Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de la France
10 juillet 2015
Comité des droits de l'homme
10 juillet 2015
Le Comité des droits de l'homme a examiné, aujourd'hui, le rapport présenté par la France sur la mise en œuvre dans le pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Présentant le rapport, le Directeur des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères et du développement international de la France, M. François Alabrune, a souligné que, depuis le dernier examen par le Comité en 2012, la politique de son pays en matière de droits civils et politiques a été principalement axée sur le renforcement de l'égalité et sur l'équilibre entre le respect des droits des citoyens et la mise en œuvre des politiques de sécurité et d'ordre public.
Il a rappelé que la menace du terrorisme était présente en France comme dans d'autres pays, comme l'ont encore rappelé les événements du 7 janvier dernier à Paris, et du 26 juin en Isère. La législation nationale a dû être adaptée pour faire face à cette menace qui est désormais structurelle. La société française doit, comme d'autres, prendre pleinement en compte sa diversité croissante, tout en préservant sa cohésion, a encore dit le chef de la délégation, après avoir mis l'accent sur les flux migratoires de «plus en plus massifs» vers les États européens. Dans le domaine du renforcement de l'égalité, il a insisté sur l'amélioration des moyens de lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme et sur la mise en œuvre de politiques ambitieuses d'inclusion sociale en direction des populations vulnérables.
L'importante délégation française accompagnant M. Alabrune était notamment composée du Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA), M. Gilles Clavreuil; du Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au Ministère de l'intérieur, M. Thomas Andrieu; d'un représentant du Ministère de la justice, M. Francis Stoliarioff; et de plusieurs autres représentants des Ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères, des affaires sociales et des Outre-Mer, ainsi que du Conseil d'État, notamment. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité sur les réserves interprétatives de la France au Pacte; sur les lois et procédures antiterroristes; sur la représentation des femmes; sur l'accès des Roms à l'éducation, à la santé, au logement et à des infrastructures temporaires, ainsi que sur les expulsions de Roms étrangers et les évacuations de campements roms; sur la violence au foyer; sur les allégations de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l'ordre; sur l'impact sur les populations de Polynésie des essais nucléaires français du passé.
Des membres du Comité ont commenté les réserves et déclarations interprétatives de la France concernant plusieurs articles du Pacte, notamment sur l'expulsion d'étrangers et sur le droit des minorités à leur propre vie culturelle. Ils ont également exprimé l'espoir que la France accorderait un effet contraignant aux observations formulées par le Comité. Des experts ont exprimé leur préoccupation s'agissant, notamment, de l'éventuelle promulgation d'une loi sur l'«indignité nationale» qui priverait certains individus de leurs droits civils et politiques et de leur citoyenneté; de la détention de migrants mineurs non-accompagnés à Mayotte; de la montée du racisme; d'allégations d'abus sexuels sur des enfants par des soldats membres de l'opération Sangaris en République centrafricaine; de la surpopulation carcérale; des règles d'utilisation d'armes «alternatives» telles que les pistolets à impulsion électrique.
À l'issue du dialogue, le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, a prié la France de revoir sa position et ses réserves sur le Pacte, surtout s'agissant de l'article 27; ainsi que de réexaminer la question de la situation et de la reconnaissance des Roms. Il a aussi rappelé que les mesures antiterroristes devaient être menées dans le respect des droits de l'homme. Il s'est enfin félicité de la décision de la France de recourir à la procédure simplifié pour la présentation de rapport.
Le Comité présentera, à la clôture des travaux le 24 juillet prochain, des observations finales sur l'examen du rapport périodique de la France et des autres rapports examinés au cours de la session.
Le Comité reprendra ses travaux lundi 13 juillet, à 10 heures, pour examiner le suivi de l'application par les États parties des observations finales qu'il leur adresse, ainsi que ses méthodes de travail.
Présentation du rapport de la France
Le Comité est saisi du rapport périodique de la France (CCPR/C/FRA/5) et de ses réponses (CCPR/C/FRA/Q/5/Add.1) à la «liste de points à traiter» établie par le Comité (CCPR/C/FRA/Q/5).
