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Communiqués de presse Organes conventionnels

Note d’information relative à la décision 2662/2015 du Comité

10 Septembre 2018

Experts des Nations Unies: Licencier une femme pour le port du "voile islamique" est une violation de sa liberté religieuse

Dans une décision du 10 août 2018, le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies constate une violation par la France des droits humains d’une employée d’une crèche, licenciée en 2008 pour avoir violé la politique du centre interdisant le port du voile islamique. Le Comité, qui articule sa décision autour de l’absence d’un but légitime et de proportionnalité de la mesure de licenciement, a trouvé que le droit de l’employée à librement exprimer ses convictions religieuses a été violé. Le comité détermine aussi que l’employée a été victime d’une discrimination intersectionnelle basée sur le genre et la religion.

Le texte intégral de la décision en français est accessible sur ce lien alors que la version anglaise de la décision devrait être publiée d’ici la fin de l’année.

L’Ex-employée travaillait dans cette crèche depuis 1991 et avait l’habitude de porter un voile depuis 1994. Elle a été licenciée à son retour de congé parental en 2008 sur la base d’un règlement interne qui requiert des employés qu’ils fassent preuve de neutralité en matière religieuse.   Après une longue procédure judiciaire en France qui s’est poursuivie jusqu’en 2014, la justice française a confirmé la décision de la crèche de licencier l’employée sans indemnités de licenciement.

L’Ex-employée a soumis une plainte individuelle au Comité des droits de l’homme dans le cadre de la procédure prévue par le Protocole facultatif au Pacte des droits civils et politiques. Le Comité veille à la mise en œuvre par les Etats parties des dispositions du Pacte et de son protocole.

Le Comité a été d’avis, qu’afin d’agir en conformité avec l’article 18 du Pacte des droits civils et politiques, la France aurait dû établir que l’interdiction du port du voile islamique était une mesure nécessaire et proportionnée à l’objectif recherché. Le Comité considère que la France n’a, ni expliqué de manière appropriée les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’insister que l’ex-employée ne porte pas le voile comme une condition à son maintien en fonction, ni démontré la proportionnalité de son renvoi sans indemnités de licenciement face à sa décision de porter le voile au sein de la crèche. Le Comité a été également d’avis que la politique de la crèche qui s’oppose à ce que de jeunes enfants soient éduqués par des femmes portant le voile pouvait conduire à la “stigmatisation d’une communauté religieuse”.

Par ailleurs, le Comité n’a ni examiné ni porté de jugement sur le principe de laïcité.  “Notre décision se réfère à la décision spécifique de licencier une personne sans indemnités de licenciement – question sur laquelle les Cours de justice françaises étaient elles-mêmes divisées” a annoncé Yuval Shany, Président du Comité.

Le Comité a considéré que la France n’a pas fourni d’explications convaincantes sur le dommage dont elle souhaite protéger les enfants ou les parents en évitant qu’ils soient en contact avec un membre du personnel porteur du voile; ou sur le fait que le licenciement de l’employée était une réponse proportionnée. Le Comité a donc conclu que la manière dont elle a été traitée n’était pas basée sur des critères raisonnables et objectifs. De ce fait, l’interdiction et sa mise à exécution constituent aussi une forme de discrimination intersectionnelle, directement dirigée contre l’employée en ses qualités de femme et de musulmane.

“La position de longue date du Comité est que la liberté de manifester sa religion ou sa croyance inclut la liberté de l’individu de choisir la manière dont il/elle se vêtit pour exprimer sa religion ou sa croyance”, a déclaré Yuval Shany, avant d’ajouter que “les Etats doivent justifier les mesures qu’ils prennent contre les individus qui exercent cette liberté”.

Le Comité en appelle à la France à fournir à l’ex-employée de la crèche une compensation adéquate pour le dommage subi, y compris la perte de son emploi, de lui rembourser les frais de justice, et de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir que de telles violations aient lieu à l’avenir. Le Comité indique que la France a l’obligation, en sa qualité d’Etat partie, de respecter en toute bonne foi les obligations qui découlent du Pacte et de son protocole facultatif, et attend de la France qu’elle mette en œuvre la décision du Comité. 

Information générale

Le Comité des droits de l’homme veille au respect par les Etats parties -au nombre de 171 à ce jour- des dispositions du Pacte des droits civils et politiques. Le Comité est composé de 18 membres, qui sont des experts indépendants des droits humains, venant des différentes régions du monde, qui servent en leur qualité personnelle et non au nom de leur gouvernement. Les conclusions du Comité sont une évaluation indépendante sur le respect et la mise en œuvre des obligations du Pacte par les Etats parties.

Le premier protocole facultatif au pacte, ratifié par 116 Etats parties, donne le droit à des individus de soumettre une plainte au Comité contre les Etats pour une violation supposée de leurs droits. Pour plus d’informations sur les procédures de plaintes individuelles aux organes de traités.

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