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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Déclaration du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay, à l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture

25 Juin 2009



25 juin 2009

L’interdiction de la torture est l’une des prohibitions les plus absolues en regard du droit international. L’article 2 de la Convention contre la torture est sans équivoque : « Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. »

Personne ne peut s’y dérober, ni les bourreaux eux-mêmes, ni les décideurs politiques ni les fonctionnaires qui définissent la politique à suivre ou donnent des ordres.

Au total, 146 États – les trois quarts des pays du monde – ont ratifié la Convention contre la torture au cours des 25 années qui se sont écoulées depuis son adoption en 1984. C’est mieux que beaucoup d’autres traités, mais insuffisant si l’on considère le caractère inhumain des pratiques qu’elle cherche à bannir. J’exhorte un plus grand nombre d’États à ratifier le traité et son Protocole facultatif et je demande à ceux qui l’ont déjà fait de respecter les règles très claires qui y sont énoncées.

Beaucoup d’États qui ont ratifié la Convention continuent de pratiquer la torture, certains de façon quotidienne. D’autres, sans se salir eux-mêmes les mains, permettent son existence en renvoyant des personnes à risque dans des États connus pour la pratiquer. La Convention l’interdit pourtant tout aussi clairement (article 3).

Les attentats terroristes qui ont ébranlé le monde le 11 septembre 2001 ont eu un impact dévastateur sur le combat pour l’élimination de la torture. Des États qui avaient été attentifs jusque-là à ne pas la pratiquer ni même l’approuver n’ont plus ressenti les mêmes scrupules. Les conseillers juridiques de certains gouvernements ont commencé à chercher des façons ingénieuses de contourner la Convention ou d’en rendre les limites plus élastiques. Les prisons de Guantanamo et d’Abou Ghraib sont devenues les symboles flagrants de cette régression et de nouveaux vocables comme « simulacre de noyade » et « détention extrajudiciaire » ont fait leur apparition dans le débat public, sous le regard consterné des avocats et défenseurs des droits de l’homme.

Il me semble que nous sommes enfin sur le point de tourner la page de ce chapitre extrêmement malheureux de notre histoire récente, et que les mesures anti-terroristes prennent à nouveau en compte les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Moi qui ai siégé en tant que juge international, moi qui ai dû, en tant que telle, examiner plus de cas de torture que je ne l’aurais jamais souhaité, moi qui occupe à présent la plus haute fonction dans le domaine des droits de l’homme, je ne peux qu’espérer que ce soit le cas.

Nos dirigeants sont tenus de mettre fin à cette pratique grotesque. En janvier, j’ai été heureuse d’entendre que parmi ses premiers gestes en tant que président des Etats-Unis, Barak Obama avait décidé der fermer Guantanamo et de prohiber des méthodes d’interrogatoire telles que le simulacre de noyade, qui relèvent de la torture et sont en contravention avec le droit international. Il a montré ce qu’un leader peut faire, tant en termes de politique que de pratique, pour faire respecter l’interdiction de la torture.

Mais il reste beaucoup à faire avant que le chapitre de Guantanamo ne soit vraiment clos. Les derniers détenus doivent être jugés devant un tribunal – comme quiconque est accusé d’un crime – ou libérés. Ceux qui risquent d’être torturés ou maltraités dans leur pays d’origine doivent être accueillis en un autre endroit, où ils pourront recommencer leur vie, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs. J’ai été heureuse d’apprendre, au cours des dernières semaines, qu’un certain nombre d’États ont accepté d’accueillir quelques-uns de ceux qui se trouvent dans cette position et j’exhorte les autres à suivre leur exemple, à commencer par les Etats-Unis eux-mêmes.

Il ne devrait pas y avoir de demi-mesures, et l’on ne devrait pas chercher des façons innovantes de traiter en criminels des gens qui n’ont jamais été déclarés coupables. Guantanamo est la preuve qu’on se rabat trop facilement sur la torture et des formes illégales de détention en période de stress, et qu’il reste beaucoup à faire pour réinvestir le terrain de la morale perdu depuis le 11 septembre.

Ni les donneurs d’ordre ni les exécutants ne peuvent être exonérés, la Convention est claire à ce sujet, et le rôle de certains juristes ou de médecins ayant assisté à des séances de torture ne peut échapper à notre vigilance. « Tout Etat partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. Il en est de même de la tentative de pratiquer la torture ou de tout acte commis par n'importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l'acte de torture. » (Article 4 de la Convention contre la torture)

Autre point important, les victimes de la torture doivent recevoir une aide pour pouvoir se remettre de l’une des pires épreuves auxquelles un être humain peut être soumis. Les cicatrices physiques et mentales en sont extrêmement douloureuses, l’effet sur les familles en est dévastateur et il y a souvent des séquelles socioéconomiques à long terme, notamment une stigmatisation extrêmement difficile à effacer. Les victimes de la torture ont droit à des compensations et à des soins aussi longtemps que nécessaire, pour qu’elles puissent recommencer à mener une vie relativement normale.

Bien que répréhensible, ce qui s’est passé à Guantanamo pâlit, tant par son ampleur que par sa nature, en comparaison des tortures infligées dans certaines prisons, commissariats de police et autres bâtiments gouvernementaux un peu partout dans le monde. Il s’agit là des lieux les plus épouvantables de notre planète. Les victimes en sont non seulement des terroristes et des militants politiques mais aussi des criminels de bas étage et des enfants des rues. Il y a des milliers d’endroits de ce genre, et des dizaines de milliers de victimes, or nous n’entendons jamais parler des souffrances atroces qu’elles endurent.

J’exhorte tous les dirigeants du monde à proclamer clairement et sans équivoque que la torture ne sera plus tolérée et que ceux qui la pratiquent commettent un crime grave.

La torture est un acte barbare. Je suis convaincue qu’aucun État dont le régime pratique la torture ou l’approuve ne peut se considérer comme civilisé. Je suis convaincue que les États eux-mêmes l’ont fait savoir lorsqu’ils sont convenus de ce texte fort et sans compromis qu’est la Convention contre la torture. Et en cette année où l’on célébrera son 25ème anniversaire, je suis convaincue que nous devrions tous faire plus d’efforts pour éliminer ces pratiques infâmes et déloger les agents de la fonction publique qui ne respectent pas les termes d’un des traités relatifs aux droits de l’homme les plus fondamentaux.

On trouvera le texte complet de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que son Protocole facultatif sur http://www2.ohchr.org/french/law/cat.htm.
Pour les rapports sur les pays, voir http://www2.ohchr.org/french/bodies/cat/index.htm.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Rupert Colville (+ 41 22 917 9767) ou Xabier Celaya (+ 41 22 917 9383)

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