Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Chili

31 Juillet 2018

GENEVE (31 juillet 2018) - Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport du Chili sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, Mme Lorena Recabarren, Sous-Secrétaire aux droits de l’homme au Ministère de la justice et des droits de l’homme du Chili, a déclaré que la situation dans le domaine de la lutte contre la torture était infiniment meilleure aujourd’hui que celle qui prévalait en 1988, date de la ratification de la Convention par son pays.

Mme Recabarren a ainsi fait valoir un certain nombre de résultats positifs dans l’application de la Convention, notamment l’inscription de la torture dans le Code pénal en tant que crime. Quant à la définition de la torture, elle est totalement cohérente avec les textes internationaux et va même plus loin que la Convention, a affirmé la cheffe de la délégation, notamment en raison de la prise en compte d’une dimension « genre » et de circonstances aggravantes pour des actes commis contre des personnes vulnérables. En outre, a mis en avant Mme Recabarren, la loi interdit aux tribunaux militaires de juger des membres des forces armées ayant torturé des civils.

Mme Recabarren a aussi fait part de la volonté de son Gouvernement de poursuivre les efforts pour indemniser les victimes de la dictature : mille deux cents procédures sont encore ouvertes liées à des violations graves des droits de l’homme commises durant cette période. Le Chili a déployé des efforts importants pour que les victimes obtiennent une réparation complète et le montant des indemnités versées dépasse aujourd’hui 6,2 milliards de dollars. L’action du Chili dans ce domaine a été saluée par les institutions internationales, notamment la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a dit Mme Recabarren. Elle a enfin indiqué que le premier Plan d’action national du Chili pour les droits de l’homme avait été adopté en 2017.

La délégation chilienne était également composée de M. Juan Eduardo Eguiguren, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève; de M. Carlos Künsemüller, Sénateur; et de représentants de la Cour suprême, du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, du Ministère des relations extérieures, du Ministère de la femme et de l’égalité de genre, du Service national des mineurs, ainsi que de la police, des carabiniers et de la gendarmerie chiliens.

La délégation a répondu aux questions et observations des experts du Comité portant notamment sur la définition de la torture dans la législation chilienne; sur le délai de prescription du crime de torture; sur la rétroactivité de la loi pénale; sur la portée des juridictions militaires; sur les garanties offertes aux détenus et sur les conditions de détention; sur la réinsertion des détenus; sur la création d’un mécanisme de prévention de la torture; sur les violences exercées contre les Mapuches et sur la loi contre le terrorisme; sur les violences sexistes; et sur la situation dans les centres fermés pour mineurs.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a regretté que, dans certains cas, la torture soit assimilée à un simple délit, qui peut faire l’objet d’une remise de peine. L’experte a insisté sur le fait que lorsqu’un acte de torture est commis sur une personne placée sous la garde de l’État ou dans une situation de privation de liberté, la peine encourue doit être aggravée. Mme Racu a demandé si l’imprescriptibilité s’appliquait bien à tous les actes de torture au Chili. L’experte a, par ailleurs, demandé à la délégation de dire si les autorités chiliennes envisageaient de réformer les lois d’amnistie et de rendre publics les témoignages et les informations récoltés par la Commission Valech (Rapport de la commission nationale sur l'emprisonnement et la torture).

La corapporteuse a fait observer que si la police chilienne dépendait, depuis une réforme en 2011, du Ministère de l’intérieur, son fonctionnement était toujours régi par le modèle militaire – lui-même basé sur la « doctrine de l’ennemi intérieur » – et avec un contrôle civil limité. La corapporteuse a demandé plus d’informations sur les protocoles de police concernant le recours à la force, les moyens de contention et la gestion des manifestations.

M. Diego Rodríguez-Pinzón, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a demandé des informations sur les enquêtes ouvertes au sujet de violences commises à l’encontre de la population mapuche par les forces de l’ordre, en particulier l’assassinat du jeune José Facundo Mendoza Collio. Dans ce contexte, a relevé M. Rodríguez-Pinzón, plusieurs organismes internationaux ont recommandé au Chili de réformer sa loi contre le terrorisme, estimant qu’elle était utilisée de manière discriminatoire pour cibler le peuple mapuche.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Chili et les rendra publiques à l'issue de la session, le 10 août prochain.

Le Comité tiendra sa prochaine séance publique mardi prochain, le 7 août, à partir de 10 heures, pour discuter du suivi des articles 19 et 22 de la Convention.