M. FRANÇOIS ALABRUNE, Directeur des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères et du développement international de la France, a indiqué que le caractère interministériel paritaire des 25 membres de la délégation illustre le travail de coordination et de concertation effectué pour la rédaction du rapport et pour la préparation de l'audition, qui est l'occasion de réaffirmer l'importance qu'attache le Gouvernement français à la mise en œuvre du Pacte et aux travaux du Comité, ainsi qu'aux progrès qui en résultent pour la protection des droits fondamentaux.
Le chef de la délégation a souligné que l'engagement de la France en faveur des droits de l'homme était «crucial dans le contexte actuel» car la crise économique persistante à laquelle l'Europe et le reste du monde sont confrontés depuis plusieurs années impose une vigilance constante quant au respect des droits civiles et politiques, notamment, ceux des personnes les plus vulnérables. Il a ajouté que la menace du terrorisme était présente en France comme dans d'autres pays, comme l'ont rappelé les dramatiques événements qui se sont produits à Paris le 7 janvier dernier, et en Isère le 26 juin. La législation nationale a dû être adaptée pour faire face à «cette menace qui est désormais structurelle».
M. Alabrune a aussi souligné que les États européens sont confrontés à des flux migratoires de plus en plus massifs vers les États européens et aux questions soulevés par la protection des droits des migrants. «La société française doit, comme d'autres, prendre pleinement en compte sa diversité croissante, tout en préservant sa cohésion», a déclaré le chef de la délégation, avant de présenter les évolutions intervenues en France depuis 2012 en matière de droits civils et politiques axées sur le renforcement de l'égalité et l'équilibre entre le respect des droits des citoyens et la mise en œuvre des politiques de sécurité et d'ordre public.
Dans le domaine du renforcement de l'égalité, il a mis l'accent sur l'amélioration des moyens de lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme d'une part et la mise en œuvre de politiques ambitieuses d'inclusion sociale en direction des populations vulnérables. L'exécution du Plan national 2012-2014 de lutte contre le racisme et la discrimination a été confiée à la DILCRA, qui a vu ses moyens considérablement renforcés et est dorénavant placée auprès du Premier Ministre, ce qui renforce sa légitimité et conforte son rôle de conseil et d'animation des autres acteurs nationaux. Par ailleurs, un nouveau plan triennal 2015-2017, encore plus ambitieux que le précédent, a été adopté. Enfin, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme a été érigée en grande cause nationale par le Président de la République lors de ses vœux aux Français fin 2014. Après les attentats de janvier dernier, la politique nationale a été renforcée pour rappeler «l'importance d'une réponse pénale ferme et systématique, adaptée à la gravité des faits».
Concernant le renforcement de l'égalité, M. Alabrune a fait valoir que la France avait adopté deux politiques publiques distinctes, l'une sur les gens du voyage, «citoyens français qui se distinguent par un mode d'habitat nomade ou semi-sédentaire»; l'autre concerne des populations migrantes, ressortissantes de pays d'Europe centrale et orientale, principalement la Roumanie et la Bulgarie, et qui vivent dans des campements illicites et des habitats précaires. Il a souligné que la politique suivie vise à garantir aux gens du voyage un égal accès aux droits, dans le respect de leur mobilité. Une proposition de loi récemment votée en première lecture à l'Assemblée nationale a pour objet de mettre fin aux titres de circulation auxquelles ces personnes sont soumises.
La France prend également des mesures visant à l'insertion des populations migrantes vivant en campements et bidonvilles, dans le respect de la loi et des règlements. D'importants moyens sont aussi mobilisés en matière de santé, de scolarisation, d'emploi et de logement. Chaque jour, 40 000 nuitées d'hôtels sont financées en Île-de-France tandis que le budget annuel de l'État pour financer l'hébergement d'urgence s'élève à 1,5 milliard d'euros; et 4 millions sont affectés à la réalisation de diagnostics sociaux, d'action d'accompagnement et d'insertion. Au 23 janvier 2015, un premier bilan montre que sur les 693 personnes diagnostiquées, 273 ont été hébergées, 93% des enfants hébergés sont scolarisés et 67% des personnes hébergées bénéficient d'une couverture médicale.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, M. Alabrune a assuré que l'État veillait à ce que les mesures ne se fassent pas au détriment des droits de l'homme. Partant, la personne placée en garde à vue pour des faits de terrorisme bénéficie des droits du régime du droit commun de la garde à vue: à l'assistance d'un avocat dès le début, de prévenir un proche, d'être examiné par un médecin et le droit au silence. Il a toutefois signalé que la garde à vue pouvait être prolongée au-delà de la durée du droit commun et ce, à «titre exceptionnel, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent». Cette prolongation est strictement encadrée et prise par décision écrite et motivée de l'autorité judiciaire. De même, les conditions de prolongation du délai de garde à vue jusqu'à 6 jours en matière de terrorisme sont strictes. Une telle prolongation n'a été utilisée qu'à deux reprises depuis 2006.
