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Organes conventionnels

Le comité des droits de l’homme examine le rapport de la Jamaïque

Rapport de la Jamaïque

19 Octobre 2016

GENEVE (19 octobre 2016) - Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Jamaïque sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
 
Présentant le rapport, M. Wayne McCook, Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que l’engagement de la Jamaïque en faveur des droits de l’homme s’est traduit notamment par l’adoption d’un plan national de développement (2009-2030) intitulé «Vision 2030», dont l’objectif principal correspond au seizième Objectif de développement durable (Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous).  Toutefois, a souligné M. McCook, l’engagement de la Jamaïque doit être examiné à la lumière des grandes difficultés que rencontre ce pays.   Petit État insulaire très endetté, la Jamaïque est aussi un pays à revenu intermédiaire: de par ce statut intermédiaire, elle ne bénéficie malheureusement ni de recettes fiscales très importantes, ni d’accès aux prêts concessionnaires internationaux, a-t-il fait observer.
 
Cela étant, a poursuivi M. McCook, le Gouvernement de la Jamaïque a décidé de créer une institution nationale de droits de l’homme dotée de statuts conformes aux Principes de Paris.  S’agissant de la protection du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes, les autorités jamaïcaines ont pris des mesures concertées qui leur ont permis de faire baisser le taux de criminalité violente de 32% entre 2016 et 2015, a poursuivi M. McCook.  Parmi ces mesures, figuraient notamment le recrutement de nouveaux policiers, l’adoption d’une loi antigang en 2014 et l’adoption d’une approche globale de la lutte contre la criminalité, avec le recours à la police de proximité et des interventions ciblant les communautés les plus touchées par la violence.  M. McCook a ensuite rendu compte d’autres mesures visant l’amélioration de l’accès à la justice.  Il a en outre indiqué que la Commission d’enquête sur les circonstances entourant la déclaration de l’état d’urgence en mai 2010 avait achevé ses travaux en juin dernier.  Le Conseil des Ministres est actuellement en train d’examiner la suite à donner aux recommandations de la Commission; mais sans attendre le résultat de ces délibérations, le Premier Ministre a pris l’initiative de présenter, ces prochaines semaines, des excuses à la population de West Kingston, a fait valoir le Représentant permanent.
 
La délégation jamaïcaine, qui était également composée de plusieurs représentants du Ministère de la justice et de celui des affaires étrangères et du commerce extérieur, ainsi que de membres de la Mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a répondu aux questions et observations du Comité.  Celles-ci ont porté principalement sur la future institution nationale de droits de l’homme; sur la réforme de la justice; sur la situation des personnes LGBTI; sur l’incrimination de la torture; sur l’avortement; sur les atteintes aux défenseurs des droits de l’homme; sur la criminalité et sur les conditions carcérales.
 
Au cours du dialogue, plusieurs membres du Comité se sont inquiétés des violences exercées contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels en Jamaïque, violences dont les victimes se plaignent rarement auprès d’une police dont elles redoutent l’homophobie.  Le taux élevé de non-dénonciation des délits touche non seulement les LGBT, mais aussi les défenseurs des droits de l’homme, a-t-il été affirmé. 
 
Un expert a déploré les conditions de détention très difficiles qui règnent dans les commissariats, notamment du fait de l’insalubrité, de la surpopulation et du manque d’accès aux services médicaux.  A également été déplorée l’absence de définition précise de la torture dans la loi, ce qui expliquerait qu’il y ait peu de poursuites et encore moins de peines infligées aux auteurs de tels actes.
 
Un expert s’est inquiété d’un conflit des Marrons avec les autorités concernant les ressources naturelles – en particulier minières - présentes sur leurs terres ancestrales. 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Jamaïque, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 4 novembre prochain.
 
Cet après-midi, à compter de 15 heures, ainsi que demain matin, le Comité examinera le rapport périodique de la Colombie.
 
