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Organes conventionnels

Le Comité des droits de L'enfant examine le rapport de l'Arabie Saoudite

Arabie saoudite

21 Septembre 2016

Comité des droits de l'enfant


21 septembre 2016

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par l'Arabie saoudite sur les mesures qu'elle a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. 

Présentant ce rapport, M. Bandar Mohammed Al-Aiban, Président de la Commission des droits de l'homme de l'Arabie saoudite, a expliqué que les efforts de son pays en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant étaient basés sur des principes constitutionnels solides inspirés de la charia islamique, de la législation nationale et des normes des instruments pertinents, au premier rang desquels la Convention.  La promulgation, en 2014, d'un certain nombre de textes, parmi lesquels la loi de protection de l'enfance, vise à prévenir toute forme d'abus et de négligence.  Un centre spécialisé a été mis sur pied afin de recevoir les signalement de violence domestique, au travers d'un numéro d'appel gratuit.  Ce centre d'appel, qui est animé par un personnel entièrement féminin, permet une intervention rapide en cas d'abus. 

Cette année, le Conseil des ministres a donné son aval à la création du Conseil des affaires familiales, qui vise à renforcer le statut et le rôle de la famille au sein de la société, une famille unie par les liens reposant sur des valeurs et idéaux moraux et religieux.  Pour sa part, la Commission des droits de l'homme surveille la mise en œuvre des lois et obligations du Royaume en vertu des conventions des droits de l'homme auquel il est partie.  La société civile joue pleinement son rôle, le Président de la Commission des droits de l'homme citant l'exemple de la Société nationale des droits de l'homme qui reçoit des plaintes et produit des rapports annuels sur les défis rencontrés par le pays en matière de respect des droits fondamentaux.  Il existe, par ailleurs, de nombres institutions caritatives qui prennent en charge les orphelins, les nécessiteux, les personnes handicapées, les victimes de violence et de la traite. 

L'imposante délégation saoudienne était également composée de M. Faisal Trad, Représentant permanent de l'Arabie saoudite auprès des Nations Unies à Genève,  ainsi que d'une trentaine de membres venus de Ryad et de six diplomates de la Mission saoudienne à Genève. 

Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la réserve mise à la Convention sur toutes les dispositions contraires aux prescriptions du droit musulman; du rôle de la Commission nationale pour la protection de l'enfance; de la diffusion d'une culture des droits de l'homme; du mariage des enfants et des prérogatives de la femme en matière de mariage; de la situation des filles à cet égard; des allégations de cas d'esclavage; du traitement des employés domestiques, des travailleurs étrangers et des réfugiés; de l'aide au développement; de l'enregistrement des naissances; des personnes handicapées; de la peine de  mort; et des opérations militaires au Yémen conduites par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite. 

Les cinq membres du Comité faisant office de rapporteurs dans le cadre d'un groupe de travail chargé de l'examen des rapports de l'Arabie saoudite se sont inquiétés des entraves mises à l'action des défenseurs des droits de l'homme, notamment de ceux militant en faveur des droits de l'enfant.  Ils ont relevé que la justice saoudienne pouvait autoriser le mariage dès 9 ans, et exhorté l'État partie à fixer à 18 ans l'âge minimal de nubilité.  Un membre du Comité a abordé la question de l'indépendance des organes des droits  de l'homme, rappelant qu'il s'agissait d'une recommandation acceptée par l'Arabie saoudite lors de son Examen périodique universel au Conseil des droits de l'homme.  Plusieurs experts ont soulevé la question de la tutelle masculine sur les femmes, qu'ils ont qualifiée de discrimination flagrante. 

Un membre du Comité a rappelé qu'on ne saurait condamner à mort une personne pour des  faits commis lorsqu'elle était mineure.  Une experte a affirmé  que la flagellation, la lapidation ou la décapitation pouvaient être considérées comme des actes de torture.  Enfin, un membre du Comité a jugé préoccupant que l'Arabie saoudite n'ait pas ratifié la Convention de 1951 relative aux réfugiés, alors que le pays héberge des ressortissants syriens et yéménites.  Il a dénoncé le bombardement de zones civiles au Yémen par la coalition dirigée par Ryad, voire de l'utilisation de l'arme de la faim, ce qui constitue notamment une atteinte aux droits de l'enfant.

