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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Tadjikistan

Examen par pays

11 août 2017

GENEVE (11 août 2017) - Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Tadjikistan sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
 
Présentant ce rapport, le Ministre de la justice du Tadjikistan, M. Rustam Shohmurod, a indiqué que depuis son indépendance, le Tadjikistan s’était lancé dans la construction d’une société juste.  À ce titre, a-t-il précisé, le premier chapitre de la Constitution du Tadjikistan consacre en grande partie le respect inaliénable des droits de l’homme inscrits dans les conventions internationales. Une Commission chargée de la mise en oeuvre des dispositions de ces traités internationaux a été mise en place, a-t-il souligné.  En juin 2016, a poursuivi le Ministre, a été adopté pour la période 2016-2020 un plan de mise en œuvre des recommandations issues de l’examen périodique universelle (EPU) auquel s’est soumis le pays en 2016.  Ce plan prévoit notamment l’adoption d’un projet de loi exhaustif concernant la lutte contre la discrimination raciale et la discrimination en général.
 
M. Shohmurod a ensuite souligné que la discrimination raciale était définie dans la Constitution conformément à la Convention et a rappelé que cette dernière était directement exécutoire. Le Code de procédure pénale sanctionne tous les actes de discrimination raciale, lesquels sont érigés en infraction, a-t-il en outre rappelé.  La question de la coexistence entre tous les citoyens est au cœur des préoccupations de l’État du Tadjikistan, le pays étant composé de 100 nationalités différentes, a poursuivi le Ministre. La population est composée en majorité de Tadjiks, d’Ouzbeks, de Turkmènes, de Kirghizes et de Russes, a-t-il précisé. En 2013, une loi sur l’éducation a permis d’adopter une forme d’enseignement plus inclusive, a-t-il poursuivi, faisant état d’une large utilisation de différentes langues à l’école ainsi que dans tous les domaines de la vie publique. L’enseignement destiné aux minorités est par ailleurs en cours de développement, a-t-il ajouté.  En 2013, a en outre indiqué M. Shohmurod, des modifications ont été apportées à la loi sur les réfugiés, prévoyant la mise en place de centres spécialisés d’accueil pour les réfugiés. Un mécanisme d’enregistrement des réfugiés et des demandeurs d’asile a par ailleurs été créé. Les réfugiés ayant résidé pendant cinq ans sur le territoire peuvent présenter une demande de naturalisation, a fait valoir le Ministre de la justice. 
 
La délégation du Tadjikistan était également composée, entre autres, de Mme Sumangul Taghoizoda, Ministre du travail, de la migration et de l’emploi social et de M. Jamshed Khamidov, Représentant permanent du Tadjikistan auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du bureau du Procureur général.
 
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, l’adoption d’une loi distincte en matière de discrimination raciale; la place de la Convention dans l’ordre juridique interne ; les minorités, s’agissant plus particulièrement des Pamirs, des Yagnogis et des Roms (ou Jughis) ; la loi sur les associations ; l’appellation des régions et bourgades du pays ; le recensement de la population ; la protection des langues minoritaires ; la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile ; la lutte contre la traite des êtres humains ; ou encore l’Ombudsman.
 
M. Yeung Kam John Yeung Sik Yuen, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Tadjikistan, a déploré la baisse du nombre d’écoles ou l’enseignement se fait en langue minoritaire, notamment en russe, kirghize et turkmène, avant de s’inquiéter par ailleurs de la sous-représentation des minorités dans les institutions publiques. Il a déploré la non-reconnaissance des spécificités ethniques et linguistiques de certaines minorités, notamment pour ce qui est des Pamirs.  Le rapporteur s’est aussi inquiété de la situation des Yagnobis, dont le nombre est évalué entre 5000 et 15 000 et dont la culture et la langue sont menacées d’extinction. 
 
M. Yeung Sik Yuen s’est d’autre part inquiété que la législation du Tadjikistan n’inclue pas de définition complète de la discrimination, omettant notamment de citer l’ascendance, la nationalité ou la couleur de peau au nombre des critères de discrimination.  Il s’est ensuite inquiété de rapports faisant état d’importantes difficultés pour les apatrides que compte de le pays d’accéder aux services sociaux, ainsi que de menaces de déportation pesant sur ces personnes. Il s’est en outre inquiété de rapports faisant état de mauvais traitements infligés à des demandeurs d’asile.  Le rapporteur s’est également inquiété des changements de noms de rues et autres lieux publics autrefois dotés de nominations russes et turques opérés sans consultation préalable des populations.
 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur
le rapport du Tadjikistan et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.
 
