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Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient un débat sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme

Éducation et formation aux droits de l'homme

14 Septembre 2016

APRES MIDI

GENEVE (14 septembre 2016) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat de haut niveau à l'occasion du cinquième anniversaire de l'adoption de la «Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme».  Les discussions ont porté sur les bonnes pratiques adoptées par les pays et sur les problèmes qu'ils rencontrent dans ce domaine. 

Ouvert par le Président du Conseil des droits de l'homme, M. Choi Kyong-lim, le débat a été présenté par Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme et par M. Jordan Naidoo, Directeur de la Division en charge du soutien et de la coordination pour le programme Éducation 2030 de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).  La modératrice du débat était Mme Christiana Carletto, professeure associée de droit international à l'Université de Rome, qui a fait projeter un court métrage consacré à un projet d'éducation aux droits de l'homme destiné à des intouchables en Inde.

Mme Gilmore a observé que la leçon à tirer de ce film est que l'éducation peut transformer les victimes d'injustices sociales non seulement en acteurs de leur propre destin, mais aussi en défenseurs actifs des droits de l'homme, grâce à la prise de conscience de leurs droits fondamentaux.  L'éducation aux droits de l'homme n'est pas seulement une question de contenus, a observé la Haut-Commissaire adjointe, mais aussi de méthodologie et de processus.  M. Naidoo a indiqué, à ce propos, que l'UNESCO travaillait à l'élaboration d'un cadre théorique d'éducation à la citoyenneté mondiale.  En collaboration avec le Conseil des droits de l'homme et le Haut-Commissariat, l'UNESCO a préparé des normes en matière d'éducation.  L'Organisation recueille, depuis plusieurs années, les bonnes pratiques concernant l'éducation aux droits de l'homme et la prévention de l'extrémisme et du génocide. 

Le débat a compté avec la participation de quatre panélistes: Mme Sonia Marta Mora Escalante, Ministre de l'éducation du Costa Rica; Mme Flavia Piovesan, Secrétaire pour les droits de l'homme au Ministère de la justice du Brésil; M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l'homme du Maroc; et M. Herman Deparice-Okomba, Directeur exécutif du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de Montréal.

Mme Escalante a présenté les grands traits de la politique nationale d'éducation aux droits de l'homme appliquée par le Costa Rica: axée d'abord sur l'intégration de tous les jeunes au système scolaire, cette politique mise beaucoup sur les enseignants pour susciter, à long terme, un véritable changement dans les mentalités.  Décrivant l'expérience déjà avancée du Brésil, Mme Pioevesan a pour sa part indiqué que les programmes d'éducation aux droits de l'homme y sont apparus dans les années 1980 déjà, sous l'impulsion de la société civile.  En 2003, le Gouvernement a mis en place un programme global visant notamment les forces de police et de sécurité ainsi que les médias, avant d'adopter, en 2012, des directives spécifiques concernant l'éducation aux droits de l'homme au niveau de l'éducation primaire et secondaire, conformément aux dispositions du Programme mondial des Nations Unies en faveur de l'éducation aux droits de l'homme.

M. El Yazami a quant à lui expliqué que son Conseil national avait réalisé une étude pour faire le point des perceptions et représentations des droits de l'homme dans la société marocaine.  L'étude doit notamment ouvrir des pistes sur la manière de promouvoir la culture des droits humains dans le monde de la culture, des entreprises et de la société civile, la question étant de savoir comment faire de la vidéo, de la musique, du cinéma en faveur des droits de l'homme.  Enfin, M. Deparice-Okomba a jugé urgent de promouvoir l'éducation sur les droits de la personne afin de lutter contre les préjugés et de préconiser l'utilisation de moyens non violents pour résoudre les différends.  Il a souligné que cette éducation doit viser à renforcer la pensée critique et la résilience des individus les plus vulnérables – pour les mettre en mesure de résister aux informations simplistes qu'ils trouveront sur Internet – et non pas viser une «déradicalisation» qui suppose que les êtres humains seraient des machines programmables.

