait des soucis concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire; elle a constaté que selon la Constitution, c’est toujours le Président du pays qui nomme et destitue les juges. 

Mme Gaer a par ailleurs demandé davantage d’informations sur les violences faites aux femmes, aussi bien dans les centres de détention que dans le cadre domestique. Elle a souhaité savoir si une enquête avait été ouverte concernant les violences contre les femmes détenues de la prison de Dashoguz.  Elle s’est enquise des mesures d’indemnisation et de réparation prévues pour les femmes victimes de violence et ce qu’il en était des centres d’accueil pour ces victimes.  La rapporteuse s’est également enquise des mesures prises pour poursuivre les auteurs de la traite et protéger les victimes.  Elle s’est aussi enquise des mesures prises pour lutter contre le travail forcé durant la récolte de coton.

Mme Gaer a en outre demandé s’il y avait eu des cas de refoulement de migrants vers des pays où ils risquaient d’être torturés et a souhaité savoir si les demandeurs d’asile avaient accès à un conseil juridique gratuit.

Mme Gaer a par la suite souhaité en savoir davantage sur les mécanismes permettant d’effectuer des visites de contrôle inopinées dans les lieux de détention.

La rapporteuse s’est dite préoccupée par l’effectivité de la liberté de la presse dans le pays en soulignant que les journalistes de « Radio Free Europe », la seule radio indépendante du pays, étaient harcelés lors de la couverture d’événements.

Mme Gaer a demandé à la délégation si elle pouvait assurer le Comité qu’aucune représailles ne seraient exercées contre les personnes dont les noms ont été mentionnés durant cette séance et contre celles qui ont fourni des informations au Comité.

Elle a en outre insisté pour savoir si des enquêtes avaient ouvertes suite aux allégations de torture et de violences physiques à l’encontre des Témoins de Jéhovah.

Mme Gaer a par ailleurs souhaité obtenir des données ventilées sur les demandeurs d’asile enregistrés dans le pays ces dernières années et les pays vers lesquels ils ont été renvoyés en cas de rejet de leur demande. 

M. KENING ZHANG, corapporteur du Comité pour l’examen du Turkménistan, a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises pour dispenser aux personnels concernés des formations continues sur les dispositions de la Convention, s’agissant plus particulièrement des agents de l’État ayant un contact avec des détenus. Il par ailleurs demandé davantage d’informations sur le mémorandum d’accord signé avec le CICR concernant les visites dans les lieux de détention.  Le corapporteur a demandé à la délégation si le pays était pourvu d’un système indépendant de contrôle et d’inspection des lieux de détention et si les rapports de ce système étaient publiés.

M. Zhang a par ailleurs souhaité savoir si les familles concernées avaient le droit de demander une autopsie indépendante dans le cas du décès d’un de leurs proches en prison.  Il s’est également enquis des mesures prises pour réduire la surpopulation carcérale et mettre en œuvres les Règles Mandela concernant le traitement des détenus.

Qu’en est-il par ailleurs de la prise en charge par les autorités des détenus atteints de tuberculose, a demandé le corapporteur, faisant état de certaines allégations selon lesquelles, en raison de la surpopulation carcérale, certains détenus malades auraient été mélangés avec les autres détenus, ce qui aurait favorisé la contagion au sein des prisonniers?

M. Zhang a ensuite demandé à la délégation des informations sur les mesures prises pour améliorer les conditions de détention des prisonniers dans les différentes prisons du pays et pour mettre fin au frein mis au droit de visite des proches et des familles des détenus.

Le corapporteur s’est également enquis des éventuelles enquêtes et procédures engagées contre les agents de l’État auteurs de torture ou de mauvais traitement et a souhaité savoir si les victimes avaient reçu des indemnisations ou profité de mesures de réinsertion.

L’expert s’est d’autre part enquis des mesures concrètes prises pour assurer que des aveux obtenus sous la torture ou des mauvais traitements ne puissent pas être invoqués devant les tribunaux et soient irrecevables.  La délégation turkmène peut-elle fournir des exemples d’affaires dans lesquelles des aveux ont été exclus de la procédure?

M. Zhang s’est également enquis des mesures prises pour assurer la liberté de la presse.

M. Zhang a ensuite demandé si les autorités comptaient accélérer les décisions d’octroi de la nationalité turkmène aux personnes apatrides dont les dossiers sont bloqués depuis de nombreuses années.

