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Le Conseil, qui sera saisi en septembre prochain d’un projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, commémore le 35ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement
01 mars 2023
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, hier après-midi et ce matin, une réunion de haut niveau pour commémorer le trente-cinquième anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement.
Ouvrant le débat, Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies et Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable, a qualifié la Déclaration de « document phare pour la dignité humaine » qu’il s’agit maintenant de traduire en réalités tangibles pour tous, en particulier dans le contexte de l’après-pandémie.
La Déclaration sur le droit au développement reflète la vision même de la Charte des Nations Unies, à savoir la volonté de résoudre par le biais de la coopération internationale les problèmes à caractère économique, social, culturel et humanitaire, a pour sa part souligné le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk. Le droit au développement, qui ne vise nullement à enrichir quelques individus ou entreprises, doit aboutir à une distribution équitable des ressources économiques, a-t-il fait remarquer, relevant que les inégalités prennent actuellement des proportions « périlleuses » et soulignant que l’on ne saurait prioriser un type de droits au détriment d’un autre.
La première partie du débat a compté avec les contributions de M. Jeyhun Bayramov, Ministre des affaires étrangères de la République d'Azerbaïdjan, qui s’exprimait au nom du Mouvement des non alignés ; de M. Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement ; de Mme Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ; et de M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé.
La deuxième partie du débat a compté avec les contributions de M. Saad Alfarargi, Rapporteur spécial sur le droit au développement ; de M. Zamir Akram, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement ; de M. Bonny Ibhawoh, Président du Mécanisme d'experts sur le droit au développement ; et de Mme Yufen Li, Conseillère principale pour la coopération Sud-Sud et le financement du développement à l’organisation Centre Sud.
De nombreuses délégations (*/**) ont pris part aux débats qui ont suivi ces deux séries de présentations. Nombre d’intervenants ont plaidé pour l’opérationnalisation du droit au développement par le biais d’un instrument juridiquement contraignant dont le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a indiqué que le texte final du projet serait soumis au Conseil lors de sa session de septembre prochain.
À la mi-journée, le Conseil poursuit son débat de haut niveau. Il tiendra, à partir de 16 heures, une réunion de haut niveau sur « les résultats obtenus, les bonnes pratiques suivies et les enseignements tirés par les Fonds de contributions volontaires pour le mécanisme d’Examen périodique universel ».
Réunion de haut niveau commémorant le trente-cinquième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement
Première partie
Déclarations des panélistes
MME AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies et Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable, dans un court message vidéo, a qualifié la Déclaration sur le droit au développement adoptée il y a 35 ans de « « document phare pour la dignité humaine ». Aujourd’hui, plus que jamais, il s’agit maintenant de le traduire en réalités tangibles pour tous, en particulier dans le contexte de l’après-pandémie, a-t-elle indiqué. Ce droit ne pourra par ailleurs être réalisé qu’avec la participation des femmes, des jeunes et des personnes âgées, de manière totalement inclusive, a-t-elle souligné. Les Nations Unies encouragent les États à le mettre en œuvre et se tiendront à leurs côtés à cette fin, a promis Mme Mohammed.
M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a fait remarquer que cette année était ponctuée de commémorations marquant des jalons clés vers le chemin de la dignité humaine, parmi lesquelles celle de l’adoption par l’Assemblée générale de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement - Déclaration qui a ouvert de nouvelles voies en définissant le développement comme étant un processus global, économique, social, culturel et politique, censé mener à une amélioration constante du bien-être de tous les individus et des peuples. « Le développement est liberté, selon les mots de Amartya Sen », a-t-il souligné. Il appelle chaque membre de la société à participer, pleinement et librement, aux décisions. Cela exige une distribution équitable des ressources économiques dans et entre les pays – et ce, à chaque niveau du développement – ainsi que pour les personnes traditionnellement marginalisées comme les femmes, les minorités, les peuples autochtones, les migrants, les personnes âgées, celles vivant avec un handicap et les pauvres. Selon M. Türk, le développement réel ne vise nullement à enrichir quelques individus ou entreprises, et ne repose pas sur l’exploitation de la majorité par quelques-uns. Le développement réel bénéficie à tous au sein de la société en faisant progresser l’équité et la justice, et il est fondé sur l’égalité des chances, la pleine jouissance des droits de l’homme et une répartition équitable des ressources entre tous, a insisté le Haut-Commissaire.