Examen du rapport du Chili

Le Comité était saisi du sixième rapport périodique du Chili (CAT/C/CHL/6), qui couvre la période comprise entre 2009 et 2016.

Présentation du rapport

Présentant ce rapport, MME LORENA RECABARREN, Sous-Secrétaire aux droits de l’homme au Ministère de la justice et des droits de l’homme du Chili, a déclaré que la situation dans le domaine de la lutte contre la torture était infiniment meilleure aujourd’hui que celle qui prévalait en 1988, date de la ratification de la Convention par son pays.

Mme Recabarren a ainsi fait valoir un certain nombre de résultats positifs dans l’application de la Convention, notamment l’inscription de la torture dans le Code pénal en tant que crime. D’autre part, la définition de la torture est totalement cohérente avec les textes internationaux et va même plus loin que la Convention, a affirmé la cheffe de la délégation, notamment en raison de l’insertion d’une dimension « genre » et de circonstances aggravantes pour des actes commis contre des personnes vulnérables. En outre, a mis en avant Mme Recabarren, la loi interdit aux tribunaux militaires de juger des membres des forces armées ayant torturé des civils. Et, si l’auteur de mauvais traitements bénéficiait auparavant d’une totale impunité si ses actes n’avaient pas laissé de séquelles, ce n’est plus le cas aujourd’hui, a dit la Sous-Secrétaire d’État.

Le premier plan d’action national pour les droits de l’homme élaboré en 2017 par le précédent Gouvernement sera appliqué, a ensuite expliqué Mme Recabarren. Un mécanisme de suivi de ce plan d’action national est prévu. L’objectif est de faire du plan un instrument d’orientation des politiques publiques. Le plan définit un ensemble de priorités pour les ministères en matière de droits de l’homme. Un chapitre consacré à la prévention de la torture contient des mesures concrètes pour obtenir des progrès dans ce domaine.

D’autres mesures sont prises pour lutter contre les discriminations et les violences à l’encontre des femmes, a dit Mme Recabarren. Depuis une réforme constitutionnelle, l’État a ainsi le devoir de garantir la pleine égalité entre les hommes et les femmes, en droit et en dignité. Les autorités ont aussi appuyé un projet de loi qui donne le droit aux femmes de vivre dans un monde sans violence.

Le Chili a aussi réalisé des progrès importants dans le domaine de la prévention et des sanctions contre la traite des personnes, a poursuivi la Sous-Secrétaire d’État. L’État prête une attention particulière aux victimes de la traite et a créé une instance intersectorielle pour lutter contre ce phénomène.

Mme Recabarren a fait part de la volonté de son Gouvernement de poursuivre les efforts pour indemniser les victimes de la dictature. Mille deux cents procédures sont encore ouvertes liées à des violations graves des droits de l’homme commises durant cette période. Le Chili a déployé des efforts importants pour que les victimes obtiennent une réparation complète – le montant des indemnités versées dépasse aujourd’hui 6,2 milliards de dollars. L’action du Chili dans ce domaine a été saluée par les institutions internationales, notamment la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a dit Mme Recabarren. La cheffe de la délégation a par ailleurs expliqué que le budget consacré à l’identification des victimes de la dictature avait augmenté.

Des problèmes persistent toutefois au Chili dans la protection des enfants et des adolescents en situation de vulnérabilité, a reconnu la cheffe de la délégation. C’est pourquoi le Président de la République a réuni des représentants de tous les secteurs politiques dans le cadre d’un groupe de travail pour faire des progrès dans le domaine de la protection de l’enfance. Les autorités ont, notamment, créé un Sous-Secrétariat à l’enfance et un Commissariat aux droits de l’enfant. Quant au crime d’abus sexuel à l’encontre d’enfants, il a été rendu imprescriptible.

La situation dans les établissements carcéraux s’apparente dans certains cas à des mauvais traitements, a enfin reconnu Mme Recabarren. L’institution nationale des droits de l’homme a attiré l’attention des autorités sur ce problème. Le Chili a, depuis lors, pris des mesures pour améliorer les conditions de détention. Une réforme est en cours dans le domaine de la privation de liberté avec une nouvelle approche axée sur les droits de l’homme, a dit la Sous-Secrétaire. D’autre part, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a fait une visite au Chili en 2016 : le Gouvernement a fait de grands efforts pour appliquer ses recommandations.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a assuré que le Comité comprenait l’histoire difficile du Chili sous la dictature et qu’il était conscient du temps nécessaire pour en surmonter les traumatismes.

