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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de l'Autriche

13 novembre 2015

13 novembre 2015

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l'Autriche sur l'application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport autrichien a été présenté par M. Helmut Tichy, ambassadeur et conseiller juridique au Ministère fédéral de l'Europe, de l'intégration et des affaires étrangères. Il a notamment souligné que le Gouvernement et la population de l'Autriche étaient aujourd'hui confrontés au grand défi de l'afflux massif de migrants en provenance de Syrie et d'autres pays en crise. Depuis septembre dernier, 440 000 migrants ont traversé la frontière, l'Autriche devant s'attendre à recevoir un demi-million de migrants d'ici à la fin de l'année. Les autorités à tous les niveaux s'efforcent de s'adapter à l'évolution de la situation pour faire en sorte que les nouveaux venus bénéficient des soins médicaux, de l'alimentation et des logements dont ils ont besoin. Le chef de la délégation a informé d'autre part le Comité de l'adoption par son pays d'un nouvel instrument juridique destiné à éviter la détention des mineurs en conflit avec la loi: il s'agit des «conférences sociales», élaborées autour de l'idée de l'implication directe de la famille ou de l'environnement social du jeune dans le processus de résolution du conflit.

La délégation autrichienne était également composée de plusieurs représentants des Ministères autrichiens de la santé, de l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions et observations des membres du Comité s'agissant de la pénurie de personnel carcéral dont semble souffrir l'Autriche; du problème de la discrimination «au faciès» de certaines personnes d'origine étrangère; du fonctionnement du mécanisme national de prévention de la torture; des conditions matérielles de détention dans les prisons autrichiennes; des peines prévues par la loi pour les auteurs d'actes de torture.

M. Claudio Grossman, Président du Comité et corapporteur pour l'examen de ce rapport, a salué l'action de l'Autriche dans la crise des migrants mais s'est dit préoccupé par l'abandon dans lequel sont laissés près de six mille migrants mineurs non accompagnés qui ne trouvent pas d'hébergement décent. Il a également voulu savoir s'il serait envisageable de recruter davantage de citoyens naturalisés de fraîche date, pour que la police reflète mieux la nouvelle composition de la société. Le rapporteur, M. Abdoulaye Gaye, s'est enquis des résultats du projet européen de formation des policiers aux méthodes d'enquête sur l'identification des cas de torture sur la base du Protocole d'Istanbul.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Autriche, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le mercredi 9 décembre.

éance publique, lundi 16 novembre à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Danemark (CAT/C/DNK/6-7).

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du sixième rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/AUT/6).

M. HELMUT TICHY, Ambassadeur, conseiller juridique au Ministère fédéral de l'Europe, de l'intégration et des affaires étrangères de l'Autriche, a rappelé que son pays s'était engagé non seulement pour garantir la protection des droits de l'homme au niveau national, mais aussi pour faire avancer le système international de promotion des droits de l'homme, tant au sein des Nations Unies que par l'intermédiaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et de l'Union européenne. Les droits de l'homme et l'état de droit sont des priorités de la politique étrangère et intérieure de l'Autriche, qui attache la plus grande importance au plein respect de ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, en particulier l'interdiction absolue de la torture et des traitements cruels et inhumains. Elle soutient fermement les initiatives internationales contre la torture et en particulier le mandat du Rapporteur spécial des Nations Unies chargé de la question. L'Autriche a lancé des invitations ouvertes à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, a fait valoir le chef de la délégation.

L'Autriche coopère aussi avec les mécanismes de surveillance internationaux et régionaux, a souligné M. Tichy, comme par exemple le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe et la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance. Au plan interne, une très bonne coopération est assurée entre les ministères compétents, les autorités régionales et les autres intervenants concernés. Les «coordinateurs des droits de l'homme» des ministères et au niveau des régions se rencontrent régulièrement pour discuter d'enjeux relatifs à l'application des obligations de l'Autriche et pour préparer les réunions avec les organes créés en vertu d'instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. D'autre part, l'Autriche a appliqué une recommandation du Comité en apportant un amendement au code pénal ayant pour effet de sanctionner le crime de torture d'une peine pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité.