Le corapporteur a d’autre part relevé que les informations reçues par le Comité provenant de la société civile concernant les conditions de détention étaient contraires à celles fournies par la délégation. Des organisations de la société civile dénoncent des problèmes de surpopulation et allèguent de cas de torture dans certaines prisons, a-t-il souligné.  Il a en outre souhaité savoir pourquoi dans les prisons, l’espace vital légal est de trois mètres carrés par détenus, ce qui est en-deçà de la norme minimale fixée au niveau international.


Un autre expert a relevé que le taux d’incarcération était très élevé au Turkménistan, avec 543 détenus pour 100 000 habitants.  En mai 2015, 26 300 détenus étaient recensés sur tout le territoire, a-t-il précisé; il a déploré le taux de mortalité élevé au sein de cette population et a souligné combien les conditions de détention étaient pénibles dans ce pays, avec de nombreuses allégations de torture, de graves problèmes de surpopulation, des violences sexuelles ou encore la propagation de maladies infectieuses telles que la tuberculose.

Une experte a fait observer qu’au Turkménistan, la pratique du déplacement de personnes en dehors de l’état d’urgence était une réalité, avec des expulsions forcées dans certaines régions et la démolition des habitations pour permettre la tenue de grands événements, notamment sportifs.  Cette même experte s’est en outre montrée très préoccupée par la situation des femmes détenues, qui vivent dans des conditions de détention très difficiles; elles sont les victimes de violences, notamment sexuelles, et de mauvais traitements généralisés.  L’experte a par ailleurs noté un taux très élevé de suicide au sein de cette population.

Une autre experte s’est elle aussi inquiétée des conditions de détention des femmes.  Elle a souhaité connaître la réaction de la délégation face aux informations qui s’inquiètent du traitement des femmes placées en isolement et de pratiques telles que la mise en place d’un système de climatisation afin de faire subir aux prisonnières des températures très basses ou très hautes. 

Un membre du Comité a souhaité savoir s’il existait dans le pays un mécanisme indépendant de dépôt de plaintes.  Ce même expert a souligné qu’il y avait de nombreux demandeurs d’asile turkmènes à l’étranger, dont certains ont obtenu le statut de réfugiés car il existait pour eux un risque de torture s’ils retournaient au Turkménistan.

Une autre experte s’est inquiétée du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, relevant que les juges étaient nommés par le Président tous les cinq ans, ce qui est contraire au principe d’inamovibilité des juges.  L’experte a en outre souligné que le délai entre l’arrestation d’une personne et sa présentation devant le ministère public était trop long, compte tenu du fait que durant les 72 heures que peut durer la garde à vue avant que la personne soit présentée devant un juge, celle-ci est à la merci de la police sans que le juge ne soit informé.

Un expert s’est inquiété d’informations laissant apparaître qu’un seul acquittement aurait été prononcé depuis l’indépendance du pays.  Toute personne qui passe devant la justice serait donc vouée être condamnée, s’est-il étonné.

Réponses de la délégation

La délégation a affirmé que le Turkménistan connaissait des transformations profondes en matière de droits de l’homme.  La toute récente réforme constitutionnelle a prévu l’intégration d’un grand nombre de normes  et de textes internationaux, a-t-elle fait valoir.  Le pays accorde de l’importance aux normes issues du droit international et tient à assumer ses responsabilités en matière de droits de l’homme, a-t-elle insisté.

La délégation a ensuite souligné que les droits et libertés dans le pays se fondaient sur toute une série de lois et de principes, dont celui de l’indépendance du système judiciaire. La délégation a en outre souligné que l’indépendance des juges était garantie, du moment de leur nomination jusqu’à leur départ. Selon la Loi, les juges sont nommés pour cinq ans par le Président de la République et peuvent être destitués par une Commission.  Les juges sont indépendants et se soumettent à la loi.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Code pénal avait été modifié et qu’une définition de la torture conforme à la Convention y avait été intégrée.  En outre, le Code pénal prévoit des circonstances aggravantes pour les actes de torture commis sur les mineurs, les femmes ou les personnes handicapées.

Contrairement à ce qui a été avancé par certains membres du Comité, les lois concernant l’état de guerre et l’état d’urgence ne permettent pas le recours à la torture, a d’autre part souligné la délégation.

Concernant la création du bureau du médiateur, la délégation a expliqué que la nomination du médiateur était, selon la Constitution, du ressort du Parlement, sur proposition du Président. Le projet de loi portant création de cette institution, qui doit être adopté sous peu, a pris en compte les exemples internationaux dans ce domaine et respecte tous les Principes de Paris, a-t-elle assuré.  La délégation a ensuite indiqué que le Médiateur serait chargé de la mise en place d’un mécanisme de protection indépendant. L’institution du Médiateur sera indépendante des institutions de l’État, aura un mandat important et des ressources humaines et financières suffisantes, a insisté la délégation, précisant que les organes de l’État et la société civile collaboreront pleinement avec le Médiateur.  Le bureau du Médiateur aura le droit de réaliser des visites dans les différents lieux de détention du pays et de s’entretenir avec les détenus en toute confidentialité, a en outre fait valoir la délégation. Cela permettra au Turkménistan d’adhérer à un maximum de conventions relatives aux droits de l’homme puisque le pays sera ainsi doté d’une institution nationale des droits de l’homme.

