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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Canada

08 Juillet 2015

Comité des droits de l'homme

8 juillet 2015

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Canada sur les mesures qui ont été prises pour assurer la mise en œuvre dans le pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La Sous-Ministre adjointe du Secteur du droit public au Ministère de la justice du Canada, Mme Laurie Wright, qui dirigeait la délégation, a souligné que le Canada était doté d'un pouvoir judiciaire indépendant et impartial et que la Charte canadienne des droits et libertés est le principal instrument de mise en œuvre du Pacte – qui ne prévaut pas sur la législation nationale.  Elle a assuré que le Canada s'engageait fermement à bâtir une relation positive et productive avec les peuples autochtones fondée sur une histoire commune et le respect et le désir d'aller de l'avant ensemble afin d'améliorer leur bien-être.  Dans cette optique, le Canada a appuyé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a pris des mesures concrètes en matière de développement économique, de logement, de services aux enfants et aux familles, d'éducation, d'accès à l'eau potable, de gouvernance, de partage des bénéfices tirés du développement des ressources naturelles dans les territoires autochtones.  Elle a aussi fait état des mesures prises pour faire la lumière sur les cas de femmes autochtones portées disparues en Colombie-Britannique et a établi un fonds d'indemnisation.  Un Plan quinquennal d'action pour contrer la violence familiale et les crimes violents à l'endroit des femmes et filles autochtones, adopté en avril dernier, envisage pour sa part des mesures de prévention de la violence par le financement de solutions locales; le soutien aux victimes autochtones par des services appropriés; la protection des femmes et des filles par l'investissement dans des refuges; et de nouvelles mesures pour améliorer l'application de la loi. 

La délégation était également composée de représentants du Sous-Ministre adjoint chargé de la communication, du Directeur général des relations autochtones et externes, de la Directrice générale à la gestion stratégique et aux droits de l'homme, de son homologue au Service des délégués commerciaux du Canada, de la Directrice des relations intergouvernementales et internationales et de la Coordonnatrice aux droits de la personne et aux affaires autochtones du Ministère des relations internationales et de la Francophonie du Gouvernement du Québec.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant notamment des mesures prises ou envisagées pour surveiller le comportement - au regard des droits de l'homme - des sociétés pétrolières, minières et gazières canadiennes présentes à l'étranger; de l'égalité de rémunération pour un travail à valeur égale pour les femmes; des mesures prises pour modifier les directives régissant l'utilisation des pistolets à impulsion électrique; de la liberté d'expression et de réunion pacifique; de la modification de la «loi sur les Indiens» de 1876; de la détermination du statut de réfugié et de la procédure d'expulsion spéciale; de la situation carcérale, notamment s'agissant des détenus autochtones.

Des membres du Comité ont déploré le manque de progrès dans l'élucidation des cas de disparitions de femmes et de filles autochtones, y compris ceux mentionnés dans le rapport d'enquête de 2013 de la Colombie-Britannique, et invoqué le rapport de la Cour interaméricaine des droits de l'homme.  Ils se sont intéressés à de nombreux aspects des droits des autochtones et au travail de la Commission de vérité et réconciliation sur les pensionnats pour enfants autochtones.  Ils ont également mis l'accent sur le principe du consentement préalable, libre et éclairé des autochtones dans toutes les questions qui les touchent, en particulier les activités des entreprises minières, gazières et pétrolières présentes sur leurs territoires.  L'attention s'est notamment portée sur la détention obligatoire des immigrants sans papiers qui entrent au Canada de façon irrégulière, sur la situation dans les lieux de détention et sur la proportion très élevée d'autochtones, y compris de femmes.  Plusieurs membres du Comité ont jugé trop succinctes les réponses de la délégation et exigé davantage d'efforts sur des questions d'importance directement liées au Pacte.  Une experte s'est déclarée «très déçue» par les changements dans la nouvelle loi sur le terrorisme qui envisage des procès secrets.

À l'issue du dialogue, le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, a encouragé le Canada à approfondir le processus d'examen des observations finales du Comité en vue de les appliquer.  Il a noté que la question des peuples autochtones a ponctué le dialogue avec le Canada, rappelant ses préoccupations au sujet des disparitions et homicides de femmes et fillettes autochtones.