L'un des grands défis auxquels le gouvernement et la population de l'Autriche sont aujourd'hui confrontés est l'afflux massif de migrants de Syrie et d'autres pays en crise. Depuis septembre, 440 000 migrants ont traversé la frontière autrichienne, avec des pointes à 10 000 personnes par jour. Selon les dernières estimations, l'Autriche doit s'attendre à recevoir un demi-million de migrants d'ici à la fin de l'année et environ 85 000 demandes d'asile. Autrement dit, le nombre des demandes triplera cette année en comparaison avec l'année 2014, au cours de laquelle 28 000 demandes étaient recensées. Pour un pays de la taille de l'Autriche, comptant huit millions d'habitants, ces événements posent des difficultés sans précédent. Les autorités à tous les niveaux doivent s'adapter à l'évolution de la situation et faire en sorte que les nouveaux venus bénéficient des soins médicaux, de l'alimentation et du logement dont ils ont besoin. Le gouvernement autrichien affronte ces difficultés avec le soutien d'organisations et de très nombreux volontaires issus de la société civile, s'est enorgueilli M. Tichy.

Le chef de la délégation a enfin informé le Comité de l'adoption par l'Autriche d'un nouvel instrument juridique destiné à éviter la détention des mineurs en conflit avec la loi, ou à minimiser la durée de leur détention: le concept de «conférence sociale» a été élaboré autour de l'idée de l'implication directe de la famille ou de l'environnement social du jeune dans le processus de résolution du conflit. Le modèle tire parti des réseaux sociaux existants – parents, enseignants, voisins ou amis – pour aider le mineur à surmonter une crise personnelle et le décourager de commettre de nouvelles infractions. Après une phase d'essai en 2012 et 2013, le modèle de conférence sociale a été introduit au plan national le 1er novembre 2014.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité et corapporteur pour le rapport de l'Autriche, a dit beaucoup apprécier le fait que l'Autriche dispose d'un conseiller indépendant pour les questions de droits de l'homme, en mesure de formuler des recommandations. M. Grossman s'est réjoui de l'attitude de l'Autriche envers la société civile et a constaté avec satisfaction que le Comité n'avait pas été saisi de plaintes pour mauvais traitements ou intimidations systématiques en Autriche. Cependant, le système devrait être réformé pour permettre de faire la lumière immédiatement sur toute allégation d'acte illégal par des agents de police. M. Grossman a salué l'action de l'Autriche dans la crise des migrants. Il s'est toutefois dit préoccupé par l'abandon dans lequel sont laissés près de 6000 migrants mineurs non accompagnés qui ne trouvent pas d'hébergement décent; le mode de prise en charge des migrants handicapés devrait aussi être précisé. M. Grossman s'est interrogé sur les horaires en vigueur dans les établissements correctionnels. Il a voulu savoir également s'il serait envisageable d'introduire une part de diversité dans les forces de police, par exemple en recrutant davantage de citoyens naturalisés de fraîche date, pour répondre à la composition de la société.

S'agissant de l'interdiction de la torture dans le code pénal, M. Grossman s'est interrogé sur la pertinence de la progressivité des sanctions prévues par la loi, de un à dix ans de prison, et a demandé des explications sur le délai de prescription des actes de torture en Autriche. M. Grossman a salué la ratification par l'Autriche du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il a demandé des renseignements sur la manière dont l'équilibre était établi en Autriche entre les exigences de l'instruction pénale et le respect du droit de chaque justiciable de consulter immédiatement un avocat, surtout dans le cas de certaines procédures administratives où cette exigence n'existait pas. La formulation des règlements autrichiens ne laisse pas de soulever quelques préoccupations à cet égard, a constaté l'expert. M. Grossman a demandé enfin des précisions sur les conditions pratiques de l'octroi de l'aide juridictionnelle en Autriche, qui est conditionnée au revenu, soulignant l'importance de la question de l'égalité devant la loi dans ce contexte.

M. Grossman a aussi dit apprécier le fait que l'Autriche ait adopté un plan d'action national contre la traite des êtres humains et l'esclavage. Il a observé que les sanctions dans ce domaine devaient être adaptées à la gravité de la faute. En l'occurrence, la sanction peut atteindre cinq ans de réclusion: comment cette peine se compare-t-elle à d'autres crimes ? De quelle marge de manœuvre le juge dispose-t-il dans le prononcé de cette peine ? La justice autrichienne peut-elle extrader une personne convaincue de traite d'êtres humains ? M. Grossman a prié la délégation d'indiquer comment avaient évolué les règlements contre la maltraitance des enfants.