La France, qui jusqu'à présent était l'une des «dernières démocraties occidentales à ne pas disposer d'un cadre légal cohérent et complet pour régir l'action de ses services de renseignement», vient juste d'adopter par le biais de son parlement une loi qui permet de donner un cadre légal à l'activité de ces services, actuellement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel. Suite à la mission confiée à un député, M. Dominique Raimbourg, d'identifier les moyens de lutter contre la surpopulation carcérale, un groupe d'experts et de représentants de la société civile a remis un rapport, le 20 février 2013, proposant la création d'une nouvelle peine de probation indépendante, sans lien ni référence à l'emprisonnement, ainsi que des dispositions visant à favoriser la réinsertion des condamnés, notamment récidivistes. Le chef de la délégation a également mis en relief le renforcement des pouvoirs dévolus à certaines instances de contrôle indépendantes.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Un membre du Comité a salué la composition paritaire de la délégation, de même que la ponctualité de la France dans la présentation de son cinquième rapport. Il a salué l'amendement apporté par la France à sa déclaration relative à l'article 14, alinéa 5, du Pacte (reconnaissant le droit de toute personne déclarée coupable de faire examiner la condamnation par une juridiction supérieure) et le fait qu'elle envisage d'en faire de même pour l'article 13 interdisant l'expulsion d'étrangers, mais s'est interrogée sur le maintien de la déclaration interprétative au sujet de l'article 27 du Pacte - sur le droit des minorités à leur propre vie culturelle -, invitant la délégation a expliquer en quoi cette déclaration restait nécessaire.
L'expert a également rappelé que la France n'avait pas répondu aux questions du Comité sur les plaintes pour mauvais traitements infligés par les forces de police. Il a souligné que l'ACAT France (ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort) a dénoncé de mauvais traitements dans certaines prisons, comme la prison pour femmes à Poitiers. Il a aussi demandé des informations sur l'utilisation d'armes alternatives telles que des lances-balles de défense ou des pistolets à impulsion électrique. Il a par ailleurs demandé quelles étaient les mesures prises pour faire la lumière sur les cas de soldats français impliqués dans les abus sexuels sur des enfants en Afrique.
Ce membre du Comité a aussi relevé que la surpopulation carcérale était de 116%, estimant que cela s'expliquait notamment par les pratiques judiciaires conduisant à la détention. Une autre experte s'est alarmée que la détention provisoire en attente d'un procès puisse durer jusqu'à 4 ans et s'est enquise de la durée dans les cas de terrorisme? Le détenu accusé de terrorisme a-t-il la possibilité de contester sa détention préventive? L'experte a invité la France à veiller à ce que les lois régissant les appels au terrorisme n'interfèrent pas avec les libertés privées. Quelles sont les procédures pour autoriser l'interception de communications et messages électroniques et qu'est-il fait en termes de transparence dans ces types de surveillance.
Un expert s'est enquis des mesures mises en place en vue d'assurer l'égalité hommes-femmes, même si celle-ci existe dans les textes. Dans son rapport de 2015, le Défenseur des droits indique que les discriminations sexistes persistent, par exemple, après un congé de maternité. Certains contrats ne sont pas renouvelés dans la fonction publique. Il a en outre remarqué qu'en 2014, 3807 Roms ont été évacuées de force de 40 lieux de vie différents et il a regretté que les évacuations se fassent souvent d'une façon musclée. D'autre part, l'expert a trouvé très intéressant le document sur la traite des personnes et les sanctions contre les responsables. L'article 225 (4-1) du code pénal est clair sur le fait que les auteurs sont poursuivis même lorsqu'ils se trouvent à l'étranger. Il semblerait par contre que les tribunaux résistent à se conformer à la circulaire de janvier 2015 émise par la Ministre de justice Christine Taubira.