Au cours du débat avec les experts, les délégations* qui se sont exprimées ont salué l'adoption de la Déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, soulignant le rôle important qu'elle est appelée à jouer dans l'instauration d'une nouvelle manière d'appréhender les droits de l'homme.  Nombre d'intervenants ont souligné que l'éducation aux droits de l'homme jouera un rôle crucial dans la réalisation des Objectifs de développement durable.  L'obligation de l'État de garantir non seulement l'accès à l'enseignement aux droits de l'homme, mais aussi sa qualité, a été mise en évidence.  Une délégation a relevé que les médias, compte tenu de leur central dans la diffusion des idées, doivent eux-aussi recevoir une formation aux droits de l'homme.  Plusieurs délégations ont posé des questions sur le rôle potentiel des technologies numériques dans l'enseignement aux droits de l'homme.

Demain matin à 9 heures, le Conseil achèvera son débat général sur la mise au point du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, avant de tenir un débat interactif avec l'Expert indépendant sur les droits fondamentaux des personnes âgées. 

Réunion-débat de haut niveau sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme

Déclarations liminaires

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que les évènements et les défis auxquels la communauté internationale est confrontée montrent à quel point l'éducation aux droits de l'homme est cruciale.  Il faut des réponses appropriées à ces défis, notamment par une transmission des valeurs des droits de l'homme, a-t-elle ajouté.  Citant l'histoire d'une fillette dalit en Inde, qui sera présentée au cours de la réunion-débat, Mme Gilmore a souligné que celle-ci n'est plus une victime car elle est devenue une défenseuse active des droits de l'homme, grâce à une prise de conscience de ses droits intrinsèques.  Chacun doit en faire autant, a encouragé la Haut-Commissaire adjointe, plaidant aussi pour un changement de mentalités.  Cependant, l'éducation aux droits de l'homme n'est pas seulement une question de contenu, mais aussi de méthodologie et de processus, a souligné Mme Gilmore.  De leur côté, les enseignants doivent également être ouverts et veiller à l'application concrète de ces valeurs.

Mme Gilmore a également indiqué que de nombreuses initiatives ont vu le jour, comme l'actuel Programme pour l'éducation aux droits de l'homme.  Ces initiatives prises dans la foulée du cinquième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur le droit à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme, ne pourront être effectives sans l'appui de tous les acteurs nationaux, régionaux, internationaux ou onusiens et sans des actions concrètes, a-t-elle souligné.  L'enseignement tiré de l'expérience du Haut-Commissariat consiste à dire que les programmes relatifs aux droits de l'homme doivent être pertinents, adaptés au contexte de chaque individu, et reliés à des stratégies globales.  L'éducation aux droits de l'homme requiert aussi l'implication de tous les acteurs concernés et l'amélioration des systèmes et autres mécanismes de suivi et de surveillance, a-t-elle encore déclaré. 

M. JORDAN NAIDOO, Directeur de la Division en charge du soutien et de la coordination pour le programme Éducation 2030 de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a relevé que le cinquième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme coïncide avec le premier anniversaire de l'adoption du Programme de développement durable à l'horizon 2030.  Ce Programme réaffirme le rôle central de ladite Déclaration et la nécessité de garantir les droits fondamentaux des sept milliards de personnes qui peuplent notre  planète. 

M. Naidoo a relevé que dans un monde riche d'opportunités et d'innovations, de nombreux pays ont émergé du sous-développement et se sont développés à des rythmes différents.  Malgré ces progrès, le désenchantement prévaut aujourd'hui car nous sommes témoins d'une multitude de violations des droits de l'homme, avec des conflits d'extrémisme violent, la guerre, la pauvreté, la faim, les changements climatiques, ce qui entrave les efforts pour atteindre le progrès et les objectifs de développement durable.  Aujourd'hui plus que jamais, le monde aurait besoin d'une éducation aux droits de l'homme qui impliquerait toutes les composantes de la société et toutes les formes d'éducation, formelle et informelle. 