En guise de remarques de conclusion, la délégation a affirmé que l'Arabie saoudite avait la volonté politique de concrétiser les droits de l'enfant, avec l'aide des organes spécialisés des Nations Unies.  Pour ce faire, elle s'inspire des principes de la charia islamique et des instruments auxquels elle a souscrit, ce qui a permis d'établir un cadre institutionnel fort.

Le Président du Comité, M. Benyam Dawit Mezmur, a en revanche mis l'accent sur l'importance des questions en suspens relatives à la peine capitale ou à la torture. 

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'État-partie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 30 septembre prochain.


Cet après-midi et demain matin, le Comité procèdera à l'examen du rapport périodique du Suriname


Présentation du rapport de l'Arabie saoudite


Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Arabie saoudite, ainsi que de ses réponses (en anglais et en arabe) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

Présentant les troisième et quatrième rapports périodiques de l'Arabie saoudite, M. BANDAR MOHAMMED AL-AIBAN, Président de la Commission des droits de l'homme de l'Arabie saoudite, a indiqué que le document avait été préparé en concertation avec les organisations de la société civile, des spécialistes de l'enfance, sous les auspices de la Commission nationale pour la protection de l'enfance, constituée, début 2015, au sein de laquelle siégeaient un certain nombre d'instances gouvernementales.  Les efforts déployés par l'Arabie saoudite en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant reposent sur des principes constitutionnels solides inspirés de la charia (loi canonique musulmane), de la législation nationale et des normes des instruments pertinents, au premier rang desquels figure la Convention.  Ces efforts s'inscrivent dans une forte volonté politique tendant à transformer les paroles en actes, par l'adoption des meilleures pratiques possibles. 

D'un point de vue juridique, les dispositions de la charia complètent les législations pertinentes du Royaume: elles forment, ensemble, un cadre de protection et de promotion des droits de l'homme, a commenté le Président de Commission des droits de l'homme.  Ce cadre a été renforcé par la promulgation, en 2014, d'un certain nombre de textes, parmi lesquels la loi de protection de l'enfance.  Celle-ci, qui définit l'enfant comme toute personnes de moins de 18 ans et vise à prévenir toute forme d'abus et de négligence.  En outre, en 2013, a été promulguée la loi de protection de l'abus.  Dans la foulée, un centre spécialisé a été mis sur pied afin de recevoir les signalements de violence domestique, au travers d'un numéro d'appel gratuit.  Ce centre d'appel, qui est animé par un personnel entièrement féminin, permet une intervention rapide en cas d'abus.

Le Programme national de la sécurité familiale, promulgué en 2005, joue un important rôle humanitaire en élaborant des plans et stratégies de lutte contre la violence domestique et les abus envers les enfants.  Il cherche aussi à sensibiliser les individus et les institutions.  Cette année, le Conseil des ministres a donné son aval à la création du Conseil des affaires familiales qui vise à renforcer le statut et le rôle de la famille au sein de la société, une famille unie par les liens reposant sur des valeurs et idéaux moraux et religieux.  Ce Conseil aura aussi pour principal objectif de promouvoir les droits des femmes, des enfants, des personnes âgées et handicapées.

Pour sa part, la Commission des droits de l'homme fait le suivi de la mise en œuvre des lois et obligations du Royaume en vertu des conventions relatives aux droits de l'homme auxquelles il est partie.  Elle reçoit des plaintes relatives aux droits de l'enfant, et joue un rôle de supervision des instances gouvernementales au sein du Conseil de la Choura.  Entre 2005 et 2015, un Plan national d'action décennal a permis d'atteindre les objectifs fixés en matière de santé, d'éducation et de loisirs, ainsi que sur le plan social, a expliqué M. Al-Aiban. 

La société civile joue son rôle, le Président de la Commission des droits de l'homme citant l'exemple de la Société nationale des droits de l'homme qui est saisie de plaintes et produit des rapports annuels sur les défis rencontrés par le pays en matière de respect des droits fondamentaux.  Il existe, par ailleurs, de nombreuses institutions caritatives qui prennent en charge les orphelins, les nécessiteux, les personnes handicapées, les victimes de violence et de la traite.  Le chef de la délégation a encore précisé que le royaume comptait 882 associations œuvrant dans ces domaines, régies par une loi de 2015.

