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Déclarations Procédures spéciales

Déclaration De M. Fortune Gaetan Zongo Rapporteur Spécial, Sur la Situation des Droits de L’homme Au Burundi - 77 -ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies

27 octobre 2022

A partir de

Assemblée Générale des Nations Unies

Lieu

New York

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs les délégués,

Mesdames et Messieurs,

L’occasion m’est donnée aujourd’hui de présenter mon premier rapport écrit à l’Assemblée Générale des Nations Unies conformément à la résolution 48/16 qui a institué mon mandat en octobre 2021. Je voudrais ici saluer la confiance placée en ma personne suite au renouvellement de mon mandat à l’occasion de la 51 -ème session du Conseil des Droits de l’Homme en octobre 2022, session au cours de laquelle j’ai présenté le même rapport. Ce mandat me donne l’opportunité de poursuivre les analyses sur les opportunités et défis relatifs à la promotion et à la protection des droits de l'homme au Burundi. il ne peut s’accomplir de manière satisfaisante au profit des Burundais et des Burundaises sans une coopération et un dialogue sans exclusive entre le titulaire de mandat que je suis et l’Etat burundais. A travers cette coopération pourrait émerger l’identification de priorités qui pourraient être formalisées pour le renforcement de l’état de droit et une plus grande prise en compte des droits de l’homme.

Je voudrais tout d’abord souligner que les nations du monde sont unies depuis plus de 70 ans pour la protection de la dignité humaine et des droits de l’homme.  Le Burundi a quant à lui déposé sa déclaration d’acceptation des obligations contenues dans la Charte des Nations Unies le 18 septembre 1962, il y’a précisément soixante ans. Cette adhésion induit qu’il a accepté d’observer les règles et principes pour la réalisation de la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement. Par ailleurs, le Burundi fait partis des cent vingt-huit Etats qui ont adressé une invitation permanente au procédures spéciales le 6 juin 2013. Il est donc essentiel qu’il réaffirme son adhésion et consente à s’engager plus efficacement à faire avancer les droits de l’homme. Je reste pour ce qui me concerne, disposé à y travailler aux côtés de l’Etat burundais et de tous les acteurs clés.

Excellence,

Mesdames et messieurs,

Je reste préoccupé par les changements de paradigmes observés au sein de la géopolitique mondiale, ceux-ci permettent de relever de nombreux malentendus sur la nature et la vocation du mécanisme que j’incarne, ces malentendus ne peuvent que dévier les discussions sur des questions substantielles ou entamer les efforts visant à améliorer la situation des droits de l’homme au Burundi. Soutenir les opportunités de protection des droits de l’homme, observer, dire la vérité afin de garantir le principe de responsabilité pour le bien être des Burundaises et des Burundais, conseiller le Burundi dans un esprit constructif constituent les axes d’intervention de mon action. C’est dans cette optique que j’envisage de poursuivre l’approche prudente et équilibrée que j’ai initié depuis plusieurs mai 2022.

J’envisage au cours de ce nouveau mandat :

D’analyser les causes profondes et les facteurs de conflits dans la perspective d’enclencher des mécanismes d’alerte précoces et mieux prévenir la résurgence de conflits futurs. La prévention de conflits dépend en grande partie de la mise en place de mesures concrètes et ciblées pour protéger les droits de l’homme.

En outre, je mettrai l’accent sur :

  • L’indépendance de la justice
  • L’élargissement de l’espace civique
  • Le processus de justice transitionnelle
  • Les droits économiques sociaux et culturels
  • Les droits des femmes
  • Les droits des réfugiés

 

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames, messieurs,

Le rapport qu’il m’est chargé de présenter ce jour, souligne des avancées en matière de lutte contre la traite des êtres humains au Burundi. Des procédures judiciaires ont été lancées et plusieurs enquêtes et poursuites sont en cours. Des personnes ont été condamnées et des victimes ont eu une assistance. Le pays a également institutionnalisé la formation à la lutte contre la traite pour les agents d’application de la loi, et le gouvernement a adopté la loi n° 1/25 du 5 novembre 2021 portant réglementation des migrations au Burundi.

Malgré les engagements et les mesures prises par le gouvernement burundais, la situation des droits de l'homme n'a pas changé de manière substantielle et pérenne. L'obligation de rendre des comptes depuis la crise de 2015 constitue un des gages pour une paix durable, tout comme la nécessité de conduire des réformes institutionnelles plus profondes. A cet égard, l’Examen Périodique Universel de 2018 a donné l’occasion au Burundi d’accepter les recommandations visant à lutter contre l’impunité, et à consentir à mettre en place un système judiciaire pleinement transparent et équitable, conformément aux normes internationales.  Les quelques cas de plaintes déposées à la suite de violations graves ont rarement débouché sur l’ouverture d’enquêtes impartiales, et encore plus rarement sur la poursuite et la condamnation des auteurs, ce qui constitue en soi une violation du droit à un recours effectif.

Si on note quelques actes isolés visant à poursuivre les auteurs de violations et d’abus des droits de l’homme, l’impunité sélective quant à la poursuite des auteurs présumés des violations graves au profit de crimes de droit commun reste notable. La période depuis 2015 a donné cours à des violations graves et massives des droits de l’homme notamment des cas de violations du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, du droit à la vie avec des exécutions extrajudiciaires, des violations de l'intégrité physique (torture, traitements inhumains et dégradants et viols), des arrestations arbitraires, des disparitions forcées. Aujourd’hui encore on note des restrictions à la liberté d'association avec comme corollaire des centaines de défenseurs des droits de l’homme et des professionnels des médias en exil ainsi que des milliers de Burundais et de Burundaises.

Cette situation est renforcée par un contexte socio-économique marqué par les effets multidimensionnels de la COVID 19 qui a exacerbé la productivité agricole, une extrême pauvreté renforcée par le coût élevé de la vie notamment la hausse des prix de première nécessité, la pénurie du carburant, l’absence ou le faible accès aux soins de santé, à l'éducation, une crise alimentaire et le chômage des jeunes.

 

Monsieur le Président,

Accompagner le Burundi sans tenir compte des violences cycliques qu’il a traversé y compris la crise de 2015 semble irréaliste. Des initiatives louables visant à contribuer au développement du pays ont le mérite de favoriser un épanouissement social et de marquer l’ouverture du pays vers ses partenaires bi et multilatéraux, celle-ci aura tout son sens si une prise en compte plus effective des droits de l’homme est assurée de manière transversale dans l’action gouvernementale et que le pays se dote d’institutions fortes, à même de renforcer l’état de droit et de lutter efficacement contre l’impunité. C’est dans cette optique que j’envisage de m’appuyer sur l’ODD 16 pour soutenir les efforts et encourager à une plus grande prise en compte des droits de l’homme par le Burundi.

Je prends note de la levée de sanctions de l’Union Européenne contre trois officiels burundais dont le Premier Ministre M. Gervais Ndirakobuca. Si cette mesure offre une opportunité pour un dialogue constructif avec le Burundi pour le renforcement de la culture des droits de l’homme, des gages tangibles et mesurables de lutte contre l’'impunité restent nécessaires pour une paix durable.

De nombreux auteurs de violations et abus des droits de l’homme appartenant aux forces de défense et de sécurité et même à des milices telles que les Imbonerakuré n’ont pas été traduits en justice, des enquêtes sur ces violations et abus n’ont pas été initiées et quand bien même ce serait le cas, les conclusions ne sont pas connues. L’impunité des Imbonérakuré est renforcée par des discours officiels, je voudrais ici mentionner la déclaration du secrétaire général du CNDD-FDD, parti au pouvoir en août 2022, appelant les Imbonerakure à poursuivre les patrouilles de nuit et à tuer tout "fauteur de troubles". Je voudrais souligner ici que des groupes civils ne sauraient remplir des fonctions régaliennes sans fondement et en toute impunité.

La lutte contre l’impunité requière de fournir des recours adéquats à toutes les victimes, de reconnaitre les souffrances et de conduire des réformes institutionnelles. Ceci requière des processus concertés, inclusifs qui tiennent compte de toutes les sensibilités, des efforts continus et en toute transparence.

En ce qui concerne les restrictions observées dans l’espace civique, les partis politiques d’opposition, les syndicats peuvent difficilement se réunir. Plusieurs défenseuses et défenseurs des droits de l’homme vivent des situations difficiles et certains ont été contraints à l’exil où ils vivent dans une grande précarité. Les organisations des droits de l’homme travaillent dans un climat de peur par crainte de représailles. Par ailleurs, les lois sur les organisations non gouvernementales étrangères et les lois sur la presse limitent l’espace démocratique et renforcent le contrôle du Gouvernement. En outre, les modifications apportées aux lois sur la presse constituent une source de préoccupation pour l’indépendance de ces organisations. Nul n’est sans ignorer qu’un espace civique inclusif et ouvert aide les États à identifier les défis et les solutions de manière à protéger les droits de l’homme pour soutenir la paix et le développement.

La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) jouit du « statut A » d’institution nationale des droits de l’homme et s’emploie constamment à protéger et à promouvoir les droits de l’homme au Burundi. Toutefois, il est indiqué que les autorités burundaises garantissent son indépendance formelle et matérielle et la dotent des ressources nécessaires pour la mise en œuvre de son mandat.

Mesdames et messieurs,

Au vu de ce qui précède, force est de constater que des efforts sont consentis par les autorités burundaises pour le développement du pays. Toutefois, de nombreux efforts restent nécessaires à l’effet de garantir le retour d’une paix durable au Burundi. Du haut de cette tribune, je voudrais rappeler l’engagement commun des Nations Unies à protéger et promouvoir la dignité humaine et partant à soutenir les titulaires de mandats, émanation de leur volonté à matérialiser leur engagement à promouvoir les droits de l’homme. Je réitère ma disponibilité à œuvrer aux côtés des autorités burundaises à promouvoir le renforcement de l’état de droit et de la protection des droits de l’homme au Burundi.

Je vous remercie pour votre bienveillante attention.

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