Présentation du rapport
 
Le Comité était saisi du quatrième rapport périodique de la Jamaïque (CCPR/C/JAM/4), ainsi que des réponses du pays à une liste de «points à traiter» (CCPR/C/JAM/Q/4/Add.1, en anglais seulement).
 
Présentant le rapport, M. WAYNE MCCOOK, Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a fait état des progrès accomplis par son pays dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme depuis son dernier passage devant le Comité, en 2011.  L’engagement de la Jamaïque en faveur des droits de l’homme s’est traduit notamment par l’adoption d’un plan national de développement (2009-2030) intitulé «Vision 2030», dont l’objectif principal correspond au seizième Objectif de développement durable (Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous), a-t-il fait valoir.  Toutefois, a souligné M. McCook, l’engagement de la Jamaïque doit être examiné à la lumière des grandes difficultés que rencontre ce pays.   Petit État insulaire très endetté, la Jamaïque est aussi un pays à revenu intermédiaire: de par ce statut intermédiaire, elle ne bénéficie malheureusement ni de recettes fiscales très importantes, ni d’accès aux prêts concessionnaires internationaux, a-t-il fait observer.
 
Cela étant, a poursuivi M. McCook, le Gouvernement de la Jamaïque a décidé de créer une institution nationale de droits de l’homme dotée de statuts conformes aux Principes de Paris.  Il s’agira d’une institution hybride, dont la fonction sera essentiellement de renforcer les compétences de l’actuel Bureau du défenseur public et dont l’ouverture ne dépend plus que de l’adoption des amendements législatifs nécessaires, a précisé le Représentant permanent.
 
S’agissant de la protection du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes, les autorités jamaïcaines ont pris des mesures concertées qui leur ont permis de faire baisser le taux de criminalité violente de 32% entre 2016 et 2015, a poursuivi M. McCook.  Parmi ces mesures, figuraient notamment le recrutement de nouveaux policiers, l’adoption d’une loi antigang en 2014 et l’adoption d’une approche globale de la lutte contre la criminalité, avec le recours à la police de proximité et des interventions ciblant les communautés les plus touchées par la violence.
 
M. McCook a ensuite rendu compte d’autres mesures visant l’amélioration de l’accès à la justice.  Il a notamment expliqué que les autorités ont à cette fin recruté de nouveaux magistrats et ouvert de nouveaux tribunaux. La loi a été amendée en vue d’accélérer les procédures et d’en assurer l’équité, a-t-il a en outre indiqué.  C’est ainsi qu’il est désormais possible de recueillir les témoignages de témoins vulnérables par vidéo, tandis qu’ont été abolis les «examens préliminaires».  La révision de la loi sur les stupéfiants a entraîné une baisse de 72% du nombre de délits liés au cannabis, ce qui a eu pour effet d’alléger le système judiciaire, a par ailleurs souligné le chef de la délégation jamaïcaine.
 
Informant le Comité d’un certain nombre de faits survenus depuis la soumission du rapport écrit, M. McCook a précisé que la Commission d’enquête sur les circonstances entourant la déclaration de l’état d’urgence en mai 2010 avait achevé ses travaux en juin dernier.  Le Conseil des Ministres est actuellement en train d’examiner la suite à donner aux recommandations de la Commission.  Mais sans attendre le résultat de ces délibérations, le Premier Ministre a pris l’initiative de présenter, ces prochaines semaines, des excuses à la population de West Kingston, a fait valoir le Représentant permanent de la Jamaïque.  Une commission va être créée avec pour mission d’octroyer des dédommagements et d’ouvrir des enquêtes contre les membres de forces de l’ordre qui auraient commis des excès pendant l’état d’urgence, a-t-il ajouté.
 
