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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de la Mauritanie

25 Juillet 2018

GENEVE (25 juillet 2018) - Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Mauritanie sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Mohamed Lemine Ould Sidi, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a expliqué que son pays avait pris d’importantes mesures pour appliquer les dispositions des instruments internationaux auxquels il est partie, en particulier la Convention contre la torture. Le Commissaire a aussi indiqué que l’engagement de son pays s’était vu renforcé par son adhésion à plusieurs instruments internationaux, notamment le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
M. Ould Sidi a par ailleurs relevé qu’un Mécanisme national de prévention de la torture avait été créé en avril 2016. Il s’agit d’une institution indépendante, dotée de la personnalité morale et des ressources humaines et financières nécessaires à son fonctionnement, conformément aux dispositions du Protocole facultatif à la Convention, a expliqué M. Ould Sidi. Ce mécanisme, qui accède librement à tous les lieux où pourraient se trouver des personnes privées de liberté, peut recevoir les plaintes pour des allégations de torture, a affirmé le Commissaire. En outre, les établissements pénitentiaires sont ouverts aux visites d’organisations nationales et internationales de la société civile, a précisé le Commissaire. M. Ould Sidi a enfin indiqué que son Gouvernement avait amélioré les conditions de vie en milieu carcéral, notamment s’agissant de la nourriture, de l’hygiène et de la santé ; et qu’il avait construit de nouvelles prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale.

La délégation mauritanienne était également composée de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la communication, de la fonction publique, du travail, des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, de la justice, et de l’intérieur. Elle a répondu aux questions et observations des experts du Comité portant notamment sur le respect des garanties procédurales ; la détention provisoire ; les méthodes d’obtention des aveux ; la législation contre le terrorisme ; les lieux illégaux de détention ; les conditions des transferts de détenus ; les conditions de détention ; les possibilités d’aménagement de peine ; le traitement des plaintes pour torture ; les sources du droit mauritanien ; le mécanisme de prévention de la torture et la Commission nationale des droits de l’homme de la Mauritanie.

M. Sébastien Touzé, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a expliqué que le Comité avait reçu des informations fiables selon lesquelles la torture demeurait une pratique généralisée au sein des services de sécurité mauritaniens, au cours des arrestations, pendant la garde à vue et lors de transfèrements. Cette pratique serait constatée indépendamment de la nature de l’infraction présumée, mais de manière systématique dans le cadre d’infractions terroristes, s’est inquiété M. Touzé. Le corapporteur a, par ailleurs, déploré des conditions de détention particulièrement dures dans les prisons mauritaniennes. M. Touzé s’est enfin dit préoccupé par l’usage excessif de la force pour disperser des manifestations de soutien à des militants anti-esclavagistes en Mauritanie.

Mme Essadia Belmir, corapporteuse pour l’examen du rapport de la Mauritanie, s’est interrogée sur l’existence d’une véritable recherche de la vérité dans le cadre des affaires de torture et a souligné que le juge devait ouvrir une enquête de lui-même en cas d’allégation de torture. Mme Belmir a aussi déploré que des femmes harcelées ou victimes de viol soient menacées si elles portent plainte, voire accusées elles-mêmes d’adultère, une accusation punissable par des châtiments corporels en Mauritanie.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Mauritanie et les rendra publiques à l'issue de la session, le 10 août prochain.

Le Comité achèvera demain après-midi, à 15 heures, l’examen du rapport de la Fédération de Russie, entamé ce matin (CAT/C/RUS/6).

Examen du rapport de la Mauritanie

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique de la Mauritanie (CAT/C/MRT/2), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter que lui avait soumise le Comité.

Présentation du rapport

Présentant ce rapport, M. MOHAMED LEMINE OULD SIDI, Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, chef de la délégation, a expliqué que le Gouvernement mauritanien mettait la promotion et la protection des droits de l’homme au cœur de ses politiques et stratégies. Il a aussi relevé que son pays avait abrité, du 25 avril au 9 mai 2018, les travaux de la 62e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que les événements préparatoires à cette session.

La Mauritanie, a poursuivi le Commissaire, a mis en œuvre d’importantes mesures visant à rendre effectives les dispositions des instruments internationaux auxquels le pays est partie, en particulier la Convention contre la torture. Le chef de la délégation a indiqué que l’engagement de son pays s’était vu renforcé par son adhésion à plusieurs instruments, notamment le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Pour donner plein effet aux dispositions de la Convention, le Gouvernement a publié cet instrument dans une édition spéciale du Journal officiel en décembre 2014. Ses dispositions ont été incorporées dans le corpus juridique national par la loi du 10 septembre 2015. Les dispositions de la Convention, qui sont d’application immédiate et peuvent être invoquées devant les tribunaux, priment sur les lois nationales, conformément à la Constitution, a expliqué M. Ould Sidi.  