Le Comité présentera à la fin de la session, le 24 juillet prochain, des observations finales sur l'examen du rapport périodique du Canada.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique de l'Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/4).

Présentation du rapport du Canada

Le Comité est saisi du rapport périodique du Canada (CCPR/C/CAN/6) et de ses réponses (CCPR/C/CAN/Q/6/Add.1) à la «liste de points à traiter» établie par le Comité (CCPR/C/CAN/Q/6).

MME LAURIE WRIGHT, Sous-Ministre adjointe du Secteur du droit public au Ministère de la justice du Canada, a déclaré que ses collègues de la Province du Québec et du Ministère du patrimoine canadien aborderont les questions qui relèvent de la compétence provinciale et territoriale.  Elle a souligné que toutes les administrations fédérales, provinciales et territoriales ont travaillé ensemble afin de préparer le rapport ainsi que sa réponse à la liste de points à traiter du Comité.  La société civile et les organisations autochtones jouent également un rôle significatif dans l'identification des points de discussion pour ce qui est de la mise en œuvre du Pacte.

Le Canada est une société multiculturelle de 35 millions de personnes de plus de 200 origines ethniques différentes.  Les peuples autochtones, qui se composent des Premières nations, des Inuits et des Métis, forment une population totale d'environ 1,4 million de personnes, avec plus de 600 communautés des Premières nations, représentant plus de 50 nations et groupes culturels.  État fédéral, le Canada est doté d'un pouvoir judiciaire indépendant et impartial et la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution, est le principal instrument de mise en œuvre du Pacte, a encore déclaré Mme Wright. 

Le chef de la délégation a ensuite consacré son intervention aux liens entre le Canada et les peuples autochtones, la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, la protection des migrants et la sécurité publique et nationale.  Elle a affirmé que son pays s'engage fermement à bâtir une relation positive et productive avec les peuples autochtones fondée sur leur histoire commune, le respect et le désir d'aller de l'avant ensemble afin d'améliorer leur bien-être.  En novembre 2010, le Canada a appuyé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, depuis lors, des mesures concrètes ont été prises en matière de développement économique, de logement, de services aux enfants et aux familles, d'éducation, d'accès à l'eau potable, de gouvernance, de partage des bénéfices tirés du développement des ressources naturelles dans les territoires autochtones, ainsi que d'amélioration de la protection conférée en ce qui concerne les droits de la personne et les biens immobiliers matrimoniaux des Premières nations qui vivent dans les réserves. 

Dans un esprit de réconciliation, le Canada continue de faire des progrès dans tous les aspects de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, qui prévoit une indemnisation financière ainsi que la mise sur pied d'une commission de vérité et de réconciliation.  Ces efforts sont fondés sur les excuses historiques faites en juin 2008 aux anciens élèves, à leurs familles et aux collectivités pour les sévices subis par bon nombre des élèves ayant fréquenté l'un de ces  «pensionnats indiens».  En juin 2015, la Commission a publié ses conclusions et recommandations qui figureront dans un rapport à paraître plus tard cette année.  Ce travail constituera un fondement solide en vue de réaliser d'autres efforts de réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones. 

La sous-ministre adjointe s'est dite vivement préoccupée par le nombre élevé de femmes et de filles autochtones victimes de violences.  En avril 2015, le Gouvernement du Canada a commencé la mise en œuvre du Plan quinquennal d'action pour contrer la violence familiale et les crimes violents à l'endroit des femmes et filles autochtones, qui envisage des actions de prévention de la violence par le financement de solutions locales; le soutien aux victimes autochtones par des services appropriés; la protection des femmes et des filles par l'investissement dans des refuges; et de nouvelles mesures pour améliorer l'application de la loi et du système judiciaire.  Depuis la publication en 2013 du rapport de la Commission d'enquête provinciale sur les femmes portées disparues, le gouvernement de la Colombie-Britannique a persévéré dans la mise en œuvre de ses recommandations, notamment par l'établissement d'un fonds d'indemnisation destiné aux enfants des femmes identifiées dans le rapport.  La Colombie-Britannique et le Manitoba ont tous les deux adopté des lois liées aux personnes portées disparues.