Mme Racu a voulu savoir à quelles sanctions s’exposent les fonctionnaires coupables d’actes de torture. Elle a regretté que, dans certains cas, la torture soit assimilée à un simple délit, qui peut faire l’objet d’une remise de peine. L’experte a insisté sur le fait que lorsqu’un acte de torture est commis sur une personne placée sous la garde de l’État ou dans une situation de privation de liberté, la peine encourue doit être aggravée. Mme Racu a demandé si l’imprescriptibilité s’appliquait bien à tous les actes de torture au Chili. L’experte a, par ailleurs, demandé à la délégation de dire si les autorités chiliennes envisageaient de réformer les lois d’amnistie; et de rendre publics les témoignages et les informations récoltés par la Commission Valech (Rapport de la commission nationale sur l'emprisonnement et la torture).

La corapporteuse a fait observer que si la police chilienne dépendait, depuis une réforme en 2011, du Ministère de l’intérieur, son fonctionnement était toujours régi par le modèle militaire – lui-même basé sur la « doctrine de l’ennemi intérieur » – et avec un contrôle civil limité. La corapporteuse a demandé plus d’informations sur les protocoles de police concernant le maintien de l’ordre, le recours à la force, les moyens de contention et la gestion des manifestations.

Mme Racu a demandé davantage d’informations sur les enquêtes au sujet du recours excessif à la force à l’occasion de manifestations d’étudiants. Elle a souligné que l’institution nationale des droits de l’homme avait déposé, entre 2011 et 2017, dix-sept plaintes contre la police relatives à des actes de torture. Mme Racu a demandé quel avait été le traitement de ces plaintes.

S’agissant des garanties procédurales, Mme Racu a demandé si les personnes arrêtées avaient effectivement accès à un avocat et pouvaient consulter un médecin. L’experte a regretté que la police ait accès au dossier médical des détenus. Elle a demandé s’il y avait suffisamment de personnel médical dans les prisons et si ce personnel était formé à détecter les cas de torture.

La corapporteuse a relevé que les membres de l’institution nationale des droits de l’homme chilienne n’ont pas la possibilité de contrôler les véhicules de la police où des mauvais traitements sont commis régulièrement. Mme Racu a par ailleurs demandé quelles étaient les ressources de l’institution pour effectuer des visites de contrôle dans les centres de détention. Mme Racu a demandé des informations sur le calendrier d’adoption du projet de loi visant la création d’un mécanisme national de prévention de la torture.

Mme Racu a regretté l’existence de deux systèmes judiciaires distincts au Chili, qui tend à favoriser l’impunité dans le domaine de la lutte contre la torture : en effet, selon certaines informations, les tribunaux militaires continuent à juger d’actes de torture commis par des policiers à l’encontre de civils.

Mme Racu a regretté que les nouvelles peines alternatives à la privation de liberté n’aient pas permis de diminuer sensiblement la population carcérale. Elle a demandé des informations sur la pratique du confinement de longue durée en cellule, une pratique qui empêche toute réintégration des prisonniers, a relevé Mme Racu. Elle a souhaité recevoir des informations sur le nombre de décès enregistrés en prison et sur les mesures prises pour éviter ces décès. Mme Racu s’est émue des conditions très difficiles dans lesquelles vivent les femmes détenues – dans certaines prisons, les femmes n’ont même pas accès à des toilettes, a dit l’experte.

La corapporteuse a noté avec satisfaction, en revanche, l’amélioration des conditions dans les centres de détention pour mineurs. Cependant, la surpopulation et les nombreux cas de violence et de suicide qui y sont enregistrés restent préoccupants, a fait observer Mme Racu. L’experte a demandé combien d’enfants étaient détenus au Chili et s’il y avait d’autres possibilités que la détention pour les enfants en conflit avec la loi. Le Conseil national de l’enfance a le pouvoir de contrôler tous les lieux où des enfants sont détenus, s’est réjouie l’experte. Mais elle a déploré des cas de violence systématique et de torture dans certains centres pour mineurs gérés par l’État ou par des organisations non gouvernementales.

Mme Racu a regretté un manque de progrès au niveau législatif dans la lutte contre les violences à l’encontre des femmes. Elle s’est aussi dite préoccupée par la limitation des budgets pour la mise en œuvre de la législation contre la traite des êtres humains.