M. McCook a également mis en avant la diminution constante des exécutions illégales imputables à la police, surtout celles dues à un usage excessif de la force. Ce succès doit être porté au crédit de la formation aux droits de l’homme dispensée aux forces de l’ordre, a assuré le Représentant permanent.  Une Commission d’enquête indépendante, l’INDECOM, a reçu pour mandat de faire la lumière sur les agissements des agents de l’État, a-t-il poursuivi.  Au deuxième trimestre de 2016, la Commission a reçu 224 plaintes, la majorité contre des agents de police; sur ce nombre, la Commission a rédigé 70 rapports qui ont donné lieu à l’arrestation de cinq policiers.
 
Les autorités jamaïcaines accordent également la priorité à la lutte contre la violence envers les femmes, a poursuivi M. McCook.  Contre ce problème profondément enraciné, les autorités misent d’abord sur l’éducation du public et sur l’application concomitante d’un plan d’action national pour éliminer la violence sexiste (2016-2026) – un plan élaboré avec l’assistance technique d’ONU-Femmes, a précisé M. McCook.  Le Parlement est quant à lui saisi, depuis décembre 2015, d’un projet de loi sur le harcèlement sexuel.
 
S’agissant enfin de la protection de l’enfance, les autorités jamaïcaines ont d’ores et déjà interdit les châtiments corporels dans les écoles primaires, le Ministère de l’éducation étant en train d’étendre l’interdiction à l’ensemble du système scolaire, a fait valoir M. McCook. Les autorités veillent également à améliorer la situation des mineurs en conflit avec la loi, avec notamment l’adoption de mesures alternatives à la détention des jeunes âgés entre 12 et 17 ans. La police doit désormais respecter une ligne directrice pour le traitement des mineurs en conflit avec la loi, qui prévoit notamment qu’un mineur placé en garde à vue doit absolument, s’il n’est convaincu d’aucun délit, être remis à ses parents dans un délai de 24 heures, a fait savoir M. McCook. 
 
Examen du rapport
 
Questions et observations des experts du Comité
 
Une experte du Comité a relevé que la Jamaïque avait proposé, il y a plusieurs décennies, d’intégrer au Pacte un article relatif à la création, par les États, de commissions nationales des droits de l’homme indépendantes.  L’experte a donc voulu savoir à quelle date la Jamaïque envisageait de créer sa propre institution nationale de droits de l’homme.  
 
La même experte a ensuite fait état d’études commandées par des organisations non gouvernementales au sujet de la violence exercée contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels en Jamaïque, violence dont les victimes se plaignent rarement auprès d’une police dont elles redoutent l’homophobie.  Un autre expert a, lui aussi, fait état d’un taux élevé de non-dénonciation des délits subis non seulement par les LGBT, mais aussi par les défenseurs des droits de l’homme en Jamaïque.
 
Une experte s’est félicitée des mesures annoncées dans le rapport concernant la lutte contre les stéréotypes sexistes, avant de s’enquérir de leurs effets concrets. La délégation a été priée de dire également si le Parlement avait déjà débattu du projet de loi sur le harcèlement sexuel, dont il est saisi depuis la fin de 2015.
 
S’agissant des questions de santé, la délégation a été priée de dire quels avaient été les effets des mesures de lutte contre le VIH/sida annoncées en 2014.  Quelles sont en outre, en 2016, les conditions d’accès à l’avortement pour les femmes victimes de viol ou d’inceste, ou celles dont le fœtus est malformé?  Une experte s’est enquise des résultats de la campagne de réduction des taux de mortalité maternelle et infantile lancée en 2013.
 
Un expert a voulu savoir si les tribunaux jamaïcains tenaient compte des dispositions du Pacte ou des observations générales du Comité pour rédiger leurs jugements ou arrêts. L’expert s’est en outre enquis du contenu des formations dispensées aux personnels judiciaires s’agissant des dispositions du Pacte.  D’autre part, s’il est admis que les citoyens de la Jamaïque peuvent, d’une manière générale, faire valoir leurs droits jusque devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, la société civile jamaïcaine dénonce le fait que la loi actuelle ne garantit pas à tous les citoyens le recours effectif à toutes les voies de droit au plan national, notamment mais pas exclusivement aux personnes homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles, a fait observer ce même expert. Une experte a voulu savoir si les autorités jamaïcaines entendaient réformer les lois qui consacrent encore certaines formes de discrimination dont sont victimes les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles en Jamaïque.
 