La Déclaration adoptée il y a 35 ans reflète la vision même de la Charte des Nations Unies, qui consiste à résoudre les problèmes internationaux à caractère économique, social, culturel et humanitaire par le biais de la coopération internationale, et à promouvoir le progrès social et des niveaux de vie plus élevés dans une plus grande liberté, a expliqué le Haut-Commissaire. Elle repose sur l’Article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui énonce que chacun a droit à un ordre social et international dans lequel les droits et les libertés fondamentales cités dans la Déclaration peuvent être réalisés. M. Türk a rappelé qu’il n’existe aucune « priorisation » d’un type de droit sur un autre, les libertés politiques n’étant guère plus vitales que les droits sociaux ou culturels et les libertés civiques ne devant pas être traitées seulement une fois que les droits économiques ont été réalisés.
Le Haut-Commissaire s’est dit « convaincu que la réalisation de cet important accord aura un effet bénéfique pour les Etats et les peuples » et que ce travail doit être solidement renforcé, d’urgence.
Relevant que le monde est à mi-parcours du Programme de développement durable à l’horizon 2030, M. Türk a souligné que les Objectifs de développement durable ont été fortement mis à mal: les inégalités s’accroissent dans des proportions « périlleuses » et les changements climatiques et la perte de la biodiversité vont plus vite que les efforts visant à y remédier, a-t-il constaté, avant de relever de graves reculs en termes d’égalité de genre et de droits des filles et des femmes. Par ailleurs, l’invasion de l’Ukraine et d’autres tensions géopolitiques ont vivement affecté les perspectives de la coopération internationale, avec des impacts socioéconomiques négatifs partout dans le monde, a-t-il ajouté.
En conclusion, le Haut-Commissaire a souligné la nécessité d’oeuvrer ensemble, de reconnaître « notre interdépendance incontournable » et de coopérer pour façonner les réponses. Dans ce contexte, a-t-il indiqué, le Sommet sur les Objectifs de développement durable, prévu en septembre prochain, sera un tournant pour vivifier le droit au développement et garantir que nous faisons le maximum pour la réalisation de ces Objectifs.
M. JEYHUN BAYRAMOV, Ministre des affaires étrangères de la République d'Azerbaïdjan, s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a regretté un « discours international très divisé » ainsi que des « tentatives d'interprétation erronée du concept de droit au développement, notamment pour tirer profit des inégalités structurelles apparues sur les marchés économiques mondiaux ». Le Mouvement des pays non alignés recommande aux Nations Unies et aux institutions financières internationales d'intégrer le droit au développement dans leurs politiques et activités opérationnelles, de même que dans les cadres commerciaux multilatéraux, a-t-il indiqué. L'identification des obstacles à l'opérationnalisation et à la mise en œuvre du droit au développement peut susciter des débats utiles sur les réformes du système international de gouvernance et sur la création d'un environnement international favorable au développement, a en outre estimé M. Bayramov.
De plus, le Mouvement des non-alignés réaffirme que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme doit assumer une responsabilité particulière dans l'intégration du droit au développement au sein du système onusien et dans la mobilisation du soutien international pour la revitalisation et la réalisation de ce droit, a ajouté M. Bayramov. Il a soutenu la contribution du Rapporteur spécial et du Mécanisme d'experts sur le droit au développement, estimant qu’ils contribuent à une meilleure compréhension de ce droit. Il a également soutenu les efforts déployés par le Groupe de travail sur le droit au développement en vue de l'opérationnalisation de ce droit humain au niveau universel.
M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a mis l’accent sur le droit de chaque être humain de participer au développement, d’y contribuer et d’en bénéficier. Il a indiqué que, pour la première fois, le dernier indice de développement humain (publié par le PNUD) marque une diminution à l’échelle mondiale pour une deuxième année consécutive, à la suite de crises interdépendantes. Les changements climatiques – qui constituent la principale menace pesant sur le développement humain - s’accélèrent, alors que les conflits sont à leur plus haut niveau depuis 1945, a souligné M. Steiner. Il a mis l’accent sur la nécessité de transformer la façon de penser aux droits des générations futures. L’Assemblée générale a convenu que tous les peuples ont droit à un environnement propre, sain et durable et pourtant, les défenseurs des droits humains environnementaux - particulièrement les peuples autochtones - sont menacés, harcelés et tués et souvent en toute impunité, a déploré l’Administrateur du PNUD. Il a en outre insisté sur la nécessité de combler le fossé technologique et numérique.