Un autre membre du Comité a constaté que près de 2 enfants meurent chaque jour en France des suites de violences aux mains d'adultes. Il a aussi voulu savoir si la loi envisageait des mesures de protection et s'il existait un système d'alerte sur la violence dans les centres d'hébergement. Un demandeur d'asile peut-il contester le placement et la nouvelle loi à ce sujet garantira-t-elle une interprétation dans la langue de l'intéressé? Qu'en est-il du traitement discriminatoire à cet égard pour les territoires d'Outre-Mer, notamment les Îles Mayotte.
Un expert a encouragé à la reconnaissance de la juridiction universelle de la Cour pénale internationale et invité la France à arrêter et à remettre à la Cour les auteurs de crimes définis dans le Statut de Rome comme des crimes contre l'humanité, de génocide et crimes de guerre. Il a souligné que cette demande était appuyée par les organisations de la société civile et que les cas auxquels il faisait allusion concernent non seulement les personnes «de passage en France» mais également celles qui y résident. Il a ensuite porté son attention sur l'impact écologique, sanitaire et économique des essais nucléaires que la France a effectués pendant une trentaine d'années en Polynésie, avant de s'enquérir des résultats sur les enquêtes spécialisées à ce sujet. Il a demandé quel était l'évaluation des dommages prévisibles sur la santé physique et mentale des populations concernées.
Revenant sur la loi de 2004 sur la juridiction universelle, un expert a déclaré que la position française est digne d'admiration et d'éloge s'agissant de la Cour pénale internationale. La double incrimination ne s'applique pas nécessairement entre un État partie au Statut de Rome et la CPI. Les États ont l'obligation de poursuivre et sanctionner certains crimes; lorsqu'ils ne le peuvent pas, la CPI peut prendre le relais.
Une experte a déclaré qu'en dépit de la réserve française à l'article 27 du HYPERLINK "http://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-civil-and-political-rights" Pacte - sur le droit des minorités à leur propre vie culturelle - il serait utile que la délégation fournisse des informations sur la discrimination multiple, notamment à l'égard de la communauté juive, musulmane et rom.
Un autre membre du Comité a exprimé l'espoir que la France accorderait un effet contraignant aux observations formulées par le Comité. Il a demandé si la France envisageait de donner davantage de visibilité à ces observations. Il a renvoyé aux déclarations du Premier Ministre français au lendemain des attentats de janvier, concernant l'éventuelle promulgation d'une loi sur l'indignité nationale, qui priverait certains individus de leurs droits civils et politiques et de leur citoyenneté. Il a noté que plusieurs passeports ont été suspendus et a voulu savoir combien de personnes ont été ciblées par ces mesures administratives.
Une experte a demandé si des politiques et procédures avaient été mises en place pour limiter la possibilité pour les autorités pénitentiaires de réaliser des fouilles au corps, en particulier des personnes ayant des déficiences mentales. Elle a requis des données ventilées sur la population carcérale dans chaque prison et voulu savoir si des politiques ont été adoptées en vue de réduire les peines d'emprisonnement dans les territoires d'Outre-mer. Quel est le taux de suicide des détenus et quelles sont les actions menées en matière de prévention du suicide, a-t-elle demandé.
Qu'est-il fait sur la question de la détention des mineurs non accompagnés à Mayotte, a poursuivi l'experte, qui s'est interrogée sur le nombre de mineurs concernés. Des organisations non gouvernementales spécialisées dans les questions de migration ont-elles accès aux mineurs non accompagnés à Mayotte? Elle s'est également demandée si la loi sur les expulsions était conforme au principe de non-refoulement.
Une experte s'est interrogée sur la politique de la France en ce qui concerne les personnes handicapées et a voulu savoir si une évaluation est menée sur les établissements chargés de ces personnes. L'experte a mentionné la pratique dite du «packing», qui consiste à envelopper transitoirement des enfants et adolescents atteints d'autisme, ou des adultes psychotiques, dans des draps extrêmement froids et humides dans le but de leur faire prendre conscience de leur corps. Elle a prié la France de confirmer son interdiction.