Un expert a déploré les conditions de détention très difficiles qui règnent dans les commissariats, notamment du fait de l’insalubrité, de la surpopulation et du manque d’accès aux services médicaux.
 
Un expert s’est enquis des mesures prises par la Jamaïque pour sanctionner les actes discriminatoires des employeurs à l’encontre des femmes.  Il a recommandé l’adoption d’une loi interdisant de manière générale toute forme de discrimination.  Le même expert a prié la délégation de décrire les conditions de détention de l’unique personne détenue dans le «couloir de la mort», observant à cet égard que la mise à l’isolement peut être considérée comme une forme de torture.
 
Un autre expert s’est enquis des activités précises des différentes commissions d’enquête chargées de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme commises par les forces de l’ordre; dans quelle mesure la coopération des forces de l’ordre est-elle garantie dans ce contexte, a-t-il demandé?  Il a fait observer que la loi ne permet pas à l’INDECOM d’entendre certains témoignages sans autorisation de la police, ce qui pose le problème de l’indépendance d’action de cette Commission.
 
Un expert a demandé à la délégation de citer des cas où la loi sur l’avortement a été appliquée pour autoriser des interruptions volontaires de grossesse.  Une experte a quant à elle voulu savoir comment sont remboursés les avortements et s’il existe des statistiques sur les décès liés à ces interventions.
 
Un expert a déploré une absence de définition précise de la torture dans la loi, ce qui expliquerait qu’il y ait peu de poursuites et encore moins de peines infligées aux auteurs de tels actes. Il a rappelé que la question avait déjà été soulevée lors du précédent examen de la Jamaïque en 2011.  On sait que des plaintes ont été déposées contre des membres des forces de l’ordre dans le cadre d’au moins deux affaires, mais on ne dispose pas d’informations sur la suite qui leur a été donnée, a-t-il insisté.
 
Le même expert a relevé par ailleurs que l’on incarcérait des mineurs lorsque leurs parents n’étaient pas capables de les régenter; il s’agit d’une violation du Pacte, a-t-il rappelé, notant que de nombreux enfants incarcérés se plaignent en outre de subir des abus.  Alors que les autorités semblent effectivement avoir prévu depuis 2013 d’amender la loi afin d’en finir avec l’emprisonnement de mineurs, l’expert s’est interrogé sur ce qui avait retardé l’adoption de cette réforme.
 
Un autre membre du Comité s’est quant à lui inquiété de l’incarcération de mineurs avec des adultes et a souhaité savoir ce qu’il en était des châtiments corporels, la mentalité généralement répandu au sein de la population consistant à considérer qu’ils s’inscrivent dans le cadre de l’éducation normale des enfants.  Une interdiction totale des châtiments corporels devrait être instaurée pour éviter toute mauvaise pratique, a estimé cet expert. On ne peut, en effet, s’attendre à ce que les choses évoluent d’elles-mêmes si l’on ne légifère pas, a-t-il insisté: des sanctions doivent être inscrites dans la loi, s’agissant en particulier des enseignants qui pratiqueraient de tels châtiments.
 
Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de l’application des directives gouvernementales en matière de lutte contre la traite. Il s’est également enquis de la législation en vigueur en matière de protection des réfugiés.  Il a en outre souhaité savoir combien de personnes avaient demandé le statut de réfugié, les statistiques faisant simplement état de 35 cas ayant reçu une réponse positive l’an dernier.  Le même expert a souhaité avoir des précisions sur les «privilèges» accordés aux adeptes du rastafarisme en matière d’usage de stupéfiants.
 