L'UNESCO travaille dans un cadre théorique d'éducation à la citoyenneté planétaire.  En collaboration avec le Conseil et le Haut-Commissariat, l'UNESCO a élaboré des normes en matière d'éducation et propose une assistance aux États membres.  Au cours des années, l'UNESCO a recueilli les bonnes pratiques concernant l'éducation aux droits de l'homme, s'agissant notamment de la prévention des génocides et de l'extrémisme.  Ces pratiques ont été reproduites dans différentes publications. 

Exposés des panélistes

MME SONIA MARTA MORA ESCALANTE, Ministre de l'éducation du Costa Rica, a déclaré que son pays consacrait plus de 8% de ses richesses à son système éducatif.  Le mythe de l'homogénéité du pays a rapidement été abandonné, ce qui a ouvert la voie à la prise en compte des avantages de sa diversité.  Pour ce faire, un Réseau national de l'éducation aux droits de l'homme a reçu pour mission d'élaborer une politique nationale d'enseignement des droits de l'homme en vue de produire un authentique changement culturel.  Dans ce contexte, la transformation des programmes d'enseignement est une dimension essentielle de l'action publique. 

Le premier pas de toute politique d'éducation aux droits de l'homme consiste à engager toutes les familles à scolariser leurs enfants.  Les autorités œuvrent parallèlement à l'harmonisation de la loi nationale sur les normes internationales en matière d'enseignement.  C'est ainsi que les règlements ont été adaptés pour que l'école admette les jeunes élèves qui manifestent leur identité culturelle de manière visible, en portant des dreadlocks, par exemple.  La volonté d'inclure tous les jeunes à l'école a aussi entraîné les autorités à prendre des mesures d'intégration en direction des transsexuels.  Cette action s'accompagne de mesures de sensibilisation en direction des enseignants, dont le rôle est crucial pour faire évoluer les mentalités, a affirmé la ministre.

MME FLAVIA PIOVESAN, Secrétaire pour les droits de l'homme au Ministère de la justice du Brésil, a rappelé que tant la Déclaration des Nations Unies sur le droit à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme que d'autres documents internationaux, notamment ceux associés aux Objectifs de développement durable, stipulent que ce droit (à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme) constitue un droit de l'homme à part entière; il favorise en effet l'émancipation et l'exercice des autres droits, permettant jusqu'à la transformation de la propre vie de chaque personne et de celle des autres. 

Concernant l'expérience du Brésil, les programmes d'éducation aux droits de l'homme sont apparus dans les années 1980, grâce à la société civile en particulier.  En 2003, le Gouvernement a mis en place un programme national incluant également les forces de police et de sécurité ainsi que les médias.  En 2009, il a adopté son cinquième plan national et en 2012, des directives spécifiques concernant l'éducation aux droits de l'homme dans l'enseignement primaire et secondaire ont été adoptées. 

Dans le domaine de la mise en œuvre de ces programmes, le Secrétariat aux droits de l'homme a conçu des projets de sensibilisation, comme le Prix national d'éducation aux droits de l'homme, décerné tous les deux ans pour récompenser les meilleures pratiques en la matière.  Depuis 2009, plus de quarante bénéficiaires l'ont reçu.  Il y a aussi le Prix des droits de l'homme, décerné tous les ans au mois de mars pour célébrer la Déclaration.  Il a bénéficié à plus de 300 personnes et institutions depuis sa mise en place.  Il y a aussi le festival du film des droits de l'homme, qui se tient tous les ans depuis 2006, a illustré la Secrétaire pour les droits de l'homme du Brésil. 

M. DRISS EL YAZAMI, Président du Conseil national des droits de l'homme du Maroc, a donné un aperçu de diverses initiatives  au Maroc en matière d'éducation aux droits de l'homme.  La priorité a été accordée à l'éducation des jeunes qui représentent une part très importante de la société marocaine, soit plus de 8 millions de personnes.  Un manuel a été diffusé en partenariat avec l'UNESCO et le Conseil national des droits de l'homme.  Il vise à faire progresser l'appropriation de la culture des droits de l'homme par les jeunes. 

