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Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une table ronde sur la violence faite aux femmes et filles autochtones

Violence faite aux femmes et filles autochtones

20 Septembre 2016

Conseil des droits de l'homme  
MATIN  

20 septembre 2016

Le Conseil a tenu ce matin une table ronde consacrée au thème des causes et conséquences de la violence à l'égard des femmes et filles autochtones, y compris celles ayant un handicap. 

Le débat de cette table ronde a été introduit, au nom de la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, par le Directeur de la Division du Conseil et des mécanisme de traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, M. Adam Abdelmoula.  Le débat était animé par le Président du Mécanisme d'expert sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Kwokwo Barume, qui a notamment souligné que de plus en plus de données alarmantes apparaissent qui révèlent le degré sans précédent atteint par le phénomène de la violence à l'encontre des femmes et filles autochtones, ce qui atteste de l'urgence qu'il y a à recueillir des données ventilées pour mieux le combattre.

Les panélistes participant à cette table ronde étaient: la Présidente du Parlement sami de Norvège, Mme Aili Keskitalo; la Directrice de la Fondation Paso a Paso (Mexique), Mme Olga Montúfar Contreras; Mme Hannah McGlade, experte des questions autochtones auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et chercheuse à l'Université Curtin (Australie); ainsi que la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz.

Dans son introduction au débat, M. Abdelmoula a souligné que, même si l'on manque de données statistiques, il est reconnu que les femmes autochtones sont victimes de toutes sortes et formes de violences, physiques, sexuelles, familiales, sociétales ou psychologiques, économiques ou même de la part des entreprises qui peuvent par exemple s'accaparer leurs terres.  Le fait est aussi que les femmes autochtones victimes de violence ont souvent du mal à avoir accès à la  justice, parce que cet accès leur est dénié, que les moyens de recours n'existent pas ou qu'ils soient géographiquement éloignés, ou encore à cause d'une barrière linguistique.  Dans certains pays, et notamment en Australie, au Canada et Nouvelle Zélande, les femmes autochtones sont surreprésentées dans les système carcéraux, a ajouté M. Abdelmoula.  Face à tous ces faits, il faut que les États et autres systèmes traditionnels reconnaissent les femmes autochtones comme des partenaires égaux et les intègrent dans les processus visant à éliminer les discriminations qui les touchent, a-t-il souligné.

Parmi les délégations* qui sont intervenues dans le débat, nombre de pays ont mis en exergue les mesures nationales qu'ils ont prises afin de remédier aux violences à l'encontre des femmes et filles autochtones.  Face à ce problème, il revient aux États de prendre les mesures adéquates pour lever les obstacles qui empêchent les femmes et filles autochtones d'accéder à leurs droits et à la justice à cette fin, a-t-il été maintes fois souligné.  Ces mesures doivent tenir compte des spécificités des communautés concernées, en tenant compte des facteurs socioéconomiques, culturels, linguistiques, mais aussi historiques.  L'autonomisation des femmes autochtones a été identifiée comme constituant un moyen essentiel d'éliminer la violence à leur encontre.

Le Conseil poursuit ses travaux à la mi-journée en entamant son débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur les droit des peuples autochtones et avec le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones. 

Causes et conséquences de la violence contre les femmes et filles autochtones, y compris celles ayant un handicap

Introduction

M. ADAM ABDELMOULA, Directeur de la Division du Conseil et des mécanisme de traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, s'exprimant au nom de la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme,  a déclaré que cette table ronde sur les causes et conséquences de la violence à l'égard des femmes et filles autochtones vient consolider celle qui s'est tenue lors de la précédente session du Conseil, en juin dernier.  La présente table ronde part du constat que la violence contre les femmes autochtones se manifeste tant dans la sphère privée que dans la sphère publique; elle entend donc se pencher sur les formes structurelles, systémiques et publiques de violence auxquelles sont confrontées les femmes et jeunes filles autochtones dans nos sociétés contemporaines, en mettant l'accent sur l'accès à la justice et la manière dont le droit des femmes autochtones à la justice est entravé.  Les panélistes examineront aussi les causes et conséquences de la violence contre les femmes autochtones handicapées, qui souffrent de discriminations multiples, a indiqué M. Abdelmoula. 