La «présomption de compatibilité» du droit interne avec les instruments internationaux est un «outil puissant», a admis un expert; mais rien ne permet en l’état de savoir si le Pacte inspire effectivement des décisions de justice, a-t-il fait observer, estimant nécessaire que le Pacte soit clairement invoqué dans les jugements pertinents.  Or, le Comité ne dispose d’aucune indication à cet égard.  Le même expert s’est ensuite enquis de la législation sur les organisations de la société civile, souhaitant savoir si les ONG œuvrant dans le domaine des droits de l’homme pouvaient bénéficier de la législation très favorable régissant les organisations caritatives.  Il a attiré l’attention sur les menaces, intimidations et violences envers des défenseurs des droits de l’homme, s’interrogeant sur les raisons ayant incité la Jamaïque à rejeter, lors de son Examen périodique universel par le Conseil des droits de l’homme, une recommandation relative à la protection de ces militants. 
 
Relevant que l’interruption volontaire de grossesse est possible «pour raison médicale», une experte a souhaité en savoir davantage sur les possibilités légales d’avorter en Jamaïque.
 
Un membre du Comité s’est enquis de la situation de la communauté marron (Maroons), s’inquiétant à cet égard d’un conflit des Marrons avec les autorités concernant les ressources naturelles – en particulier minières - présentes sur leurs terres ancestrales.
 
Des précisions ont en outre été demandées sur le fonctionnement des tribunaux de paroisse.
 
Une experte a relevé que le viol conjugal était reconnu dans des circonstances limitées et a rappelé que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait estimé nécessaire un amendement de la loi jamaïcaine en la matière. 
 
Réponses de la délégation 
 
Bien que le Pacte ne soit pas invoqué formellement devant les tribunaux, a reconnu la délégation, il y a toutefois, en vertu de la Common Law, une «présomption de compatibilité» entre les instruments internationaux et la législation locale. Concrètement, cela signifie que le Parlement ne saurait adopter des textes qui seraient contraires aux engagements internationaux du pays.  
 
La délégation a précisé que le Parlement était seul compétent pour décider, par la voie législative, de la date de création de l’institution nationale de droits de l’homme jamaïcaine. 
 
La délégation a par ailleurs fait savoir que le champ de compétence du comité interministériel chargé de rédiger les rapports dus aux organes de traités serait élargi et confirmé par des décisions que le Conseil des Ministres prendra ultérieurement.
 
Les forces de l’ordre jamaïcaine appliquent des procédures d’arrestation rigoureuses qui sont d’ailleurs soumises à des contrôles, a ensuite souligné la délégation.
 
La «communauté LGBTI» a été invitée officiellement à un dialogue avec les autorités de police pour définir des modalités de prise en charge des victimes. Aucun calendrier n’a été adopté pour l’aboutissement du processus de révision de la loi qui incrimine les rapports homosexuels, a fait savoir la délégation.  Aucune statistique spécifique n’a été établie s’agissant précisément des atteintes aux droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, a ensuite indiqué la délégation. La politique du Gouvernement est d’éliminer toute discrimination envers les individus en fonction de leur appartenance ou de leurs différences et les forces de l’ordre sont sensibilisées à cet égard, a-t-elle ajouté.
 
De nombreuses entreprises et administrations appliquent déjà des mesures d’accueil des personnes séropositives, dont les droits fondamentaux et la protection contre la discrimination sont garantis par la loi, a assuré la délégation.  La politique sanitaire vise à inclure tout patient, y compris séropositif, a-t-elle ensuite souligné.
 
Les contraceptifs sont disponibles, par ailleurs, dans tous les dispensaires du pays, a ajouté la délégation.
 
Quant à l’avortement, il est autorisé «pour des raisons médicales», a indiqué la délégation, précisant que les textes en la matière n’étaient pas plus explicites que cela.  Dans la pratique, donc, le médecin dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer l’opportunité de procéder à un avortement – en particulier en cas de viol.  Dans un tel cas, un certificat médical attestant la violence subie peut suffire au médecin, qui ne sollicitera pas la présentation d’une déclaration de police.
 