Examen du rapport


Questions et observations des membres du Comité

Le Comité avait réparti les questions à traiter entre cinq de ses membres faisant office de corapporteurs dans le cadre d'un groupe de travail chargé de l'examen des rapports de l'Afrique du Sud.

M. JORGE CARDONA a rappelé le caractère constructif du dialogue avec le Comité qui ne constitue en rien un réquisitoire ou un jugement.  L'Arabie saoudite a-t-elle l'intention de ratifier le Troisième Protocole facultatif établissant une procédure de communications; et envisage-t-elle, par ailleurs, de lever sa réserve à la Convention sur toutes les dispositions contraires aux prescriptions du droit musulman.  M. Cardona a rappelé l'engagement pris par l'Arabie saoudite quant à une évaluation de la législation saoudienne relativement à la Convention.  Le corapporteur a également sollicité une évaluation de l'utilisation des ressources budgétaires en faveur des droits de l'enfant, ajoutant que ceux-ci  n'étaient pas cantonnés au domaine social.  Il s'est étonné de la faiblesse des données statistiques alors même que l'Arabie saoudite s'était engagée à créer une base de données avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). 

Le corapporteur s'est inquiété des entraves aux activités des défenseurs des droits de l'homme, y compris ceux militant en faveur des droits de l'enfant.  Certains ont été jetés en prison, dont une militante qui a réclamé la fin de la tutelle masculine sur les jeunes filles.  Il a signalé que la justice saoudienne pouvait autoriser le mariage dès 9 ans, en se demandant si les autorités envisageaient de fixer à 18 ans l'âge minimal de nubilité.  M. Cardona a dit avoir le sentiment que la politique saoudienne face au handicap était plus caritative que fondée sur les droits.  L'Arabie saoudite envisage-t-elle de promouvoir une éducation inclusive, a-t-il encore demandé.  Il a jugé préoccupant, par ailleurs, qu'elle n'ait pas ratifié la Convention de 1951 relative aux réfugiés, alors que le pays héberge des Syriens et des Yéménites.  Les informations faisant état de bombardements de zones civiles au Yémen par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, voire l'utilisation de l'arme de la faim, constitue une atteinte aux droits de l'enfant, a affirmé le même expert.

M. PETER GURAN a abordé la question de l'indépendance des organes des droits  de l'homme, rappelant qu'il s'agissait d'une recommandation acceptée par l'Arabie saoudite lors de son Examen périodique universel au Conseil des droits de l'homme.  Ne disposant d'aucune indication à cet égard, il s'est enquis des modalités de nomination des membres de la Commission des droits de l'homme.  De quels types de plaintes est-elle saisie et par qui? Les enfants, le public, sont-ils informés de son existence, a-t-il demandé.  M. Guran a enfin abordé la question de l'application concrète de l'intérêt supérieur de l'enfant dans le cadre de la résolution des différends familiaux.

M. JOSÉ ANGEL RODRIGUEZ REYES a abordé la question de la non-discrimination, observant que l'Arabie saoudite avait progressé dans la promotion des jeunes filles dans l'éducation.  Des  stratégies ou des politiques générales ont-elles été mises en œuvre afin de lutter contre les discriminations envers un certain nombre de publics, les personnes handicapées, étrangères, les fidèles d'obédience chiite, s'est encore enquis ce corapporteur.  M. Rodriguez Reyes a également abordé la question de la tutelle masculine, souhaitant connaître les initiatives prises pour que les jeunes filles soient sujets de droit, alors que celles-ci sont l'objet de discriminations multiples.  L'État partie affirmant qu'il n'existait pas de discrimination religieuse en Arabie saoudite, M. Rodriguez  Reyes a posé une question sur les moyens dont disposent les minorités religieuses pour exprimer leur foi, sans oublier les convictions des agnostiques.  Peut-on arborer des signes religieux non musulmans en public, a-t-il demandé. 