Même si l'on manque de données statistiques, il est reconnu que les femmes autochtones sont victimes de toutes sortes et formes de violences, physiques, sexuelles, familiales, sociétales ou psychologiques, économiques ou même de la part des entreprises qui peuvent par exemple s'accaparer leurs terres.  Le fait est aussi que les femmes autochtones victimes de violence ont souvent du mal à avoir accès à la  justice, parce que cet accès leur est dénié, que les moyens de recours n'existent pas ou qu'ils soient géographiquement éloignés, ou encore à cause d'une barrière linguistique.  Dans certains cas aussi, ces mécanismes de justice sont dominés par les hommes qui ont parfois tendance à rendre les femmes responsables.  Dans certains pays, et notamment en Australie, au Canada et Nouvelle Zélande, les femmes autochtones sont en outre surreprésentées dans les système carcéraux.  Rien qu'en Australie, bien que seulement 2% des femmes du pays soient considérées comme d'ascendance aborigène ou insulaire du détroit de Torres, les femmes autochtones représentent un tiers de la population carcérale féminine.  Au Canada, les femmes autochtones représentent 4,3% et de la population féminine mais comptent pour 33,6% de toutes les femmes condamnées par des tribunaux fédéraux, a ajouté M. Abdelmoula. 

Devant tous ces faits, il faut que les États et autres systèmes traditionnels reconnaissent les femmes autochtones comme des partenaires égaux et les intègrent dans les processus visant à éliminer les discriminations qui les touchent.  Il faut parallèlement reconnaître et réparer les injustices historiques dont elles ont été et sont encore victimes, tout en améliorant les réponses judiciaires aux victimes de violence.  Un autre volet des mesures doit porter sur la prévention de ces violences, afin d'éviter qu'elles ne se produisent.  Il faut également rompre le cycle de cette violence en les reconnaissant comme telles, a recommandé M. Abdelmoula.

Dans son intervention, M. Abdelmoula a toutefois salué la décision historique rendue cette année au Guatemala dans l'affaire Sepur Zarco, qui témoigne que l'accès à la justice peut être assuré pour les plus graves violations des droits des femmes; en effet, pour la première fois dans l'histoire du pays, la violence sexuelle commise durant le conflit militaire qui a frappé le Guatemala dans les années 1980 a fait l'objet de poursuites qui ont abouti, entraînant la condamnation de deux anciens membres de l'armée à un total de 360 années de prison pour le meurtre, le viol et la réduction à l'esclavage sexuel de femmes autochtones.

Déclarations des panélistes

MME AILI KESKITALO, Présidente du Parlement Sami de Norvège, a rappelé que les peuples autochtones font partie des groupes les plus marginalisés sur les plans financier, social, culturel, politique, linguistique, intellectuel et humanitaire.  Faire preuve de solidarité implique de prendre des mesures qui ne reposent pas seulement sur l'intérêt personnel, a-t-elle souligné.  Elle a regretté que les femmes soient victimes de violence dans les communautés samies comme dans les autres communautés et même dans une plus grande proportion, comme le montrent de récentes études qui indiquent que les violences touchent 48% d'entre elles, contre 29% pour la population générale, ce qui est inacceptable.  Rien dans la culture samie ne légitime une telle violence, a souligné Mme Keskitalo, ajoutant que cette violence était criminelle, y compris lorsqu'elle est domestique, et relevait des compétences de la police.