Le chef de la délégation a rappelé que le Canada était l'un des cinq principaux pays au monde qui accueillent le plus d'immigrants et qui est reconnu internationalement comme un chef de file en matière de «migration gérée».  Le pays dispose notamment d'un système d'octroi de l'asile «généreux et juste» et, depuis la réforme mise en vigueur en 2012, il assure la protection d'un plus grand nombre de demandeurs d'asile dans de meilleurs délais.  Elle a précisé que chaque demandeur admissible continue à bénéficier d'une audience équitable devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, «peu importe le pays d'où il vient et la manière dont il est arrivé».  En outre, la sous-ministre a assuré que toutes les administrations du pays avaient mis en place des mesures visant à garantir que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité, dignité et respect, en particulier sous la surveillance de la Commission canadienne des droits de la personne et du Bureau de l'enquêteur correctionnel.  Elle a signalé que les attaques d'octobre 2014 contre les membres des forces armées et le parlement démontrait que le Canada n'était pas à l'abri des menaces à la sécurité nationale.  Dès lors, une nouvelle loi a été adoptée afin de fournir aux forces policières et aux organismes de sécurité nationale des outils additionnels et une plus grande souplesse pour répondre aux nouvelles menaces.  La nouvelle loi comprend enfin des mesures de contrôle afin de veiller au respect des droits des Canadiens.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a relevé que le système juridique étant dualiste au Canada, le Pacte n'y était pas directement applicable.  Il a requis des explications sur l'article 33 de la Charte des droits et libertés qui laisse entendre que les droits ne sont pas protégés d'une manière absolue et que l'on peut y déroger.  Le Canada étant un des rares pays doté d'un tribunal des droits de l'homme, l'expert a demandé qui était chargé de l'application des décisions de ce tribunal.  Il a aussi voulu savoir quelles dispositions du Pacte ont été appliquées par les tribunaux canadiens.

L'expert   a souhaité avoir des précisions sur le cas d'un Somalien qui a été expulsé vers la Somalie alors qu'il n'y avait jamais été, et sur celui d'un M. Gardner, victime de violences et brutalités policières dans le cadre de son expulsion vers la Jamaïque. 

La Gendarmerie royale du Canada a créé un nouveau mécanisme de vérification et de plaintes à travers la Commission de plaintes civiles, a relevé l'expert, qui s'est interrogé sur les mesures prises pour garantir l'indépendance de cette commission.  Il a par ailleurs constaté qu'après les manifestations de 2013, sur 328 plaintes déposées, 62 n'ont pas fait l'objet d'enquêtes; il a voulu en connaître la raison.  Il a aussi souhaité comprendre pourquoi il y avait si peu de plaintes portées contre la police au Québec.  Il a aussi relevé que le nouveau projet de loi antiterroriste génère une grande méfiance car elle donne l'impression d'une surveillance de masse de la population civile.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a constaté qu'environ deux-tiers des entreprises d'extraction minière mondiales ont leur siège au Canada.  Elle a rappelé que le Canada avait adopté une stratégie de responsabilité sociétale, notamment pour ce qui a trait à l'impact des activités d'extraction minière, gazière et pétrolière sur les communautés autochtones.  Le Gouvernement canadien envisage-t-il d'adopter un cadre juridique solide pour obliger les sociétés à rendre des comptes, a-t-elle encore demandé.  Un autre expert a relevé qu'au Canada, si les activités des entreprises sont assujetties au droit canadien, elles semblent commettre tous les abus possibles dans les pays étrangers où elles sont présentes sans être inquiétées.  Il a recommandé que l'État partie assume la responsabilité de ces activités.

L'experte a par ailleurs noté que le Gouvernement de la Colombie-Britannique ne disposait pas d'une loi sur l'équité salariale et que les femmes y gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes à temps plein.  Les minorités visibles et les femmes migrantes de première génération souffrent d'un déséquilibre encore plus marqué.  En outre, les femmes sont trop représentées dans les emplois à temps partiel.

Une experte a examiné les données sur les homicides de femmes et filles autochtones et sur les cas non résolus.  Les victimes et les familles concernées pensent que leur nombre s'élève à 30 alors que les autorités parlent de 18 femmes et fillettes disparues dans l'est de Vancouver, à proximité d'un axe routier.  Ces homicides ont été attribués à un seul auteur de crimes en série et beaucoup de cas restent non résolus.  L'experte a par ailleurs demandé si les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation allaient être mises en œuvre. 