Passant à la question de la peine capitale, le corapporteur a rappelé qu'un justiciable ne saurait être condamné à mort et exécuté pour des faits commis lorsqu'il était mineur.  L'Arabie saoudite envisage-t-elle de prendre des mesures pour interdire les exécutions capitales pour des faits commis alors que l'auteur était mineur, a demandé le corapporteur, qui a cité les noms d'un certain nombre de condamnés à mort, dont deux à l'âge de 17 ans, à la suite de leur participation à une manifestation antigouvernementale. 

MME KIRSTEN SANDBERG, qui a relevé que la flagellation, la lapidation ou la décapitation pouvaient être considérées comme des actes de torture, a voulu savoir si l'Arabie saoudite projetait de les interdire pour les mineurs.  Les mineurs condamnés à mort sont souvent incarcérés au secret, ce qui est peut aussi être considéré comme un mauvais traitement, a-t-elle commenté.  De même, l'Arabie saoudite envisage-t-elle de ne plus autoriser que des enfants puissent assister à des exécutions publiques. 

Il semble que certains juges ne permettent pas à des femmes ou des enfants d'assister à des procès, voire de témoigner.  Sur un autre chapitre, la corapporteuse a estimé que le fort taux de violence domestique pouvait être lié au caractère licite des châtiments corporels.  Elle s'est inquiétée du fait qu'un homme ayant tué sa fille ait été libéré au bout de quelques mois pour «abus excessif de discipline».  Mm Sandberg a aussi noté qu'une femme ayant été agressé sexuellement était passible de poursuites pour rapports sexuels hors  mariage si elle s'avisait de porter plainte.  L'État partie prévoit-il de légiférer à ce sujet? 

MME SUZANNE AHO-ASSOUMA a abordé la question de l'enregistrement des naissances, notant que tout retard était passible d'une amende.  Quel est le délai pour retirer un acte de naissance, a-t-elle demandé.  Que se passe-t-il pour les enfants de tribus nomades par exemple, n'ayant jamais été déclarés, alors que l'inscription à l'école implique de produire l'original de l'acte de naissance.  La corapporteuse a souhaité savoir si l'Arabie saoudite envisageait de solliciter l'assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour le recensement des apatrides.  Elle s'est étonnée que le père, ou le tuteur, ait droit de vie ou de mort sur ses enfants, ou qu'il puisse vendre sa fille pour la marier.  Elle a cité le cas d'une très jeune fille vendue pour l'équivalent de quelque 7 000 euros et à qui le mari qui lui était imposé, a offert une console de jeux, ce qui illustrait bien le fait que ce dernier était pleinement conscient d'épouser une enfant.  L'Arabie saoudite envisage-t-elle de réformer sa législation pour que les femmes et les jeunes filles deviennent des sujets de droit, a-t-elle demandé, alors qu'il semble que les autorités soient conscientes des effets négatifs des mariages imposés aux enfants.

Parmi les autres membres du Comité, un expert s'est demandé pour quelle raison l'Arabie saoudite n'avait pas fixé d'âge minimal pour le mariage.  Un de ses collègues a noté, par ailleurs, que les jeunes filles ne pouvaient obtenir un passeport ni étudier à l'étranger sans l'autorisation du père.  Il semble, selon lui, qu'en cas de séparation, les pères se voient toujours confier la garde des enfants.  Que se passe-t-il si le père est violent et qu'en est-il pour les enfants nés en dehors des liens du mariage, des informations faisant état de placements en orphelinat dans ce dernier cas, la qualité de tuteur n'étant pas reconnu à la femme. 

Une experte a évoqué les questions de santé, relevant que le système médical saoudien était moderne.  Toutefois, la mortalité infantile demeure relativement élevée.  En outre, le personnel médical est majoritairement étranger et ne parle pas la langue arabe, selon elle, ce qui est problématique dans la relation avec les patients.  La même experte a souhaité savoir, par ailleurs, si l'Arabie saoudite avait une politique de promotion de l'allaitement maternel.  Elle s'est également enquise de la politique du royaume à matière de VIH-sida, notamment la transmission mère-enfant, dans les zones rurales en particulier. 