La délégation a indiqué que durant la période 2016-2020, des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies seraient invités dans le pays. 

Le Plan national d’action pour la lutte contre la traite pour la période 2016-2018 a été préparé avec l’Organisation internationale pour les migrations et une loi sur la lutte contre la traite a été élaborée pour accompagner ce Plan.  Cette loi définit les principales priorités de l’État dans ce domaine; elle intègre notamment une série de mesures de protection et de réinsertion des victimes.  Les personnes reconnues victimes de traite ne sont pas passibles de sanctions pénales, a souligné la délégation, précisant que la loi prévoit de nouvelles normes en matière de reconnaissance des victimes.  La délégation a précisé qu’au cours des deux dernières années, quatre affaires pénales ont été ouvertes concernant des cas de traite; quatre personnes ont été condamnées à des peines de privation de liberté.

La délégation a d’autre part rappelé que la Constitution prévoyait que toute victime a le droit d’exiger des indemnisations pour des dommages matériels ou moraux découlant de mauvais traitements infligés par des agents de l’État. Les victimes peuvent aussi bénéficier d’un soutien médical et psychologique.

La délégation a ensuite indiqué que la loi de lutte contre le terrorisme de 2003 devrait être amendée sous peu pour être rendue conforme aux dispositions prévues dans la nouvelle Constitution.

Le Code pénal prévoit qu’en cas d’interrogatoire d’un mineur, la présence d’un avocat et d’un éducateur est obligatoire. L’avocat doit être présent à toutes les étapes de la procédure; l’assistance du conseil est garantie gratuitement pour les mineurs, a d’autre part fait valoir la délégation.

S’agissant de la procédure pénale, la garde à vue peut être prolongée au-delà des 72 heures, mais ne peut pas dépasser deux fois deux semaines. Dans tous les cas de garde à vue, les motifs, la date, l’heure et le lieu doivent être établis et consignés et l’organe chargé des poursuites doit informer dans un délai déterminé les proches ou la famille de la personne placée en garde à vue.  L’ambassade ou le consulat du pays dont la personne placée en garde à vue est ressortissante doivent être informés dans le cas où la garde à vue concerne un étranger.

La liberté de la presse est garantie par la Constitution, a par ailleurs souligné la délégation, ajoutant que chaque média est néanmoins responsable du message qu’il diffuse.  L’indépendance des journalistes est garantie et obliger des journalistes à révéler leur source expose les autorités à des sanctions.

La délégation a ensuite expliqué que le Président de la République prononçait un certain nombre d’amnisties au profit de personnes privées de liberté. Il s’agit de mesures d’ordre humanitaire qui montrent l’attachement de l’État au respect des principes de droits de l’homme, a affirmé la délégation.

Le faible nombre d’acquittements prononcés dans le pays s’explique, selon la délégation, par le fait qu’une action en justice n’est engagée qu’une fois que l’enquête a permis de déceler des preuves objectives.

Selon la loi, aucune personne ne peut être amenée à s’auto-accuser, a souligné la délégation. La Constitution prévoit la présomption d’innocence. Une condamnation doit être fondée sur des preuves objectives. Aucune preuve obtenue de manière illégale ne peut être prise en compte devant les tribunaux.

La délégation a expliqué qu’une commission est en charge d’étudier les plaintes des citoyens contre des agents de l’État. Au total, quelque 349 plaintes ont été déposées depuis le début de l’année, mais elles ne concernaient pas des actes de torture ou de mauvais traitement, a-t-elle précisé.

Le respect du droit des personnes se trouvant dans des lieux de privation de liberté est une priorité pour le Gouvernement, a poursuivi la délégation.

La délégation a assuré que dans tous les cas de décès dans les lieux de détention, une autopsie était réalisée dont les résultats sont transmis à la famille du défunt.