M. Grossman a par la suite jugé remarquable que même les étrangers sans papiers avaient accès aux soins de santé en Autriche. Il s'est interrogé sur les peines prévues pour actes de torture en Autriche, hors crimes contre l'humanité, estimant que la sanction minimale d'un an de prison ne correspondait pas aux critères de la Convention, d'autant plus que des circonstances atténuantes pouvaient être invoquées. S'agissant de l'indication par la délégation que 90% des demandes d'aide juridictionnelle étaient acceptées, le Président a demandé ce qu'il advenait des 10% restants.

M. Grossman a voulu savoir s'il était possible de poursuivre l'État au civil sans que sa responsabilité pénale ne soit engagée, un enjeu important dans le contexte du dédommagement des victimes de la torture. Le rapporteur a également observé que la prise en compte du critère d'appartenance ethnique, qui était en train d'évoluer, pourrait être utile pour diversifier la composition des forces de police. M. Grossman a prié la délégation de donner des renseignements plus précis sur le montant des indemnités accordées aux victimes de mauvais traitements ou de torture.

M. ABDOULAYE GAYE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, a demandé des détails sur l'évaluation, annoncée dans le rapport, de la formation des magistrats et des juges; et sur l'avancement du projet de formation de l'Union européenne des policiers aux méthodes d'enquête sur les cas de torture exposées dans le protocole d'Istanbul. M. Gaye a demandé également à la délégation de dire dans quelle mesure la sensibilisation avait ou non permis de réduire l'incidence de la violence contre les femmes et de présenter les résultats de l'Autriche dans l'application de son nouveau concept en matière de justice pour mineurs. M. Gaye a voulu connaître les conséquences de la construction d'une nouvelle prison sur l'évolution de la population carcérale. Il s'est interrogé aussi sur les conditions d'emploi des pistolets à impulsion électrique (taser), soulignant la nécessité de tenir compte des risques qu'elle peut faire courir aux personnes visées.

Le rapporteur a fait état d'informations selon lesquelles le Ministère de la justice entendait améliorer les conditions de détention préventive des personnes souffrant de maladies mentales et a voulu savoir quelle suite avait été donnée à ce projet ? L'expert a regretté que les informations données dans le rapport (paragraphe 79 du rapport et suivants) ne permettent pas au Comité de se faire une idée précise des circonstances qui ont amené au décès de trois personnes en détention. L'expert a relevé, à la lecture du rapport de l'Autriche, que certaines personnes qui se plaignaient de mauvais traitement par des policiers étaient accusées de diffamation: le risque ici n'est pas tant l'impunité qu'une certaine distorsion procédurale, a souligné M. Gaye. Enfin, l'affaire Bakary Jassay pose la question des indemnisations accordées par l'Autriche aux victimes de torture ou de brutalités par des policiers (paragraphe 145).

M. Gaye a par la suite constaté que l'interdiction des lits-cages dans les hôpitaux psychiatriques avait été prononcée par le biais d'un règlement, une méthode qui présente des avantages mais aussi des inconvénients en ce qu'elle peut ouvrir la voie à des remises en question. Le rapporteur a jugé frappant, d'autre part, l'écart entre le nombre de dénonciations pour mauvais traitements et le nombre des condamnations prononcées en Autriche. M. Gaye a souligné enfin que certaines victimes risquaient d'être découragées de porter plainte pour mauvais traitement si elles risquaient d'être elles-mêmes poursuivies pour diffamation par les policiers mis en cause; mais il en irait différemment si le parquet seul, et non l'agent concerné, était autorisé à lancer une plainte pour diffamation dans une telle situation. Le rapporteur a demandé enfin à la délégation de dire quelle avait été l'efficacité des mesures de substitution à l'emprisonnement prévues par la justice.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a voulu savoir si, dans le cadre de la crise des migrants que connaissait également l'Autriche, le pays s'était doté des moyens de détecter parmi les requérants d'asile ceux qui ont été victimes de torture ou de mauvais traitements. La lecture de la presse autrichienne montre en outre que la crise est marquée par de nombreuses difficultés d'hébergement des migrants, a noté le même expert: le centre de rétention officiel des migrants en attente de déportation emploie, aux côtés de policiers, des agents privés dont la présence majoritaire pose des questions.