Lundi matin, à 10 heures, le Comité tiendra une réunion informelle publique avec des organisations de la société civile concernant les rapports du Canada et de la Nouvelle-Zélande, qui seront examinés au cours de cette troisième semaine de session.  
 
Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/TJK9-11), M. RUSTAM SHOHMUROD, Ministre de la justice du Tadjikistan, a indiqué que depuis son indépendance, le Tadjikistan s’était lancé dans la construction d’une société juste.  À ce titre, le premier chapitre de la Constitution du Tadjikistan consacre en grande partie le respect inaliénable des droits de l’homme inscrits dans les conventions internationales. Une Commission chargée de la mise en oeuvre des dispositions de ces traités internationaux a été mise en place, a-t-il souligné. Existe par ailleurs une Commission des droits de l’homme dans les deux chambres du Parlement et des points focaux pour les droits de l’homme et les droits de l’enfant ont été établis au sein des différents ministères, a-t-il ajouté. Depuis 2011, a poursuivi le Ministre de la justice, le Tadjikistan a présenté six rapports concernant l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, rédigés par un groupe de travail intergouvernemental avec la participation de la société civile.  Afin de mettre en œuvre les recommandations émises par les organes de traités, a par ailleurs indiqué M. Shohmurod, des plans d’action nationaux ont été mis en place. En outre, en mai 2016, le Tadjikistan s’est soumis à son second examen périodique universel (EPU), qui a débouché sur d’autres recommandations ayant donné lieu, en juin 2016 à un plan de mise en œuvre pour 2016-2020. Ce plan prévoit, entre autres, l’adoption d’un projet de loi exhaustif concernant la lutte contre la discrimination raciale et la discrimination en général. Ce plan a été diffusé sur le site web du Gouvernement, a précisé M. Shohmurod. En 2013 et 2014, a poursuivi le Ministre, un train de mesures a également été adopté et diffusé à tous les ministères en vue d’accélérer la mise en œuvre des recommandations. À ce titre, les ministères doivent tous les six mois présenter des rapports faisant le bilan de cette mise en œuvre.
 
M. Shohmurod a ensuite souligné que la discrimination raciale était définie dans la Constitution conformément à la Convention et que celle-ci était directement exécutoire. Le Code de procédure pénale sanctionne tous les actes de discrimination raciale, lesquels sont érigés en infraction. Des campagnes de sensibilisation ainsi que des ateliers ont été développés concernant les droits de l’homme, a précisé le Ministre, faisant état d’un programme d’éducation aux droits de l’homme pour la période 2013-2020.  La législation du Tadjikistan reconnaît par ailleurs les droits économiques, sociaux et culturels, a fait valoir M. Shohmurod, avant de rappeler que le pays était en outre partie à des traités internationaux de la Communauté des États indépendants (CEI).
 
M. Shohmurod a par ailleurs affirmé que la question de la coexistence entre tous les citoyens était au cœur des préoccupations de l’État du Tadjikistan, le pays étant composé de 100 nationalités différentes. La population est composée en majorité de Tadjiks, d’Ouzbeks, de Turkmènes, de Kirghizes et de Russes, a-t-il précisé. En 2013, une loi sur l’éducation a permis d’adopter une forme d’enseignement plus inclusive, a-t-il poursuivi, faisant état d’une large utilisation de différentes langues à l’école ainsi que dans tous les domaines de la vie publique. L’enseignement destiné aux minorités est par ailleurs en cours de développement, a-t-il ajouté ; à ce jour, a-t-il précisé, quatre-vingt cours de mise à niveau des compétences ont été organisés à l’intention des minorités nationales dans 15 villes et régions du pays.
 
Concernant les progrès réalisés dans le domaine de l’égalité entre les sexes, le Ministre a relevé que 7 et 9 femmes sont devenues députées dans les deux chambres du Parlement. Six femmes sont par ailleurs désormais présidentes de tribunaux. Dans les organes exécutifs qui comprennent plus de 20 000 fonctionnaires, une grande partie de ces derniers sont des femmes. En 2014, une loi sur la prévention de la violence domestique a été adoptée qui prévoit notamment la création de 18 centres de crise dotés de plusieurs antennes régionales pour les victimes ainsi que l’instauration d’un régime d’inspection contre la violence conjugale. Des soins médicaux spéciaux sont également prodigués aux victimes dans les hôpitaux, a ajouté M. Shohmurod, avant de faite état d’un programme de lutte contre la violence domestique pour la période 2014-2013. Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes concernant les communications individuelles a par ailleurs été ratifié par le Tadjikistan, a souligné le Ministre.
 