Le chef de la délégation a indiqué que la Mauritanie avait accompli, grâce à plusieurs mesures d’ordre juridique, judiciaire et administratif, d’importants progrès dans l’application des recommandations issues de l’examen de son rapport initial par le Comité, en 2013. C’est ainsi que la Mauritanie a reçu la visite du Rapporteur spécial sur la torture en janvier et février 2016, a relevé M. Ould Sidi. Le pays a aussi adopté, en 2015, une loi relative à la lutte contre la torture qui reprend la définition de la torture donnée par la Convention. La même loi intègre les dispositions conventionnelles relatives à la prévention de la torture ; fixe les peines encourues pour fait de torture, compte tenu de la gravité de ce crime ; et interdit la détention au secret. La loi consacre également le principe de non-refoulement et prévoit des mesures de protection et d’assistance aux victimes et témoins.

Le chef de la délégation a par ailleurs relevé qu’un Mécanisme national de prévention de la torture avait été mis en place en avril 2016. Il s’agit d’une institution indépendante, dotée de la personnalité morale et des ressources humaines et financières nécessaires à son fonctionnement, conformément aux dispositions du Protocole facultatif. Ce mécanisme, qui accède librement à tous les lieux où pourraient se trouver des personnes privées de liberté, peut recevoir les plaintes pour des allégations de torture, a affirmé le Commissaire. Les établissements pénitentiaires sont maintenant ouverts aux visites des organisations nationales et internationales de la société civile, a-t-il aussi été précisé. Par ailleurs, M. Ould Sidi a indiqué que son Gouvernement avait pris des mesures pour améliorer les conditions de vie en milieu carcéral notamment en termes de nourriture, d’hygiène et de santé ; et qu’il avait construit de nouvelles prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale.

M. Ould Sidi a ensuite présenté les mesures prises par le Gouvernement mauritanien contre l’esclavage, notamment l’adoption d’une loi portant incrimination de l’esclavage et la mise en œuvre de la « feuille de route pour l’éradication des séquelles et formes contemporaines de l’esclavage ». Cette dernière a permis, à son tour, l’adoption d’un plan d’action national de lutte contre le travail des enfants ; l’adoption d’une fatwa, en 2015, par l’Association des Oulémas, sur l’illégitimité de la pratique de l’esclavage ; ou encore la création de l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Le Commissaire a enfin expliqué que le programme d’abandon des mutilations génitales féminines avait enregistré, ces dernières années, des résultats positifs.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a relevé plusieurs points positifs et encourageants s’agissant de l’application de la Convention par la Mauritanie, notamment l’adoption de la loi relative à la lutte contre la torture, qui rend ce crime imprescriptible ; la création du mécanisme national de prévention de la torture dans les lieux de détention ; ou encore l’adoption d’une stratégie nationale pour favoriser l’accès à la justice. L’expert a aussi salué le renforcement de la coopération de la Mauritanie avec les mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme. Cependant, M. Touzé a regretté la très grande généralité du rapport, qui se limite à des affirmations sans apporter de réponses aux questions qui avaient été posées par le Comité.

S’agissant de la durée et des conditions de la garde à vue, M. Touzé a souligné que le Code de procédure pénale mauritanien comportait des dispositions en contradiction avec certains textes nationaux et internationaux. Il a relevé que, dans la pratique, les gardes à vue excèdent souvent les 96 heures légales et que les contrôles des registres de garde à vue par les magistrats sont rares, voire inexistants.

M. Touzé a aussi relevé que les registres de détention dans les postes de police et les centres de détention étaient souvent mal tenus : il y manque des renseignements importants, notamment la date de remise en liberté d’un détenu ou l’autorité ayant prononcé la détention. Il semble en outre que ces registres sont parfois remplis a posteriori. M. Touzé s’est dit étonné que ces registres ne soient toujours pas informatisés et accessibles aux organisations non gouvernementales, aux avocats et à d’autres parties autorisées.