Il semble que l'Autriche souffre de longue date d'une pénurie de personnel carcéral, a relevé le même expert, qui oblige par exemple à confiner certains détenus dans leurs cellules pendant de longues périodes.

Une experte a souligné pour sa part que l'Autriche manquait de juges, une situation qui risque de mettre en cause le principe d'indépendance de la justice. Elle a relevé en outre que de nombreuses personnes en Autriche étaient victimes d'une discrimination «au faciès» et d'un racisme latent, 60% des personnes en détention avant jugement étant de couleur ou d'origine étrangère.

Un expert s'est félicité des efforts de l'Autriche pour éviter les suicides de personnes détenues, mais s'est demandé si des mesures plus efficaces ne devraient pas être prises compte tenu des deux décès très récents dont la presse autrichienne a rendu compte. D'autres questions ont porté sur la durée de la détention au secret des adultes et des mineurs, la poursuite d'office des faits de mauvais traitement, sur la formation des fonctionnaires autrichiens aux obligations du pays découlant de la Convention, sur le nombre de plaintes pour torture reçues par les tribunaux, sur la composition – ethnique et par genre – des forces de police autrichiennes et sur le suivi donné aux recommandations faites par le mécanisme national de prévention après ses visites de lieux de détention.

Une experte a demandé des informations sur les moyens de contrôler les décisions de l'administration en matière de renvoi d'étrangers. Dans d'autres observations, des membres du Comité se sont dits préoccupés par le manque de confidentialité qui entoure les pratiques médicales dans les prisons et par la pénurie de gardiens de prison en Autriche.

Réponses de la délégation

En 2011, 14 500 demandes d'asile ont été déposées en Autriche, contre 59 000 prévues en 2015, a indiqué la délégation. Les effectifs de l'administration en charge des migrants ont été augmentés pour mieux répondre aux besoins. Mais l'augmentation très rapide de la demande dépasse actuellement les capacités en dotation de personnel, a noté la délégation. Le temps de traitement moyen d'une demande est de 4 à 5 mois en moyenne. Tout requérant débouté peut déposer un recours, la décision devant intervenir dans les six mois. Une mesure d'expulsion peut être suspendue pendant sept jours pour permettre au juge de déterminer, éventuellement, le risque encouru par la personne concernée dans le pays de destination. L'effet suspensif n'est pas accordé si le pays de destination est l'un des rares pays considérés comme parfaitement sûrs. La prise en charge des requérants est assurée par les provinces, à proportion de la population. Certaines provinces s'acquittent plus facilement que d'autres de leurs obligations en matière d'hébergement des réfugiés. Le 20 juillet dernier, les autorités ont dû ouvrir dans l'urgence un centre d'accueil temporaire qui avait fermé le 20 octobre dernier.

Un grand nombre de migrants (450 000 personnes depuis le début septembre) ne font que transiter par l'Autriche en route vers l'Allemagne. Les arrivants ont fui et connu des événements traumatisants; ils sont démunis face à l'hiver approchant. Le flux incessant n'est pas facile à gérer. Depuis le point d'entrée en Autriche, les autorités doivent assurer de bonnes conditions de sécurité et mettre à disposition des aliments appropriés, des médicaments. Les autorités s'efforcent de mettre à disposition des moyens de transport de manière transparente, par train, par bus. Un certain nombre de migrants qui attendent à la frontière le passage vers l'Allemagne vont déposer une demande d'asile en Autriche: le pays reçoit 600 demandes par jour actuellement. Il attend plus de cent mille demande d'asile en 2016.

Les mineurs non accompagnés constituent un groupe très vulnérable. Les autorités en ont tout à fait conscience et ont prévu un centre d'accueil à leur intention, doté des équipements et de l'encadrement dont ont besoin les jeunes migrants. Les autorités ont également ouvert des classes d'apprentissage intensif de la langue allemande, pour faciliter l'intégration de ces jeunes.