Si l'on ignore les raisons de cette violence au sein de la communauté samie, Mme Keskitalo a souligné que les peuples autochtones était plus vulnérables à la violence et aux abus et qu'il était raisonnable de penser que cela était en partie dû à l'oppression historique, à la marginalisation ainsi qu'à d'autres facteurs individuels et collectifs.  Dans le monde entier, les femmes autochtones sont exposées à la violence et vulnérables dans les conflits et il est urgent de traiter cette question au plus haut niveau des programmes internationaux et nationaux.  Les États Membres devraient appliquer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones afin de leur donner les moyens de trouver des solutions à long terme pour en finir avec la violence contre les femmes, les enfants et les personnes handicapées autochtones; cela redonnerait également confiance à ces personnes dans leurs relations avec les autres.  Les États Membres devraient également leur fournir une aide immédiate et adéquate, tenant compte de leur différence culturelle, avec des soins médicaux et une assistance juridique dans leur propre langue.

Pour MME OLGA MONTÚFAR CONTRERAS, Directrice de la Fondation Paso a Paso (Mexique), le grand problème consiste à appliquer de manière cohérente les différents traités internationaux qui protègent les sujets de droit, ici les femmes et les filles autochtones, en particulier celles qui sont handicapées.  Pour nombre de ces femmes, la violence systématique qu'elles subissent tout au long de leur existence «va de soi»; elles n'envisagent même pas qu'elles puissent de disposer de droits et éprouvent même de la reconnaissance envers leurs proches, même s'ils les maltraitent.  Ces femmes ont ainsi des attentes très faibles vis-à-vis de leurs familles et de leur environnement immédiat.  Or, des expériences ont montré que le fait d'apprendre à ces femmes  qu'elles ont effectivement certains droits, dans le domaine de la santé par exemple, leur permet de remettre en question le rejet et la coercition dont elles sont victimes.  Il s'agit là d'une étape importante de la réalisation de leurs droits fondamentaux, a insisté Mme Montúfar Contreras. 

Concrètement, Mme Montúfar Contreras a recommandé aux pays de ne jamais perdre de vue le mot d'ordre du Programme de développement durable à l'horizon 2030: «ne laisser personne en arrière».  Les États auront donc intérêt, pour lutter contre la violence envers les femmes et les filles autochtones victimes de violence, y compris celles qui sont handicapées, à adopter un discours valorisant ces femmes et ces filles.  Les États devraient aussi récolter systématiquement des données ventilées et veiller à ce que la justice prenne dûment compte des préjudices subis. 

L'exposé de MME HANNAH MCGLADE, experte des questions autochtones auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et chercheuse à l'Université Curtin (Australie), a porté sur le niveau élevé de violence envers les femmes et les filles aborigènes d'Australie.  Des recherches ont montré que les mères aborigènes de l'ouest du pays courent près de 18 fois plus de risques d'être victimes d'homicide que les autres femmes et qu'elles sont également davantage exposées au risque de suicide induit par la violence, notamment sexuelle, exercée par un partenaire intime. 

Or, malgré les engagements pris par l'Australie pour lutter contre cette forme de violence, les femmes autochtones sont encore confrontées à l'apathie du système judiciaire, qui est incapable de leur venir en aide, tandis que la police ne donne toujours pas suite à leurs plaintes, a poursuivi Mme McGlade.  L'indifférence est telle que certains observateurs estiment que le système de justice pourrait, en réalité, encourager les violences contre les femmes et les filles autochtones, a-t-elle insisté.  Ces violences sont étroitement associées à des stéréotypes et à des mythes relatifs aux femmes autochtones, a-t-elle en outre souligné. 

Pour remédier à cette situation, a indiqué Mme McGlade, les femmes autochtones devraient être intégrées à l'administration de la justice au sens large, en tant que policières, magistrats, juges et médecins légistes.  Parallèlement, les forces de l'ordre et le pouvoir judiciaire doivent recevoir une formation aux droits de l'homme, a-t-elle conclu. 