En 2013, a poursuivi M. Shohmurod, des modifications ont été apportées à la loi sur les
réfugiés, prévoyant la mise en place de centres spécialisés d’accueil pour les réfugiés. Un
mécanisme d’enregistrement des réfugiés et des demandeurs d’asile a par ailleurs été créé. Les réfugiés ayant résidé pendant cinq ans sur le territoire peuvent présenter une demande de naturalisation.
 
S’agissant de la liberté de religion, le Ministre a insisté sur le caractère essentiel du principe de tolérance. Plus de 3000 organisations religieuses sont présentes dans le pays et leurs fondateurs sont, pour la plupart, des représentants de minorités. Comparée aux autres États de la zone ex-URSS, la proportion d’associations religieuses par habitant est élevée au Tadjikistan (une pour 1900 citoyens).
 
S’agissant de la liberté d’expression, M. Shohmurod a fait état de l’existence de 9 agences d’informations privées et d’une agence publique. Il existe par ailleurs 12 chaînes de télévision nationales publiques et plus de 30 privées.
 
Le Ministre a par ailleurs expliqué qu’en matière de santé, un code de la santé publique a été adopté qui repose sur les principes de non-discrimination et de gratuité dans l’accès aux soins. Vingt-huit centres d’accueil pour les toxicomanes et 35 centres de consultation pour les migrants et leurs familles ont été créés, a ajouté M. Shohmurod.
 
En 2014, a enfin précisé le Ministre de la justice, une loi sur la lutte contre la traite des êtres humains a été adoptée; elle prévoit des compensations pour les victimes, ainsi que des prestations sociales destinées à assurer leur réinsertion. Des plans nationaux ont été adoptés afin de mettre en œuvre efficacement ces dispositions pour la période 2016-2018.
 
Examen du rapport

Questions et commentaires des experts
M. YEUNG KAM JOHN YEUNG SIK YUEN, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Tadjikistan, a déploré le caractère lacunaire du rapport, long de seulement treize pages. Le document de base n’a par ailleurs pas été mis à jour depuis 2014, a-t-il regretté. Il a demandé des détails sur la participation de la société civile, des experts indépendants et de l’Ombudsman à l’élaboration du rapport. Il a en outre souhaité connaître les mesures prises pour permettre au Bureau de l’Obudsman d’obtenir le statut « A » (auprès du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme).
 
M. Yeung Sik Yuen s’est ensuite enquis du nombre de plaintes reçues par l’Ombudsman entre 2012 et aujourd’hui. Il a en outre souhaité obtenir des données ventilées concernant la composition ethnique de la population. Il s’est particulièrement étonné du fait qu’entre 2000 et 2010, selon les statistiques de recensement de la population, le nombre de Tadjiks, majoritaires dans le pays, a augmenté tandis que celui des Ouzbeks, Kirghizes et Russes a diminué. Il a également déploré la baisse du nombre d’écoles ou l’enseignement se fait en langue minoritaire, notamment en russe, kirghize et turkmène.
 
Le rapporteur s’est en outre inquiété du fait que la législation du Tadjikistan n’incluait pas de
définition complète de la discrimination, omettant notamment de citer l’ascendance, la
nationalité ou la couleur de peau au nombre des critères de discrimination.  
 
Soulignant que l’apatridie est un phénomène peu connu au Tadjikistan, qui touche surtout les femmes et les enfants dans des milieux ruraux, il s’est inquiété de rapports faisant état d’importantes difficultés pour ces personnes à accéder aux services sociaux, ainsi que de menaces de déportation pesant sur elles. En 2015, une loi d’amnistie visant à lever les sanctions administratives et pénales contre les personnes apatrides a été impulsée, mais cette loi a-t-elle finalement été adoptée, a voulu savoir M. Yeung Sik Yuen?
 
