Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Observations d’Ajith Sunghay, chef du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé
19 juillet 2024
A partir de
Ajith Sunghay, chef du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé
Lieu
Amman
Hier, je suis rentré de Gaza où j’ai passé deux semaines à travailler dans le cadre du Groupe de protection, un vaste groupe composé d’organismes des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales locales et internationales ayant des mandats de protection dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
J’ai le regret d’annoncer que la situation est encore pire que lors de ma dernière intervention durant le point de presse il y a un peu plus d’un mois. La population de Gaza souffre énormément. Elle est totalement désespérée.
Les gens se déplacent à nouveau du nord au sud, tout en sachant que les voies qu’ils empruntent sont très dangereuses. J’ai vu sur la route une moto et une remorque chargées d’effets personnels d’où s’échappait de la fumée. Aucun corps n’était en vue, mais il était certain que personne n’avait survécu à l’attaque. Sur cette même route, j’ai vu une charrette d’âne ensanglantée, chargée également d’effets personnels. Elle aussi était abandonnée. Les raisons et les auteurs de ces attaques restent incertains.
Alors que les gens se déplacent de la ville de Gaza vers le centre de la bande de Gaza, j’ai observé plusieurs intervenants humanitaires, y compris des acteurs de la protection, fournir des services d’urgence à la population épuisée et traumatisée à plusieurs reprises dans les centres d’accueil de la rue al-Rashid et de la route Salah ed Din. La plupart des individus se déplaçaient sur des charrettes tirées par des ânes et des chevaux, en brandissant des drapeaux blancs. Beaucoup ont déclaré avoir tout perdu à cause des bombardements israéliens, y compris leur maison. Une femme âgée, qui a fui la ville de Gaza le 11 juillet, a déclaré que son mari avait été arrêté par les Forces de défense israéliennes (FDI) à un poste de contrôle alors qu’il se rendait à Deir al Balah. Elle n’a aucune idée de ce qui lui est arrivé. Plusieurs autres personnes ont partagé des récits similaires.
Les répercussions du démantèlement par Israël de la capacité locale à maintenir l’ordre public et la sécurité à Gaza se font également sentir. Le HCDH a recueilli des informations sur des allégations d’homicides illicites de policiers locaux et de travailleurs humanitaires, ainsi que sur le blocage de fournitures indispensables à la survie de la population civile. L’anarchie gagne du terrain.
L’environnement hostile dû à la guerre et à l’effondrement de l’ordre civil pose également d’énormes problèmes pour toute action humanitaire significative face aux besoins considérables de la population.
Dans de nombreux abris de fortune, les personnes déplacées doivent se contenter du strict minimum. Les tentes faites de bâches en plastique que nous avons vues au début du conflit restent la seule protection contre les éléments pour des milliers de Palestiniens, dix mois après le début de l’escalade. Un système d’éducation informelle a été mis en place sous les bâches, sous une chaleur étouffante. Ces efforts naissants pour garantir le droit des enfants à l’éducation doivent être encouragés et soutenus. Les organisations humanitaires et de défense des droits humains accomplissent un travail incroyable dans des conditions impossibles, tout en s’efforçant de garantir le respect de la diversité et de l’inclusion. Des ONG locales soutiennent un camp de personnes déplacées qui place l’inclusion au cœur de son action, en prenant pleinement en compte les besoins des personnes handicapées. Elles soulignent cependant que les défis à relever sont immenses, notamment la pénurie chronique d’équipement d’assistance et de financement.
Les groupes de la société civile ont assuré une protection de première ligne dès le premier jour. Ils soulignent également la nécessité d’établir les responsabilités face aux violations flagrantes des droits humains qui ont été commises.
Une ONG a indiqué que même si parler du « lendemain » et de « l’enlèvement des décombres » semble lointain et futile, cela leur donne l’espoir que cette guerre prendra fin et qu’il y aura une reconstruction de Gaza fondée sur les droits du peuple palestinien et sur la fin de l’occupation. Les organisations de défense des droits des femmes ont diffusé des informations concernant les violences sexuelles et fondées sur le genre, notamment dans les prisons israéliennes. Elles ont toutefois souligné qu’aucune discussion ne peut avoir lieu à ce sujet tant que la guerre fait encore rage. J’ai entendu des récits de femmes qui se sont suicidées en raison de leur situation désespérée et de la terrible détérioration de leur santé mentale.
Les attaques continues d’Israël, les règles administratives imposées par Israël qui empêchent l’entrée et la livraison des produits de première nécessité, les refus de permis, l’environnement hostile dû à la guerre et l’effondrement de l’ordre civil posent d’énormes problèmes pour toute action humanitaire significative face aux besoins considérables de la population et pour fournir une protection.
Lors de ma visite en Israël, j’ai vu des affiches tout au long des routes et des messages pour la libération des otages encore détenus à Gaza.
La violence doit cesser. Un cessez-le-feu doit être instauré et les otages doivent être libérés. La reconstruction de Gaza doit commencer. L’occupation doit cesser, les responsabilités doivent être établies et la solution des deux États convenue à l’échelle internationale doit devenir une réalité.