M. Touzé a fait encore observer que le Code de procédure pénale ne reconnaissait pas les droits de l’inculpé d’être informé des raisons de son arrestation, d’être assisté par un avocat et d’être examiné par un médecin dès les premières heures de son arrestation. En effet, le Code dispose que l’accès à un avocat n’est possible qu’après la première prolongation de la durée initiale de la garde à vue, sur autorisation écrite du procureur compétent, pendant une demi-heure au maximum et sous la surveillance de la police judiciaire. Le corapporteur a observé d’autre part que la demande d’accès à un médecin doit être formulée au préalable par le détenu, ce qui n’est pas conforme à l’interprétation que le Comité fait de la Convention, selon laquelle l’accès au médecin doit être automatique et sans conditions. M. Touzé a demandé quels étaient les motifs de l’ensemble de ces limitations à l’exercice effectif de droits essentiels.

Le corapporteur a par ailleurs constaté que la loi antiterroriste de 2010 se basait sur une définition très imprécise du terrorisme, notamment le fait de « pervertir les valeurs fondamentales de la société et déstabiliser les structures et/ou institutions constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales de la Nation ». M. Touzé a demandé un aperçu précis des condamnations prononcées en vertu de cette loi.

Toujours dans le contexte de la lutte antiterroriste, M. Touzé a relevé que le Code de procédure pénale mauritanien autorisait le placement en garde à vue d’une personne soupçonnée de terrorisme pendant 45 jours, sans présentation à un juge ni possibilité de contester la légalité de la détention. Le corapporteur a relevé que, selon le Ministère de la justice, la loi contre la torture de 2015 ne s’appliquerait pas aux individus accusés de terrorisme. De même, l’expert a expliqué que le Comité avait reçu des informations concordantes, y compris de la part du Rapporteur spécial contre la torture, selon lesquelles les suspects d’actes de terrorisme sont souvent détenus au secret dans le but d’extorquer leurs aveux.

S’agissant des conditions de détention, M. Touzé a regretté que la plupart des détenus en Mauritanie soient placés dans des bâtiments et des maisons ordinaires, dépourvus des équipements nécessaires. L’espace réservé aux mineurs est fortement surpeuplé, a-t-il relevé. Il a demandé quelles mesures avaient été prises pour remédier au problème de la surpopulation carcérale et davantage d’informations sur les personnes ayant bénéficié d’une grâce présidentielle ou d’une libération conditionnelle.

L’expert a constaté que les conditions de détention en Mauritanie étaient marquées par un accès à l’eau limité, une pénurie de médicaments, la non-scolarisation des détenus et des activités récréatives ou culturelles inexistantes. M. Touzé a fait part d’une autre préoccupation grave s’agissant du manque de personnel pénitentiaire formé et d’infrastructures adéquates dans les lieux de détention. M. Touzé a demandé quelles mesures concrètes avaient été adoptées pour améliorer des conditions de détention qui s’accordent mal avec les obligations de la Mauritanie au titre de la Convention.

M. Touzé a en outre relevé que le Comité avait reçu des informations concordantes au sujet de l’usage excessif de la force et des méthodes violentes des forces de l’ordre pour disperser des manifestations contre les pratiques discriminatoires envers les Haratines et en soutien aux activistes anti-esclavagistes. Il a demandé si des enquêtes avaient été ouvertes à ce sujet.

M. Touzé a demandé quel était le calendrier prévu pour l’adoption du projet de loi sur l’asile. Il a demandé si le principe de non-refoulement était reconnu par ce projet de loi, ainsi que dans la législation régissant l’extradition et l’expulsion de migrants en situation irrégulière. Le corapporteur a dit que le Comité avait reçu des informations au sujet de détentions arbitraires, de mauvais traitements et d’autres abus dans les opérations de contrôle des étrangers, notamment contre les pêcheurs étrangers.

Le Comité a aussi reçu des informations fiables selon lesquelles la torture demeurait une pratique généralisée au sein des services de sécurité, au cours des arrestations, pendant la garde à vue et lors de transfèrements, s’est inquiété M. Touzé. Cette pratique serait constatée indépendamment de la nature de l’infraction présumée, mais de manière systématique dans le cadre d’infractions terroristes. Le corapporteur a demandé à la délégation quelles mesures avaient été prises pour améliorer les méthodes d’enquête pénale en vue d’éviter le recours à la torture. Le corapporteur a prié la délégation de donner des statistiques sur les mesures de réparation ordonnées en faveur des victimes de torture pendant la période couverte par le rapport.

