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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de l'Espagne

07 Juillet 2015

Comité des droits de l'homme

7 juillet 2015

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Espagne sur les mesures qui ont été prises pour assurer la mise en œuvre dans le pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par la Représentante permanente de l'Espagne auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, Mme Ana María Menéndez.  Ella a notamment souligné que le régime de la détention au secret n'est applicable que dans certains cas concrets, de façon restrictive, et sur la base d'un régime légal extrêmement protecteur, car il exige dans tous les cas une autorisation judiciaire par voie de décision motivée et argumentée.  Depuis 2013, ce régime a été appliqué à 8% des détenus pour terrorisme.  Actuellement, personne n'est détenu au secret en Espagne.  Le chef de la délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le règlement de fonctionnement et le régime interne des centres d'internement des étrangers approuvé en 2014.  La même année, des bureaux de protection internationale ont été ouverts sur les postes frontières de Ceuta et Melilla, et un protocole cadre sur les mesures à prendre à l'égard des mineurs étrangers non accompagnés a été signé.  Suite à l'inquiétude que la Comité a exprimée par le passé au sujet des actes de violence commis contre des personnes appartenant à des minorités, le code pénal a été modifié par une loi qui reflète le rejet total de tels actes, de même qu'une stratégie intégrale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance a été approuvée en 2011.  Le mécanisme du défenseur du peuple espagnol a vu son mandat élargi, en 2009, en tant que mécanisme de prévention de la torture.  Mme Menéndez a aussi fait valoir les efforts menés par l'Espagne s'agissant de l'élimination de la violence à l'égard des femmes et la lutte contre la traite des êtres humains.  

La délégation était également composée des hauts représentants des Ministères des affaires étrangères et de la coopération, de la justice, de l'intérieur, de l'éducation, la culture et les sports, de l'emploi et la sécurité social, de la santé, des services sociaux et de l'égalité, ainsi que de l'Inspecteur en chef du Commissariat général de l'étranger et des frontières du Corps national de la police, d'une représentante du Centre de renseignement contre le terrorisme et la criminalité organisée, de la Directrice de l'Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie et du Conseiller principal de la Délégation du gouvernement pour la violence sexiste.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant entre autres du droit des étrangers devant la loi; de la loi d'amnistie pour les crimes commis durant la dictature; des résultats de la stratégie contre le racisme et des incidences des coupes budgétaires sur les politiques de lutte contre le racisme et de promotion de l'intégration sociale; de la discrimination à l'égard des minorités ethniques, en particulier la minorité rom; des mesures adoptées pour garantir l'égalité des chances entre hommes et femmes sur le marché du travail; de l'accès à l'avortement; de la stérilisation forcée de personnes handicapées; de l'application du régime de la détention au secret pour des infractions liées à des actes de terrorisme; de la protection des droits des mineurs non accompagnés arrivant sur le territoire espagnol.

Dans leurs observations, des membres du Comité ont exprimé des inquiétudes au sujet d'informations sur des mauvais traitements dans les centres de rétention des étrangers, le recours excessif à la force par les autorités d'immigration, et les violences commises lors de l'expulsion d'étrangers, en particulier des Marocains et subsahariens expulsés de Ceuta et Melilla.  Ils ont aussi sollicité un complément d'information sur la détention au secret, l'isolement cellulaire, et sur l'enquête menée dans l'affaire des 15 immigrants ayant trouvé la mort le 6 février 2014 sur la plage de Tarajal, à Ceuta.  Les experts ont aussi voulu savoir s'il est prévu de revenir sur l'application de la loi d'amnistie de 1977 et de garantir la reconnaissance par les juridictions nationales de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, voire d'établir une commission d'experts indépendants chargée de rétablir la vérité historique sur les violations des droits de l'homme commises pendant la guerre civile de 1936 et la dictature.

À l'issue du dialogue, le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, s'est réjoui de l'annonce faite aujourd'hui par l'Espagne qu'elle acceptait la procédure simplifiée de présentation des rapports périodiques.  Il a déclaré en outre que la prévention de la torture est une règle absolue de l'ordre juridique international et que, partant, les jugements et les sanctions sont importants et tous les renseignements sur ces questions sont vitaux.  Il a avoué ne pas comprendre pourquoi l'Espagne ne crée pas une commission indépendante sur les crimes passés dans le cadre d'un processus de justice et de réparation.

Le Comité présentera, à la fin de la session le 24 juillet prochain, des observations finales sur l'examen du rapport périodique de l'Espagne. 


Le Comité se réunit cet après-midi à 15 heures pour entamer l'examen du rapport périodique du Canada (CCPR/C/CAN/6).

Présentation du rapport de l'Espagne

Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Espagne (CCPR/C/ESP/6) et des réponses de l'État partie (CCPR/C/ESP/Q/6/Add.1) à une «liste de points à traiter» établie par le Comité (CCPR/C/ESP/Q/6).