Les migrations au Chili sont toujours régies par un décret de 1975 qui n’est plus adapté aux nouvelles réalités, a déclaré l’experte : en particulier, il n’existe pas de mécanisme de protection pour les personnes qui font l’objet d’une procédure de renvoi.

Mme Racu a reconnu que le Chili avait fait des progrès notables dans le domaine de la protection des personnes LGBTI. Cependant, la police et la justice ne parviennent toujours pas à recueillir des statistiques s’agissant des crimes de haine et des violences à l’encontre des personnes LGBTI, a-t-elle regretté.

Mme Racu a fait observer enfin que les femmes et les filles des communautés mapuche et pewenche étaient particulièrement vulnérables et fréquemment victimes de multiples formes de violence et de discrimination de la part des forces de police, des fonctionnaires et même du corps médical.  

M. Diego Rodríguez-Pinzón, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a demandé combien de fonctionnaires de police avaient suivi des formations aux droits de l’homme et plus particulièrement sur les dispositions de la Convention. Il a demandé si le Protocole d’Istanbul (manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) était utilisé dans les écoles de police.

Le corapporteur a demandé les raisons de l’augmentation des affaires portées en justice pour torture et mauvais traitement. M. Rodríguez-Pinzón a regretté que les chiffres remis au Comité ne soient pas actualisés et a demandé des informations détaillées sur les mesures prises par l’État pour s’assurer qu’on ne dissuade pas les victimes de torture ou de mauvais traitements de porter plainte en les menaçant de représailles.

Le corapporteur a demandé quels étaient les critères de reconnaissance du statut de victime de torture, en observant que 22 000 personnes n’avaient pas pu obtenir ce statut, sans possibilité de recours.  

M. Rodríguez-Pinzón a demandé des informations sur les enquêtes ouvertes au sujet des violences commises à l’encontre de la population mapuche par les forces de l’ordre, en particulier l’assassinat du jeune José Facundo Mendoza Collio. Dans ce contexte, la Cour interaméricaine des droits de l’homme – a relevé l’expert – a estimé que le fait d’assimiler les atteintes à la propriété à du terrorisme était source de confusion. Et plusieurs organismes internationaux ont relevé qu’il fallait réformer la loi contre le terrorisme du Chili, car elle est utilisée de manière discriminatoire pour cibler le peuple mapuche, a fait observer M. Rodríguez-Pinzón. L’expert a prié la délégation de dire combien de procès avaient été ouverts sur base de la loi contre le terrorisme.

M. Rodríguez-Pinzón a voulu savoir si les tribunaux chiliens acceptaient les aveux obtenus sous la torture. Il a demandé des informations sur certaines affaires spécifiques dans ce domaine.

Le corapporteur a demandé des informations sur les indemnisations versées aux victimes de la torture et sur le fonctionnement du Programme de réparations et de prise en charge médicale intégrale. Le corapporteur a par ailleurs souhaité obtenir des informations sur le projet de loi contre les châtiments corporels à l’encontre des enfants.

D’autres questions ont porté sur les violences à l’encontre des personnes âgées et des personnes handicapées hébergées en foyer; sur les mesures prises contre les violences sexuelles perpétrées par des religieux; et sur le nombre d’enquêtes pénales ouvertes pour des faits en lien avec les violations des droits de l’homme commises dans le cadre de l’opération Condor.

Réponses de la délégation

La délégation a précisé que, depuis la réforme du Code pénal, les enquêtes sur les délits dépendent exclusivement du Ministère public. Les juges pénaux ne mènent pas d’enquête : ils ont un autre rôle, consistant à faire respecter les droits des différentes parties et à veiller à ce que les décisions soient conformes au droit. Il y a une seule exception : des juges spéciaux s’occupent des procès pour les violations des droits de l’homme commises par des agents de la dictature. Dans ce cas, la procédure est de nature inquisitoire.

La délégation a expliqué que la définition de la torture donnée par la loi chilienne était conforme à la Convention. Cette définition comporte tous les éléments pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance du caractère très grave de la torture.

Le crime de torture se prescrit par dix ans, le crime de torture caractérisée par quinze ans et les mauvais traitements par cinq ans, a précisé la délégation. Dans certains cas, le délai de prescription peut être étendu, notamment si les enquêtes n’ont pas pu se dérouler de manière correcte à l’époque de la dictature. L’application de la loi pénale n’est rétroactive que si elle est favorable à l’accusé, a ajouté la délégation.