Concernant les migrants, le rapporteur a relevé que le Tadjikistan accueille 2158 réfugiés et 108 demandeurs d’asile venant d’Asie centrale – essentiellement d’Afghanistan. Plus de 90% des réfugiés afghans dans le pays sont d’ethnie tadjike, a-t-il précisé. Il s’est inquiété de l’adoption par l’État tadjike de plusieurs décisions, parmi lesquelles la loi de 2002 restreignant la liberté de mouvement de ces personnes et les empêchant notamment de vivre dans les villes de Douchanbé et de Khujand. Il s’est en outre inquiété de rapports faisant état de mauvais traitements infligés à des demandeurs d’asile.
 
Le rapporteur s’est également inquiété des changements de noms de rues et autres lieux publics autrefois dotés de nominations russes et turques opérés sans consultation préalable des populations.
 
Le rapporteur a par ailleurs déploré la non-reconnaissance des spécificités ethniques et linguistiques de certaines minorités.  C’est le cas notamment pour les Pamirs, qui composent l’essentiel de la population de la région autonome du Haut-Badakhchan (Est du pays) – laquelle représente 45% du territoire du Tadjikistan. Cette communauté pratique l’ismaélisme, une branche du chiisme et M. Yeung Sik Yuen s’est notamment inquiété de la non-reconnaissance du shughni, l’un des dialectes les plus pratiqués dans cette zone mais qui n’est pas utilisé dans l’enseignement.
 
D’autre part, le rapporteur s’est inquiété de la situation des Yagnobis, dont le nombre est évalué entre 5000 et 15 000; leur culture et leur langue sont menacées d’extinction, a-t-il regretté, soulignant que cette population ne reçoit que très peu de soutien du Gouvernement.  Les enfants yagnobis rencontrent des obstacles pour accéder à l’éducation secondaire étant donné que leur langue n’est pas utilisée dans l’enseignement, alors qu’il en existe pourtant des manuels.  M. Yeung Sik Yuen a donc demandé des informations sur les mesures prévues pour soutenir les Pamirs et les Yagnobis et leurs langues et cultures et pour les intégrer dans le système éducatif.
 
Le rapporteur a ensuite demandé des informations sur les mesures visant à améliorer la situation des Roms (également appelés Lyuli, Jughi ou Mugat), notamment celles destinées à lutter efficacement contre la discrimination à leur encontre, ainsi que contre leur stigmatisation et leur isolement, ainsi que celles destinées à promouvoir leurs droits en matière de plein accès à l’éducation, à l’emploi, au logement et aux soins de santé. Il a en outre demandé à la délégation de fournir des données statistiques sur l’exercice de ces droits par les Roms et a souhaité en savoir davantage sur la participation de cette communauté à la définition et à la mise en oeuvre des mesures qui la concernent.
 
M. Yeung Sik Yuen s’est enfin inquiété de la sous-représentation des minorités dans les institutions publiques.
 
Un autre expert a fait part de ses préoccupations concernant les préjugés et discriminations auxquelles font face les Pamirs. Il a souligné l’importance pour l’État partie de se doter de manuels scolaires et de livres en ouzbek.
 
Un expert s’est enquis de l’espérance de vie et des taux de mortalité des minorités par rapport à la moyenne nationale.  Il a pris note des indications fournies par la délégation faisant état de l’existence de 45 centres d’assistance pour les personnes atteintes du VIH/sida et a souhaité savoir dans quelle mesure les minorités étaient touchées par cette maladie.  Ce même expert s’est ensuite enquis de la situation des détenus. Il a également souhaité savoir si des mesures de réparation ou d’indemnisation étaient prévues pour les victimes de la traite.
 
Un autre membre du Comité a regretté l’absence, dans le rapport, de données statistiques relatives au recensement de 2010. Il a en outre souhaité savoir si, malgré son opposition actuelle, le Tadjikistan avait l’intention d’adopter une loi unique et distincte regroupant tous les types de délits liés à la discrimination raciale. Il s’est étonné du fait qu’il n’y ait eu, selon le rapport, aucune plainte pour discrimination déposée devant les tribunaux.
 
Un expert a demandé s’il existait encore des monuments historiques témoignant de la présence de la civilisation arabo-musulmane dans le pays.
 