Le Ministère de l'intérieur accorde la plus grande attention aux conditions de détention. Un nouveau «centre de procédure», «qui peut accueillir jusqu'à 200 personnes retenues en vertu de règlements de police applicables aux étrangers», a été ouvert en 2014 dans la commune de Vordernberg, en Styrie. Cinquante-six personnes y sont actuellement détenues dans des conditions confortables, sous la surveillance de gardiens recrutés localement et ayant reçu une formation appropriée, y compris aux droits de l'homme. L'encadrement comprend des psychologues et d'autres spécialistes répondant aux besoins de l'établissement. Les personnels privés ne sont pas dotés de pouvoir de police, a précisé la délégation en réponse à des préoccupations exprimées par des membres du Comité.

La création du mécanisme national de prévention de la torture est un succès, a affirmé la délégation autrichienne. Le mécanisme a été créé pour appuyer l'action du Bureau autrichien du Médiateur, l'une des plus anciennes institutions européennes en son genre, créé en 1977. Le Bureau du Médiateur, indépendant et respecté, ne se prive pas de critiquer l'action des pouvoirs publics. Le système est fonctionnel même si tout est perfectible, a jugé la délégation.

S'agissant des questions relatives à la santé, la délégation a informé le Comité que les demandeurs d'asile et réfugiés en Autriche avaient le droit sans condition d'être suivis médicalement. Les requérants d'asile ayant besoin d'une protection particulière, ils bénéficient de services spécialisés sous la supervision du Ministère de l'intérieur: premiers examens, soins pédiatriques, vaccination. Les étrangers placés dans des centres de détention qui ont besoin de soins de santé sont suivis par des médecins de garde et par des praticiens installés en ville. L'Autriche a ouvert une ligne téléphonique médicale d'urgence (le 144) accessible en tout temps. Les cas urgents nécessitant une hospitalisation sont évacués vers les établissements les plus proches. Depuis deux mois, le Ministère de la santé s'emploie à mettre des médecins à la disposition des requérants d'asile. Le corps médical est notamment confronté dans ce cadre à des difficultés linguistiques et culturelles.

Le personnel médical est formé à la détection des personnes qui ont été confrontées au problème de la violence. Tous les nouveaux médecins reçoivent une formation aux enjeux de la dignité humaine. Les psychologues et psychothérapeutes suivent un enseignement spécifique à la prise en charge des victimes et témoins de la violence. Les fonctionnaires concernés sont également formés à l'application du Protocole d'Istanbul pour la détection des victimes de la torture. La formation est étendue à la détection des victimes de mutilations génitales féminines, qui sont désormais réprimées par la loi. Des équipes multidisciplinaires sont chargées de suivre les femmes et les filles victimes de ces pratiques. Ces mesures ont permis d'accélérer la prise en charge par les autorités, a fait valoir la délégation. Le Ministère de la santé a créé un réseau d'appui aux familles, aux femmes enceintes et aux jeunes enfants qui traversent des situations de violence. En réponse à des observations des membres du Comité, la délégation a également assuré que les lits-cages étaient désormais totalement interdits dans les établissements psychiatriques autrichiens.

Les autorités se sont également penchées sur la question des interventions chirurgicales sur des jeunes intersexuels. La doctrine actuelle est de ne pratiquer d'intervention que le plus tard possible, pour laisser aux jeunes concernés le temps de faire des choix en connaissance de cause, moyennant des conseils de spécialistes. Le nombre des interventions chirurgicales a baissé depuis plusieurs années. Dans tous les cas, les autorités favorisent l'intérêt supérieur du jeune concerné.

Les lésions physiques sont sanctionnées par des peines de prison - de 1 à 20 ans, voire la perpétuité - en fonction de la gravité des cas. La torture fait désormais partie des délits les plus graves, assimilés aux crimes contre l'humanité. L'intention raciste fait désormais partie des circonstances aggravantes d'un délit. La durée de la prescription dépend de la peine encourue; elle court à partir du moment où des victimes qui étaient mineures au moment des faits atteignent l'âge de 28 ans. Les actes de torture associés à un crime de guerre ou contre l'humanité ne sont jamais prescrits. Récemment en Autriche, une seule affaire a donné lieu à enquête pour torture sur la base des faits présentés, aboutissant à un non-lieu.