Un membre du Comité a attiré l'attention sur les différentes manières dont la procédure des visas est traitée dans les consulats français. Il a demandé si la société civile était encouragée à participer à l'élaboration du rapport périodique. Un autre a examiné, pour sa part, la loi de mars 2004 sur l'interdiction du port de signes religieux ostensibles dans le milieu scolaire et en public, surtout ceux qui permettent de reconnaître l'appartenance comme le voile islamique ou la kippa juive. Il a jugé trop succincte la réponse reçue de la France car le Comité avait exprimé, en 2008, son inquiétude à ce propos et avait été saisi d'une communication individuelle. Il a voulu obtenir des statistiques précises sur les abandons scolaires résultant de cette loi mais aussi des plaintes déposées par les groupes ethniques et religieux.
L'expert dit avoir été saisi d'informations sur la montée du racisme en France, notamment à l'encontre des communautés musulmane, juive et rom, plus particulièrement en 2015.
Un autre membre du Comité a souhaité davantage de renseignements sur l'interdiction des manifestions propalestiniennes. Il a fait état de la vague d'expulsions survenue en trois jours, dont 300 personnes à Ivry-sur-Seine le 9 juillet 2015, et 50 à Aubervilliers, en mettant en question les dispositions d'une circulaire à cet égard.
Un expert a demandé si la France reconnaissait l'interculturalité et le multiculturalisme et a avoué ne pas comprendre l'approche relative aux Roms et le fait que cette communauté ne puisse être incluse dans les opérations de recensement. Il s'est également arrêté sur la mesure de rétention de sûreté, qui peut se décliner sous différentes formes, et voulu savoir en quoi elle se distingue de la rétention.
L'expert a aussi dit sa perplexité relative à la réponse sur les abus sexuels sur des enfants par des soldats membres de l'opération Sangaris. En fait, l'enquête aurait été diligentée bien avant que l'information sur les abus sexuels des enfants de la part de soldats de cette opération française en République centrafricaine soit divulguée, a-t-il constaté.
Réponses de la délégation de la France
La délégation s'est dite impressionnée par la précision et la pertinence des questions des membres du Comité. S'agissant des plaintes pour violences policières, le Gouvernement a pris conscience des difficultés dans les rapports entre la police et la population et un code de déontologie a été adopté en 2014, en particulier au sujet de l'encadrement de la palpation de sécurité, le non-profilage et l'usage de la force qui ne peut être que strictement proportionné. Le port d'un numéro unique et visible et la plaque portant le nom du policier ou du gendarme permettront son identification en cas de plainte. Le dispositif de caméras portables est à l'essai et sera généralisé dans toute la France.
La délégation a dit ne pas être en mesure de répondre à toutes les demandes statistiques dans l'immédiat. Environ 368 enquêtes sur les agissements policiers ont été conduites sur 4 millions d'interventions annuelles. La formation à l'usage des armes intermédiaires (ou alternatives tels les pistolets à impulsion électrique) a été doublée. En outre, il a été décidé que les incidents armés seront intégralement filmés par caméras piétons. Le Défenseur des droits a dépêché une mission à Calais pour faire la lumière sur les incidents impliquant des migrants qui s'y sont déroulés et des procédures disciplinaires sont en cours. La délégation a reconnu que, bien que la police aux frontières soit très performante et bien formée, les compagnies républicaines de sécurité aux frontières, elles, ne sont pas à même de gérer certaines situations avec les migrants et nécessiteraient une formation.
S'agissant des conditions de détention, la délégation a expliqué que les mesures de contrôle spécial, y compris nocturne, d'escorte à l'intérieur et à l'extérieur du lieu de détention, concernent 274 détenus particulièrement signalés (DPS) sur plus de 26 mille. Une personne peut être inscrite au répertoire DPS pour grande violence, pour avoir tenté une prise d'otage dans un établissement pénitentiaire et d'autres cas très spécifiques. Le statut DPS ne restreint en rien les droits des détenus. La délégation a attiré l'attention sur les efforts particuliers de lutte contre la surpopulation carcérale grâce, entre autres, à une loi supprimant l'automatisme de peines d'emprisonnement, et encourageant la sortie progressive de prison.