Il n’est pas prévu d’amender la loi sur l’avortement, a d’autre part indiqué la délégation, estimant que la politique de la Jamaïque était suffisamment claire à cet égard.
 
Les mesures temporaires spéciales visant à garantir la présence des femmes au Parlement viennent d’être adoptées et il est donc trop tôt pour en évaluer l’efficacité, a d’autre part souligné la délégation.
 
La délégation s’est engagée à fournir ultérieurement par écrit des données sur les demandeurs d’asile, ainsi que sur les mineurs non accompagnés. 
 
Le Conseil privé est l’organe judiciaire suprême de la Jamaïque, a par ailleurs rappelé la délégation.  Son rôle, dans  le cadre de la common law, est analogue à celui d’une cour de cassation; il régit l’application des dispositions du Pacte, ce dernier n’ayant pas ipso facto force de loi en Jamaïque.  
 
Quant au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, dont la Jamaïque s’est retirée en 1997, il ne sera pas ratifié à nouveau, les droits émanant de la Constitution et de la loi protégeant suffisamment les citoyens jamaïcains, a expliqué la délégation.
 
La Jamaïque, qui éprouve beaucoup de difficultés à appliquer la peine de mort, entend commuer la sentence de toute personne condamnée à cette peine.  À terme, il n’y aura donc plus personne dans le «couloir de la mort», a fait savoir la délégation.
 
La formation de base et continue dispensée aux juges et autres magistrats comprend désormais un enseignement aux droits de l’homme et cette mesure a donné de bons résultats, a fait savoir la délégation.
 
Les autorités jamaïcaines sont très préoccupées par le problème de la violence et s’efforcent de remédier aux causes sociales, parallèlement au traitement sécuritaire, de cette violence.
 
Si la Jamaïque souhaite adhérer à la Convention contre la torture, la question doit, toutefois, encore faire l’objet d’une analyse préalable approfondie, a ensuite indiqué la délégation.  S’agissant précisément du crime de torture, les autorités ne sont pas opposées à l’adoption d’une loi spécifique, même si, à ce stade, aucun projet de texte n’est en gestation, a-t-elle ajouté.
 
La délégation a par ailleurs assuré que les victimes de la traite, qu’elles soient jamaïcaines ou étrangères, bénéficiaient toutes des mêmes secours et autres mesures de soutien. Elles sont hébergées en foyer et ont droit à une prise en charge psychologique et médicale.  En 2012, par exemple, 21 jeunes Honduriens ont été recueillis alors qu’ils se trouvaient à bord d’un bateau aux côtés de 55 hommes, a-t-elle indiqué.
 
Si le programme de réforme de la justice mis en œuvre en Jamaïque a visé à accélérer les procédures, notamment par la nomination de nouveaux juges, cela n’a pas suffi à résoudre le problème des délais excessifs de procédure dû à un taux élevé de criminalité, a d’autre part expliqué la délégation.  Elle a en outre fait état d’une difficulté sérieuse d’impliquer les citoyens jamaïcains dans leur rôle de juré; la justice se heurte à un refus de participation qui paralyse les jurys populaires.  Par ailleurs, le pays a un problème de ressources, notamment en ce qui concerne l’aide juridictionnelle, a ajouté la délégation.  La Jamaïque fait néanmoins le maximum pour assurer un fonctionnement optimal de la justice en dépit d’un manque de moyens, a insisté la délégation.
 
La nomination des juges est une prérogative de la Commission des services judiciaires sur laquelle le Gouvernement n’a pas autorité, a ensuite souligné la délégation.  Afin d’apurer le retard pris dans le traitement des affaires en souffrance, il est envisagé de faire appel à des juges à la retraite, a-t-elle indiqué; on réfléchit par ailleurs à dé-judiciariser un certain nombre d’affaires, en les réglant par le biais d’une procédure alternative, a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, des juges dits «de paroisse» peuvent se saisir d’affaires telles que les accidents de la circulation – voire des homicides dans certains cas.  Le Bureau du directeur des poursuites emploie plus d’une quarantaine de procureurs de la Couronne qui interviennent dans l’ensemble des juridictions des différents degrés des 14 paroisses du pays.
 