Près de 90% des demandes d'aide juridictionnelle sont accordées, a précisé la délégation. Leur montant est modulé en fonction du patrimoine du demandeur. En cas de rejet de la demande, le juge doit informer le justiciable des autres modalités d'aide auxquelles il peut prétendre. Le Parlement a jusqu'à la fin 2016 pour créer un système d'aide juridictionnelle pour les personnes poursuivies par les autorités administratives.

Les auteurs de traite d'êtres humains mineurs encourent une peine de 1 à 10 ans de prison. Les peines sont alourdies par des circonstances aggravantes, comme par exemple la commission du crime en bande organisée. La définition de l'esclavage a été élargie et les peines alourdies (de 5 à 15 ans). La loi s'applique à toute personne qui se rend coupable d'esclavage ou de traite des êtres humains sur le territoire de l'Autriche. Le législateur ne peut cependant s'ingérer dans les affaires souveraines d'autres États.

La loi autrichienne oblige d'acquitter un accusé dont on ne peut prouver la responsabilité. Seul le tribunal peut juger de la validité des preuves qui lui sont soumises.

Les magistrats reçoivent des formations continues aux droits de l'homme et libertés fondamentales. Les cours sont dispensés par des organisations non gouvernementales et par l'université. Ils portent notamment sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Les juges en formation peuvent suivre des stages à ladite Cour. Des enseignements spécialisés sont consacrés au nazisme, ou encore aux lois contre la discrimination, par exemple. Le Ministère de la justice organise de nombreux séminaires d'au moins deux semaines sur la détection des victimes de traumatismes et d'actes de torture.

L'Autriche applique un concept novateur, importé de Nouvelle-Zélande, pour le traitement des mineurs en conflit avec la loi, reposant sur une collaboration étroite des jeunes délinquants avec leur milieu familial et leurs réseaux de proches et d'amis. Ces «conférences sociales» ont notamment pour objet de préserver l'intégration des jeunes dans le tissu social. La réforme de la justice des mineurs en cours prévoit notamment la réduction au strict nécessaire de la durée de détention des mineurs avant leur jugement; l'adoption de mesures de substitution à l'emprisonnement, comme par exemple la prise en charge sociale ou le placement dans des foyers; et l'octroi systématique d'une aide juridictionnelle aux jeunes délinquants. Les jeunes adultes (18-20 ans) seront également concernés par cette réforme.

La seule de suspicion de mauvais traitements infligés par un agent de police ou un gardien de prison (comme par exemple les traces d'utilisation d'un spray au poivre contre un détenu) oblige le procureur à ouvrir une enquête, sans dépôt de plainte nécessaire par la victime potentielle. Le nombre de condamnations pour de tels faits est faible en Autriche, a confirmé la délégation: les plaintes concernent souvent des voies de fait de peu de gravité. D'après les statistiques, 401 non-lieux ont été prononcés faute de preuves suffisantes. Le Ministère de la justice procède actuellement à une évaluation des procédures ouvertes contre des membres des forces de l'ordre, évaluation qui donnera lieu à des ajustements.

Le Ministère de la justice a créé une commission chargée d'enquêter sur le décès d'un ressortissant kazakh en détention, un cas mentionné par des membres du Comité. Les résultats de cette enquête seront communiqués dès qu'ils seront connus.

S'agissant des conditions de détention dans les prisons, l'Autriche a ouvert 130 postes supplémentaires dans les services carcéraux pour remédier à la pénurie de gardiens qui oblige encore à confiner certains prisonniers pendant de trop longues périodes, a indiqué la délégation. Le Ministère de la justice s'efforce d'autre part de contenir la violence entre détenus par des thérapies mais aussi par des transferts de personnes entre établissements. Le nombre de personnes par cellule a été porté de quatre à deux, ce qui a contribué à alléger les tensions, en particulier dans la prison pour mineurs de Josefstadt, à Vienne. Les autorités procèdent d'autre part à l'agrandissement de certaines prisons parallèlement à la construction de nouveaux équipements.

Le personnel carcéral reçoit lui aussi une formation aux droits de l'homme. Les personnes chargées de dispenser cet enseignement sont formées au niveau universitaire et sont choisies pour leurs grandes compétences, notamment en matière de médiation.