M. El Yazami a expliqué que le Maroc comme tous les autres pays s'inscrivait dans un monde global et que le débat sur la question des droits de l'homme était une discussion entre universalisme et particularisme.  Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a réalisé une étude sur la culture des droits de l'homme dans l'objectif de faire le point sur l'état des perceptions et représentations des droits de l'homme au sein de la société marocaine, de contribuer à une meilleure connaissance de l'état de la culture des droits de l'homme et d'amorcer une accumulation des savoirs sur la culture des droits de l'homme.  Cette étude doit aussi déterminer des pistes sur la manière de promouvoir la culture des droits de l'homme, notamment dans le monde de la culture, des entreprises et de la société civile.  M. El Yazami a posé la question de savoir comment créer des vidéos, de la musique, du cinéma et des médias en faveur des droits de l'homme. 

M. HERMAN DEPARICE-OKOMBA s'est dit convaincu par son expérience en tant que Directeur exécutif du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de Montréal que toute stratégie de lutte ou de prévention contre l'extrémisme violent dépourvue d'une forte composante des droits universels de la personne restera lettre morte.  Le Centre constate que le manque d'éducation en matière de droits de la personne est un facteur déterminant en ce qui concerne la violence.  Il est donc urgent, a ajouté M. Deparice-Okomba, de promouvoir l'éducation sur les droits de la personne afin de lutter contre les préjugés et de préconiser l'utilisation de moyens non violents pour résoudre les différends.  Cette éducation doit renforcer la pensée critique des individus les plus vulnérables. 

Contre les trajectoires de radicalisation violente, le Centre applique différentes stratégies, a expliqué son Directeur exécutif: amener les jeunes à participer à la vie démocratique; sensibiliser les citoyens aux droits et aux libertés de la personne; développer chez eux des attitudes et des comportements d'ouverture, de respect et d'acceptation de la diversité.  Enfin, le Centre estime qu'il faudrait appréhender la réinsertion avec précaution car la réalité géopolitique actuelle fait que beaucoup de pays occidentaux sont aux prises avec le retour de leurs ressortissants partis combattre en Syrie ou en Iraq.  Le Centre met en avant un modèle de réinsertion qui vise à une intégration économique, éducative, familiale et sociale.

Débat

Les premiers pays intervenus dans le débat ont tous souligné que le droit à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme était un droit à part entière.  Plusieurs pays, ont indiqué l'avoir d'ailleurs déjà mis en œuvre dans le cadre de leurs législations et programmes nationaux.  Ainsi pour l'Union européenne et ses pays membres, l'éducation aux droits de l'homme n'est qu'un volet du droit à l'éducation qui fait partie de leurs programmes communautaires et nationaux.  Les programmes doivent aussi tenir compte des droits des plus fragiles, dont les migrants et les réfugiés.  C'est dans cette philosophie que la Slovénie a préparé des programmes scolaires destinés à inculquer à sa jeunesse les droits de ces catégories de personnes, en particulier dans le contexte de la crise migratoire que connaît le pays, a signalé la délégation.

Au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), l'Arabie saoudite a dit que les pays membres de ce groupe reconnaissent, eux aussi, le droit à la formation comme un droit à part entière.  Ils ont même intégré cette approche au cursus de formation de leurs forces de police et de sécurité, à l'instar des pays de la Communauté des pays de langue portugaise, qui, par l'entremise du Timor-Leste reconnaissent le rôle du Haut-Commissariat sur cette question avec lequel ils coopèrent.  La coopération régionale est également la voie choisie par l'Australie pour promouvoir cette culture des droits de l'homme dans sa région pacifique.  Le Conseil de l'Europe dispose pour sa part d'un instrument comparable à la Déclaration des Nations Unies, à savoir la Charte sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits de l'homme.  Ces deux outils partagent les mêmes missions. 