Les allégations d'abus sexuels commis par des soldats sur des enfants dans le contexte de l'opération Sangaris - en République centrafricaine - ont appelé une réaction ferme au plus haut niveau, a rappelé la délégation, qui a renvoyé à la déclaration du Président François Hollande sur la question. Elle a souligné l'action immédiate des autorités judiciaires suite aux allégations.
La délégation a tenu à préciser qu'au regard du droit français, l'appellation «Rom» n'existe pas. Elle a par ailleurs expliqué que les évacuations de camps sont des décisions administratives sous contrôle d'un juge, lequel statue normalement en 48 heures et prend en considération la présence d'enfants et d'autres personnes vulnérables. Depuis 2012, un nouveau cadre d'action sur l'évacuation a été adopté suite à une circulaire sur les populations mal logées et sans abri. La délégation a reconnu que certaines évacuations risquent d'interrompre la scolarisation des enfants, voire d'interrompre un parcours positif d'insertion.
Contrairement à certains États, la France a su éviter une législation d'exception dans la lutte antiterroriste. Les règles de la garde à vue et d'incarcération sont les mêmes dans ce contexte. L'accès à un avocat dès la première heure est généralisé, et toute personne suspectée de terrorisme peut aujourd'hui choisir librement son avocat. En presque cinq ans, il n'y a eu d'exception au délai d'intervention de l'avocat que dans l'affaire Merah, car on suspectait l'imminence d'une attaque de son frère. Dans le démantèlement d'une cellule terroriste (Cannes- Torcy), l'avocat a pu intervenir dès les premières heures de la garde à vue. Les malheureux événements qui ont frappé la France en janvier dernier ont montré que l'introduction de mesures dérogatoires dans la presse et ailleurs avait contribué à stopper une vague d'attentats et des actes graves de violence.
La loi antiterroriste adoptée en novembre 2014 permet d'interdire à un citoyen de sortir du territoire lorsqu'il existe des raisons sérieuses qui font penser qu'il va préparer un acte terroriste; ou se rendre sur un théâtre d'opérations, ce qui laisse croire qu'il pourrait être dangereux à son retour en France. La délégation a rappelé que le pays a connu des départs dans les années 1980, puis 2000 en Algérie, au Yémen et en Iraq, mais que le phénomène du départ de femmes pour rejoindre les jihadistes, récemment observé, était inédit. La menace terroriste en France a atteint un niveau qu'il est inutile de rappeler, a par la suite ajouté la délégation, renvoyant aux attentats contre un journal satirique et l'attaque avec prise d'otages contre un supermarché juif à Paris, ainsi qu'une attaque à une date très récente qui a vu «la première décapitation en Europe».
Une loi sur le renseignement a été adoptée mais le Président français a souhaité la soumettre à la Cour suprême avant son entrée en vigueur. Toutes les mesures seront aussi présentées à une commission indépendante composée de parlementaires et du Conseil d'État, la plus haute instance administrative française, dont l'intégrité est sans faille. Pour la première fois en France, le juge pourra avoir accès à des renseignements confidentiels, ce qui constitue une garantie extrêmement forte et tout à fait nouvelle en droit français. Une délégation parlementaire habilitée au secret défense voit aussi ses pouvoirs accrus. Ce projet de loi reste dans le cadre de la logique du système de renseignement, à savoir qu'il est ciblé, en vertu du principe de proportionnalité.
Répondant à une question sur les dispositions qui empêchent, en France, de recueillir des données sur l'appartenance ethnique lors des recensements de la population, la délégation a fait valoir qu'une étude avait été menée en 2008 pour recueillir des statistiques dans ce domaine.