En 2013, 25 détenus sont décédés dans les prisons autrichiennes, dont 19 de mort naturelle. En 2014, huit détenus se sont suicidés. Les personnels compétents reçoivent une formation qui leur permet de lire les signes avant-coureurs du suicide et de classer les détenus selon le degré de risque qu'ils présentent. De trois décès suspects mentionnés par les membres du Comité, l'un concerne une personne qui n'a pas été détenue. Neuf personnes se sont suicidées dans des commissariats de police entre 2008 et 2015. Tous ces cas ont donné lieu à des enquêtes approfondies, impliquant notamment le Bureau du Médiateur et le Bureau fédéral contre la corruption.

Au chapitre toujours de la sécurité des détenus, il est certes possible de maintenir un détenu dans une cellule sécurisée pendant un certain temps, a observé la délégation, mais l'isolement strict est une mesure rarement prise. Une expérience pilote d'enregistrement systématique des interrogatoires par vidéo est menée actuellement en Autriche. Il arrive que, pour des raisons liées aux enquêtes, les prévenus soient interrogés immédiatement après leur arrestation et hors de la présence d'un avocat, a indiqué la délégation; mais cette pratique n'est pas la règle.

Trente personnes attendent actuellement en détention leur expulsion de l'Autriche. Ces personnes sont retenues dans l'établissement de Vordernberg déjà mentionné. Les autorités sont parvenues à faire baisser la durée moyenne de la détention avant renvoi à moins de 11 jours, a précisé la délégation.

Un acte de torture commis par un agent de l'État donne droit à un dédommagement de la victime au terme d'une procédure civile qui doit être intentée contre l'État. Cette manière de faire a le mérite de garantir le paiement de l'indemnité, l'État étant par définition toujours solvable. Deux telles procédures sont en cours.

Les autorités concernées sont particulièrement désireuses d'embaucher des policiers issus de l'immigration. Cependant, la loi interdit la mention de l'origine ethnique dans les questionnaires d'embauche. La difficulté est en partie contournée en demandant aux candidats s'ils sont nés à l'étranger.

La délégation a précisé que l'État est responsable des préjudices causés par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions et les personnes lésées ont droit à réparation. En 2011, deux personnes victimes d'agression par la police ont reçu une indemnisation financière et une aide juridictionnelle. En 2014 et 2015, deux poursuites ont été lancées, toujours en cours d'examen. Le gouvernement est sous la surveillance constante des tribunaux autrichiens, qui reçoivent sans discrimination toutes les plaintes des citoyens, a précisé la délégation.

Tous les faits de violence, y compris les traumatismes mineurs, constatés sur des personnes détenues font l'objet d'enquête, même en l'absence de plainte. Sur les 600 cas de violence policière ainsi dénoncés au parquet, le taux de condamnation est de 50 %. Les autorités veulent absolument éviter les situations où une personne renoncerait à porter plainte contre un policier de peur d'être elle-même accusée de diffamation. Sur les 600 cas mentionnés, seuls 20 % ont fait l'objet d'une contre-plainte pour diffamation, un pourcentage faible qui s'explique par la réticence des procureurs à donner suite à ce type de procédure.

Les pistolets à impulsion électrique (tasers) sont considérés comme des armes et soumis à la loi sur les armes à feu. Ils ne sont d'ailleurs plus utilisés par les forces de l'ordre depuis 2012. Les autorités ont enregistré au total 179 plaintes pour utilisation de ces armes contre des personnes ou des animaux. Le recours aux vaporisateurs de poivre est lui aussi strictement réglementé.

Les décisions relatives aux migrations et à l'asile sont prises par un service administratif dépendant de la police dont les décisions peuvent être réexaminées par un tribunal spécialisé composé de neuf magistrats. Un deuxième recours est possible.

Les minorités ethniques en Autriche n'aiment guère être recensées en tant que telles, a expliqué la délégation. L'administration tient compte de cette volonté.

L'institut des droits de l'homme de l'Université de Vienne est chargé de procéder à une évaluation des formations aux droits de l'homme dispensées aux fonctionnaires autrichiens. Les résultats de cette évaluation ne sont pas encore connus.

S'agissant de la confidentialité des données médicales recueillies en prison, la délégation a précisé que seuls les examens médicaux de détenus présentant un risque de sécurité nécessitent la présence d'un gardien. Les détenus sont, si nécessaire, renvoyés aux spécialistes appropriés.

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