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Boko Haram, un cortège de destructions

29 octobre 2015

L’enlèvement par Boko Haram de 276 lycéennes du lycée public de Chibok, dans l’État de Borno (Nigéria), en avril 2014 a choqué le monde entier. Seules cinquante-sept jeunes filles ont réussi à s’échapper, après avoir subi des traitements cruels, inhumains ou dégradants, des violences sexuelles et d’autres types de sévices.

Le cortège de dévastations et de violations massives des droits de l’homme commises par Boko Haram continue de toucher des millions d’habitants du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigéria. Boko Haram a détruit des écoles, des lieux de culte, des hôpitaux et des marchés, privant d’école des milliers d’enfants et laissant de nombreuses personnes sans accès à des soins médicaux.

Selon un récent rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les violations des droits de l’homme commises par Boko Haram comportent des meurtres, l’utilisation d’enfants dans des hostilités, des viols, des tortures et divers mauvais traitements. S’ils étaient confirmés en justice, certains de ces actes, du fait de leur nature et leur ampleur, pourraient constituer des crimes et guerre ou des crimes contre l’humanité. Les agissements du groupe terroriste ont entraîné le déplacement de 2,3 millions de personnes, dont 1,4 million d’enfants dans la région du lac Tchad.

Les conclusions qui figurent dans le rapport font partie d’une enquête sur Boko Haram commandée par le Conseil des droits de l’homme dans une résolution adoptée à l’occasion de sa 23e session extraordinaire, en avril 2015. Cette résolution demande au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme de recueillir des informations sur les exactions et les violations commises par le groupe rebelle Boko Haram, et sur l’impact de ce groupe sur les populations civiles. Le rapport a été établi à partir de plus de 350 entretiens confidentiels conduits par le Haut-Commissariat, notamment auprès de 210 femmes et jeunes filles, ainsi qu’auprès de réfugiés et de déplacés internes.

Depuis 2009, Boko Haram exerce sur les femmes et les jeunes filles de graves exactions, dont l’esclavage sexuel et les violences sexuelles ainsi que le mariage, la grossesse et la conversion forcés. Le rapport présente le témoignage d’une femme qui explique qu’elle a été forcée de se marier lorsque le groupe rebelle a attaqué son village. « Ils sont revenus après avoir tué les hommes et les garçons et m’ont dit qu’un imam de leur groupe célébrerait le mariage », a déclaré la victime. Une autre femme au Niger a été enlevée à Damask, dans l’État de Borno, et violée à répétition par quarante hommes.

Des enfants comptent également parmi les victimes des atrocités de Boko Haram ; ils ont été séparés de leur famille suite à un enlèvement. Dans le rapport, des enfants de 6 à 15 ans qui ont été enlevés au Nigéria racontent comment ils se sont retrouvés encerclés de fusils et de blindés, et battus parce qu’ils ne disaient pas leurs prières. Des garçons ont été obligés d’attaquer leur propre famille en gage de loyauté à Boko Haram, tandis que les filles étaient forcées de se marier, de faire la cuisine et le ménage et de porter l’équipement et les armes. Certains étaient également utilisés comme boucliers humains pour faire exploser les bombes.

A Yola, dans l’État d’Adamawa (Nigéria), le Haut-Commissariat s’est entretenu avec quatre adolescents de 12 à 14 ans, qui ont finalement retrouvé leur famille après avoir échappé à leurs ravisseurs, et ont fait état de violences sexuelles et d’exploitation. Une jeune fille de 14 ans originaire de Gwoza (Nigéria) a rapporté au HCDH que durant sa captivité elle était privée d’eau et de nourriture pendant des périodes de deux à trois jours, et que certaines femmes s’affamaient pour pouvoir nourrir leurs enfants.

Lors de la présentation du rapport à la 30e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, M. Ivan Šimonović, Secrétaire général adjoint aux droits de l’homme, a relaté sa visite dans un camp de réfugiés à Maiduguri, dans l’État de Borno (Nigéria), où il a rencontré des victimes, dont nombre de femmes et de jeunes filles victimes de Boko Haram qui étaient enceintes ou avaient eu des enfants après avoir été violées par des membres de Boko Haram. « J’en appelle aux autorités compétentes pour qu’elles apportent à ces victimes une aide d’urgence et compatissante », a-t-il déclaré.

Certaines de ces victimes reçoivent une aide par le biais de programmes de déradicalisation mis en place par les pouvoirs publics. Depuis juin 2015 au Nigéria, 307 femmes et enfants sont inscrits dans un programme public qui leur offre un soutien psychosocial, des services éducatifs et des soins de santé.

Les gouvernements des États touchés ont en outre adopté des mesures pour répondre aux violations et exactions commises par Boko Haram. « Certaines de ces mesures, toutefois, suscitent des préoccupations liées aux droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne l’interpellation, la détention et la garantie d’un procès équitable pour les individus privés de leur liberté du fait des mesures anti-insurrectionnelles », peut-on lire dans le rapport.

Le rapport présente des recommandations invitant les États à prendre des mesures immédiates pour renforcer et étendre les dispositions de protection des populations civiles, y compris lors des opérations anti-insurrectionnelles. M. Šimonović a également mis en exergue les recommandations portant sur la mise en place d’un processus rigoureux de justice transitionnelle qui prévoie des recours et des réparations pour les victimes et veille à ce que les auteurs d’exactions, quel que soit leur camp, aient à rendre des comptes. « Les moyens militaires ne pourront pas à eux seuls apporter la réconciliation et une paix durable si l’on ne s’attaque pas aux causes qui sont à l’origine du mouvement Boko Haram », a déclaré M. Šimonović.

29 octobre 2015

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