Les pays de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) sont pleinement engagés vers cet objectif et souhaitent savoir quel rôle peuvent jouer les médias, a demandé la représentante de la République dominicaine,  qui s'exprimait en leur nom. Les pays francophones, quant à eux ont arrêté dans la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 sur les droits et libertés dans l'espace francophone une liste d'engagements concrets, dont celui relatif à la promotion d'une culture démocratique sous toutes ses dimensions, afin de sensibiliser, par l'éducation et la formation, l'ensemble des acteurs de la vie politique et tous les citoyens aux exigences éthiques de la démocratie et des droits de l'homme, a expliqué le Maroc, au nom des pays francophones.

La Grèce appelle tous les États à tirer profit de la mise en place de la troisième phase du programme mondial d'éducation aux droits de l'homme et l'intègre dans les formation obligatoires des agents de l'État, y compris les nouvelles recrues, comme le fait la Grèce, a dit la représentante.  L'Indonésie a continué à renforcer l'éducation aux droits de l'homme dans son plan d'action 2015-2019 qui s'adresse tant aux écoles qu'aux agents de l'État.  La Suisse se félicite pour sa part que le Programme de développement durable à l'horizon 2030 prenne clairement en compte cette problématique.  La Suisse a intégré, et rendu obligatoire,  l'éducation aux droits de l'homme dans les programmes scolaires. 

Au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), le Pakistan a expliqué que l'éducation aux droits de l'homme doit cependant tenir compte des particularité culturelles et religieuses des pays.

De nombreuses délégations ont présenté les mesures prises par leur pays respectifs en faveur de l'éducation aux droits de l'homme.  Le Qatar a décrit les ateliers de formation aux droits de l'homme organisés par le Ministère de la justice à l'intention des avocats et magistrats.  La délégation a aussi fait valoir les nombreuses initiatives de son pays pour rapprocher les civilisations et les religions. 

L'Équateur a dit avoir fait de l'éducation aux droits de l'homme une véritable politique publique pour laquelle les autorités ont déjà dépensé plusieurs millions de dollars, l'objectif étant que chacune et chacun soit parfaitement informé de ses droits.  L'enseignement est dispensé à tous les niveaux de la formation des policiers.  L'Argentine a indiqué avoir créé une École des droits de l'homme, chargée en particulier d'élaborer les programmes d'enseignement.  La Bolivie a insisté sur l'importance qu'il y a à former les membres des médias aux exigences des droits de l'homme, compte tenu du risque de dénaturation de leur rôle.  Le Paraguay a mis en avant l'obligation de l'État de garantir non seulement l'accès à l'enseignement aux droits de l'homme mais aussi sa qualité.

Au Kirghizistan, l'enseignement aux droits de l'homme commence dès l'entrée dans le système préscolaire, un secteur qui a pour avantage d'égaliser les chances des enfants dès le départ.  La République du Congo a créé des modules de formation à l'intention des autochtones.

La Thaïlande,  principal auteur de la résolution qui a demandé la tenue de ce débat, a fait valoir son expérience dans la formation des droits de l'homme des forces armées et des policiers.  Les priorités actuelles consistent à favoriser une culture des droits de l'homme par le biais des médias, qui ont un rôle irremplaçable à jouer à cet égard. 

Pour la Fédération de Russie, l'éducation aux droits de l'homme est un facteur important du développement de la société civile.  Le Ministère de l'éducation organise chaque année un «marathon juridique» et d'autres activités de sensibilisations aux droits, libertés et devoirs des citoyens. 

Le Botswana a demandé aux panélistes comment aider les États membres à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent dans l'intégration de l'enseignement des droits de l'homme dans le système scolaire primaire et secondaire, un objectif qui correspond à la première phase du Programme mondial des Nations Unies en faveur de l'éducation aux droits de l'homme.  La Pologne a souligné que l'éducation aux droits de l'homme jouera un rôle crucial dans la réalisation des objectifs du développement durable. 

L'Afrique du sud, au nom du Groupe africain, a demandé aux panélistes de quelle manière le droit à l'éducation aux droits de l'homme pourrait-il aider à la réalisation des Objectifs de développement durable.

