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La vague implacable de violations des droits de l’homme au Mexique

16 Octobre 2015

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a brossé un tableau préoccupant de la situation des droits de l’homme pour les millions de personnes qui vivent au Mexique, en dépit de la progression des réformes législatives et constitutionnelles. Lors de sa récente visite au Mexique, M. Al Hussein a relevé l’écart existant entre une réglementation progressiste et le respect concret, quotidien, des droits des Mexicains, ainsi que la différence entre le solide engagement international du Mexique en faveur des droits de l’homme et les insuffisances observées sur la scène nationale.

Le Haut-Commissaire a rencontré le Président Enrique Peña Nieto, de hautes autorités de l’État, des ONG, des victimes de violations des droits de l’homme et d’autres membres de la société civile pour parler de la très forte insécurité qui règne au Mexique, des disparitions et des meurtres, du harcèlement des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, des violences faites aux femmes et des abus commis à l’encontre des migrants et des réfugiés qui traversent le pays pour se rendre aux États-Unis.

Il a salué les progrès accomplis par le gouvernement, s’agissant des lois sur les disparitions forcées et la torture, et rappelé que ces textes devaient être approuvés et mis en œuvre avec la participation active des victimes et de la société civile.

M. Al Hussein a indiqué qu’il y avait un consensus général, au plan national, régional et international, quant à la gravité de la situation au Mexique, pays où environ 98 pour cent des affaires criminelles ne sont pas résolues et où la plupart ne font pas l’objet d’une enquête digne de ce nom.

« Pour un pays qui n’est pas engagé dans un conflit, les chiffres estimatifs sont tout simplement ahurissants : 151 233 individus, dont des milliers de migrants en transit, tués entre décembre 2006 et août 2015 », a-t-il déclaré. « Des milliers de femmes et de jeunes filles subissent des agressions sexuelles, ou sont victimes du crime de féminicide. Et presque personne n’est reconnu coupable des crimes susmentionnés. »

Quelque 26 000 personnes ont été victimes de disparitions forcées, et la liste s’allonge quotidiennement. « Il est impossible de se représenter les souffrances que cela cause… [C’est] tragique pour les individus concernés et tragique pour le pays dans son ensemble », a-t-il constaté.

Le Haut-Commissaire a condamné sans réserve les actes de violence perpétrés par des « organisations criminelles puissantes, impitoyables », qui ont empoisonné l’existence des Mexicains. Cependant, il a souligné que bon nombre des disparitions forcées, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires seraient imputables à des autorités fédérales, territoriales et municipales, notamment à la police et à certains secteurs de l’armée. « La peur et la cupidité, alliées à l’impunité chronique, forment une mixture puissante et des millions de gens souffrent des effets de ce cocktail vénéneux qui, une fois concocté, est difficile à éliminer », a-t-il observé.

M. Al Hussein a exhorté les responsables mexicains à résoudre l’affaire qui a fait la une des journaux autour du monde, celle des 43 élèves de l’école normale d’Ayotzinapa disparus à Iguala, dans l’état de Guerrero. Selon les rapports, la police locale s’est livrée à des attaques et a organisé des embuscades contre les étudiants non armés. Il est établi que les forces de police municipales, territoriales et fédérales, d’autres autorités de l’État et l’armée ont, selon les cas, été mêlées à ce crime, évité d’assurer la protection des victimes, ou pris part aux tentatives pour étouffer l’affaire.

Le Haut-Commissaire a insisté sur l’affaire d’Iguala parce qu’elle pourrait avoir un effet positif sur des affaires similaires à travers le Mexique si elle était élucidée à la suite d’une enquête approfondie, débouchant sur l’identification des auteurs, des poursuites à leur encontre et leur condamnation, assortie de réparations pour les victimes. « L’affaire d’Iguala est un microcosme des problèmes chroniques qui sont à l’origine de la vague implacable de violations des droits de l’homme à laquelle on assiste d’un bout à l’autre du Mexique » a-t-il déclaré. « En particulier, elle met en lumière le climat d’impunité généralisée qui règne dans l’ensemble du pays et le peu de cas qu’on y fait des victimes. »

M. Al Hussein a été profondément touché par le courage, la détermination et le dévouement des nombreuses personnes qui s’efforcent d’améliorer la situation dans le pays, ainsi que des victimes de la violence et des proches des personnes disparues. « J’aimerais que tout le monde puisse les rencontrer et les écouter », a-t-il dit. « Avoir un être cher qui disparaît, ne pas savoir s’il est mort ou vivant ; et s’il est mort, s’il a beaucoup souffert, combien de temps cela a pris…C’est doublement cruel lorsque les autorités ne se donnent même pas la peine – ou n’ont pas le courage – d’enquêter sur ce qui est arrivé à votre fils, votre fille, votre sœur, votre partenaire ou votre meilleur ami. »

Alors que la majorité des Mexicains connaissent bien tous ces problèmes, le Haut-Commissaire a été troublé par la réaction de certains responsables politiques, qui ne tolèrent pas l’examen public, semble-t-il, après la publication récente de rapports sur la situation des droits de l’homme au Mexique. « Au lieu de tirer sur le messager, concentrons-nous sur le message. Nous sommes tous à vos côtés. Nous voulons tous aider le Mexique », a affirmé M. Al Hussein.

Le Haut-Commissaire a présenté au gouvernement mexicain des recommandations sur les mesures à prendre pour lutter contre ces problèmes ; celles-ci consistent notamment à renforcer les bureaux du ministère public à travers le pays pour que les violations des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, et à donner à la police des moyens plus solides pour s’acquitter de sa mission de sécurité publique en respectant les obligations relatives aux droits de l’homme. En outre, M. Al Hussein a appelé à fixer un calendrier pour le retrait de l’armée des tâches de sécurité publique, à mettre en œuvre les recommandations du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants et à envisager de créer des instruments de suivi similaires pour les violations graves.

« La communauté internationale est pleine de bonne volonté à l’égard du Mexique, mais en définitive, il n’y a que les Mexicains – et en particulier la classe politique mexicaine – qui puissent résoudre ces problèmes considérables », a-t-il constaté.

16 octobre 2015

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