Un expert a souhaité en savoir davantage sur les personnes en situation irrégulière et sur les démarches de régularisation entreprises en faveur de ces personnes. Comment un apatride peut-il acquérir la nationalité tadjike, a-t-il demandé? La loi constitutionnelle sur la nationalité, adoptée le 8 août 2015, a été élaborée avec la participation active du représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Tadjikistan, a poursuivi l’expert. Quelles modalités de protection offre-t-elle aux réfugiés et leur permet-elle d’obtenir la nationalité, a-t-il demandé?
 
En vertu du Code de la famille de 1998, pour qu’un homme étranger épouse une femme tadjike, plusieurs conditions doivent être remplies: il doit avoir vécu au moins un an dans le pays et il faut en outre que le contrat de mariage contienne une clause qui stipule que ce non-ressortissant doit pouvoir subvenir aux besoins de l’épouse et de l’enfant et leur offrir un logement, a-t-il par ailleurs été relevé.  Or, la loi du Tadjikistan prévoit qu’un citoyen étranger ne peut acquérir de propriété dans ce pays.
 
Un expert s’est inquiété d’informations faisant état d’un manque de coordination entre les institutions responsables des droits des réfugiés et demandeurs d’asile et celles en charge des droits de l’enfant.
 
Un expert a souhaité savoir si le Tadjikistan avait l’intention de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications).  
 
Réponses de la délégation
 
La délégation a admis la nécessité de promulguer une loi distincte définissant la discrimination raciale. Cette question a fait l’objet de nombreux débats au niveau national mais n’a pas encore été tranchée.  Le travail se poursuit afin d’adopter une loi unique et distincte, a ensuite insisté la délégation, avant de faire observer qu’aucun pays de l’ex-URSS ne s’était pour le moment doté d’une telle loi.  Néanmoins, plusieurs mécanismes juridiques sont d’ores et déjà applicables dans ce domaine, a fait valoir la délégation.  
 
En vertu de l’article 10 de la Constitution, a précisé la délégation en évoquant ainsi la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, les instruments juridiques internationaux ratifiés par le pays sont applicables en droit interne. Il est ainsi permis de renvoyer directement aux traités internationaux dans le cas où la loi nationale ne contiendrait pas de disposition concrète permettant de trancher une affaire.  Ainsi, un tribunal pourrait alors se référer aux normes de la Convention.  Il est également possible de se référer à la définition de la discrimination contenue dans la Convention dans l’interprétation de toutes les lois. Devant les tribunaux, les avocats peuvent eux aussi renvoyer à la Convention.
 
À ce jour, aucun cas de discrimination n’a été porté devant les tribunaux ou devant le bureau de l’Ombudsman, a ensuite indiqué la délégation.  La loi prévoit la création d’une base de données gérée par le Ministère de la justice et contenant toutes les informations relatives aux affaires d’atteinte aux droits de l’homme.
 
Il n’y a pas de monument attestant de la présence arabe dans le pays, même si l’influence de cette présence sur les arts et les sciences est évidente, a ensuite reconnu la délégation. Cette présence s’exprime surtout dans le sud, notamment à travers la pratique de l’islam, a ajouté la délégation.  
 
Les Pamirs ne sont pas une nationalité mais des personnes rattachées au nom d’un lieu, le Badakhchan, a indiqué la délégation. La politique de l’État à leur égard est définie dans le chapitre 8 de la Constitution, qui stipule que le Badakhchan fait partie intégrante du Tadjikistan. Historiquement, les Pamirs n’ont jamais eu de citoyenneté propre. Une loi règlemente par ailleurs les compétences de cette région dans laquelle ils vivent dans les domaines culturels, économiques et sociaux. La législation nationale dispose qu’un des vice-présidents de la chambre haute du Parlement doit être originaire du Badakhchan, Un des juges de la Cour Constitutionnelle doit aussi être issu de cette région. Au total, quelque 290 000 personnes vivent dans cette région, soit 2,5% de la population du Tadjikistan. Depuis l’indépendance, 7 milliards de somonis ont été alloués au développement de cette région au titre du budget de l’État, a ajouté la délégation. Les citoyens de cette région sont des citoyens tadjiks et bénéficient des mêmes droits que les autres, a assuré la délégation. La Constitution sert par ailleurs de fondement à des politiques de promotion de la langue pamir et des nombreux dialectes pratiqués dans cette région. La délégation a souligné que l’absence d’alphabet pour ces langues constituait une difficulté pour sa protection et promotion. Dans les années 1930, le dialecte shughni a toutefois bénéficié de la création d’un alphabet qui a notamment permis la publication de livres. Mais en 1937, à l’époque stalinienne, la politique linguistique a été modifiée sapant les efforts de création d’un alphabet pour les autres dialectes. Cette année, les autorités locales ont créé un comité chargé d’élaborer des initiatives de promotion de l’étude de ces langues, a indiqué la délégation. 
 