MME VICTORIA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a souligné que les femmes autochtones font l'objet d'une kyrielle de violations de leur droits, touchant tous les domaines, socioéconomiques et politiques.  Lorsque l'on se penche sur le sujet, il faut tenir compte du contexte dans lequel vivent ces femmes, y compris du point de vue de la dénégation de leurs valeurs culturelles.  De telles violations sont très prégnantes dans les systèmes coloniaux mais aussi postcoloniaux, comme par exemple pour ce qui est du déni des droits de ces femmes à l'autodétermination ou encore à leur vie culturelle, a expliqué la Rapporteuse spéciale.  Elles connaissent aussi des discriminations en matière de santé sexuelle et reproductive, avec des services de santé qui leur sont imposés ou refusés ou qui sont trop éloignés.  Elles sont aussi victimes de violence sexuelle et les chiffres disponibles attestent qu'un tiers des femmes autochtones ont été victimes de viol dans leur vie, a ajouté Mme Tauli-Corpuz. 

Dans ce contexte, la Rapporteuse spéciale recommande que les États adoptent des démarches holistiques et prennent en compte les causes et conséquences de ces violences.  Les États doivent aussi permettre à ces femmes  d'accéder à la justice et assurer la formation des hommes afin qu'ils ne perpétuent pas les discriminations.  La Rapporteuse spéciale recommande par ailleurs au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes d'adopter une recommandation générale sur le sujet. 

Débat

Pour l'Union européenne, garantir l'accès à la justice est un élément essentiel pour prévenir et lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles et il s'agit là d'un devoir des États.  La délégation a demandé aux panélistes quels étaient selon eux les principaux obstacles auxquels les femmes autochtones sont confrontées en termes d'accès à la justice et comment faire pour y remédier.  La Grèce a souligné qu'il était important de reconnaître l'importance des systèmes de justice autochtones.

Au nom d'un groupe de 56 autres pays, le Canada a fait observer que ces difficultés d'accès à la justice entamaient également le niveau de confiance dans la justice.  La délégation canadienne a plaidé pour une approche globale, fondée sur les droits, avec la mise en place de politiques prenant compte des facteurs socioéconomiques, culturels et linguistiques.  Elle a demandé comment le Conseil pouvait jouer un plus grand rôle pour améliorer l'accès des femmes autochtones à la justice.

Au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), la République dominicaine a souligné qu'il était nécessaire d'en faire plus pour lever les obstacles qui empêchent les femmes d'accéder à leurs droits, notamment pour restaurer la confiance de ces femmes envers la justice.  Elle a réitéré l'engagement de la CELAC à trouver la meilleure manière de réaliser ces droits.  Les États-Unis ont indiqué qu'ils avaient pris des mesures pour lutter contre ce phénomène de la violence contre les femmes autochtones et rétabli une juridiction pénale spéciale pour les responsables non indiens de violences conjugales ou de viols.  De plus, en juin 2016, les États-Unis ont rejoint le Mexique et le Canada pour créer un groupe de travail sur les violences à l'encontre des femmes et des filles autochtones.

Soulignant que nombre de ces femmes se heurtaient effectivement à des obstacles pour accéder à la justice, International Development Law Organization a recommandé de sensibiliser les juges et les procureurs aux questions des femmes autochtones et de renforcer les services de protection; il faut créer des institutions de justice sensibles aux différences entre hommes et femmes, a ajouté l'ONG.

Au nom du Groupe africain, l'Afrique du Sud a réitéré son engagement en faveur d'une tolérance zéro à l'égard de toutes les violences contre les femmes et les filles, tout en reconnaissant qu'il y a des spécificités régionales et des pratiques culturelles préjudiciables. 

Au nom du Danemark avec le Groenland, de la Finlande, de l'Islande, de la Suède, de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie, la Norvège a insisté sur la nécessité de mieux comprendre les circonstances de ces affaires et a souligné que les victimes devaient recevoir une aide dans leur propre langue et dans le respect de leur culture et de leurs traditions.  Les États doivent être conscients de ces impératifs pour protéger les droits de tous.  La Géorgie a indiqué partager l'opinion selon laquelle une meilleure compréhension des causes de la violence est nécessaire.  Elle considère l'autonomisation des femmes et des filles comme une condition nécessaire au développement durable, afin de favoriser leur implication dans les processus de décision, de même que la réduction de l'inégalité entre les sexes.