M. Touzé a expliqué que le Sous-comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme avait recommandé, en 2017, que la Commission nationale des droits de l’homme de la Mauritanie soit rétrogradée au « statut B » des Principes de Paris. En effet, le Sous-comité relevait, dans son rapport, que le processus de nomination et de destitution des membres de l’institution mauritanienne n’était pas suffisamment « ample et transparent » et ne permettait pas la sélection des membres selon leur mérite ; il exprimait aussi des préoccupations quant au manque d’indépendance de l’institution vis-à-vis de l’exécutif. M. Touzé a demandé quelles mesures avaient été prises pour permettre à cette institution de répondre aux exigences des Principes de Paris.

M. Touzé a enfin demandé des informations concernant cinq défenseurs des droits de l’homme qui auraient été empêchés de prendre l’avion à Nouakchott pour participer aux travaux du Comité et de l’Examen périodique universel.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Mauritanie, a regretté que les personnels des prisons, les policiers et les membres de la garde nationale mauritaniens ne soient pas suffisamment formés aux dispositions de la Convention, non plus qu’aux droits de l’homme. Elle a aussi déploré que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ne soit pas utilisé systématiquement. Mme Belmir a regretté que rares soient les juges mauritaniens qui se rendent dans les prisons. L’absence de médecin qualifié à côté des personnes en conflit avec la loi lors des interrogatoires fait que le juge n’est pas en mesure de vérifier si la personne a subi un mauvais traitement, a aussi regretté la corapporteuse. Mme Belmir, soulignant que les méthodes d’interrogatoire impliquant la contrainte étaient contraires à la Convention, a encouragé la Mauritanie à enregistrer les interrogatoires par vidéo.

Mme Belmir s’est interrogée sur l’existence d’une véritable recherche de la vérité dans le cadre des affaires de torture. Elle a souligné que le juge devait ouvrir une enquête de lui-même lorsqu’il y a des allégations d’actes de torture.  Mme Belmir a aussi déploré que des femmes harcelées ou victimes de viol soient menacées si elles portent plainte, voire accusées elles-mêmes d’adultère, une accusation punissable par des châtiments corporels.

Un autre membre du Comité a souligné que les dispositions régissant l’invocation de la charia étaient très vagues dans le droit mauritanien et risquaient d’entraîner beaucoup d’abus. Dénonçant aussi le recours à la loi du talion en Mauritanie, l’expert a estimé que la lapidation publique, l’amputation et la flagellation étaient des peines contraires à la Convention. Il a demandé quelles mesures étaient prises pour mettre fin aux châtiments corporels prévus par la loi et ce qu’il en était du moratoire dans ce domaine. Le même expert a voulu savoir si la police utilisait d’autres méthodes pour résoudre ses enquêtes que l’obtention d’aveux, par exemple les outils de la police scientifique.

Une experte a fait état d’allégations d’organisations de la société civile au sujet de l’arrestation de défenseurs des droits de l’homme et de torture et de mauvais traitements à leur encontre. Elle a demandé des informations sur certains cas précis. La même experte a relevé que le pouvoir judiciaire mauritanien était, selon certaines organisations non gouvernementales, très influencé par le pouvoir exécutif et que la Cour suprême jouerait aujourd’hui un rôle restreint. L’experte a demandé quelles mesures avaient été prises pour favoriser l’indépendance du pouvoir judiciaire. Elle a par ailleurs demandé des statistiques sur les violences sexuelles et sexistes et sur la lutte contre la traite des êtres humains en Mauritanie. Un autre expert a demandé davantage d’informations sur les mesures de réparation et de réhabilitation prévues pour les victimes de torture.  

Une experte a demandé des précisions au sujet de l’application concrète de la loi contre la torture : nombre de poursuites contre les auteurs d’actes de torture, après l’entrée en vigueur de cette loi ; données statistiques relatives au nombre de plaintes pénales enregistrées pour actes de torture ; et nombre d’enquêtes et de condamnations prononcées suite à ces plaintes. L’experte a par ailleurs regretté le manque d’efficacité du mécanisme national de prévention, qui n’a pas les effets positifs escomptés. Ce mécanisme est totalement « sourd et aveugle » aux plaintes des manifestants victimes de la torture et des détenus qui ont dû mener une grève de la faim afin d’obtenir l’amélioration de leurs conditions de détention, a regretté l’experte.

Mme Belmir a enfin souligné que la pratique de la diyya (« le prix du sang »), qui permet à la famille d’une victime de pardonner un condamné à mort moyennant un dédommagement financier, allait à l’encontre de l’état de droit.

