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Le Comité contre la torture débat de son projet d'observation générale révisée sur le principe de non-refoulement

Observation générale

28 Avril 2017

Comité contre la torture

28 avril 2017

Le Comité contre la torture a invité ce matin les États Membres, les institutions spécialisées des Nations Unies, les mécanismes des droits de l'homme, la société civile et les milieux universitaires à commenter son projet de nouvelle observation générale sur l'article 3 de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, destiné à remplacer le texte initial adopté en 1997. 

L'article 3 stipule qu'«aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture» (principe de non-refoulement); et que  «pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.»

L'observation générale a pour objet de donner aux États parties ainsi qu'aux auteurs de communications (plaintes) et à leurs représentants des indications quant à la portée de l'article 3 et à la façon dont le Comité évalue la recevabilité et le fond des communications qui lui sont soumises.  Le projet est disponible en français sur la page Web du Comité. 

Une grande partie du débat a porté sur les «assurances diplomatiques» employées dans le contexte du transfert d'une personne d'un État vers un autre et qui font référence à l'engagement pris par l'État destinataire que la personne concernée sera traitée conformément aux normes internationales relatives aux droits de l'homme.  Dans son projet d'observation générale, le Comité considère que les «assurances diplomatiques […] sont contraires au principe de non-refoulement visé à l'article 3 de la Convention, lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire que l'intéressé risque d'être soumis à la torture dans cet État».

Au contraire, la plupart des États qui ont participé au débat ont estimé que lorsque la situation d'un État montre que le risque de torture y est faible ou nul, les assurances diplomatiques doivent être jugées acceptables moyennant le respect d'un certain nombre de critères formels, notamment l'existence d'un mécanisme de prévention de la torture ou de contrôle, ou encore la durée des liens bilatéraux entre les deux pays concernés.  Ils ont jugé erroné de présumer que l'État requérant violera automatiquement les obligations internationales contre la torture et ont considéré que ces assurances sont un des moyens d'imposer le principe d'interdiction de la torture.  Pour l'organisation non gouvernementale Amnesty International, les assurances diplomatiques reviennent à nier le caractère universel de l'interdiction de la torture: elles s'inscrivent en effet dans un accord particulier entre deux États dont au moins l'un soupçonne l'autre, implicitement, de ne pas respecter cette interdiction.

Des États ont recommandé que le principe de non-refoulement s'applique non seulement à la torture mais aussi aux «autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants».  Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a souligné que le principe de non-refoulement est d'une importance capitale dans le contexte des migrations contemporaines, marqué par des mesures sécuritaires restrictives telles que renvois accélérés et accords de réadmission globale.  Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de même que plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), ont insisté sur le fait que la protection contre le refoulement doit s'appliquer même lorsque les États interviennent hors de leurs frontières, lors d'interventions en haute mer par exemple.

Les délégations de nombreux pays et institutions des Nations Unies ainsi que les représentants de nombreuses ONG ont participé au débat.

En conclusion du débat, Mme Essadia Belmir, Vice-Présidente du Comité, a observé que le débat mettait aux prises le principe de souveraineté des États et le principe de protection des droits de l'individu et qu'il faudrait trouver des formules qui tiennent compte de ces deux exigences.

Lors de sa prochaine séance publique, mardi prochain, 2 mai, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République de Corée.

Aperçu du débat

La Lettonie a relevé que lorsque la situation d'un État montre que le risque de torture y est faible ou nul, les assurances diplomatiques doivent être jugées acceptables moyennant le respect d'un certain nombre de critères formels, notamment l'existence d'un mécanisme de prévention de la torture ou de contrôle, ou encore la durée des liens bilatéraux entre les deux pays concernés.  Pour l'Espagne, il serait erroné de présumer que l'État requérant violera automatiquement les obligations internationales contre la torture.  L'Espagne a considéré que ces assurances sont un des moyens d'imposer le principe d'interdiction de la torture.  L'Irlande et le Japon ont estimé que les garanties diplomatiques bien utilisées peuvent aider les États à appliquer correctement l'article 3 de la Convention. 

La France a souligné le caractère fondamental du principe de non-refoulement, tout en estimant nécessaire de pouvoir y déroger en cas de menace à la sécurité de l'État, par exemple, et d'autres circonstances exceptionnelles.  De l'avis de la France, le recours aux assurances diplomatiques ne doit pas être exclu d'office.  La Finlande a pour sa part estimé que le respect du principe de non-refoulement n'exigeait pas dans tous les cas que l'appel de la personne concernée ait un effet suspensif. 

La Norvège a quant à elle demandé au Comité de clarifier plusieurs paragraphes du projet d'observation générale afin qu'ils soient plus conformes à la conception contemporaine des assurances diplomatiques et des réparations dues aux victimes.

Les États-Unis ont estimé que les assurances diplomatiques n'étaient pas fondamentalement contraires au principe de non-refoulement.  Les États-Unis estiment aussi que l'existence de la peine de mort dans un pays n'implique pas que le risque de torture y soit plus important.  La Nouvelle-Zélande a demandé au Comité de préciser s'il considère que la peine de mort constitue en soi un acte de torture.

L'Australie, très attachée au respect du principe de non-refoulement, a indiqué qu'elle entendait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention après la consultation interne qui est en cours.  Elle a estimé que le principe de non-refoulement devrait être étendu aux «autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». 

Le Danemark a salué l'action du Comité pour aider les victimes de la torture et l'a encouragé à établir une distinction entre les obligations juridiques et les meilleures pratiques s'agissant de l'application de la Convention. 