La délégation a assuré que tous les abus commis depuis 2000 par des prêtres ou d’autres membres du clergé feraient l’objet d’enquête. Certaines affaires antérieures pourront faire l’objet d’une enquête même s’il y a prescription, a souligné la délégation.

S’agissant de la juridiction militaire, la délégation a expliqué qu’il fallait tenir compte de la loi qui a modifié la compétence des tribunaux militaires en 2010 et de la loi de 2016 qui définit le délit de torture. Ces deux lois ont limité sensiblement la compétence des tribunaux militaires. En aucun cas, les civils et les mineurs ne peuvent être poursuivis par la juridiction militaire. Le domaine de compétence de la juridiction militaire est restreint aux délits qui sont spécifiquement militaires, dans le cadre de la fonction militaire. Si un civil est victime d’une violence injustifiée par la police, le délit doit être traité par les juridictions ordinaires. Si, par erreur, un tribunal militaire commence à traiter une affaire qui concerne un civil, il y aurait un conflit de compétence qui serait soumis à la Cour suprême : dans l’immense majorité des cas, la justice ordinaire sera désignée compétente.

La délégation a expliqué que toute personne détenue bénéficiait de nombreuses garanties. En particulier, aucun détenu ne peut être placé plus de deux jours d’affilée dans les cellules d’isolement. Il n’y a donc aucun isolement prolongé au Chili, a déclaré la délégation. Les détenus ont accès à un traitement contre la toxicomanie, si nécessaire. Il y a un fort engagement du Ministère de la justice et des droits de l’homme pour faire adopter la nouvelle loi sur l’application des peines, a affirmé la délégation.

Les forces armées ne gèrent pas les prisons, qui dépendent du Ministère de la justice et des droits de l’homme. L’institution carcérale n’est donc pas de nature militaire, même si elle est hiérarchisée, a expliqué la délégation. Pendant l’année 2017, plus de mille plaintes ont été déposées auprès d’une unité spéciale chargée de recevoir des plaintes des prisonniers. La majorité d’entre elles concernaient l’intégrité physique des détenus. Des mesures sont prises pour lutter contre les morts violentes suite aux rixes entre prisonniers. La délégation a par ailleurs expliqué que des mesures de modernisation des bâtiments sont en cours afin d’améliorer les conditions de détention.

S’agissant de la réinsertion, les femmes détenues ont accès à des crédits pour créer leur entreprise à la sortie de prison et ainsi avoir la possibilité de se réinsérer. Les programmes de réinsertion visent à éviter la récidive, a dit la délégation.

Elle a ensuite décrit le processus d’adoption de la loi portant modification de l’institution nationale des droits de l’homme en vue d’en faire un mécanisme de prévention de la torture au sens du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Ce processus est assez long car les lois relatives aux droits de l’homme doivent être validées par les deux chambres du Parlement. Le projet de loi prévoit notamment la pleine indépendance du mécanisme de prévention et la possibilité, pour celui-ci, de réaliser des visites inopinées dans les centres de détention. Le projet de loi est en cours d’examen par le Sénat. Cette loi est prioritaire pour l’État chilien, a assuré la délégation.

La délégation a expliqué que les carabiniers du Chili ont pour mission de garantir la sécurité intérieure du pays. Des mécanismes de suivi de leurs activités sont mis en œuvre. Des mécanismes ont été créés pour recevoir toutes les plaintes de la population à l’encontre des carabiniers. Une circulaire publiée en 2013 énonce les conditions requises pour l’usage de la force et des armes à feu. Des protocoles d’intervention ont été rédigés en 2014 dans toute une série de domaines, y compris la gestion des manifestations.

La délégation a cependant reconnu des cas de recours excessif à la force par les carabiniers à l’encontre de manifestants ou de représentants des Mapuche, notamment. Des procédures judiciaires ont été ouvertes sur ces allégations et des sanctions ont été prononcées, a-t-elle assuré. La délégation a expliqué que l’engagement du Gouvernement pour la reconnaissance du peuple mapuche allait être renforcé. Un groupe de travail a été créé afin de trouver un accord avec le peuple mapuche.