En dépit du fait que l'Arabie saoudite soit un des pays les plus riches du monde, la pauvreté n'y est pas marginale, a-t-elle poursuivi.  Les autorités entendent-elles accélérer leur stratégie de lutte contre la pauvreté ? Elle a aussi posé des questions sur la politique nationale s'agissant des enfants de la rue et des jeunes mendiants qui sont exploités.  D'autre part, existe-t-il un registre national des auteurs de maltraitance ? Enfin, l'experte s'est demandée si des mesures avaient été prises en faveur de quelque 900 Mauritaniennes, employées domestiques, en état de quasi-esclavage, selon elle.

Dans le domaine éducatif, une autre experte s'est interrogée sur ce qui justifiait que les filles n'aient pas accès à certaines disciplines et qu'elles ne puissent faire de l'éducation physique.  Elle a estimé que le maillage des écoles dans le pays était insuffisant pour garantir une éducation primaire universelle.  Par ailleurs, la politique officielle porte atteinte au droit à la liberté religieuse des enfants en imposant l'enseignement de l'islam sunnite.   

Dans des questions de suivi, une experte s'est penchée sur l'action menée  contre l'obésité, des filles notamment qui ne peuvent pratiquer des activités sportives.  Elle a aussi sollicité des éclaircissements sur l'utilisation de jeunes garçons dans les courses de chameaux et de dromadaires. 

Applique-t-on la peine de mort à des mineurs ou à des adultes ayant commis un crime alors qu'ils étaient mineurs, a demandé un expert.  Si c'est le cas, l'Arabie saoudite envisage-t-elle de revoir cette législation? Une experte a prié la délégation de fournir des statistiques sur le viol et l'inceste.  Une de ses homologues a demandé si des mineurs avaient porté plainte, notamment contre des membres de leur famille.  De tels cas ont-ils abouti à des actions en justice ?

Réponses de la délégation

S'agissant de la réserve à la Convention sur toutes les dispositions contraires aux prescriptions du droit musulman, la délégation a précisé que ce droit avait prééminence sur les instruments internationaux ratifiés par l'Arabie saoudite.  Le Gouvernement s'est engagé à respecter les traités internationaux auxquels le pays a souscrit, à protéger la famille et les droits de l'enfant. 

Les abus doivent être entendus au sens large, à savoir l'absence de soins de santé par exemple, ou la négligence du droit à une identité en n'enregistrant pas une naissance.  Toute discrimination pour des raisons économiques, sociales ou ethniques s'apparente à des abus, a précisé la délégation.  Tout cas d'abus doit faire l'objet d'un rapport ou être dénoncé à l'organe pertinent le plus proche.  Dans ce cas, le procureur général du royaume doit ouvrir une enquête.  La loi de protection de l'enfance contient toutes les dispositions nécessaires à la protection des enfants, a assuré la délégation. 

L'une des tâches de la Commission nationale pour la protection de l'enfance est la coordination des mesures en faveur des enfants.  Elle a aussi produit des directives exhaustives pour lutter contre les abus envers les enfants.  Elle a procédé à un état des lieux, fait le bilan des actions des instances gouvernementales et identifié les faiblesses de l'action sur le terrain.  S'agissant des problèmes de harcèlement en milieu scolaire, il convient de sensibiliser non seulement les enfants et leurs enseignants mais aussi les familles.  Quelque 11 000 enseignants, hommes et femmes, ont bénéficié d'une formation à ce sujet afin de les aider à détecter les abus, a précisé la délégation.

Dans le cadre de la diffusion d'une culture des droits de l'homme, les autorités organisent des séminaires et ateliers, le dernier en date ayant été organisé avec l'assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.  Des programmes dans les médias, avec la participation des enfants, sont consacrés aux droits de l'enfant.  Par ailleurs, la Convention est divulguée  dans le pays.

L'Arabie saoudite n'a pas fixé d'âge minimum de nubilité car il existe une grande diversité de cultures, de traditions et de pratiques.  Dans les régions agricoles isolées, l'âge du mariage peut être très précoce, la délégation insistant sur les fortes différences entre les villes et les zones rurales.  Le mariage des enfants n'est toutefois pas un phénomène courant, a encore répondu la délégation, la justice étant sensibilisée à la question afin d'éviter des cas de cette nature.  Il reste que le pays est vaste et qu'il peut effectivement y avoir des cas, dans les zones frontalières en particulier. 