De son côté, l'Équateur a indiqué qu'il avait fait beaucoup d'efforts et notamment promulgué une loi pour la promotion de l'égalité, permettant d'identifier les nécessités spécifiques à certains groupes.  Le pays a indiqué avoir pris en compte les 14 nationalités et 18 groupes ethniques de l'Équateur pour formuler ses politiques.  Le Guatemala a également indiqué qu'il avait adopté des politiques, des législations et des mécanismes spécifiques pour prévenir les violations des droits et permettre aux femmes autochtones de mieux accéder à la justice.  Grâce à la création du défenseur de la femme autochtone, un gros travail a pu être fait en vue d'éradiquer toutes les formes de violence à l'encontre de ces femmes et promouvoir le plein exercice de leurs droits.

La Chine a souligné que la communauté internationale se devait de faire preuve de solidarité pour défendre les libertés et droits des femmes autochtones à travers le monde; il faut des mesures intégrées pour mettre un terme aux violences à leur encontre et offrir des moyens de recours aux victimes. 

Le Paraguay a indiqué avoir redoublé d'efforts pour combler le déficit observé dans le passé et réduire les causes et conséquences de ce type de violences.  Le pays a rappelé qu'il avait aussi adhéré à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux et promu un travail conjoint entre l'Institut national des autochtones, le Ministère de la femme et le Secrétariat national pour les droits des personnes handicapées.  Il s'est ensuite enquis auprès des panélistes de ce que peuvent faire les gouvernements pour garantir les droits des femmes handicapées issues des peuples autochtones.  Le Mexique aussi a renforcé ses lois, notamment celles sur l'égalité entre les sexes, ce qui a notamment permis d'aborder le problème de la violence fondée sur le sexe et des soins.  Cette loi prévoit aussi des mécanisme de recours.  D'autres domaines de coopération ont-ils été identifiés par les panélistes dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030, a demandé la délégation mexicaine?

C'est avant tout à l'État de protéger les communautés, a rappelé l'Albanie, ajoutant qu'il ne saurait y avoir de prétexte à la discrimination, y compris celle fondée sur le genre.  Les États doivent donc adopter des politiques sectorielles prenant en compte la fragilité des femmes autochtones.  Que peuvent donc faire les États pour prendre en compte les droits de ces femmes dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030, a demandé l'Albanie?  Le Royaume-Uni, qui n'a pas spécifiquement de peuples autochtones sur son territoire, a cependant pris des mesures pour prévenir et sanctionner toutes les formes de violence contre les femmes et les filles.  La France est engagée depuis longtemps sur cette question.  Avec les Pays-Bas, la France parraine depuis 2006 la résolution de l'Assemblée générale sur l'intensification des efforts de lutte contre les discriminations faites aux femmes et appuie les programmes de ONU-Femmes en matière d'accès à la justice.  La France a également pris sa part dans la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.  L'Australie  aide les communauté indigènes à lutter contre les discriminations faites aux femmes, y compris pour ce qui est des femmes handicapées.  Elle soutient aussi les personnels de santé, de police et de justice afin qu'ils puissent répondre aux besoins des communautés autochtones.

Aux Fidji, où la majorité de la population est d'origine autochtone, la Constitution les protège par exemple en matière de droit foncier.  Ainsi, 91% des terres sont aux mains de la communauté autochtone.  En Namibie, où les droits de tous sont reconnus dans la Constitution, la violence touchant les femmes autochtones est intimement liée à l'histoire même de ces communautés, a reconnu la délégation. 

