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Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Ukraine: après deux ans de conflit, la situation dans l’est reste « sombre » – rapport de l’ONU

Ukraine : une situation sombre

03 Juin 2016

GENEVE (3 juin 2016) – Un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme montre qu’après deux ans de conflit, la situation dans l’est de l’Ukraine continue à être instable et à avoir un fort impact sur les droits de l’homme, en particulier pour les personnes vivant près de la ligne de contact et dans les territoires contrôlés par les groupes armés.

Selon le dernier rapport sur l’Ukraine du Haut-Commissariat*, quelque 9 371 personnes ont été tuées et 21 532 blessées dans l’est de l’Ukraine depuis le début du conflit mi-avril 2014.

« La situation dans l’est de l’Ukraine reste profondément préoccupante. Sans des efforts supplémentaires et des solutions créatives pour mettre en œuvre l’Accord de Minsk, elle pourrait évoluer en un “conflit prolongé” qui serait dommageable pour les droits de l’homme pendant de nombreuses années à venir, ou pourrait connaître une nouvelle escalade, avec de terribles conséquences pour une population civile qui n’a déjà que trop souffert », a déclaré Ivan Simonovic, le Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme, au terme d’une visite de sept jours en Ukraine.
« L’augmentation des armes lourdes près de la ligne de contact et les hostilités près d’Avdiivka et Yasynutava, dans la région de Donetsk, depuis le début du mois de mars sont autant d’indicateurs que la crise est loin d’être terminée et qu’elle nécessite toujours l’attention de la communauté internationale », a-t-il ajouté.

Les civils vivant près de la ligne de contact et dans les territoires contrôlés par les groupes armés sont particulièrement vulnérables aux violations et abus des droits de l’homme. Beaucoup sont exposés au risque de restes explosifs de guerre et de mines, qui ont été responsables de la majorité des pertes civiles ces derniers mois.

La liberté de mouvement des civils continue à faire l’objet de sévères restrictions. Plus de 20 000 personnes tentent chaque jour de traverser la ligne de contact et sont souvent obligées de patienter dans des conditions précaires pendant de longues heures. Le 27 avril 2016, quatre civils ont perdu la vie et huit autres ont été blessés lors d’un bombardement alors qu’ils attendaient à un poste de contrôle sur la route entre Marioupol et la ville de Donetsk. Ces restrictions de mouvement ont des répercussions directes sur la vie quotidienne des civils, qui ont aussi des difficultés à obtenir des documents officiels d’état civil, à toucher leur retraite ou à accéder à des soins de santé appropriés.

Les 2,7 millions de personnes vivant dans les territoires contrôlés par les groupes armés souffrent aussi de graves atteintes à leurs libertés d’expression, de rassemblement et d’association et sont confrontées à des conditions de vie difficiles. « Lors de ma mission à Donetsk, j’ai exhorté les représentants de l’auto-proclamée « république populaire de Donetsk » à arrêter de priver la population d’assistance humanitaire », a indiqué Ivan Simonovic.

Le nouveau rapport onusien a aussi documenté des tendances persistantes en matière de violations des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine. Les disparitions forcées, les détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements sont autant de pratiques profondément ancrées à la fois dans les territoires contrôlés par les groupes armés et dans ceux contrôlés par le gouvernement, selon le rapport.

« Des visites indépendantes par des experts internationaux dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté sont indispensables, en premier lieu pour empêcher la torture, et en second lieu comme condition préalable à la libération réussie des détenus en vertu du principe “tous contre tous,” telle qu’envisagée par l’Accord de Minsk », a souligné Ivan Simonovic.