Le Royaume-Uni a déclaré que les assurances diplomatiques ne doivent pas inciter les États à se soustraire à leurs obligations en vertu de la Convention.  L'article 3 de cet instrument offre les garanties nécessaires à cet égard.  Le Royaume-Uni relève que les acteurs non étatiques ne sont pas liés par le droit international, mais par le droit pénal interne. 

La Chine, pour sa part, a relevé que le Comité n'est pas autorisé formellement à formuler des commentaires généraux sur le texte de la Convention et qu'il doit éviter les interprétations libérales de la Convention et éviter d'imposer de nouvelles obligations aux États.  La Chine demande au Comité de supprimer l'article 24  du projet de révision de l'observation générale sur l'article 3, qui concerne l'extradition, le jugeant inapplicable en l'état.  L'Égypte, avec d'autres délégations, a fait part de ses doutes quant à l'applicabilité des articles 21 et 22 du projet d'observation générale, concernant les réparations et l'indemnisation dues aux victimes de la torture. 

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a souligné que le principe de non-refoulement était au cœur de l'action internationale en faveur de la protection des migrants.  Les États ne doivent pas exercer leur souveraineté pour expulser des personnes dans des pays où elles risquent d'être torturées.  La protection contre le refoulement doit s'appliquer aux États même lorsqu'ils interviennent hors de leurs frontières, en haute mer par exemple.  Quant aux assurances diplomatiques, elles doivent avoir un caractère contraignant pour les États requérants, de manière à assurer une protection efficace aux personnes concernées.  Les demandeurs d'asile doivent bénéficier d'une protection renforcée contre les risques liés au refoulement, a ajouté le HCR. 

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a jugé crucial d'assurer la protection des migrants qui ne sont pas pris en charge par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.  Il a encouragé le Comité à donner des orientations concernant les voies de recours qu'il faut garantir aux personnes réfugiées.  Le Haut-Commissariat a en outre souligné combien le principe de non-refoulement est d'une importance capitale dans le contexte des migrations contemporaines, marqué par des mesures sécuritaires restrictives telles que renvois accélérés et accords de réadmission globale. 

Plusieurs organisations non gouvernementales ont pris part au débat.  L'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a rappelé que l'interdiction absolue de la torture inclut l'obligation de ne pas transférer une personne dans un pays où elle risquerait d'être torturée et a souligné que les assurances diplomatiques ne sont pas une garantie suffisante à cet égard.  L'Observation générale du Comité devrait s'appliquer à tous les États, a ajouté l'OMCT.  Amnesty International a déclaré que les assurances diplomatiques étaient néfastes pour l'application de la Convention, car elles reviennent à nier le caractère universel de l'interdiction de la torture par le biais d'un accord particulier entre deux États dont au moins l'un soupçonne l'autre, implicitement, de ne pas respecter cette interdiction.

Redress a insisté sur l'obligation des États d'octroyer des réparations aux personnes qui ont été expulsées vers des pays où elles ont subi la torture ou des mauvais traitements.  L'Observation générale devrait mentionner cette exigence de même que l'obligation pour les États de garantir la non-répétition de la violation de l'article 3, a insisté l'ONG.  Le Conseil international pour la réhabilitation des victimes de la torture a demandé aux États de tenir compte des problèmes de santé mentale et psychique des victimes traumatisées par la torture, ainsi que de la difficulté que ces personnes éprouvent à témoigner de ce qu'elles ont vécu.

Le Service international des droits de l'homme a regretté que les défenseurs des droits des migrants en Europe, en Australie et au Mexique soient actuellement victimes de mesures d'intimidation dans leur action pour apporter une aide humanitaire.  Il recommande que l'Observation générale reconnaisse le rôle vital des défenseurs des droits des migrants et fasse obligation aux États de protéger ces personnes.  Open Society Justice Initiative a estimé que le projet de révision de l'Observation générale devait adopter un langage beaucoup plus contraignant: en particulier, les États doivent, et non pas devraient, s'abstenir d'actes d'intimidation envers les plaignants et leurs familles. 

ILGA a recommandé que la protection de l'article 3 de la Convention contre la torture s'étende également aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, qui risquent la torture, voire la peine de mort, dans les États vers lesquels ils sont renvoyés.  L'Alliance internationale des handicapés a demandé aux États de tenir compte du risque particulier que courent les personnes handicapées qui, dans certains pays, sont placées de force dans des institutions spécialisées où les attendent des traitements contraires à la Convention.

La Fondation El Karama a souligné que les États ont l'obligation de suspendre un transfert dès réception d'une demande de mesures provisoires de protection.  Elle a en outre fait observer que toute dérogation au principe de non-refoulement, même lors de situations exceptionnelles, risque de saper le principe d'interdiction absolue de la torture.

La Commission internationale des juristes s'est dite préoccupée par certains arguments donnés par les États ce matin.  L'interdiction absolue de la torture, a-t-elle rappelé, implique aussi l'obligation pour les États de la prévenir, en particulier au moment de décider de refouler une personne dans un pays tiers. 

M. CLAUDIO HELLER, Vice-Président du Comité, a appelé de ses vœux la création de mécanismes pour vérifier la crédibilité des assurances diplomatiques, dans le cadre du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, par exemple.

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, rapporteur du Comité, a lui aussi estimé qu'il fallait encadrer la pratique des États en matière d'assurances diplomatiques, l'objectif devant être de vérifier leur fiabilité sur la base de critères tels que la formulation des assurances, la qualité de leurs auteurs et le respect des assurances par les autorités locales.

MME ESSADIA BELMIR, Vice-Présidente du Comité, a observé que le débat mettait aux prises le principe de souveraineté des États et le principe de protection des droits de l'individu et qu'il faudrait trouver des formules qui tiennent compte de ces deux exigences.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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