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Un nom, une nationalité, une identité : enregistrement de peuples autochtones au Panama

13 octobre 2015

Pour arriver au village de Monte Virgen, situé sur le territoire autochtone (Comarca) Ngäbe-Buglé au Panama, il est nécessaire de prendre un bateau, qui traverse la Laguna de Chiriqui pour atteindre une zone de mangrove. La traversée prend fin devant un quai, où les visiteurs sont accueillis par une foule clairsemée, mais curieuse.

C’est le voyage récemment effectué par des membres du bureau du HCDH pour l’Amérique centrale, qui accompagnaient une équipe de la direction régionale du Tribunal électoral panaméen. L’objectif de ce voyage était d’inscrire des membres de cette communauté autochtone à l’état civil.

Depuis 2011, le Tribunal électoral s’efforce, avec l’appui de l’UNICEF, de réduire le nombre de naissances non déclarées dans les régions autochtones du pays. Néanmoins, à mesure que son travail avançait, le Tribunal a relevé un problème : il y avait une forte résistance à l’enregistrement des naissances au sein d’une fraction du peuple des Ngäbe-Buglé, pratiquant une forme stricte de la religion Mama Tata. Jusqu’à 12 000 personnes vivant dans des secteurs reculés de la Comarca n’avaient peut-être pas déclaré leurs naissances, a-t-on estimé.

Une nationalité mais pas d’identité

Dans le cadre du projet conjoint, le HCDH-Amérique centrale et le Tribunal électoral ont mené une enquête pour découvrir les raisons de cette réticence à déclarer les naissances. Le projet était destiné à aider le gouvernement panaméen à mettre en œuvre les recommandations formulées par plusieurs mécanismes de défense des droits de l’homme. L’une de ces recommandations soulignait la nécessité de garantir le droit de tous les enfants – en particulier des enfants d’ascendance africaine, des enfants autochtones et des enfants vivant dans des zones rurales et frontalières – à être inscrits à l’état civil à leur naissance.

Le projet a révélé que bon nombre d’adeptes du culte Mama Tata n’enregistraient pas les naissances pour plusieurs raisons, dont une croyance erronée au sujet des conséquences de l’enregistrement et une profonde défiance à l’égard de l’État, due au long état d’abandon des territoires autochtones et de leur population.

C’est ainsi qu’a commencé un travail destiné à instaurer des relations de confiance entre le Tribunal électoral et les autorités religieuses du culte Mama Tata. Ce fut une entreprise de longue haleine, menée à bien grâce à l’intégration d’autres membres de la population Ngäbe-Buglé dans les équipes d’enregistrement, explique Bonifacio Bonilla Bururobo, Coordonnateur régional du Tribunal électoral dans la région Ngäbe-Buglé.

« Au début, nous nous sommes heurtés à la résistance de certains responsables religieux, qui se sentent menacés lorsque des personnes extérieures à la région souhaitent parler à leur peuple », indique-t-il. « Mais nous avons continué à discuter avec eux pour leur expliquer nos projets et nos objectifs. »

Un nom, une identité

Dans ce cas de la communauté du Monte Virgen, cette discussion a été fructueuse puisque les autorités religieuses ont autorisé le lancement de la campagne d’inscription sur les registres. Les gens ont été informés de la date de l’enregistrement via la radio locale.

À ce jour, le projet a touché huit communautés des régions de Chiriqui et de Bocas del Toro – des communautés vivant dans des localités si reculées qu’il faut parfois trois jours pour s’y rendre.

« L’objectif est de couvrir toutes les communautés. Donc, la campagne continue », indique M. Bonilla.

Selon Carmen Rosa Villa Quintana, Déléguée régionale du HCDH en Amérique centrale, le projet a montré qu’une coordination entre les institutions nationales et les autorités autochtones était nécessaire à la réalisation des droits des peuples autochtones.

« Les normes internationales relatives aux droits de l’homme ont reconnu aux peuples autochtones le droit de se développer selon leurs propres traditions, en exerçant leurs droits au travers de leurs propres institutions politiques, sociales et culturelles », explique-t-elle. « Il est donc important que les peuples autochtones participent aux décisions qui les touchent et que ces décisions soient conformes à leurs besoins et à leur mode de vie. »

Chez les Mama Tata, les opinions sur la nécessité d’enregistrer les naissances divergent. Un secrétaire de l’église chargé du groupe du Monte Virgen indique que certains éléments conservateurs de l’église sont opposés à l’enregistrement, alors que d’autres sont sensibles à l’avantage que procurent des papiers officiels.

« Je crois que c’est bénéfique pour la communauté », déclare-t-il. « Lorsqu’un plus grand nombre de gens seront informés de cette campagne, ils seront plus nombreux à se présenter pour obtenir leurs documents officiels. »

13 octobre 2015

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