Tout mariage concernant des mineurs de 18 ans doit faire l'objet d'une requête auprès d'un tribunal, le juge étant souverain en la matière.  Concrètement, il peut autoriser une fillette à épouser un homme d'un certain âge sans tenir compte de l'intérêt supérieur de cette enfant.  La délégation a toutefois insisté sur le caractère exceptionnel de tels cas.  La règle générale est que de telles unions ne soient pas autorisées, grâce, en particulier, à l'efficacité de l'action de la Commission des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales. 

La délégation a longuement évoqué les prérogatives de la femme en matière de mariage.  Elle a souligné que la société saoudienne était de plus en plus instruite, preuve en étant que les étudiantes étaient majoritaires à l'université.  On considère que la personne la plus proche de la future épouse est son père, raison pour laquelle c'est lui qui doit donner son consentement au mariage.  Si une femme a déjà été mariée, l'accord de son père n'est pas nécessaire.  Cependant, lorsqu'une femme n'a jamais été mariée, celui qui lui est promis est présenté soit à son père, soit à son frère, voire à un cousin, le cas échéant, afin de faire une demande en mariage.  La délégation a assuré que la femme avait le choix de son «chaperon», celui-ci étant là pour l'assister.  En dernière analyse, c'est à la femme que revient la prise finale de la décision, celle-ci pouvant même s'opposer à l'avis de son père, notamment auprès d'un juge.

Compte tenu des questions soulevées lors de la première séance, le chef de la délégation saoudienne s'est demandé, en préambule de la seconde demi-journée de l'examen, si l'on parlait bien de son pays.  Certes, si aucune nation n'est parfaite, il convient de s'appuyer sur des faits.  Il a donné l'assurance de sa délégation de sa bonne disposition à poursuivre le dialogue, engageant même les membres du Comité à se rendre en Arabie saoudite.

S'agissant des bombardements de la coalition au Yémen, qui auraient fait des victimes parmi les enfants, et auraient déclenché une véritable famine, il a rappelé que cette intervention avait eu lieu à la requête du chef de l'État yéménite légitime et afin de préserver la paix et la sécurité dans la région.  Les opérations militaires se font en limitant, autant que faire se peut, les effets collatéraux envers les civils.  Les règles de la guerre sont respectées, afin de faire en sorte que ce sont bien des objectifs militaires qui sont pris pour cible, en évitant de viser les sites civils, historiques et religieux.  Les civils sont avertis des bombardements prévus par le largage de notes d'information pour qu'ils puissent se mettre à l'abri, a expliqué la délégation.  Des mesures ont été prises pour remettre en état les hôpitaux qui avaient été fermés par les Houthis.  Il s'agit d'une opération légitime, l'ONU ayant retiré la coalition de la liste des pays qui transgressent le droit international, a déclaré le chef de la délégation saoudienne.

Une aide spécifique a été versée aux agences de l'ONU par le Centre du roi Salman d'aide humanitaire et de secours – Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Programme alimentaire mondial (PAM), Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) – sans faire de discrimination envers la destination de cette aide, qui est aussi acheminée aux régions contrôlées par les Houthis, a assuré la délégation.  Par ailleurs, 85 000 élèves yéménites ont été accueillis depuis le déclenchement de la crise, leurs frais de scolarité étant pris en charge.

La délégation a catégoriquement démenti l'existence de cas d'esclavage mentionnés par une experte.  Elle souhaite connaître la source de cette allégation afin que celle-ci puisse démentir elle-même une telle assertion.  L'esclavage est interdit en Arabie saoudite et est passible de peines pouvant atteindre 15 ans de prison, assorties d'une forte amende.  L'Arabie saoudite a souscrit à tous les instruments internationaux relatifs à l'interdiction de l'esclavage. 

Les employésdomestiques sont soumis à une réglementation stricte visant à prévenir tout risque de traite. 

Des accords bilatéraux ont, par ailleurs, été signés avec les pays d'origine des travailleurs étrangers.  Les contrats de travail prévoient un congé annuel d'un mois.  En cas de rupture du contrat, l'employeur doit payer le billet de retour de l'employé.  On évite en revanche d'infliger des amendes aux employeurs, a reconnu la délégation.  Une prise en charge financière, psychologique et médicale est fournie aux victimes d'abus lesquels ont la possibilité de trouver un autre employeur ou de quitter le pays.