Il est urgent de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le Programme de développement durable à l'horizon 2030, notamment son objectifs 5 visant à parvenir à l'égalité entre les sexes et à autonomiser toutes les femmes et les filles, a indiqué le Sénégal, un pays qui a affirmé avoir des résultats satisfaisants en matière de lutte contre les discriminations basées sur le genre.  La Colombie a souligné avoir adopté une politique d'offre de soins et d'indemnisation en faveur des victimes du conflit qui a ravagé le pays.  L'accord de paix signé avec les FARC prévoit même des mesures de protection pour les femmes.  La délégation colombienne s'est néanmoins dite curieuse d'avoir d'autres informations sur les moyens de prévenir les violences et de régler les conflits pouvant exister entre lois nationales et pratiques traditionnelles. 

La Convention d'Istanbul, ratifiée par 22 États, est reconnue comme l'instrument le plus ambitieux de lutte contre les discriminations faites aux femmes, a expliqué la délégation du Conseil de l'Europe , ajoutant que cet instrument contient des détails sur les réponses, y compris judiciaires, à apporter en cas de discrimination.

L'Algérie a déclaré que la prise en charge des droits des peuples autochtones doit tenir compte de circonstances historiques de chaque pays et donc faire l'objet de mesures adaptées à chaque pays.  L'Algérie pour sa part a criminalisé en 2015 toutes les formes de violence contre les femmes, prévoyant pour ce type de délits des peines pouvant aller jusqu'à vingt ans de prison.  Le Nigéria a regretté que le problème de la violence contre les femmes persiste en dépit des dispositions légales existantes.  Le Nigéria a inscrit la protection des femmes et des filles autochtones au rang de ses priorités, ce qui lui a permis de réduire considérablement le problème des violences exercées à leur encontre.

Le Venezuela a affirmé que la violence contre les femmes autochtones est un phénomène étroitement associé à l'histoire coloniale.  La Bolivie a recommandé aux États d'intégrer les femmes autochtones au fonctionnement des institutions publiques, seule manière de faire reculer les stéréotypes dont elles font l'objet.  La Bolivie estime que seule l'autonomisation des femmes autochtones peut éliminer les causes de la violence à leur encontre.

La République islamique d'Iran a relevé que la question de la lutte contre les violences faites aux femmes et filles autochtones s'inscrit pleinement dans le Programme de développement durable à l'horizon 2030.  La Tunisie a quant à elle souligné que les femmes et les filles autochtones doivent avoir un meilleur accès à la justice.  Elle a demandé aux États de renforcer le  Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones.

L'Espagne a également insisté sur le fait que les femmes et les filles autochtones doivent pouvoir accéder à des voies de recours judiciaires et, plus généralement, participer aux prises de décisions les concernant au plan national.  Le Honduras a recommandé aux États de fonder leur riposte à cette problématique sur des connaissances scientifiques précises concernant les violences faites aux femmes et aux filles autochtones.  Le Honduras, pour sa part, lutte en priorité contre la pauvreté des femmes autochtones, qui est un facteur essentiel de la violence.

Pour donner effet au principe d'égalité entre les sexes, les Maldives ont adopté – en complément au cadre juridique lié à l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes – un ensemble de lois réprimant la violence sexuelle et domestique et donnant des chances égales pour tous. 

Pour l'Égypte, certains facteurs qui expliquent la vulnérabilité des femmes autochtones à la violence  sont imputables aux attitudes de pays qui se posent en défenseurs de droits de l'homme.

La République du Congo s'emploie pour sa part – en collaboration avec les Nations Unies et la société civile – à la disparition progressive des préjugés socioculturels et à l'éradication de la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones en veillant à leur protection et à leur autonomisation.  La République du Congo célèbre chaque année la journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines.

Le Fonds des Nations Unies sur la population (FNUAP) a pour sa part indiqué avoir lancé en 2013 un programme conjoint sur les services essentiels pour les femmes et filles sujettes à la violence, actuellement mis en œuvre dans sept pays.  Le FNUAP a également organisé une étude en collaboration avec l'UNICEF, ONU-Femmes, le Bureau international du Travail et le Représentant spécial du Secrétaire général sur les violences à l'encontre des enfants concernant la violence faite aux filles et adolescentes autochtones, a expliqué la délégation. 