La Jamaïque a la volonté d’améliorer la situation des mineurs incarcérés en prenant en compte à la fois les droits de l’homme mais aussi la réalité locale, a poursuivi la délégation.  L’emprisonnement de mineurs est une mesure de dernier recours qui doit être la plus brève possible.  Un système d’aide juridictionnelle et de représentation juridique a été mis en place afin que chaque enfant incarcéré soit conseillé comme il convient, a fait valoir la délégation.

D’une manière générale, face à la surpopulation carcérale, il serait nécessaire de disposer d’un plus grand nombre de centres de détention; mais leur augmentation dépendra des ressources disponibles de l’État, à l’avenir, a expliqué la délégation.  
 
La délégation a en outre indiqué que 70% de la criminalité en Jamaïque était due aux «gangs», ces bandes se livrant à une véritable guerre dans les villes. Depuis 2015, il y a eu une diminution de cette violence, laquelle reste néanmoins élevée, a ajouté la délégation.
 
En ce qui concerne les menaces voire les atteintes à la vie visant les défenseurs des droits de l’homme, il s’agit d’allégations extrêmement graves, a reconnu la délégation, ajoutant toutefois ne pas disposer d’informations à ce sujet.  
 
Par ailleurs, le rejet par la Jamaïque de la recommandation relative aux défenseurs des droits de l’homme émise par les États-Unis lors de l’Examen périodique universel de la Jamaïque a été motivé et explicité; la position de Kingston n’a pas changé depuis lors, a expliqué la délégation.
 
La réglementation relative aux ONG prévoit depuis 2013 un certain nombre d’obligations et n’empêche aucun groupe de s’enregistrer en tant qu’organisation caritative, a d’autre part souligné la délégation.  L’objectif «caritatif» que peuvent se fixer les ONG touche à des actions très diverses, en faveur de la santé, de l’éducation, de l’harmonie raciale, notamment, la loi mentionnant un grand nombre de domaines que la délégation a énumérés.
 
La délégation a expliqué que les rastafaris bénéficiaient d’une dérogation pour pouvoir utiliser des stupéfiants dans le cadre de leurs cérémonies religieuses.
 
La reconnaissance des droits des Marrons est acquise, a par ailleurs assuré la délégation, ajoutant toutefois ne pas être en mesure d’apporter des informations spécifiques à ce sujet s’agissant notamment des droits relatifs à l’exploitation du sous-sol.

Remarques de conclusion
 
M. McCOOK, Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué que les obligations des États parties vis-à-vis des organes conventionnels s’imposaient aussi et avant tout vis-à-vis de leurs citoyens.  La Jamaïque, même si elle est un petit État, est engagée depuis son indépendance, en 1962, en faveur de la protection des droits de l’homme, ce qu’elle avait d’ailleurs affirmé, à l’époque, dès sa première déclaration dans l’enceinte de l’Assemblée générale des Nations Unies, a-t-il rappelé.
 
M. YADH BEN ACHOUR, Vice-Président du Comité, a relevé que le Gouvernement jamaïcain avait d’excellentes intentions et ambitions dans le domaine des droits de l’homme, s’agissant notamment de la protection de l’enfance, des défenseurs des droits de l’homme ou encore de l’accès à l’information – autant de sujets qui font l’objet de projets de loi.  «Nous attendons les actes», a-t-il déclaré, émettant l’espoir que lors du prochain examen, le Comité aurait des réponses concrètes démontrant que les intentions se sont traduites en actes.  L’expert a dit avoir le sentiment, à ce stade, d’un décalage un peu trop fort entre les intentions affichées et les mesures législatives et réglementaires effectivement prises.

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