S'agissant de la déclaration sur l'article 13 du Pacte - interdisant l'expulsion d'étrangers - vient du fait qu'une mesure d'expulsion peut être prise en cas d'urgence absolue sans être précédée d'une procédure contradictoire. C'est en cela qu'elle diffère du contenu de l'article 13. Pour ce qui est de l'article 27 du Pacte, - sur le droit des minorités à leur propre vie culturelle -, la délégation a signalé que les principes de l'égalité de tous et de l'indivisibilité de la nation excluent la reconnaissance de droits collectifs d'une minorité ou droits spécifiques à une section du peuple. En pratique, toute personne a le droit d'exercer ses droits et libertés aussi bien dans la sphère privée que dans le domaine public.
S'agissant de la portée juridique des communications individuelles et de la diffusion des observations finales du Comité, la délégation a souligné que le Comité diffusait l'information sur ses observations et que les Gouvernements des États parties le font auprès des organismes publics pour qu'ils agissent.
Un fonds alimenté par le Gouvernement et l'agence du recouvrement des avoirs saisis et confisqués servira au financement des actions de lutte contre la traite des êtres humains. Ce fonds a été créé par la loi de finance 2015 et sera évolutif. Le financement gouvernemental s'élève à 530 000 euros pour l'année en cours.
La délégation a informé le Comité qu'en 2013, il y a eu 247 condamnations pour violence sur conjoint.
La France est engagée depuis plusieurs mois dans une réforme profonde de son système d'asile. La nouvelle loi tend en particulier à renforcer la protection, surtout dans un monde qui connaît des problèmes majeurs avec un nombre chaque fois plus important de personnes forcées à quitter leur pays. La durée des procédures passe de 24 à 9 mois, les procédures prioritaires sont supprimées et remplacées par des procédures accélérées. Une des grandes avancées de ce texte est de garantir le caractère suspensif du recours. Dans leur immense majorité, les demandeurs d'asile ne posent pas de problème de trouble à l'ordre public. La loi innove aussi en ce qui concerne la notion de «pays d'origine sûr», en la rendant plus exigeante.
La France est sans doute l'État du monde qui a la compétence juridictionnelle la plus large et a eu le courage d'agir dans des situations comme l'attentat contre l'avion du Président Habyarimana du Rwanda, qui avait déclenché le génocide de 1994 dans ce pays. Ce qui est qualifié de «verrou» par certains est simplement l'application d'un principe fondamental qui consiste à dire: pas de sanction sans loi pénale. Or le Statut de Rome s'applique aux États parties. Jusqu'à présent, la législation française permet de réaliser des poursuites en l'absence d'extradition, a expliqué la délégation.
S'agissant de la question des fouilles corporelles, la délégation a rappelé la circulaire de 2013 qui réglemente strictement cette pratique qui ne s'applique qu'à des détenus dont le comportement porte à suspicion quant au risque d'introduction de produits illicites dans l'établissement pénitentiaire. Des financements ont été alloués pour l'achat d'équipement magnétisé et d'appareils de détection qui réduiraient la nécessité de fouilles. La délégation a rappelé que 75% des personnes suivies par la police le sont dans un milieu ouvert et non en détention. Donc, seuls 25% sont effectivement en prison. Le milieu ouvert est une priorité du Ministère de la justice et de la France et la délégation a invité à consulter les informations concernant cette question sur le site Internet du ministère.
Outre-mer, il y a 14 établissements pénitentiaires et plus de 4600 détenus; le nombre de personnes en situation irrégulière est relativement important à la Réunion. Les Outre-Mers constituent une priorité de l'action pénitentiaire menée par le Gouvernement. Il existe en outre une politique très volontariste de prévention du suicide avec différentes mesures expérimentales qui ont été ensuite systématisées, comme l'accompagnement par un codétenu. La délégation a présenté la grande spécificité de Mayotte, à proximité des Comores, où plus de la moitié de la population est mineure et qui cherche à se rendre sur le continent en passant pas Mayotte. Les mineurs ne sont placés en rétention que lorsqu'ils accompagnent un adulte et ce pour une durée maximale de 17 heures à Mayotte. L'Office français de l'immigration est effectivement présent à Mayotte avec trois agents et un arrêté est en discussion pour envisager des aides aux mineurs isolés se trouvant sur le territoire en vue de la réunification familiale aux Comores.