Intervenant par vidéotransmission, la Commission australienne des droits de l'homme a encouragé les États à utiliser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes autochtones afin d'établir des stratégies pour lutter contre les violences objets du débat de ce matin.  Des services prioritaires doivent être définis et financés.

Par son travail dans plus de 40 pays du monde, l'ONG Défense des enfants - international a relevé que les services de soins et de santé n'étaient pas toujours adaptés (aux femmes autochtones) et a demandé aux États membres de respecter les instruments internationaux de défense des droits de l'homme, d'adopter des programmes pour soutenir les femmes et les filles en danger et, en fin de compte, de respecter les droits des peuples autochtones.

Action Canada pour la population et le développement a dit que les États doivent adopter une approche inclusive en consultant les femmes autochtones et en travaillant avec elles.  L'ONG a demandé comment les États pouvaient à cette fin renforcer la confiance avec les femmes autochtones. 

Indian Law Ressources Center, au nom d'un groupe d'organisations, a fait observer qu'aux États-Unis, quatre femmes autochtones sur cinq ont été victimes de violence, avec une occurrence de ce type de violence particulièrement élevée parmi les femmes autochtones de l'Alaska.  Elles sont également davantage susceptibles d'être victimes de traite, en particulier en direction du Canada.  Ce haut niveau de violence, accompagné par un niveau également élevé d'impunité, préoccupe Graduate Women International, au nom également de l'Alliance internationale des femmes; Zonta International; et l'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL), qui demande dans ce contexte à tous les États de ratifier les différents instruments internationaux relatifs à la protection des femmes autochtones.  L'ONG demande aussi aux États de travailler avec les communautés concernées et de leur fournir les ressources suffisantes, y compris afin de recueillir des données ventilées.  America Democracy and Human Rights in Bahrain Inc a attiré l'attention du Conseil sur les discriminations subies par les femmes bédouines en Arabie saoudite et au Koweït, où l'accès aux soins leur est souvent dénié.  Elles ne peuvent en outre pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, contribuant à l'expansion de l'apatridie.

FIAN International a encouragé les États à prendre en compte non seulement les besoins spécifiques de chaque population autochtone, mais aussi le fait que les femmes autochtones subissent, en tant que telles, un ensemble de discriminations.  Le Conselho Indigenista Missionàrio a décrit un projet d'autonomisation des femmes autochtones au Brésil, dont le but est d'aider ces femmes non seulement à faire valoir leurs droits mais aussi à faire évoluer le droit. 

Réponses et conclusions des panélistes

MME MCGLADE a déclaré que les femmes autochtones sont prêtes à collaborer avec les autorités dans la mesure où ces dernières sont disposées à aborder le problème de la violence contre les femmes et les filles autochtones avec sérieux.

Mme McGlade a ensuite souligné que beaucoup de femmes autochtones disposaient d'une grande expertise et connaissaient parfaitement les problèmes liés à la violence à l'égard des femmes et filles autochtones.  Elle a plaidé pour leur pleine participation au système de justice pénale.

MME TAULI-CORPUZ a relevé, au titre des «bonnes pratiques», que certains peuples autochtones, comme par exemple les Cherokees de l'ouest, bannissent les auteurs de violence sexuelle contre des femmes. 

Mme Tauli-Corpuz a par ailleurs indiqué que si les États ne respectent pas les droits des peuples autochtones sur leurs ressources naturelles et territoires et ne résolvent pas la violence systémique à l'encontre des femmes et filles autochtones, rien n'avancera.  Pour progresser sur cette voie, le recueil et la disponibilité de données s'avèrent vitaux.  La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a appuyé les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, ses causes et ses conséquences, s'agissant notamment de la mise sur pied d'un système de surveillance des féminicides autochtones, tant au Canada que dans plusieurs pays connaissant ou ayant connu un conflit armé.  Ces actes particulièrement brutaux exigent une défense solide des droits des femmes autochtones, a-t-elle insisté.  Les États gagneraient donc à faire participer les femmes autochtones à cette démarche, en les incluant dans les instances d'enquêtes et en favorisant leur pleine participation au système judiciaire. 