Des titres provisoires de résidence ont été accordés à des réfugiés, en particulier «d'origine birmane», et à des ressortissants syriens dont une partie n'a fait que transiter par le territoire saoudien.  Les autorités ont veillé à respecter la dignité de ces personnes en ne les hébergeant pas dans des camps, en leur donnant des permis de travail et en leur fournissant des soins médicaux gratuits.  Cette action se fait en coordination avec des organisations internationales tels que le Comité international de la Croix-Rouge, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ou la Banque islamique de développement.  L'Arabie saoudite a joué un rôle pionnier sur ces questions, s'est félicitée la délégation.

L'Arabie saoudite se classe au troisième rang dans le monde en matière d'aide humanitaire et d'aide au développement, 95 pays bénéficiant de cette assistance qui a totalisé 139 milliards de dollars à ce jour, a précisé la délégation.

Des programmes sociaux en faveur des orphelins et des enfants handicapés sont mis en œuvre.  Il existe également des programmes d'aide à la scolarisation et contre l'échec scolaire.  La stratégie saoudienne de développement s'appuie sur les droits de l'homme, a-t-elle poursuivi.  Ainsi, le pays s'est doté de programmes en faveur de l'habitat, de l'eau et de l'assainissement. 

Dans le domaine de la santé, des mesures ont été prises en faveur des femmes enceintes, le taux de mortalité infantile étant de huit pour mille naissances vivantes; 98% des accouchements sont réalisés par des praticiens spécialisés.  L'allaitement maternel est encouragé.  La délégation a précisé, par ailleurs, qu'une action avait été entreprise pour briser le tabou du silence sur le VIH-sida, même si le taux de prévalence est faible.  Des campagnes d'éducation sexuelle, en faveur de la contraception sont menées régulièrement. 

L'enregistrement des naissances doit avoir lieu au plus tôt après la venue au monde.  La formalité est gratuite.  Chaque nouveau-né doit recevoir un nom qui ne risque pas de le mettre en butte à une éventuelle stigmatisation et respecte la culture islamique.

Une experte ayant demandé si une femme enceinte pouvait se présente seule à un examen médical, ayant eu vent du fait que dans ce cas cela risquait de mettre en doute l'identité du futur père, la délégation a répondu qu'aucune loi saoudienne ne saurait empêcher une mère d'avoir la garde de son enfant; aucun texte ne permet de confier cette garde à une autre femmes, la délégation s'interrogeant sur la source de l'information concernant le cas soulevé par l'experte du Comité.  La délégation a assuré que les pères n'étaient pas obligés d'être présents aux consultations prénatales, ou lors des examens de la mère et de l'enfant après la venue au monde.

L'obésité
est un problème mondial qui affecte particulièrement les pays du Golfe, la délégation précisant que les autorités étaient conscientes de cet état de choses et qu'elles menaient des campagnes d'information à ce sujet. 

Les principes d'égalité et de non-discrimination figurent dans la loi saoudienne, cela s'appliquant notamment aux personnes handicapées.  Aucun texte ne singularise ces dernières.  Il existe également un comité spécial de la coordination multisectorielle des actions en faveur des personnes handicapées. 

D'un autre côté, des mesures de discrimination positive ont été édictées, la délégation mentionnant les allocations versées aux familles comptant une personne handicapée, notamment pour l'acquisition de matériel orthopédique.  Des campagnes de sensibilisation sont menées pour lutte contre les préjugés envers ces personnes.  Un plan national est en cours de lancement en faveur des enfants autistes. 

La prise en charge des femmes détenues en prison leur permet de conserver la  garde de leur enfant.  Elles sont aussi en mesure de s'occuper de leur enfant tout en bénéficiant d'un appui visant à leur réinsertion ultérieure.

Des mesures ont été prises, avec succès, pour lutter contre la mendicité.  Les mendiants mineurs sont accueillis dans des centres spécialisés en attendant qu'ils puissent regagner leur famille.  L'exploitation d'enfants à des fins de mendicité est passible de poursuites pour traite. 