Par ailleurs, a poursuivi M. Steiner, le déblocage de nouvelles sources de financement sera essentiel pour garantir le droit au développement. C’est d’ailleurs l’un des principaux objectifs du nouveau plan de relance des ODD, a-t-il indiqué. Les pays doivent renouveler leur engagement de consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement, a-t-il ajouté. Il a en outre fait observer que le processus d’Examen périodique universel était de plus en plus vital pour faire avancer le droit au développement. Le PNUD est déterminé à faire progresser ce droit essentiel en démantelant les obstacles au développement – de l’inégalité entre les sexes à la discrimination raciale, a conclu M. Steiner.
MME REBECCA GRYNSPAN, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a souligné que la Déclaration des Nations unies sur le droit au développement n’est pas un concept rhétorique, une reconnaissance d’une vérité humaine universelle: elle est au-dessus de cela et appelle à l’action pour déboucher sur la pleine réalisation du potentiel de chaque personnes dans chaque nation. A l’occasion de la célébration du trente-cinquième anniversaire de cette Déclaration, elle a invité à reconnaître que le droit au développement n’est malheureusement pas encore une réalité pour bien trop de personnes dans le monde.
La Secrétaire générale de la CNUCED a fait observer que le contexte actuel de crises en cascade a exposé les inégalités et la vulnérabilité et montré que le développement ne sera réalisé qu’une fois qu’auront été traitées les causes profondes de cet état de fait, sous peine de perdre, en l’espace de quelques mois, comme avec la COVID-19, dix ou vingt ans de développement. Ces crises ont néanmoins révélé la vérité énoncée dans l’article 2 de la Déclaration qui stipule que tous les êtres humains ont la responsabilité du développement, individuellement et collectivement, a affirmé Mme Grynspan, avant d’encourager à faire beaucoup plus pour surmonter les obstacles au développement qui perdurent. Elle a notamment attiré l’attention sur les asymétries persistantes dans l’architecture financière internationale et dans le système commercial, ainsi que sur le fossé numérique qui se creuse, la gouvernance environnementale inachevée et un contrat social faible. Pour y remédier, Mme Grynspan a mis l’accent sur l’importance de l’investissement dans les personnes, leurs qualifications, leur santé et leur bien-être, mais aussi sur l’importance du partage des technologies et des ressources, entre autres.
M. TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a souligné que la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement stipule clairement que la participation des peuples est fondamentale pour la réalisation de ce droit, tout comme elle l’est pour la jouissance du droit à la santé pour tous. Il est donc du devoir des pays de coopérer entre eux en vue de garantir ce droit [au développement], a-t-il déclaré. La pandémie de COVID-19 a bien montré la nécessité d’une coopération et d’une solidarité mondiales pour la jouissance tant des droits de l’homme que de la santé pour tous, a rappelé le Directeur général de l’OMS. Les inégalités flagrantes dans l’accès aux vaccins et à d’autres outils pouvant sauver des vies ont conduit à ce que certains soient protégés et beaucoup d’autres pas, a-t-il souligné, avant d’ajouter que l’OMS veille à ce que les bienfaits de la science, de l’innovation, ainsi que les données et les outils numériques permettent de faire progresser les droits à la santé, indépendamment du sexe, de la race, de l’origine ethnique, du revenu, de l’âge ou de la géographie.
L’OMS s’emploie à l’amélioration de la coopération mondiale en soutenant l’élaboration d’un accord juridiquement contraignant concernant la pandémie, a indiqué son Directeur général. Il a plaidé pour une accélération de l’action visant à ne laisser personne de côté, alors même que la réalisation des Objectifs de développement durable est à mi-parcours. Aux yeux du Directeur général de l’OMS, la reconnaissance du développement en tant que droit de l’homme est fondamentale pour arriver à cette fin.
Aperçu du débat
Nombre d’intervenants ont insisté sur le fait que la réalisation et la jouissance du droit des peuples au développement étaient d’autant plus urgentes que les inégalités économiques et sociales entre les pays du Sud et du Nord ne cessent de se creuser. Ces inégalités, a-t-il été affirmé, nécessitent de réaffirmer plus que jamais la transcendance du droit au développement en tant que droit humain universel et inaliénable, devant être reconnu comme tel par le système international des droits de l’homme et devant être garanti par tous les États.