Revenant sur la disparition de femmes et fillettes autochtones, un expert a souligné que le rapport de la Cour interaméricaine des droits de l'homme sur la question avait été on ne peut plus clair.  L'État a reconnu les lacunes dans la conduite de l'enquête et des actions policières et judiciaires dans ce cadre.  L'Expert a prié le Canada de faire plus et de dûment répondre aux questions des membres du Comité.  

Un autre membre du Comité a voulu savoir combien de demandeurs d'asile avaient été refoulés et si le Ministre avait un pouvoir de décision discrétionnaire.  Les demandeurs d'asile ayant commis un crime grave passible de 10 ans de prison sont inéligibles dans ce cadre.  Un autre membre du Comité a voulu savoir s'il existe un mécanisme fiable pour établir la liste de pays dits sûrs.

Une experte a félicité l'État partie sur les efforts d'amélioration de la détermination du statut de réfugiés mais noté que toute personne pénétrant illégalement sur le territoire risque d'être détenues pour une brève période pouvant aller jusqu'à une année.  Les enfants ne doivent pas être privés de liberté, sauf en dernier recours et pour une période très courte, a-t-elle rappelé.  Chaque année, 7 000 étrangers sont détenus, a-t-elle fait observer, en requérant que la détention ne soit utilisée qu'en tant que mesure de dernier recours.  Elle a tenu à rappeler que la situation des réfugiés diffèrent grandement de celle des migrants.  Quelles mesures existent pour que les réfugiés bénéficient de droit à la liberté et à la protection contre le refoulement.  Les demandeurs d'asile sont souvent très fragiles, parfois après avoir subi des traumatismes, a-t-elle souligné, signalant que les demandeurs d'asile n'ont pas accès aux soins de santé.  Résumant le sentiment du Comité, elle s'est aussi interrogée sur la compatibilité entre les certificats de sécurité et le principe de non-refoulement, se disant très préoccupée par la notion d'irrecevabilité dans la loi canadienne. 

Partant du fait que le Protocole facultatif sur les communications individuelles permet au Comité de demander de suspendre une expulsion si le cas de l'individu concerné faisait l'objet d'une communication devant le Comité, un expert a demandé au Canada sa position sur les requêtes provisoires, question que le Comité avait déjà posée.  Quels sont les filets de sécurité en place pour éviter des abus suite à la loi relative à la révocation de la citoyenneté, s'est-il encore enquis. 

Un autre membre du Comité a noté que certains migrants ont passé des années en détention alors que la durée limite légale est de 30 jours.  Les services frontaliers ont des pouvoirs de police tels que d'arrêter des migrants et dans ce contexte, pourquoi les migrants n'ont pas le droit d'un recours en justice contre ces services. 

Dans les observations finales après le quatrième rapport périodique du Canada, le Comité avait fait une recommandation sur les sans-abri et un expert a sollicité une mise à jour sur cette question.

Une experte a souhaité obtenir des renseignements sur l'utilisation de certaines armes comme le pistolet à impulsion électrique sur des adolescents de 13 à 17 ans entre 2003 et 2009.

Entérinée depuis 3 semaines, la nouvelle loi sur le terrorisme envisage des procès secrets, a remarqué une experte qui s'est déclarée «très déçue» par ce changement. 

Les droits fonciers des autochtones n'ont pas encore été résolus et l'approche au cas par cas est justement à l'origine du problème des communautés autochtones, notamment.  Le Canada ne reconnaît pas de droits collectifs aux autochtones, a-t-elle insisté, avant d'appeler l'État partie à consentir davantage d'efforts, en particulier par le recours au principe de consentement préalable, libre et éclairé.  La loi sur les Indiens, qui remonte au XIXe siècle, est une loi rigide et paternaliste, selon le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, qui met l'accent sur l'absence de consultation et de participation des autochtones aux questions qui les affectent, a-t-elle encore fait valoir.  En outre, l'État partie dialogue avec les Premières nations sur plusieurs sujets d'intérêt mais il convient de relever cet emploi du terme «dialogue» plutôt que «consultation».