Le personnel des droits de l’homme de l’ONU a documenté plusieurs cas de violence sexuelle en lien avec le conflit. « La majorité des allégations suggère que les menaces de viols et autres formes de violence sexuelle sont utilisées comme méthode de mauvais traitement et de torture dans le cadre de détentions arbitraires ou illégales à l’encontre d’hommes et de femmes. Les menaces de violence sexuelle, d’atteinte physique ou de mort contre des femmes de la famille, ou leur détention, sont souvent utilisées pour forcer les détenus à avouer, renoncer à des biens ou à réaliser des actions exigées par leurs auteurs, et comme une condition explicite pour garantir leur sécurité ou leur libération », indique le rapport.

L’impunité demeure l’une des caractéristiques majeures de ce conflit, indique le rapport. « L’impunité des éléments chargés de l’application de la loi et de la sécurité pour les violations des droits de l’homme reste répandue et est souvent justifiée par les défis posés par le conflit armé en cours. Dans les territoires contrôlés par les groupes armés, la loi et l’ordre se sont effondrés et des structures illégales parallèles se sont développées », précise le rapport.

Deux ans après les événements de Maïdan à Kiev, il n’y a eu aucun progrès significatif réalisé dans l’enquête et les représentants de haut-rang responsables d’avoir ordonné et supervisé les violences continuent à ce jour d’échapper à la justice. Le rapport met aussi en lumière les atteintes à l’indépendance du système judiciaire, qui restent un obstacle majeur dans les poursuites contre les auteurs identifiés des violences survenues à Odessa.  

« Il est aussi impératif d’élucider le sort des nombreuses personnes disparues depuis avril 2014 et j’ai vivement préconisé un échange d’information et une coopération entre le gouvernement et les groupes armés sur cette question cruciale lors de ma mission », a déclaré Ivan Simonovic, qui a aussi noté que le projet de loi sur les personnes disparues préparé par le ministère de la justice était un pas dans la bonne direction.

Ivan Simonovic a aussi mis en lumière la dégradation de la situation des droits de l’homme en République autonome de Crimée**. « Les lois anti-extrémisme et anti-terrorisme ont été utilisées pour criminaliser des comportements non-violents et faire taire les opinions divergentes, tandis que les systèmes judiciaire et d’application de la loi ont été instrumentalisés pour sévir contre les voix d’opposition. Les personnes les plus touchées sont les Tatars de Crimée, dont l’instance représentative, le Mejlis, a été interdite et dont j’ai rencontré les représentants lors de ma visite, » a déclaré le Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme.

« Après deux années de conflit, le tableau des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine reste extrêmement sombre. Cette crise a commencé par des demandes en matière de droits de l’homme et de libertés et ces demandes demeurent, aujourd’hui encore, des deux côtés de la ligne de contact. Les dirigeants des deux bords devraient écouter leurs populations. Je les ai clairement entendues lors de ma visite: elles veulent la paix, les droits de l’homme et l’état de droit », a déclaré Ivan Simonovic.

« Seule la pleine mise en œuvre l’Accord de Minsk permettra le respect des droits de chacun et offrira à tous une chance de mener une vie normale et même décente », a-t-il conclu.

FIN

* Ce rapport est le 14ème produit par la mission de l’ONU sur les droits de l’homme en Ukraine, qui a été déployé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en mars 2014, à l’invitation du Gouvernement ukrainien. Ce rapport, qui couvre la période allant du 16 février au 15 mai 2016, a documenté 113 victimes civiles liées au conflit dans l’est de l’Ukraine, dont 14 personnes décédées et 99 blessées.

** Le statut de la République autonome de Crimée est régi par la résolution 68/262 de l’Assemblée générale de l’ONU.

Le rapport complet est disponible ici (en anglais): http://www.ohchr.org/Documents/Countries/UA/Ukraine_14th_HRMMU_Report.pdf

Pour toute information et demande des medias, prière de contacter:
En Ukraine: Anastasiia Sientsova (+380503825140 / asientsova@ohchr.org)

A Genève: Rupert Colville (+41 22 917 97 67 / rcolville@ohchr.org) ou Ravina Shamdasani (+41 22 917 9169 / rshamdasani@ohchr.org)

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