Concernant les Yagnobis, qui seraient au nombre d’environ 15 000, la délégation a indiqué que ces citoyens tadjiks emploient une langue qui leur est propre et qui appartient à la famille des groupes linguistiques du nord-est de l’Iran. Ces populations ont fait l’objet de déplacements par le passé à la suite de séismes, a poursuivi la délégation. La majorité (environ 8000) vit au nord du Tadjikistan, tandis qu’une minorité est installée à Douchanbé. La langue yagnobi continue à faire l’objet d’études scientifiques lancées à l’origine par des chercheurs russes dans les années 1920; l’Académie des sciences du Tadjikistan lui porte également un grand intérêt, a indiqué la délégation.
 
S’agissant des Roms (ou Jughis), la délégation a souligné qu’en 1987, on comptait 17 000 personnes enregistrées sous ces dénominations au Tadjikistan, pour environ 2300 seulement en 2010. Ces chiffres suscitent des doutes, a reconnu la délégation, soulignant que le caractère nomade de cette population rend difficile leur comptabilisation. Les Jughis sont originaires d’Inde et comprennent différents sous-groupes, a ajouté la délégation.  Elle a dit partager les préoccupations du Comité concernant le manque de documentation concernant le mode de vie de cette population. Ces personnes sont par ailleurs souvent dépourvues de documents d’identité, ce qui rend difficile leur accès à l’éducation et aux services sociaux. Au regard du droit, toutefois, ces populations peuvent bénéficier d’un accès à l’éducation et aux soins sans restriction, a assuré la délégation. À l’heure actuelle, quelque 620 enfants jughis sont inscrits à l’école. Des allocations chômage et des emplois subventionnés sont prévus à l’intention de cette population. En outre, un mécanisme d’enregistrement électronique permettant de déclarer les naissances a été mis en place, a également fait valoir la délégation. 
 
S’agissant de la loi sur les associations, la délégation a d’abord indiqué que plus de 2800 associations étaient actuellement enregistrées dans le pays, dont 50 ont été créées par des minorités nationales. Aucune association de Jughis ou de Yagnobis n’a toutefois été recensée, a-t-elle ajouté.  Quarante-cinq syndicats sont en outre enregistrés. En 2015, la loi sur les associations a été modifiée afin d’incorporer une obligation de déclaration de tout financement provenant de sources étrangères. Ces mesures ne visent pas à limiter les sources de financement des associations, a assuré la délégation, mais à renforcer la transparence dans le cadre des luttes contre le blanchiment d’argent et contre le terrorisme auxquelles participe le Tadjikistan. Ces modifications législatives ont en outre fait l’objet de longs débats au sein du Gouvernement et de la société civile. L’inscription des associations au registre est réalisée sur la base des informations fournies par les associations elles-mêmes. Celles-ci n’ont par ailleurs pas l’obligation d’être enregistrées pour commencer leurs activités, a souligné la délégation.
 
Une loi de 2013 régit les modalités d’appellation des régions et des bourgades. Ce texte repose sur le principe de l’intérêt supérieur des peuples vivant dans les territoires concernés, a souligné la délégation. Certains noms turcs difficiles à prononcer ont parfois été modifiés. Un seul cas a fait l’objet d’objections.
 
La délégation a ensuite expliqué que depuis les années 2000, le Tadjikistan procède à des recensements généraux de population tous les dix ans. Selon le dernier recensement, effectué en 2010, le Tadjikistan apparait comme un État plurinational composé de 100 nationalités et peuples, notamment des Tadjiks (plus de 80%), des Ouzbeks, des Kirghizes, des Russes, des Turkmènes et des Tatars. Vingt-neuf écoles dispensent une éducation en russe ;  216 en russe et tadjik ; 97 en ouzbek ; 460 en tadjik et ouzbek ; 2 en tadjik, ouzbek et khirghize. Depuis 2012, plus de 132 000 manuels ont été créées pour les écoles ouzbèkes.
 