MME KESKITALO a recommandé aux États d'appliquer effectivement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui leur permettrait de traiter de manière intégrée l'ensemble des difficultés décrites aujourd'hui. 

MME MONTÚFAR CONTRERAS a insisté sur l'importance de former les magistrats et avocats à une prise en charge adéquate des autochtones handicapés.  Elle a aussi demandé aux pays en voie de développement de tenir compte des besoins très concrets des personnes handicapées qui veulent déposer plainte, en termes d'accès physique aux locaux, par exemple.

Mme Montúfar Contreras a ensuite demandé que les peuples autochtones ne soient plus appréhendés comme un tout mais qu'il soit au contraire tenu compte de leurs spécificités et de leurs différentes facettes. 

MME KESKITALO a déclaré que l'Australie devrait mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui permettrait un renforcement des rapports avec ses peuples, notamment dans le iles du détroit de Torres.  Elle a recommandé que les plusieurs titulaires de mandats examinent la problématique de la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, et à soumettre des propositions de suivi concrètes, car la tenue d'une table ronde ne suffit pas, à elle seule, à résoudre cette situation. 

À l'issue de cette table ronde, le modérateur du débat, M. ALBERT KWOKWO BARUME, Président du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, s'est réjoui du grand nombre d'interventions et de questions auxquelles ce débat a donné lieu et qui prouvent l'intérêt accordé à la question discutée.  De plus en plus de données alarmantes apparaissent qui révèlent le degré sans précédent atteint par le phénomène de la violence à l'encontre des femmes et filles autochtones, a fait observer le Président du Mécanisme d'experts, ce qui atteste de l'urgence qu'il y a à recueillir des données ventilées pour mieux le combattre.  Les femmes et filles autochtones handicapées sont particulièrement touchées; elles sont l'objet de discriminations multiples auxquelles il faudrait concrètement apporter des réponses, a-t-il par ailleurs souligné.  Il a en outre insisté sur l'importance fondamentale de l'accès à la justice.  Plusieurs cas ont été mentionnés qui révèlent un déni flagrant de justice, a-t-il rappelé.  La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a certes rappelé que tout n'est pas rose au sein des communautés autochtones elles-mêmes, qui connaissent également des pratiques de violence à l'encontre des femmes et des filles; cependant, plusieurs initiatives politiques et communautaires prometteuses ont été adoptées, a fait observer le Président du Mécanisme d'experts, avant de remercier le Conseil pour toute l'attention qu'il accorde au problème posé par cette violence contre les femmes et filles autochtones. 

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*Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Union européenne, Grèce , Canada , République dominicaine (au nom de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes – Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC),  États-Unis, International Development Law Organization (IDLO), Afrique du Sud (au nom du Groupe africain) , Norvège (au nom du Danemark avec le Groenland, de la Finlande, de l'Islande, de la Suède, de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie), Géorgie, Équateur , Guatemala, Chine , Commission australienne des droits de l'homme, Paraguay, Mexique, Albanie, Royaume Uni, France, Australie, Fidji , Namibie, Fonds des Nations Unies sur la population (FNUAP), Sénégal, Colombie, Conseil de l'Europe, Bolivie, Algérie, Nigéria, Venezuela, République islamique d’Iran, Tunisie, Espagne, Honduras, Maldives, Égypte, République du Congo.

*Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Défense des enfants - international; Action Canada pour la population et le développement; Indian Law Resource Centre; Graduate Women International (au nom également de l'Alliance internationale des femmes; Zonta International; et l'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement - OIDEL); Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc;et FIAN International.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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