Réponses de la délégation

Concernant les garanties procédurales, la délégation a expliqué que le délai de la garde à vue était fixé par le Code de procédure pénale : il est de 48 heures et ne peut être prorogé qu’une seule fois. Ce délai est moindre pour les infractions impliquant des mineurs.

La détention provisoire est toujours une mesure de dernier recours, a assuré la délégation. Le juge ne peut la prononcer que dans les circonstances strictes prévues par la loi. Des mesures sont prises actuellement pour éviter la détention provisoire. La détention provisoire ne doit être ordonnée par le juge qu’en raison de la gravité des faits, le risque de destruction des preuves ou la possibilité de fuite de l’individu. La détention provisoire est limitée à six mois renouvelable une fois.

L’accès à l’avocat est prévu par la loi dès les premiers instants de la privation de liberté. L’individu privé de liberté a accès à son avocat dès qu’il en fait la demande. S’il n’a pas d’avocat, un individu aura droit à un avocat commis d’office. La désignation d’un avocat commis d’office est obligatoire pour les personnes vulnérables, comme les mineurs et les personnes handicapées. Les personnes détenues sont toujours informées de leurs droits. L’aveu obtenu sous la torture, par la violence ou par la contrainte n’a aucune valeur juridique, a-t-il été précisé.

La loi en vigueur dans le domaine de la lutte contre le terrorisme a fait l’objet d’un contrôle par la Cour constitutionnelle, a-t-il été précisé. Le délai prolongé de garde à vue s’explique par la gravité des faits et par l’exceptionnalité du crime de terrorisme. L’audit de la loi relative à la lutte contre le terrorisme a abouti à plusieurs recommandations, notamment une meilleure qualification des infractions, l’élargissement de la compétence juridictionnelle, le renforcement des droits procéduraux et l’amélioration des techniques d’enquête, a expliqué la délégation. La délégation a par ailleurs énuméré la liste des infractions considérées comme relevant du terrorisme, tels l’appartenance à une organisation terroriste et l’assassinat terroriste.

L’individu arrêté est toujours présenté à un médecin s’il a des signes apparents de blessure ou de maladie, a déclaré la délégation. Les autres personnes arrêtées peuvent demander un examen médical. La présence du gardien lors de la visite médicale n’est pas systématique mais se fait en fonction de la dangerosité de la personne. Les gardiens obéissent aux injonctions du médecin. Les détenus atteints de maladies dentaires ou de troubles psychiatriques sont transférés vers des structures capables de les accueillir. Les frais médicaux sont, dans ce cadre, payés par l’État.

L’accès des familles aux détenus est garanti, dans les conditions définies par le règlement de la prison. Les détenus mariés ont doit à un entretien privé avec leur conjoint.

Dès la comparution devant le Procureur de la République, ce dernier est tenu de porter à la connaissance de la personne déférée l’accusation qui est portée contre elle. Au cours de l’interrogatoire de première comparution, le juge fait connaître expressément au prévenu les faits qui lui sont reprochés. Dans tous les cas, il doit être fait appel à un interprète si l’accusé ne comprend pas l’arabe.

S’agissant des registres de détenus, la délégation a assuré que les contrôles effectués par les procureurs étaient effectifs. Des registres de garde à vue sont tenus par les autorités d’enquête. Un projet est en cours pour l’informatisation de la gestion du registre des détenus. Personne n’est détenu sans titre de détention établi par l’autorité judiciaire, a affirmé la délégation. La délégation a précisé qu’une enquête avait montré qu’il n’existait aucun lieu illégal ou secret de détention en Mauritanie, y compris dans des commissariats. Il n’est pas permis de créer des lieux de détention au sein desquels il serait possible de perpétrer des abus, a déclaré la délégation. Les procédures dans ce sens sont très strictes et tous les lieux de détention sont soumis à la surveillance des autorités judiciaires.

Les détenus ont libre accès aux juges et peuvent s’entretenir avec eux à tout moment, lors des visites de ces derniers dans les centres pénitentiaires.

Des mesures doivent être prises pour éviter les évasions lors des transfèrements de détenus, a souligné la délégation. Les détenus peuvent, dans ce cadre, être amenés à porter des menottes. Le transfert entre les établissements est toujours accompli dans des conditions qui préservent la dignité humaine, a assuré la délégation. Un examen des cavités corporelles ne peut être pratiqué que par du personnel qualifié, du même sexe que l’individu concerné.