Selon les experts internationaux, le Code d’application des peines adopté en mars 2011 est conforme aux normes internationales, a déclaré la délégation, avant d’ajouter que les conditions de vie en prison sont conformes à ce Code. Les détenus disposent d’un lieu où dormir et de sanitaires qui répondent aux prescriptions d’hygiène et sont conformes aux conditions climatiques.  La surface minimum par détenu dans les prisons ne peut être inférieure à trois mètre carrés et dans la réalité, elle est supérieure à ce seuil minimum prévu par la loi, a en outre fait valoir la délégation.  Les prisons sont sans cesse rénovées et modernisées et de nouveaux établissements pénitentiaires ont été construits dans le pays, a-t-elle ajouté.  Un nouvel établissement pour femme a été récemment construit qui répond pleinement aux normes internationales; dans cet établissement, une crèche permet aux détenues de garder leurs enfants jusqu’à l’âge de trois ans.  Il existe des normes régissant l’hygiène, l’alimentation et les biens personnels des détenus au Turkménistan, a également souligné la délégation.

La délégation a expliqué qu’à l’heure actuelle, huit entreprises dans le pays emploient des détenus; elles fabriquent des tissus, des tentes, des chaussures ou encore des uniformes. Cela permet aux détenus de développer des compétences et de l’expérience, a déclaré la délégation, précisant que les détenus perçoivent un salaire pour ce travail.

Les détenus ont accès à un médecin de leur choix, a poursuivi la délégation. Les soins préventifs et curatifs sont prodigués sur la base de la loi relative à la santé. L’aide médicale passe par la collaboration des centres de santé du pays, a expliqué la délégation, tout en soulignant que dans chaque prison, il y a un quartier médical. Des quartiers distincts sont prévus pour les personnes souffrant de tuberculose, a ensuite précisé la délégation, avant d’attirer l’attention sur l’existence d’un plan national de lutte contre la tuberculose dans les centres de détention. Un système de ventilation particulier a été installé dans les quartiers des prisons réservés aux malades, a insisté la délégation.

La délégation a rejeté toute allégation d’essais thérapeutiques sur les prisonniers. 
Il existe bien un registre consignant les informations pour l’ensemble des détenus du pays, a par ailleurs souligné la délégation. Pour prévenir la torture, les autorités ont équipé les commissariats, les cellules d’isolement et les établissements pénitentiaires de matériels audiovisuels, a-t-elle également souligné.  À l’avenir, tous les interrogatoires devraient être enregistrés, a annoncé la délégation.

Lorsqu’ils sont placés en détention, les hommes et les femmes, tout comme les mineurs et les adultes, sont séparés, a souligné la délégation, ajoutant que dans les prisons pour femmes, les agents pénitentiaires sont des femmes.

La délégation a expliqué que le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) avait organisé plusieurs visites dans des centres de détention, notamment pour mineurs. L’ensemble des locaux ont été ouverts aux experts internationaux, lesquels se sont montrés satisfaits par ces locaux et par la présence de la vidéosurveillance. Un plan de coopération est élaboré chaque année entre le CICR et les autorités turkmènes concernant le droit international humanitaire, les visites dans les lieux de détention ou encore l’organisation de tables rondes, a fait valoir la délégation.

La délégation a reconnu que le Code pénal ne traitait pas spécifiquement de violence intrafamiliale; cependant toutes les infractions commises dans la cadre familial peuvent être sanctionnées. 

Le Turkménistan lutte contre toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes, a assuré la délégation.  C’est dans ce cadre qu’a été mis en place le plan national d’action pour l’égalité entre hommes et femmes.

Des formations sur les normes internationales de droits de l’homme sont organisées à l’attention des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, a poursuivi la délégation.

La délégation a enfin expliqué que les autorités luttaient contre le travail forcé lors de la récolte de coton.  L’État subventionne les exploitations pour couvrir les dépenses liées à la culture du coton, a-t-elle fait valoir.  Le travail forcé est interdit dans le pays, a insisté la délégation.  Conformément aux codes des infractions administratives, une entreprise peut être mise à l’arrêt durant trois mois si des cas de travail forcé y sont constatés.

Soulignant que les représentants des ONG faisaient leur travail, la délégation a par ailleurs assuré qu’il n’y a aucun motif de s’inquiéter d’éventuelles représailles à l’encontre des personnes qui ont témoigné devant le Comité ou qui ont été citées par les experts. 

Concluant ce dialogue, M. TAGANOV a assuré que les recommandations du Comité seraient étudiées avec soin par les autorités du pays.  Le présent examen du rapport turkmène a permis de constater le renforcement de la coopération entre le pays et les organes conventionnels des Nations Unies. Ce travail fructueux imprimera un nouvel élan aux efforts déployés par les autorités afin de traduire sur le terrain les dispositions de la Convention, dans le but de de renforcer les droits fondamentaux dans le pays, a déclaré le Ministre adjoint de la justice.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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