S’agissant des langues, la délégation a fait valoir qu’un enseignement est proposé dans toutes les langues reconnues sur le territoire. Les minorités ont l’obligation de connaître la langue nationale officielle, a-t-elle rappelé. Aujourd’hui, a indiqué la délégation, il y a de moins de moins de demandes d’enseignement dans les langues minoritaires, notamment parce que nombre de ces minorités peuvent poursuivre leurs études à l’étranger. Les Ouzbeks ont de plus en plus tendance à s’inscrire dans les classes tadjikes.
 
S’agissant des réfugiés et demandeurs d’asile, la délégation a indiqué qu’un projet de loi est en cours d’élaboration. Une base d’enregistrement des réfugiés et demandeurs d’asile a par ailleurs été créée afin de faciliter le traitement des dossiers. Actuellement, environ 2800 réfugiés et demandeurs d’asile sont recensés sur le territoire tadjik, dont 2157 ont obtenu le statut de réfugié; 108 demandes sont en cours d’examen. On compte environ 430 enfants réfugiés, a précisé la délégation.  Les personnes apatrides – essentiellement des personnes qui ne se sont pas enregistrées auprès des autorités compétentes après la dissolution de l’URSS - sont au nombre de 770.  En 2016, environ 300 personnes ont pu régulariser leur situation et obtenir un passeport. Toutes les personnes apatrides résidant plus de cinq ans sur le territoire national peuvent obtenir la nationalité tadjike. Une Commission sur la citoyenneté a été créée, qui traite les dossiers et les transmet ensuite au Gouvernement, lequel octroie la nationalité aux demandeurs. Un projet de loi d’amnistie pour les apatrides est en cours d’élaboration, a précisé la délégation. En 2016, 59% des enfants afghans réfugiés ont pu fréquenter des écoles publiques et 29% des écoles privées. Un peu plus d’une centaine d’hommes et 143 femmes réfugiés ont trouvé un emploi avec l’aide de l’État, a en outre fait valoir la délégation.
 
La délégation a mis l’accent sur la réduction du taux de mortalité enregistrée au Tadjikistan, en particulier en 2015.  L’espérance de vie, qui pour sa part a augmenté, est aujourd’hui de 73,5 ans pour les hommes et de 71,7 ans pour les femmes. La mortalité due au sida a également reculé grâce à un accès davantage généralisé aux soins.
 
S’agissant de la traite des êtres humains, le Gouvernement a adopté une nouvelle loi en la matière en 2014, assortie d’un plan national pour sa mise en œuvre. Ce plan régit les activités du fonds de soutien aux victimes de la traite toujours en cours de constitution. Les réparations accordées aux victimes relèvent pour l’heure toujours des autorités locales et nationales, a précisé la délégation. Le Code pénal a été modifié afin d’incorporer des dispositions relatives à l’incrimination de l’utilisation de contenus à caractère pédopornographique et de l’esclavage. Plus de 500 enquêtes pour des faits de traite ont été lancées pendant la période couverte par le présent rapport, donnant lieu à deux procédures judiciaires. 
 
S’agissant des mariages entre nationaux et étrangers, la délégation a indiqué qu’un groupe de travail avait été créé afin de lutter contre l’esclavage sexuel qui se cache parfois derrière les mariages contractés à l’étranger.
 
Concernant la participation de la société civile à l’élaboration du rapport, la délégation a souligné qu’il était courant de faire appel à différents acteurs et organisations, notamment de la société civile, pour la rédaction de ce type de rapports. Avec l’appui du bureau régional du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Tadjikistan a lancé, en 2014, un site web sur la réalisation de ses obligations internationales. Tous les rapports périodiques du Tadjikistan y sont publiés et y sont également consignés les efforts déployés par l’État aux fins de l’application des instruments internationaux auxquels le pays est partie – ceci en tadjik, en russe et en anglais.
 
En 2016, les dispositions qui régissent les compétences de l’Ombudsman ont été modifiées, a souligné ensuite la délégation. Parmi les nouveautés, il est à noter que celui-ci peut maintenant lancer des enquêtes de sa propre initiative. Un groupe de travail a en outre été créé afin de prendre les dispositions nécessaires aux fins de l’obtention du statut « A » pour cette institution nationale de droits de l'homme. Un responsable des droits de l’enfant a par ailleurs été désigné afin de perfectionner la législation et sensibiliser la population en la matière; depuis sa nomination, celui-ci a lancé 39 enquêtes sur les conditions de vie dans les centres d’accueil pour enfants.

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