Dans le domaine de la justice, de nombreuses garanties permettent de d'assurer la tenue de procès équitables à chacune des phases du processus judiciaire.  La peine de mort est réservée aux cas extrêmes et doit reposer sur des preuves irréfutables.  Le jury est composé de trois juges en première instance, de cinq juges en appel, et de cinq en cassation.  Les mineurs sont détenus dans des centres gérés par le Ministère des affaires sociales.  Des travailleurs sociaux participent aux enquêtes, et une expertise psychologique est effectuée.  Ces centres existent dans chacun des centres de détention pour mineurs.

En réponse à une question sur l'indépendance de la Commission des droits de l'homme, la délégation a affirmé que celle-ci était totalement indépendante, étant conforme aux Principes de Paris, et qu'elle veille au respect des engagements internationaux souscrits par l'Arabie saoudite.   

La délégation a assuré que la peine de mort n'était pas infligée à des mineurs.  Elle n'est exécutée que pour les adultes.  Une experte ayant affirmé que des informations faisaient état du fait que le statut d'adulte dépendait de l'aspect extérieur de la personne et pas nécessairement de son âge, la délégation a répondu qu'une commission spéciale se penchait actuellement sur cette question et qu'une réponse serait apportée en temps opportun.  Elle a ajouté que l'établissement de la responsabilité pénale se fondait sur la charia, la grâce ne pouvant être accordée que par les proches de la victime.

La  participation à des activités dangereuses, dont font partie les activités sportives dangereuses telles que les courses de chameaux, sont interdites aux mineurs, a précisé par ailleurs la délégation.

La ligne téléphonique d'assistance gratuite répond aux questions des enfants pendant la journée, y compris pendant les congés officiels.  Les appels liés à des violences ou des abus représentent 21% du total.  La charia prévoit les peines les plus lourdes pour les délits de violences, sexuelles en particulier, l'abus contre un enfant étant considéré comme une circonstance aggravante. 

En réponse à des questions relatives à de possibles discriminations religieuses et l'imposition de certains types de vêtements, la délégation a affirmé que l'Arabie saoudite rejetait l'intolérance religieuse, ainsi que le prévoit la charia, l'islam étant fondé sur le dialogue et la tolérance.  Il n'existe pas de minorité religieuse dans le royaume, a-t-elle encore souligné.  Par ailleurs, si l'Arabie saoudite n'impose pas le port d'un vêtement unique, elle exige des femmes qu'elles apparaissent en public dans une tenue décente.

Toute  personne née en dehors de l'Arabie saoudite, d'un père ou d'une mère de nationalité saoudienne, bénéficie de la citoyenneté.  Il n'existe pas de cas d'apatridie, selon elle. 

Remarques de conclusion


M. JORGE CARDONA, Coordonnateur du groupe de travail du Comité pour l'examen du rapport de l'Arabie saoudite, a remercié la délégation pour sa patience, assurant que le Comité ne portait pas de jugement politique, sa seule préoccupation étant le respect des droits de l'enfant.  Peut-être aurait-il fallu insister plus sur les progrès enregistrés, a-t-il reconnu.  Il n'en demeure pas moins que des failles subsistent, s'agissant en particulier de la justice des mineurs, de la torture ou de l'exercice du droit des filles.  L'enfant est un sujet de droit qui doit être protégé mais aussi encouragé, a conclu le corapporteur.  

M. BANDAR MOHAMMED AL-AIBAN, Président de la Commission des droits de l'homme de l'Arabie saoudite, a déclaré que sa délégation avait eu pour souci de tenir un dialogue positif et constructif.  Il s'est dit convaincu des enseignements que son pays pourrait tirer de l'expérience des membres du Comité.  Il a regretté que certaines informations aient été insuffisamment étayées.  L'Arabie saoudite a la volonté politique de concrétiser les droits de l'enfant, a-t-il assuré, avec l'aide des organes spécialisés des Nations Unies.  Elle s'inspire des principes de la charia islamique et des instruments auxquels elle a souscrit, ce qui a permis d'établir un cadre institutionnel fort.  L'Arabie saoudite est déterminée à aller de l'avant pour renforcer les droits de l'enfant et les droits de l'homme en général.  Les recommandations à venir du Comité seront prises au sérieux, a-t-il assuré. 

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, Président du Comité, a souligné l'importance des questions en suspens relatives à la peine capitale ou à la torture notamment. 


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