Les mineurs et les femmes sont détenus soit dans des prisons différentes, soit dans des quartiers cellulaires séparés. De nouvelles prisons sont en cours de construction, a indiqué la délégation.

La délégation a expliqué que des produits d’hygiène sont distribués régulièrement aux détenus et que tout est fait pour maintenir l’hygiène dans les prisons. Un quartier d’une prison a été construit pour les malades contagieux qui y restent jusqu’à guérison. Un programme de formation est par ailleurs prévu pour le personnel de santé afin de prendre en charge des détenus ayant le VIH/sida.

Tous les centres de détention sont connectés au réseau d’eau potable. En cas de coupure, la société nationale des eaux procure une citerne. Il n’y a pas de pénurie de médicaments en prison, a affirmé la délégation. D’autre part, les détenus ont doit à une alimentation qui répond à leurs besoins. Ils reçoivent trois repas par jour. Depuis quelques années, il n’y a plus eu de grèves de la faim collectives de détenus qui protestent contre leur condition de détention, a assuré la délégation. Les détenus peuvent par ailleurs suivre des formations d’alphabétisation ou un apprentissage.

L’isolement est une sanction disciplinaire décidée par le chef d’établissement, avec un plafond de 60 jours. La mise à l’isolement peut intervenir suite à une violation du règlement intérieur. Cette mesure est soumise au contrôle du juge de l’exécution des peines.

Des aménagements de peine ont bénéficié à 304 personnes de 2016 à 2018, a-t-il aussi été expliqué.

Trois plaintes ont été introduites devant les parquets pour cas de torture et dûment suivies d’enquête, a expliqué la délégation. La Cour criminelle de Nouakchott a condamné, en 2012, huit membres de la Garde nationale pour des faits de torture. La délégation a indiqué qu’aucun cas de torture dans les centres de transit de migrants n’avait été porté à sa connaissance. S’agissant des différentes plaintes pour torture au sujet desquelles des membres du Comité ont demandé des informations, la délégation a répondu qu’après enquête, aucun acte de torture n’avait pu être établi. Dans certains cas, il s’agissait de fausses allégations de personnes qui sortaient de prison, a affirmé la délégation.

La charia est la seule source de droit en Mauritanie, a précisé la délégation, estimant qu’il n’y avait pas de contradiction entre la charia et la charge de la preuve ou les travaux de la police scientifique.

Le Président de la République est garant de l’indépendance du système judicaire, a précisé la délégation. Le juge est protégé contre toute forme de pression et ne répond que devant la loi, a-t-elle aussi affirmé. Les magistrats du siège sont ainsi inamovibles.

La délégation a expliqué d’autre part que l’État s’était engagé à renforcer l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme. Une nouvelle loi a été adoptée qui abroge et remplace la loi de 2010 portant sur le fonctionnement et les missions de cette institution. La Commission dispose notamment d’un budget autonome, conformément à l’esprit et à la lettre des Principes de Paris. L’indépendance de la Commission se manifeste à travers la nomination, la révocation et la protection de ses membres, qui sont soit élus par leurs pairs, soit désignés par les départements techniques concernés.

Quant au mécanisme de prévention de la torture, il est très récent, a expliqué la délégation. Tous ses membres sont issus des organisations de la société civile ou des ordres professionnels. Les critères de sélection des membres du mécanisme sont conformes à l’esprit du Protocole facultatif à la Convention, a dit la délégation. La sélection suit un processus transparent, inclusif et participatif, à la fin duquel les membres sont désignés par décret présidentiel pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois partiellement ou totalement, a expliqué la délégation. Les organisations non gouvernementales peuvent être autorisées par le Ministère de la justice à accéder aux établissements pénitentiaires dans le cadre de partenariats. C’est le cas notamment de l’organisation Caritas Mauritanie, a indiqué la délégation.

Les décisions d’expulsion prononcées par une autorité judiciaire peuvent faire l’objet d’un recours, tout comme celles prononcées par l’administration, a dit la délégation.

Enfin, s’agissant des cinq personnes qui n’ont pas pu se rendre à Genève, c’est la compagnie aérienne qui a émis des doutes sur la validité de leurs documents d’identité, a assuré la délégation. La délégation a jugé étrange que ces personnes veuillent obtenir un visa Schengen à Dakar, alors que toutes les ambassades sont présentes à Nouakchott.

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