Parmi les institutions nationales de droits de l'homme et organisations non gouvernementales ayant pris part au débat, l'Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme a encouragé les États à inviter les institutions nationales des droits de l'homme pour soutenir l'avancement de la mise en œuvre de l'éducation aux droits de l'homme dans le secteur de l'éducation formelle, et de les faire agir comme conseillers indépendants aux parlements.   L'Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement - OIDEL, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1, a insisté pour que les États intègrent le droit à  l'éducation aux droits de l'homme dans tous leurs rapports aux organes conventionnels des droits de l'homme.  Elle a été rejointe sur ce point par Soka Gakkai International, s'exprimant aussi au nom d'un groupe d'organisations.  La délégation a cependant ajouté que les États doivent parallèlement adopter et investir des ressources suffisantes. 

L'Institut danois pour les droits de l'homme a expliqué le rôle consultatif qu'il a joué auprès du gouvernement et des medias danois pour la mise en œuvre du droit à l'éducation aux droits de l'homme.  Il a invité tous les États à utiliser leurs institutions nationales des droits de l'homme aux mêmes fins.  Association américaine de juristes, au nom également du Mouvement international de la réconciliation et Libération, a évoqué les diminutions budgétaires pour l'éducation dans de nombreux États, qu'elle a comparé à l'augmentation vertigineuse des dépenses militaires au plan mondial.  Les Nations Unies ne consacrent par ailleurs que 2% de leur budget à l'éducation, a-t-il aussi chiffré.  Norvegian Refugee Council a attiré l'attention sur la violation du droit à l'éducation des Palestiniens en raison de l'occupation israélienne, avec les destructions d'écoles ou les restrictions à la liberté de mouvement, y compris des enfants, qui ne peuvent se rendre à l'école. 

Réponses et conclusions des panélistes

MME MORA ESCALANTE, Ministre de l'éducation du Costa Rica, a déclaré que l'éducation aux droits de l'homme est une responsabilité qui incombe à tous les acteurs de la société.  Elle a proposé de réfléchir à la méthodologie et mieux savoir ce qui fonctionne dans les salles de classe pour partager les bonnes expériences.  Le Costa Rica a lancé une campagne contre les brimades à l'école, avec le soutien du secteur privé.  Les médias ont joué un rôle déterminant pour diffuser la signification réelle des brimades: préjugés fondés sur le racisme ou sur l'origine sociale entre autres.  Le rôle joué par les médias a permis une meilleure compréhension de ce problème et une sensibilisation de la société à ce fléau.  La société a ainsi décidé de déployer les efforts nécessaires pour lutter contre ces maltraitances.  Cette mobilisation est un signe d'espoir et une source d'inspiration pour l'avenir, a souligné la Ministre costaricaine.

La modératrice s'étant interrogée sur la possibilité de créer des mécanismes de financement efficaces de l'enseignement des droits de l'homme, Mme Escalante a ensuite appelé la communauté internationale à se mobiliser pour dégager les fonds nécessaires «pour relever les défis de notre temps», tout en adoptant des stratégies pour mieux coordonner les actions au niveau local et y intégrer les produits de l'innovation.  Mme Escalante a également souligné l'importance du développement de la pensée critique chez les élèves et étudiants. 

MME PIOVESAN, Secrétaire des droits de l'homme au Ministère de la justice du Brésil, est revenue sur les défis concernant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme.  Le Brésil a adopté un plan national d'éducation aux droits de l'homme dans le cadre d'un processus participatif, considérant qu'un tel plan pouvait avoir un effet catalyseur, aiguillonner le débat au sein de la société, dresser un diagnostic et déterminer les principaux défis à des phénomènes comme les crimes de haine sur Internet.  Après l'adoption de ce plan, il a fallu veiller à sa mise en œuvre concrète d'où l'importance du recours à des indicateurs d'évaluation.  Ces indicateurs ont permis de mieux appréhender les points faibles et les points forts de cette politique.