Une autre experte a examiné la situation carcérale, caractérisée par la surpopulation depuis longue date, et demandé plus de détails sur les soins mentaux aux prisonniers.  Récemment, il a été fait état de séparation de migrants malades mentaux des autres prisonniers pendant de longues périodes et de l'absence de soins.  La Commission canadienne des droits de l'homme a estimé que l'isolement revenait en fait à une détention au secret avec toutes ses conséquences.  Elle constate aussi un nombre élevé de noirs et d'autochtones détenu en isolement cellulaire.  L'experte a aussi évoqué la condamnation à perpétuité sans libération conditionnelle envisagée dans un projet de loi.  UN autre expert a également demandé des renseignements sur la surpopulation carcérale autochtone, s'agissant surtout des jeunes.

Comment s'applique la loi sur les activités des organisations non gouvernementales, s'est interrogé un autre membre du Comité, qui a sollicité des détails sur la loi sur les réunions non autorisées (Paragraphe 41 du rapport) et les arrestations massives pour attroupement illégal lors de certaines manifestations estudiantines de 2015 au Québec contre les mesures d'austérité.  Pourquoi une commission d'enquête n'a-t-elle pas été établie, a-t-il demandé, avant de faire allusion au profilage politique des manifestants. 

Un expert, ancien membre de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, a déploré que le Canada ait été l'un des quatre États opposés à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, même s'il était revenu sur cette position «du bout de lèvres» quelques années plus tard.  Il a évoqué le problème de la pénurie alimentaire dans les communautés autochtones et la malnutrition des enfants.   Après avoir rappelé que l'UNESCO aurait identifié 87 langues autochtones dont 64 en risque d'extinction, il a souhaité avoir des précisions à ce propos.  Pourquoi les parties autochtones n'ont pas donné leur assentiment aux recommandations de l'Équipe spéciale sur les langues autochtones? 

L'expert a ensuite évoqué le problème des enfants autochtones qui furent placés de force dans des internats pour autochtones et coupés de leurs racines.  Il a appuyé le mandat de la commission chargée de faire la lumière sur cette question pour promouvoir la réconciliation entre les autochtones et le reste de la population canadienne

Un autre membre du Comité a attiré l'attention sur la loi sur l’intégrité des élections dont les détracteurs prétendent qu'elle aura pour effet d'exclure des dizaines de milliers d'électeurs appartenant aux groupes vulnérables (autochtones, jeunes, noirs, notamment).

Le Président du Comité a rappelé qu'en 2006, le Comité avait déjà remarqué que le Canada n'avait pas donné suite à ses recommandations précédentes tout en exigeant d'autres pays qu'ils le fassent lorsqu'il était membre du Conseil des droits de l'homme.

Réponse de la délégation du Canada

Répondant aux questions relatives à la révocation de la citoyenneté, la délégation a indiqué que celle-ci ne concernait que les personnes ayant la double nationalité, notamment pour haute trahison ou divulgation d'informations militaires.  De la sorte, en perdant la nationalité canadienne, la personne ne risque pas de devenir apatride.  L'intéressé peut faire appel et être entendu. 

Suite aux réformes dans le système de détermination pour établir le statut de réfugié, le délai d'octroi de ce statut a été sensiblement réduit.  Tout ayant droit fait l'objet d'une audition pour vérifier le bien-fondé de la demande. 

L'usage des pistolets à impulsion électrique (Tasers) est considéré comme très risqué et la Gendarmerie royale du Canada doit faire un rapport chaque fois qu'il y a eu un recours à ces armes, avec une description détaillée des circonstances.  En règle générale, l'arme est brandie à titre de dissuasion et n'a été réellement utilisée que dans 0,09% des cas.

Expliquant la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), la délégation a indiqué que les «certificats de sécurité» sont une procédure d'expulsion spéciale prévue par le droit canadien depuis 1978.  Même si le Protocole au Pacte ne mentionne pas les mesures intérimaires spéciales, le Canada les favorise autant que possible, a-t-elle dit.

On attend des entreprises canadiennes qu'elles respectent les droits de l'homme dans les pays où elles mènent des activités, a-t-elle encore déclaré.  Un mécanisme assure le suivi des responsabilités sociales des entreprises et, dans certains cas, si elles refusent d'obtempérer, elles perdent l'appui du Gouvernement. 

Les autorités fédérales, provinciales et territoriales ont traité de la violence familiale et des crimes de sang frappant les femmes et fillettes autochtones.  Trente mesures ont été prises pour protéger les femmes et punir les auteurs de crimes.  Le Gouvernement a lancé, le 1er avril, le Plan national de protection des femmes et fillettes autochtones contre la violence, partant des enseignements tirés du passé et de l'examen national conduit par la Gendarmerie royale du Canada.  Des plans sont également mis au point en fonction des besoins des communautés, avec l'implication active des garçons et des hommes.  Le Gouvernement finance également des refuges sur place pour les femmes et les fillettes victimes. 

Les statistiques de 2014 indiquent qu'il y avait 627 refuges pour les femmes, soit 12058 lits.  Environ 40 de ces refuges apportent une assistante aux femmes autochtones vivant dans des réserves.

Le Chapitre 33 de la Charte des droits et libertés du Canada vise la préservation des traditions locales, mais le parlement n'a pas fait de déclaration sur ce chapitre, même si certaines législatures locales l'ont fait. 

Les traités des droits de l'homme n'ont pas d'application directe en droit canadien mais les tribunaux se basent tant sur les instruments internationaux que sur le droit canadien.  Elle a cité des exemples de décisions sur la liberté de religion où le Pacte a été invoqué en tant que source de droit pour expliquer l'aspect pluraliste de cette forme de liberté.

Il existe plus de 800 entreprises minières étrangères actives dans plus de 850 projets en Amérique latine, en Afrique et ailleurs qui peuvent apporter des devises et des projets de développement localement.  Il arrive cependant qu'il y ait des problèmes et le Canada s'inspire beaucoup des Principes directeurs de l'ONU sur les entreprises et les droits de l'homme.  Les entreprises canadiennes qui refusent de travailler avec le mécanisme de responsabilisation sociétale sont en conflit avec la loi.  Les normes légales sur les entreprises à l'étranger posent le problème de l'extraterritorialité, a souligné la délégation.

Passant à la problématique de la gestion et la protection des réfugiés, la délégation a signalé que le Gouvernement canadien prend très au sérieux ses obligations de non refoulement et n'a jamais refoulé qui que ce soit lorsqu'il y a risque sur sa vie pu de torture et traitement cruels et inhumains.  La Cour suprême du Canada a conclu que la Charte des droits et libertés doit être interprété au regard des obligations internationales du Canada.  La loi sur la protection des réfugiés traite des personnes ayant un passé criminel et la Convention sur les réfugiés qui est la source de l'analyse canadienne qui sous-tend sa législation sur les réfugiés, présente les critères d'admissibilité. 

Le Canada a accepté les recommandations du Comité sur les communications individuelles sauf dans de très rares cas dictés par des circonstances particulières dont certains sont à l'examen afin de fournir une réponse concrète au Comité.

En ce qui concerne les préoccupations du Comité relatives aux mesures prises dans le cadre de la sécurité nationale, la délégation a affirmé que les conventions sur la sécurité nationale sont uniques car elles concernent des territoires énormes et que le système de police est plus efficace si la population a confiance en elle.  L'organe de révision et vérification de la police a de très grandes prérogatives et un accès total dans les services de police, partout sur le territoire.  Les organisations policières ont tiré des enseignements des événements liés aux manifestations des dernières années et s'efforcent d'améliorer en permanence le respect de la déontologie policière qui permet, entre autres, aux citoyens de porter plainte contre la police. 

La délégation a déclaré que les attentats contre les forces armées et le parlement ont montré que le Canada n'était pas à l'abri du terrorisme.  Le pays a connaît également le phénomène des jeunes qui sont allés se battre aux côtés des jihadistes.  La loi sur l'échange d'information avec les agences nationales et les services de renseignement étrangers prévoit que cet échange se fasse à partir d'une demande et dans le respect de la vie privée.  En cas d'abus, une enquête doit être menée.  Concernant les mesures prises pour indemniser les citoyens canadiens Abdullah Almaki, Ahmed El-Maati et Muayyed-Nureddin – victimes de torture dans des prisons en Syrie et en Égypte après une arrestation à laquelle ont participé des responsables canadiens –, la délégation a dit ne pas être en mesure de préjuger de l'issue de cette affaire puisque la procédure judiciaire était toujours en cours. 

En mai 2015, avec l'aide de l'agence Statistiques Canada, le Gouvernement a procédé à une estimation la plus fiable possible sur le nombre des femmes autochtones disparues.  Ainsi, il y a eu 1181 assassinats de femmes autochtones depuis 1953.  Il s'est avéré que la plupart des homicides sont le fait de proches ou de membres de la famille.  En outre, 225 cas de disparitions n'ont pas encore été élucidés et, en 2015, un rapport issu des enquêtes qui ont été menées confirme que les femmes autochtones sont plus souvent assassinées chez elles par des hommes qu'elles connaissent.  Depuis 2014, il y a eu 38 assassinats de femmes, ce qui correspond au niveau enregistré dans les décennies précédentes.

L'accès à la justice est garanti aux autochtones dans toutes les provinces et, en Colombie-Britannique, une assistance sociale et juridique est offerte aux peuples autochtones. 

Toutes les formes de violence sont considérées comme des crimes au Canada et un certain nombre de mesures policières ont été mises en place pour pallier à la violence domestique, toujours dans le souci de la protection des victimes et des enfants.  En 2009, plus de 25% des femmes étaient employées à temps partiel. 

La promotion des femmes à des postes de décision est une priorité gouvernementale.  Dans dix provinces, les entreprises publiques et privées doivent faire rapport sur les objectifs de représentation féminine dans leur conseil d'administration.  La mobilisation des pouvoirs et de la société civile est très importante dans le cadre du Troisième Plan d'action sur l'égalité entre les hommes et les femmes.  Le Québec a instauré une norme sur la réconciliation travail et famille, unique au monde, a affirmé la délégation.  Par ailleurs, plus de femmes sont employées au Québec, réduisant ainsi l'écart avec les hommes.  Les femmes sont également encouragées à monter leur propre entreprise et toutes les provinces s'efforcent de pallier le fossé salarial grâce à un système de compensation.

Les observations finales du Comité sont largement diffusées auprès des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.  Les recommandations font l'objet de discussions à ce niveau et avec les organisations de la société civile.  La délégation a aussi indiqué que son pays s'inspirait des bonnes pratiques dans ce contexte.

Depuis mai 2015, la liberté conditionnelle a effectivement été limitée pour les personnes ayant commis des crimes graves, mais elles ont un droit de recours.  Au fil des ans, les réformes législatives ont cherché à garantir une protection accrue.

Le Canada reconnaît que les autochtones sont surreprésentés en tant que victimes et qu'accusés à tous les échelons du système de la justice et qu'il convient d'envisager des sanctions alternatives.  C'est ainsi que les tribunaux et les juges sont encouragés à tenir en compte l'histoire unique des autochtones.  Les délinquants autochtones disposent de services appropriés dans leurs lieux de résidence et il existe des programmes d'appui et de réinsertion.  Les dispositions de la loi sur la délinquance permettent de transférer un condamné dans une communauté autochtone pendant la durée de la peine. 

La question de la fourniture de services sanitaires aux réfugiés est devant les tribunaux et la délégation a déclaré ne pas pouvoir répondre dans les détails.  Le Canada veille à ce que les demandeurs d'asile, même clandestins, bénéficient d'une décision juste du Conseil des réfugiés.  «Nous voulons en finir avec le trafic des migrants», a déclaré la délégation pour justifier certaines mesures sévères prises par les autorités à l'encontre des trafiquants qui transportent les migrants par navires.  Ceux qui sont arrêtés le sont à titre provisoire en attendant la constitution de leur dossier et la prise de contact avec les familles.  La détention provisoire est de 48 heures et l'examen de quatorze jours à six mois au plus.  Ces mesures cherchent à dissuader les individus de se lancer dans une aventure risquée pour pénétrer illégalement sur le territoire canadien.  Un enfant ne sera détenu qu'en dernier recours.

Les certificats de sécurité ne sont utilisés que dans des circonstances exceptionnelles pour permettre de protéger des informations confidentielles.  En 2012, 27 individus ont fait l'objet de certificats de sécurité, qui prévoient un grand nombre de garde-fous.  Les délibérations sur un cas se tiennent à huis-clos, précisément pour éviter la divulgation d'informations sensibles.  Les avocats spécialisés peuvent plaider et contester la nature de la confidentialité de l'information censée menacer la sécurité publique ou de l'État.  Un résumé non confidentiel est publié pour permettre au non-ressortissant de savoir à quoi s'en tenir. 

Ces dernières années, une stratégie a été mise en point pour pallier la surpopulation carcérale et les nouvelles unités à double cellule sont en train d'être construites.  En cas d'isolement carcéral, le détenu concerné jouit des mêmes droits que les autres et ne subit pas les privations typiques de l'isolement cellulaire.  L'isolement disciplinaire, par contre, ne peut durer que 30 jours en général et 40 jours en cas de récidive.

Répondant à la lenteur des procédures pour assurer les mêmes droits aux autochtones, la délégation a argué qu'il faut prendre en considération le «paysage diversifié» et la nécessité de parvenir à des accords globaux avec les autochtones et de clarifier la nature des droits découlant des traités.  En outre, les droits ont été octroyés de manière progressive; l'ancienne loi sur les Indiens accordait davantage d'autonomie aux communautés autochtones.  Le régime de la propriété matrimoniale est un grand pas en avant pour les femmes autochtones, a-t-elle aussi souligné. 

Cinq ans après avoir donné son aval à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, instrument qui n'est pas juridiquement contraignant et ne reflète pas le droit coutumier, le Canada œuvre à un travail suivi avec les autochtones.  Le Canada a fait part de sa préoccupation au sujet de la question du consentement préalable éclairé.  Il s'agit d'abord d'aller d'un passé divisé à un avenir commun et le Canada est convaincu qu'il est primordial d'abord de consulter les autochtones et de recueillir leur avis sur les questions qui les concernent.  Par ailleurs, un cadre solide est mis en place en vue de l'amélioration du développement économique des communautés autochtones, qui constitue le socle des solutions à l'insécurité alimentaire et au progrès économique.  L'abrégé du rapport de la Commission vérité et réconciliation a été présenté en juin et on s'attend à un examen minutieux du rapport intégral qui sera publié dans cinq mois.  Chaque année, 5 millions de dollars canadiens sont alloués à la préservation des langues autochtones

Le Commission canadienne des droits de la personne a reçu 25 plaintes suite aux manifestations de 2015 et le Gouvernement du Québec a rappelé aux forces de police leur devoir éthique.  La délégation a dit ne pouvoir commenter davantage car les procédures judiciaires suivent leurs cours.

Conclusions

La délégation a déclaré que le Canada était une société libre, ouverte et démocratique dont la constitution garantissait les droits et les libertés civiles.  La Charte des droits et libertés assure la protection d'un grand nombre de libertés fondamentales.  Le système judiciaire est vigoureux et indépendant, et les élections libres et équitables.  Le Canada est un collaborateur ardent du système de l'ONU, même si les traités internationaux ne s'appliquent pas en priorité par rapport aux textes nationaux.

M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, a rappelé le débat sur la mise en œuvre du Pacte et encouragé le Canada à approfondir le processus d'examen des observations finales du Comité.  Il serait remarquable que lors du prochain examen du rapport périodique, le Canada puisse dire qu'il a pris en considération 95% de ses recommandations, comme cela a été le cas pour le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. 

Les activités des entreprises minières peuvent susciter nombre de problèmes car elles peuvent affecter tous les droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels de tous les peuples autochtones.  La question de ces peuples a traversé tout le dialogue avec l'État partie, qui devrait réfléchir au fait que le Comité aborde la problématique des autochtones dans toutes ses interventions.  M. Salvioli a ajouté que le Comité prend également très au sérieux la disparition et les meurtres de femmes et fillettes autochtones.  Il a prié le Canada de joindre l'acte à la parole, notamment en ce qui concerne l'utilisation de certaines armes et de deux affaires impliquant le Canada s'agissant de la Syrie et de l'Iraq.  Il a déclaré ne pouvoir se satisfaire de certaines réponses sur les mesures conservatoires alors que le Comité est saisi de communications sur de telles mesures.  Il a enfin encouragé le Canada à travailler main dans la main avec la société civile.  

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