Le recul que la pandémie de COVID-19 a provoqué, depuis trois ans, au détriment des progrès qui avaient été obtenus dans l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a démontré l'urgence de la réalisation effective du droit au développement, a-t-il été affirmé. À cet égard, l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement est une réponse indispensable aux défis mondiaux, ont estimé certaines délégations.
La célébration du trente-cinquième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement doit être l’occasion de discuter de moyens de renforcer les partenariats internationaux pour réaliser ce droit et accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable au profit des pays les moins avancés, a-t-il en outre été affirmé.
L'imposition de sanctions arbitraires et unilatérales a par ailleurs été condamnée en ce qu’elle compromet l’accès des pays visés à des financements abordables et aux transferts de technologies, entre autres, ce qui a pour effet de les empêcher de réaliser les Objectifs de développement durable et, au-delà, leur droit au développement.
Plusieurs orateurs ont mis en garde contre les menaces pour la réalisation du droit des peuples au développement que font peser les menaces contre la paix et la stabilité internationales, en particulier la guerre menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Le droit des peuples autochtones, en tant que « véritables gardiens de la biodiversité », de disposer de leurs territoires et de leurs ressources a par ailleurs été mis en avant.
Enfin, plusieurs délégations ont défendu une approche du développement inclusif et durable basée sur les droits de l'homme et dans laquelle les individus sont les acteurs centraux, les moteurs et les bénéficiaires du processus de développement.
* Liste des intervenants : Venezuela (au nom d’un groupe de pays), Zimbabwe, Afrique du Sud, Union européenne, Oman (au nom d’un groupe de pays), Qatar, Finlande (au nom d’un groupe de pays), Cuba, Iran, Allemagne, Émirats arabes unis, Indonésie, Conselho Indigenista Missionário (CIMI), Institut pour les droits de l’homme, Sikh Human Rights Group, Bahreïn, Arménie, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Thaïlande, République-Unie de Tanzanie, Chine, Bangladesh, Sénégal, Philippines, Malaisie, Syrie, Mauritanie, Papa Giovanni XXIII, Action Canada for Population and Development, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM).
Deuxième partie
La deuxième partie de la réunion de haut niveau a été ouverte par MME MAIRA MARIELA MACDONAL ALVAREZ, Vice-Présidente du Conseil des droits de l’homme.
Déclarations des panélistes
M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a pointé plusieurs obstacles à la réalisation de ce droit, au premier rang desquels il a cité la politisation. Plus de trente-cinq ans après l'adoption de la Déclaration sur le droit au développement, les avis des États restent partagés quant à la nature de leurs devoirs et l'importance relative qu’il convient d’accorder à la dimension nationale de ces obligations par rapport aux obligations de la coopération internationale. Un autre obstacle est le manque d'engagement, le clivage politique entraînant un faible niveau d'engagement des institutions des Nations Unies et de la société civile dans la promotion, la protection et la réalisation du droit au développement, a-t-il observé.
De plus, a poursuivi le Rapporteur spécial, les tendances mondiales sont défavorables à la mise en œuvre du droit au développement, à cause notamment de la crise financière et économique, de la crise énergétique et climatique, de l'automatisation de nombreux secteurs, de la corruption, des flux financiers illicites, de la privatisation des services publics, des mesures d'austérité ou encore du vieillissement de la population.
Quant à la pandémie de COVID-19, elle ajouté une couche supplémentaire de complexité à tous ces problèmes, en particulier parce qu’elle a entraîné une augmentation spectaculaire des inégalités au sein des pays et entre eux – ses répercussions étant particulièrement graves dans les économies émergentes, a souligné l’expert.
M. Alfarargi a mis particulièrement en garde contre les changements climatiques, qui risquent de défaire des décennies de développement. À cet égard, les États qui ont contribué de manière disproportionnée aux changements climatiques doivent maintenant fournir un financement adéquat aux pays en développement, a-t-il estimé. Le Rapporteur spécial a appuyé la création d'un « fonds pour les pertes et dommages », qui est un objectif central pour de nombreux pays du Sud.
M. Alfarargi a aussi insisté sur l'importance de la réalisation du droit au développement pour les jeunes, relevant que ce droit exige l'équité au sein des générations et entre elles.
Le Rapporteur spécial s’est dit enfin encouragé par le fait que de nombreux États ont investi du temps et des efforts dans le processus de négociation du nouvel instrument juridiquement contraignant qui est en cours au sein du Groupe de travail intergouvernemental sur le droit au développement.