La délégation a aussi expliqué que le nouveau Président, à son entrée en fonction [en mars 2018], avait pris des mesures urgentes en faveur des peuples autochtones et des migrants. Un projet de loi établit les principes d’une politique migratoire régissant les droits et les obligations des étrangers. Les instruments de ratification de la Convention sur l’apatridie ont été déposés. La délégation a indiqué que le personnel aux frontières reçoit une formation spécifique sur les procédures en lien avec les droits de l’homme.

La délégation a expliqué que le Parlement examinait en ce moment un projet d’amendement à la loi sur le terrorisme. L’objectif est d’améliorer la législation sur le fond et dans le domaine des procédures. Le projet prévoit une réforme du Code pénal et des mesures spéciales au niveau des procédures et des enquêtes. L’intention du Chili n’a jamais été d’appliquer la loi contre le terrorisme à l’encontre des représentants du peuple mapuche qui ont des revendications sur leurs terres, a assuré la délégation.

La délégation a expliqué que la violence sexiste préoccupait les autorités chiliennes. Le Président s’est engagé à améliorer la lutte contre les violences à l’encontre des femmes et à donner une protection et une indemnisation aux victimes. Un projet de loi est en cours d’examen dans ce domaine. Un refuge a été ouvert : il peut accueillir une dizaine de femmes et d’enfants victimes de violence ou de la traite des êtres humains.

Une question ayant porté sur les mesures prises pour protéger l'intégrité physique et l'autonomie des personnes intersexuées au Chili, la délégation a dit prendre note des préoccupations du Comité à ce sujet, mais n’être pas en mesure de donner de statistiques.  

La délégation a assuré que les centres fermés pour jeunes n’étaient pas surpeuplés, le taux moyen d’occupation étant de 47%. La loi sur la responsabilité pénale des adolescents impose l’offre de services éducatifs dans tous les centres fermés. Les centres proposent aussi des activités sportives et récréatives. Mais les services ne sont pas totalement efficaces pour couvrir tout l’emploi du temps des jeunes. Il est difficile de proposer une offre qui engage une véritable participation de ces jeunes, a expliqué la délégation. Elle a ajouté qu’ils pouvaient déposer plainte de façon anonyme sur leurs conditions de détention.

S’agissant de la justice transitionnelle, la délégation a confirmé qu’il n’y avait pas d’instance de recours concernant l’attribution ou non du statut de « victime de la torture ». Elle a aussi expliqué que la réserve sur les témoignages de la Commission Valech I devait être respectée puisqu’il s’agissait des règles de fonctionnement de cette Commission. Quant au Programme de réparations et de prise en charge médicale intégrale, il a reconnu 823 000 personnes victimes directes ou indirectes de violations des droits de l’homme commises durant la dictature, a précisé la délégation.

La délégation a expliqué que le Ministère de la défense nationale s’était engagé à organiser deux formations dans le domaine des droits de l’homme au sein de l’armée. Le Sous-Secrétariat des droits de l’homme organise également des formations pour les fonctionnaires : quatre collaborateurs sont chargés de cette activité.

La délégation a expliqué qu’il y avait une approche « droits de l’homme » pour toutes les enquêtes liées à des cas de torture.

La délégation a expliqué que le décret-loi d’amnistie [n° 2191, adopté en 1978] avait cessé d’être appliqué depuis 1999. Cette évolution a permis les condamnations d’auteurs de disparitions forcées durant la dictature. La délégation a rappelé que les normes juridiques sont appliquées dans des conditions socioculturelles spécifiques et que ces conditions ne permettent plus, aujourd’hui, l’application du décret-loi d’amnistie au Chili.

Le Chili appuie le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de torture. Cette année, le pays a apporté une subvention symbolique à ce fonds mais la délégation a dit espérer que cette contribution serait plus importante à l’avenir.

Remarques de conclusion

MME LORENA RECABARREN, Sous-Secrétaire aux droits de l’homme au Ministère de la justice et des droits de l’homme du Chili, s’est réjouie du dialogue constructif avec le Comité, trente ans après que le pays ait ratifié la Convention. Le Chili entend prévenir les cas de torture, de mauvais traitements et d’irrégularité. Le pays soutient les personnes les plus vulnérables de la société. La cheffe de la délégation a assuré que le pays allait prendre très au sérieux les recommandations du Comité. La politique du Gouvernement chilien est claire : il ne tolère ni la torture, ni les mauvais traitements, et les responsables de ces actes ne bénéficieront d’aucune impunité, a conclu Mme Recabarren.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :