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Déclarations

Allocution de M. Bacre Waly Ndiaye, Directeur, Division du Conseil des Droits de l’homme et des Procédures Spéciales, Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Forum Mondial sur le Protocole Facultatif à la Convention Contre la Torture “Prévenir la Torture, Respecter la Dignité: De la Parole à l’Acte”

10 Novembre 2011

Genève, le 10 novembre 2011

Distingués représentants, Mesdames et Messieurs,

Au nom du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navanathem Pillay, je voudrais d’emblée remercier l’APT de cette opportunité de m’adresser aujourd'hui au Forum Mondial sur le Protocole facultatif à la Convention contre la Torture, Prévenir la Torture, Respecter la Dignité: De la Parole à l’Acte, avec le soutien du Ministère Suisse des Affaires Etrangères, de l'Organisation Internationale de la Francophonie, la ville de Genève, du canton et des autorités locales de Genève.

Ce forum représente une occasion unique car il réunit les acteurs-clés dans le combat incessant de la prévention de la torture, à savoir les représentants des Etats, des organes de traité des Nations Unies - y compris le Sous-comité pour la Prévention de la Torture (SPT), le Comité contre la Torture et le Comité des droits de l’homme -, les titulaires de mandats de procédures spéciales - notamment le Rapporteur spécial sur la torture - ainsi que des organismes régionaux de prévention de la torture (comme le Comité pour la prévention de la torture en Afrique et le Comité européen pour la prévention de la torture). Les représentants de mécanismes nationaux de prévention et d'autres parties prenantes de la société civile telles que les organisations non gouvernementales et, enfin, des représentants d'autres organisations pertinentes, telles que le HCR, le CICR et l'Organisation Internationale de la Francophonie y participent activement.

La lutte contre la torture et autres formes de mauvais traitements a connu un tournant historique avec l'entrée en vigueur du Protocole facultatif en juin 2006 et la mise en place du SPT en février 2007. A la lumière des difficultés rencontrées lors de la rédaction et de l’adoption du Protocole facultatif, nul n'aurait pu prédire des développements aussi rapides, en particulier dans le domaine de la prévention de la torture.

Trois ans et demi à peine après son adoption par l'Assemblée Générale des Nations Unies, le Protocole facultatif est  entré en vigueur, et moins de quatre années après, le SPT est passé de 10 à 25 membres suite au dépôt du cinquantième instrument de ratification du Protocole facultatif par la Suisse. Il s’agit là d’un message sans équivoque sur la pertinence du Protocole facultatif à la Convention contre la Torture et de l’organe de traité mis en place.

Le SPT est actuellement l'organe de traité des droits de l’homme qui comporte le plus grand nombre d'experts indépendants. Comme l'a souligné le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, «L'augmentation du nombre d'experts marque une avancée substantielle dans la bataille pour éradiquer la pratique hideuse de la torture, interdite sans équivoque par le droit international. Le Protocole facultatif et le Sous-comité qui surveille son application sont des armes essentielles dans la prévention de la torture. "

Le SPT a eu seulement cinq ans pour sa mise en place, l’interprétation de son mandat et la formulation de ses méthodes de travail tout en faisant face aux défis supplémentaires posés par son élargissement majeur. Cette activité du SPT mérite d’être saluée.

Depuis sa création, le SPT a effectué 14 visites sur le terrain, à savoir 13 visites régulières (Bénin, Bolivie, Brésil, Cambodge, Honduras, Liban, Libéria, Maldives, Maurice, Mexique, Paraguay, Suède et Ukraine) et une visite de suivi (Paraguay). Dans ce qui pourrait être considéré comme une preuve de confiance dans le travail du SPT, six rapports de visite du SPT (Bénin, Honduras, Maldives, Mexique, Paraguay et Suède) ont été rendus publics suite à une demande de l'État partie comme prévu par l'article 16.2 du Protocole facultatif. Comme le démontrent ces rapports de visite publics, le SPT a élaboré et  mis en œuvre une approche systémique couvrant l’ensemble des paramètres législatifs, institutionnels, politiques ainsi que la réalité quotidienne dans les lieux de privation de liberté pouvant conduire à des risques de torture ou de mauvais traitements. Cette démarche globale et concrète de collecte de données sur le terrain permet de couvrir un champ très large et complexe des différents facteurs conduisant à la pratique de la torture et des mauvais traitements tels que la détention préventive abusive ou de mauvaises conditions de détention. Rappelons également que contrairement à de nombreux autres mécanismes onusiens des droits de l’homme, le SPT n’a pas à formuler une demande d’invitation auprès des Etats parties  pour la conduite de ses visites régulières, conformément aux dispositions  du Protocole facultatif. Enfin, toujours dans le domaine des visites, le SPT a publié ses directives concernant ses visites aux États parties et a établi une procédure de suivi de ses rapports de visite.

En outre, dans le cadre de son mandat principal de conseil et d’assistance sur les mécanismes nationaux de prévention (MNP), le SPT a élaboré des directives sur la mise en place et le fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention ainsi qu'un outil d'auto-évaluation sur les mécanismes nationaux de prévention. Ces directives et cet outil sont d'une grande importance pour soutenir et guider le processus de mise en place des mécanismes nationaux de prévention que les Etats parties ont l’obligation d’établir. En outre, le SPT est en interaction avec les mécanismes nationaux de prévention eux-mêmes, dont certains jouent déjà un rôle clé  dans la prévention de la torture dans leur propre pays. Le Protocole facultatif laisse aux Etats parties une certaine flexibilité quant à la structure de ces mécanismes nationaux : il peut s’agir entre autres d’institutions nationales des droits de l’homme désignées à cet effet ou d’une institution totalement nouvelle. Le plus important est que les Etats parties tiennent dûment compte des Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ainsi que des directives du SPT. La mise en place des MNP implique donc de la part des Etats parties un processus transparent de consultation de la société civile. Les organisations de la société civile pourront d’ailleurs continuer leurs activités de visite des lieux de privation de liberté parallèlement aux MNP. Les MNP doivent, bien entendu, être indépendants et disposer des mêmes pouvoirs que le SPT dans la conduite de leur mandat de visite des lieux de privation de liberté. L’on ne saurait trop insister sur le rôle primordial des MNP dans la prévention de la torture dans la mesure où ils sont en permanence sur le terrain. Comme le stipule le Protocole facultatif, les MNP peuvent être assistés par le SPT mais en réalité les MNP peuvent également soutenir le SPT et représenter des pistes et des sources d’inspiration pour d’autres mécanismes, tant au niveau régional qu’international.

Comme prévu par le Protocole facultatif, le SPT s’est engagé avec d'autres mécanismes-clés dans le domaine de la prévention de la torture, en particulier le Comité contre la torture (CAT), le Rapporteur spécial sur la torture, le CICR et les instances régionales.

Enfin, le SPT a publié un document sur son approche du concept de prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants au titre du Protocole facultatif. Ce document est pertinent pour tous les acteurs de la prévention de la torture. Le quatrième rapport annuel public du SPT grâce à une pratique et une jurisprudence orientées vers l'action a apporté de l'air frais et de l’inspiration à nous tous. Ainsi, le SPT, depuis sa création, a accompli un travail considérable et de grande qualité.

A cet égard, hommage doit être rendu aux représentants de la société civile tels que le « Groupe de contact OPCAT » pour le soutien apporté au SPT dans ses activités fondamentales au titre du Protocole facultatif.

Bien entendu, la prévention de la torture est un processus continu et le système instauré par le Protocole facultatif, en particulier le SPT et les MNP ont encore des défis majeurs à relever, pour s'acquitter pleinement et efficacement de leur mandat, qu’il s’agisse de ressources humaines et financières suffisantes, d’un impact réel et à long terme sur les problèmes systémiques de torture, ou d’une stratégie inclusive de prévention de la torture impliquant tous les intervenants.

Dans ce contexte, il est vital que toutes les entités aux niveaux international, régional et national, unissent leurs forces, partagent leur expertise et coordonnent, en lieu et temps appropriés, leurs actions. Cette coopération est un élément clé pour assurer une protection efficace des personnes privées de leur liberté et pour éviter les chevauchements, voire les conflits possibles. Cette année, pour la deuxième fois, les présidents du CAT et du SPT et le Rapporteur spécial sur la torture, à savoir les principaux acteurs des Nations Unies dans la lutte contre la torture, se sont adressés conjointement à l'Assemblée générale des Nations Unies, ont tenu une conférence de presse conjointe et ont souligné l’importance de leur coopération mutuelle. A la lecture des rapports de visite publics du SPT, l’on notera également avec appréciation des recoupements entre les recommandations formulées par le SPT et celles issues de l’Examen Périodique Universel du Conseil des Droits de l’Homme.

Je n'ai aucun doute sur le fait que l'approche pragmatique encouragée par les organisateurs du Forum par le biais de discussions et d’échanges approfondis dans le cadre de sessions thématiques et de tables rondes régionales permettra, à tous les participants de partager leurs expériences et leurs connaissances sur la prévention de la torture, y compris les leçons tirées et les meilleures pratiques, et donc de donner une nouvelle impulsion au mouvement de prévention de la torture.

Enfin, je voudrais profiter de cette occasion pour encourager les États et les autres partenaires à envisager de contribuer au Fonds spécial mis en place, conformément à l'article 26 du Protocole facultatif, pour financer la mise en œuvre des recommandations faites par le SPT, après les visites aux États parties, ainsi que des programmes d'éducation des MNP. Le premier appel à candidatures pour le Fonds spécial pour la période 2011-2012 a été lancé et sera clôturé le 30 novembre 2011. J'encourage fortement toutes les entités admissibles à faire acte de candidature  au Fonds spécial en se conformant aux instructions disponibles sur le site internet du Protocole facultatif.

En vous souhaitant des débats fructueux à la hauteur de ces défis, je vous remercie de votre attention.

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