M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a rappelé que ce Groupe de travail a été créé en 1998 par la Commission des droits de l’homme en tant que mécanisme de suivi de la Déclaration sur le droit au développement et que le mandat du Groupe de travail est de suivre et d’examiner les progrès accomplis dans la promotion et la mise en œuvre du droit au développement, en formulant des recommandations et en analysant les obstacles à sa réalisation.
M. Akram a ensuite énuméré les cinq grandes périodes dans les travaux du Groupe de travail. La première période (2000-2004) a été caractérisée par une interaction avec l’expert indépendant [d’alors] sur le droit au développement et un mécanisme de suivi chargé de présenter au Groupe de travail à chacune de ses sessions une étude sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du droit au développement. La seconde période (2005-2010) a été influencée par l’interaction avec l’équipe spéciale de haut niveau [d’alors] sur la mise en œuvre du droit au développement. La troisième période (2011-2018) a été un processus intergouvernemental, qui s'est concentré sur l'examen, la révision et l'affinement de critères et de sous-critères opérationnels pour la mise en œuvre du droit au développement.
La quatrième période (2016-2018), a poursuivi M. Akram, chevauchait en partie la troisième. Il s’est agi d’une réflexion sur les normes de mise en œuvre du droit au développement. Élu Président-Rapporteur en 2015, M. Akram a précisé qu’il avait - à la demande du Conseil - présenté en 2016 un ensemble de normes au Groupe de travail, dont l’objectif était de sortir de l’impasse qui persistait au sein du Groupe et d’identifier un terrain d’entente et un langage convenu.
Enfin, au cours de la dernière période, qui a débuté en 2019, le Groupe de travail s’est efforcé d’élaborer un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, conformément au mandat qui lui a été confié par le Conseil, a indiqué M. Akram. Le texte final [de ce projet d’instrument] devrait être soumis avec le rapport annuel du Groupe de travail lors de la session de septembre 2023 du Conseil des droits de l’homme, a-t-il précisé. Toutes les tentatives possibles ont été faites pour fonder le langage [retenu pour ce texte] sur les instruments juridiques internationaux existants, y compris les traités relatifs aux droits de l'homme et les déclarations et résolutions pertinentes, a fait valoir le Président-Rapporteur du Groupe de travail.
M. Akram a assuré qu’en tant que Président-Rapporteur, il a cherché à promouvoir la participation et un consensus les plus larges possibles au sein du Groupe de travail. À cet égard, il a regretté qu'un certain nombre d'États aient choisi de ne pas participer au processus de négociation ou uniquement dans une mesure limitée. Concluant son propos, il a lancé un appel pour que tous participent activement aux négociations lors de la prochaine session [du Groupe].
M. BONNY IBHAWOH, Président du Mécanisme d'experts sur le droit au développement, a rappelé que le Mécanisme a été mandé par Conseil des droits de l'homme pour lui fournir des perspectives indépendantes et des conseils d'experts afin de l’aider à intégrer, revigorer et opérationnaliser le droit au développement. En conséquence, les cinq membres du Mécanisme, qui a commencé ses activités en 2020, ont engagé un dialogue avec les États et avec un large éventail de parties prenantes dans le cadre des sessions annuelles du Mécanisme et dans d'autres lieux. Ils ont également mené des discussions avec d'autres organes des Nations Unies et mécanismes des droits de l'homme et mené des visites d'étude et des recherches sur différents sujets liés au droit au développement.
Dans le cadre de leur mandat, les experts ont travaillé à un commentaire de l'article 1, paragraphe 1 de la Déclaration sur le droit au développement, a précisé M. Ibhawoh. L'objectif était de clarifier le contenu des dispositions de la Déclaration – en l’occurrence ici l’article premier – et de suggérer des approches pour leur mise en œuvre, en tenant compte des conditions actuelles et en identifiant les lacunes normatives que le futur instrument juridiquement contraignant devrait combler. Le projet de rédaction de ce commentaire a été discuté à deux sessions publiques du Mécanisme, avant d’être adopté il y a quelques jours, a indiqué M. Ibhawoh.
Ainsi, ledit commentaire de l'article 1 (1) – article qui stipule que « le droit au développement est un droit inaliénable de l’homme » - met en lumière le concept de développement qui, au-delà d'être un droit de l'homme en soi, est déterminé par les détenteurs de droits, et qui peut différer dans son application d'un contexte à l'autre et continuer à évoluer. Le développement doit en outre être contextualisé de manière multidimensionnelle, tenant compte des préoccupations économiques, sociales, culturelles, politiques et environnementales, a ajouté le Président du Mécanisme.