Mme Piovesan a ensuite déclaré que l'éducation aux droits de l'homme jouera un rôle central dans la réalisation des objectifs du développement durable, leur but étant que «personne ne soit laissé pour compte».  L'éducation aux droits de l'homme est mentionnée dans les Objectifs 4 et 7 du Programme de développement durable, mais elle concerne de fait l'ensemble des 17 Objectifs, a relevé la Ministre.  «Sans éducation aux droits de l'homme, pas de culture des droits de l'homme: or, cette dernière est un facteur déterminant de la vie démocratique», a conclu Mme Piovesan.

M. EL YAZAMI, Président du Conseil national des droits de l'homme du Maroc, a indiqué que durant les prochaines décennies, le défi majeur à relever dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme sera la manière d'appréhender les flux migratoires.  Les formes de migration changent aujourd'hui, avec  l'émergence des réfugiés climatiques.  L'instrumentalisation de la question de la migration est dangereuse et, l'éducation aux droits de l'homme doit prendre en compte cette réalité.  Pour M. El Yazami, une approche cohérente et intégrée de la question de la mise en œuvre des Objectifs de Développement durable et de ceux de l'Accord de Paris sur le climat s'avère vitale. 

M. El Yazami a par la suite expliqué que ne pas s'occuper de la bataille globale des valeurs sur Internet serait une erreur de la part de la communauté internationale, dans un contexte où la radicalisation passe également par ce biais.  Pour lui, il y a là matière pour le Haut-Commissariat et ses mécanismes.  Les institutions nationales des droits de l'homme, pour leur part, sont prêtes à apporter leur contribution, a-t-il ajouté.

M. DEPARICE-OKOMBA, Directeur exécutif du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de Montréal, a expliqué que le renforcement de l'éducation aux droits de l'homme doit aller au-delà de l'école.  Il importe que tous les lieux de socialisation abordent la question des droits de l'homme.  Les médias qui simplifient des questions complexes, qui font preuve sensationnalisme, ont un impact sur le parcours des jeunes en voie de radicalisation.  M. Deparice-Okomba a indiqué que personne ne se radicalisait uniquement sur Internet.  C'est toujours une rencontre entre une personne en recherche qui rencontre une autre personne qui lui donne des solutions simplistes, a-t-il précisé.  Il faut renforcer la résilience des jeunes par rapport à tous ce qu'ils «rencontrent» en ligne, d'où l'importance d'une éducation aux droits de l'homme.

M. Deparice-Okomba a rappelé que les jeunes qui se radicalisent sont ceux qui ont perdu la capacité de rêver, même si le recours à la violence n'est pas tolérable.  Il revient donc à tous, secteur privé y compris, de raviver leur espoir, a-t-il conclu. 

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* Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat: Union européenne, Arabie saoudite (au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Timor-Leste ( au nom de la Communauté des pays de langue portugaise), Australie, Conseil de Europe, République dominicaine (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), Maroc (au nom des pays francophones), Grèce, Indonésie, Suisse, Pakistan  (au nom de Organisation de la coopération islamique  - OCI), Qatar, Équateur, Argentine, Bolivie, Paraguay, Kirghizistan, République du Congo, Thaïlande, Fédération de Russie, Botswana, Pologne, Afrique du sud (au nom du Groupe africain).

** Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre de la réunion-débat: Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme, Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement - OIDEL, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1), Soka Gakkai International, Institut danois pour les droits de l'homme, Association américaine de juristes (au nom également du Mouvement international de la réconciliation et Libération), Norwegian Refugee Council.

1. Déclaration conjointe: Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL); Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII;Compagnie des filles de la charité de Saint Vincent de Paul; Foundation for GAIAGlobal Eco-Village Network; Instituto de Desenvolvimento e Direitos Humanos;Bureau international catholique de l'enfance;  Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Lazarus Union; Make Mothers Matter – MMM; ONG Hope International; Planetary Association for Clean Energy; Soroptimist International; Sovereign Military Order of the Temple of Jerusalem; Institution Teresiana et l'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

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