La délégation a fait état de la diffusion sur la chaîne de télévision M6 d'un documentaire sur les mauvais traitements d'enfants handicapés qui a ému la société française. Elle a souligné que l'établissement où le documentaire a été filmé a été fermé pour travaux et son fonctionnement revu. Elle a insisté que cet établissement est l'exception et non la norme car les centres d'accueil d'enfants handicapés dans le pays sont en général hautement qualifiés.
Les dispositions nouvelles sur l'asile iront nécessairement dans le sens de la facilitation de l'exercice de la réunification familiale, a déclaré la délégation.
L'année dernière, il y a eu 850 actes antisémites et ceux-ci sont en augmentation en 2015. Les actes contre les musulmans sont aussi en hausse et les réseaux sociaux et Internet ne doivent pas se convertir en réceptacles de la haine raciale.
La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale a déclaré la délégation, citant la Constitution. Les Français accordent une énorme importance au terme «laïcité», qui s'exprime par la garantie de la liberté de culte, y compris de l'abattage rituel tant chez les musulmans que les juifs. C'est au nom du libre exercice du culte que les forces de l'ordre veillent à la protection des mosquées et de synagogues depuis les événements de janvier dernier.
En réponse à une autre question, la délégation a mis l'accent sur les consultations actuelles du Gouvernement avec 150 représentants des musulmans de France avec lesquels il y a eu un dialogue très approfondi. Neuf million d'euros ont été débloqués pour la sécurisation des lieux de culte musulman, 1000 mosquées ont été construites au cours des dix années écoulées et une unité de lutte contre l'incitation à la haine contre l'Islam en ligne a été mise sur pied.
La loi de 2010 interdit la dissimulation intégrale du visage dans l'espace public, qui pose problème aux Français. La Cour européenne des droits de l'homme a finalement validé cette loi au nom du vivre ensemble et de la très faible sanction prévue (amende de 150 euros).
Le «contrôle au faciès» pose problème et l'on envisage de le résoudre par le port des caméras-piétons. Le monde a changé à cause de l'existence des téléphones portable et, à tout prendre, autant que les services publics se servent également de matériel audiovisuel.
Une représentante du Ministère de l'Outre-Mer a répondu aux inquiétudes sur le suivi de l'impact des essais nucléaires en Polynésie et de l'application de la loi Morin de janvier 2010. Le périmètre géographique concerné a été élargi, ce qui veut dire que l'ensemble du territoire polynésien est considéré comme zone donnant droit à réparation. Depuis janvier 2015, plusieurs décisions en faveur d'une indemnisation ont été prises.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme représente la société civile et est associée à la préparation du rapport périodique de la France, qui lui est adressé pour avis.
Répondant à la question d'un membre du Comité, la délégation a expliqué que le «packing» était pratiqué sur 58 patients avec le consentement des parents, ce qui est conforme au Pacte, a encore répondu la délégation.
Conclusions
La délégation a relevé que les thèmes abordés étaient très variés et importants. Dans l'ensemble des domaines abordés, il semble évident que les évolutions législatives et réglementaires, de même que pratiques, témoignent d'une volonté d'appliquer le Pacte, dans le cadre de la vigilance publique nécessaire. Les questions posées aident à ce titre à être plus à même de garantir l'effectivité du droit. La délégation a manifesté l'intérêt de présenter son prochain rapport en recourant à la procédure simplifiée.
M. FABIAN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, a souligné la difficulté de de faire une synthèse mais a tenu à souligner qu'il était essentiel que la France revoie sa position et ses réserves sur le Pacte, surtout s'agissant de l'article 27. Nombre de commentaires ont été formulés sur la situation de la population rom dont la non-reconnaissance en tant que telle pose une série de problèmes compte tenu de la doctrine française de non-discrimination. Il serait d'autre part souhaitable que la France se penche sur les remarques faites au sujet de l'interdiction des peines cruelles et des mauvais traitements. Le Comité compatit avec toutes les victimes du terrorisme et rappelle que les mesures antiterroristes doivent être menées dans le respect des droits de l'homme et notamment l'interdiction de l'obtention d'aveux par la force. Il s'est félicité de la décision de la France de recourir à la procédure simplifiée. En vertu du principe de la laïcité, il arrive parfois que des mesures disproportionnées soient prises comme le révèlent certaines plaintes parvenues au Comité.
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