Le commentaire aborde également les dimensions individuelle et collective du droit au développement, a poursuivi M. Ibhawoh. Il indique clairement qu'en tant que droit individuel, le droit au développement donne à toutes les personnes le droit de participer, de contribuer et de profiter du développement sur un pied d'égalité. Il est à espérer que ledit commentaire sera un outil utile pour les États Membres et les autres parties prenantes dans leurs efforts pour concrétiser le droit au développement, a indiqué le Président du Mécanisme d’experts.
Concluant son propos, M. Ibhawoh a rappelé qu’au début de son mandat, le Mécanisme avait souligné les éléments essentiels que devrait contenir un instrument juridiquement contraignant visant à l'opérationnalisation effective et à la pleine mise en œuvre du droit au développement. Le premier élément faisait référence à la réaffirmation de la Déclaration sur le droit au développement de 1986, qui contient des dispositions en faveur d'une coopération internationale efficace et d'un effort concerté des États pour éliminer les obstacles au développement, notamment les violations des droits de l'homme, le racisme, le colonialisme, l'occupation et les conflits armés, a-t-il souligné.
MME YUEFEN LI, Conseillère principale pour la coopération Sud-Sud et le financement du développement à l’organisation Centre Sud, a attiré l’attention, à travers une perspective historique, sur les effets profonds de la mondialisation sur le processus de développement. L'adoption de la Déclaration sur le droit au développement, en 1986, a précédé une vague de mondialisation – voire d'« hypermondialisation » – qui a certes permis de maximiser le développement économique, mais qui a aussi creusé les inégalités, a-t-elle fait observer. En l'absence de tensions géopolitiques majeures, ce processus initial de mondialisation a favorisé une plus grande coopération internationale et renforcé le multilatéralisme, dans un monde qui était alors plus intégré sur les plans économique, culturel et social, a-t-elle relevé.
Cependant, a poursuivi Mme Li, à partir de 2017 environ, la montée des tensions géopolitiques et du nationalisme est devenue un problème pour la réalisation du droit au développement ; le multilatéralisme a été remis en cause, la tendance à la démondialisation s’est faite plus marquée, et la pandémie de COVID-19 et les crises parallèles entraînent maintenant des répercussions négatives sur le droit au développement. En particulier, les clivages Nord-Sud en matière de soutien fiscal, de stimulation monétaire et d'accès aux vaccins et aux technologies numériques s'accentuent.
Le monde traverse une étape importante de transformation économique et de transition vers un modèle de développement économique durable et « vert », et c'est une bonne chose pour l'écosystème mondial et les peuples du monde, a déclaré Mme Li. Mais cette transition, influencée par des considérations géopolitiques et teintée de protectionnisme et de nationalisme, intervient en même temps qu’une tendance à la démondialisation, a-t-elle souligné. Le succès de cette transition, qui devra profiter à tous, dépend de la prise en compte du droit au développement et de l'accent qu'il met sur un processus participatif, transparent et responsable, a affirmé Mme Li.
Aperçu du débat
Nombre d’intervenants ont fait part de l’importance fondamentale que revêt à leurs yeux la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, dont la communauté internationale célèbre cette année le 35ème anniversaire. Cette commémoration est l’occasion pour la communauté internationale de réitérer son engagement collectif en faveur de la pleine réalisation du droit au développement et de se pencher sur les défis à relever, a-t-il été souligné.
Certains intervenants ont toutefois attiré l’attention du Conseil sur la nécessité de disposer d’un instrument international juridiquement contraignant en vue de la pleine réalisation du droit au développement, qui ne doit pas se limiter aux seuls Objectifs de développement durable. Un tel instrument, a-t-il été indiqué, permettrait de définir les obligations de toutes les parties prenantes dans la mise en œuvre du droit au développement et représenterait une réponse indispensable aux défis mondiaux.
Le développement est plus que jamais d’actualité alors que le monde est frappé par de multiples crises qui menacent la paix et la sécurité internationales, a-t-il été souligné. La plupart des crises trouvent leur source dans le sous-développement, la pauvreté et les inégalités, a-t-il été rappelé. À cet égard, plusieurs délégations ont détaillé les mesures prises par leurs gouvernements pour améliorer durablement les conditions de vie et renforcer les droits économiques, sociaux, civils et politiques de leurs populations.
Par ailleurs, il a été souligné qu’une meilleure coopération et une meilleure solidarité internationales sont essentielles pour créer un environnement propice à la réalisation du droit au développement. Les inégalités socioéconomiques persistantes représentent des obstacles pour la réalisation de ce droit, au même titre que la régression démocratique et le non-respect de l’état de droit, a-t-on rappelé, d’aucuns appelant la communauté internationale à intensifier ses efforts pour réduire ces inégalités.
La question de l’insuffisance des financements pour la réalisation du droit au développement se pose avec acuité, a-t-il été reconnu. À cela s’ajoutent le fardeau de la dette, qui entrave considérablement les efforts de développement et sape les stratégies nationales, et le transfert illicite de fonds vers l’étranger, qui représente un manque à gagner et des pertes substantielles du point de vue des ressources, limitées, consacrées au développement, a-t-il été souligné.
Certaines délégations ont plaidé pour que les États s’abstiennent de toute mesure coercitive unilatérale susceptible de saper directement ou indirectement les efforts de développement d'autres États. Ces mesures coercitives violent les droits des nations au développement, a-t-il été souligné.
D’aucuns ont par ailleurs déploré la lenteur du processus de rédaction de la future convention sur le droit au développement et le manque de volonté politique des États des pays développés à cet égard. Si la Déclaration de 1986 reste toujours d’actualité, sa réalisation requiert de nouvelles approches pour répondre aux crises actuelles, a-t-on insisté.
**Liste des intervenants : Burundi, Cabo Verde (au nom d’un groupe de pays), Afrique du Sud, Bélarus, Indonésie (au nom d’un groupe de pays), Côte d’Ivoire (au nom d’un groupe de pays), Pakistan, Viet Nam, Maldives, Inde, Éthiopie, République démocratique populaire lao, Centre Europe - tiers monde, Make Mothers Matter, International Federation for the Protection of the Rights of Ethnic, Religious, Linguistic & Other Minorities, Venezuela, Népal, Niger, Botswana, Arabie saoudite, République islamique d’Iran, Luxembourg, Royaume-Uni, Iraq, Gambie, Malawi, Tunisie, Centre du Commerce International pour le Développement, Promotion du Développement Économique et Social - PDES, Institute for Reporters' Freedom and Safety.
Remarques de conclusion
M. ALFARARGI s’est dit heureux d’entendre des délégations réaffirmer leur engagement en faveur du droit au développement et de sa pleine réalisation, en dépit de la « négation » de ce droit par certaines autres. S’adressant à ces dernières, le Rapporteur spécial leur a demandé de changer de position et de considérer que le droit au développement est un droit inhérent [à la personne humaine] qui vient compléter d’autres droits.
M. AKRAM a déploré que 35 ans après l’adoption de la Déclaration sur le droit au développement, ce droit ne soit toujours pas opérationnalisé. Il a estimé que la meilleure façon de mettre en œuvre le droit au développement est d’adopter le projet d’instrument juridiquement contraignant rédigé par le Groupe de travail qu’il préside et dont le texte sera prochainement présenté au Conseil – un Conseil auquel M Akram a recommandé de renvoyer ce projet d’instrument à l’Assemblée générale pour adoption.
M. IBHAWOH a lui aussi appelé à la réflexion quant aux stratégies qui devront permettre d’opérationnaliser, concrètement, le droit au développement. Ce droit constitue un cadre qui permettra de trouver des solutions aux défis rencontrés par nombre de pays dans le monde, qu’il s’agisse de la pauvreté ou des effets des changements climatiques, a souligné le Président du Mécanisme experts. Le Mécanisme proposera des stratégies pour rendre opérationnel le droit au développement, a-t-il conclu.
MME LI a jugé prometteuses les vues exprimées au cours de ces discussions. Il n’en reste pas moins déplorable que tous dans le monde ne partagent pas les fruits du développement, ce qui montre à quel point des obstacles subsistent encore, a-t-elle ajouté. Cela montre aussi combien la solidarité et la coopération – qui font encore défaut – sont nécessaires, a-t-elle ajouté. La communauté internationale doit poursuivre ses efforts en vue de la réalisation du droit au développement, y compris par le biais d’un instrument juridiquement contraignant, a-t-elle conclu.
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