MME ANA MARÍA MENÉNDEZ, Représentante permanente de l'Espagne auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et chef d'une importante délégation d'experts a souligné que son pays concevait l'échange avec les membres du Comité comme un dialogue fructueux dans le cadre d'un processus continu d'échange d'information et d'expérience, d'évaluation et de réponses.  Au chapitre des nouveautés depuis 2008, elle a déclaré d'emblée que, suite à l'inquiétude exprimée par le Comité au sujet des actes de violence commis contre des personnes appartenant à des minorités, les actes d'incitation à la haine et la violence contre les groupes ou minorités ont été pénalisés par la loi organique 1/2015, qui modifie le code pénal, concrétisant le rejet total de tels actes.  À cet égard, Mme Menéndez a également mentionné la Stratégie intégrale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance approuvée en 2011.  Dans le cadre du projet «Formation pour l'identification et l'enregistrement des incidents racistes», plus de 20 000 agents ont été formés depuis 2012. 

Concernant l'égalité des chances entre hommes et femmes, Mme Menéndez a mis l'accent sur l'adoption, en mars 2014, du Plan stratégique d'égalité des chances 2014-2016 et du Plan spécial pour l'égalité hommes femmes en matière d'emploi et contre la discrimination salariale 2015-2017.  Les entreprises privées quant à elles se sont vu imposer, par la loi de 2014 sur les sociétés de capital, l'obligation de garantir une participation paritaire.  L'Espagne déploie également des efforts notables dans la lutte contre la violence faite aux femmes, notamment à travers la Stratégie nationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes (2013-2016). 

Par une autre loi, le Mécanisme national du défenseur du peuple espagnol a vu son mandat élargi, en 2009, en tant que mécanisme de prévention de la torture, comme suite à la recommandation du Comité des droits de l'homme.  La Représentante permanente de l'Espagne a en outre indiqué que des progrès ont été accomplis dans l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires dans les commissariats de police et les lieux de détention. 

En 2014, le règlement de fonctionnement et le régime interne des centres d'internement des étrangers (CIE) a été approuvé et le Ministère de l'intérieur a signé une convention avec la Croix-Rouge espagnole pour une prestation de services dans les CIE, occupés à près de 40% au cours des dernières années.  Mme Menéndez a également signalé la création, en 2013, de la Brigade centrale contre la traite des êtres humains.  

La détention au secret (prévue aux art. 520 bis et 527 de la loi de procédure criminelle) est applicable uniquement dans des cas concrets, de façon restrictive, et se fonde sur un régime légal extrêmement protecteur, car il exige dans tous les cas une autorisation judiciaire par voie de décision motivée et argumentée.  C'est un régime exceptionnel, qui exige des bases juridiques solides, a-t-elle argué, ajoutant que les juges et les forces de sécurité s'ajustent à ce caractère «exceptionnel» de la détention au secret.  Elle a précisé qu'en 2013, 2014 et les 4 premiers mois de 2015, ce régime a été appliqué à 8% des détenus pour délits de terrorisme.  

Le chef de la délégation espagnole a aussi fait valoir la modification, en 2011, de la loi organique sur les droits et libertés des étrangers par laquelle une étrangère en situation irrégulière en Espagne victime de violence fondée sur le sexe peut dénoncer cette violence sans crainte de représailles.  Elle a signalé qu'environ 40 000 personnes utilisaient le système de suivi intégral des cas de violence fondée sur le sexe (Sistema VioGén).

La Représentante permanente de l'Espagne a fait part de l'ouverture, en septembre 2014, des bureaux de protection internationale sur les postes frontières des villes autonomes de Ceuta et Melilla; de même que de la signature du Protocole cadre sur les mesures à prendre à l'égard des mineurs étrangers non accompagnés, qui s'inspire du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. 

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité s'est félicité que les modifications législatives apportées par l'Espagne vont tout à fait dans le sens de l'esprit et de la lettre du Pacte.  Il a par ailleurs invité l'Espagne à adopter la procédure simplifiée de présentation des rapports. 

L'expert s'est déclaré interpellé par une décision du tribunal constitutionnel du 10 octobre 2005 relative à l'interprétation du premier Protocole facultatif, habilitant le Comité à recevoir des communications (plaintes) individuelles.  L'Espagne, qui est considérée comme un pays modèle en termes normatifs, est encouragée à changer sa position à cet égard. 

L'Espagne est un pays de transit de la traite des personnes de nombreux pays, a poursuivi l'expert, qui a émis le désir de recevoir des statistiques plus détaillées sur les réparations accordées aux victimes et sur le suivi en cas de rapatriement des victimes.  Quel a été l'impact des efforts visant à prévenir la traite et pour lutter contre la corruption des agents de l'immigration, a-t-il encore demandé.  Il s'est alarmé de l'existence d'enfants victimes de la traite et au travail.  Il a jugé que l'absence d'un système d'alerte précoce d'exploitation des victimes de la traite à des fins d'exploitation par le travail constituait une lacune. 

Une experte a remarqué qu'il n'existait pas de loi globale sur la discrimination ni d'organe spécifique chargé de la discrimination sous toutes ses formes.  Elle s'est demandée quelles mesures concrètes seront prises en vue du renforcement du rôle du Défenseur du peuple, d'une part, et pour le suivi des victimes de la traite des êtres humains, d'autre part.  Elle a voulu avoir davantage de renseignements sur la violence à l'égard des femmes Tziganes et des Roms, ainsi que des chiffres sur la violence domestique contre les mineurs, et la violence en général contre les Gitans et contre les Roms récemment arrivés en Espagne. 

Un membre du Comité s'est félicité de la qualité de la délégation et de la parité dans sa composition.  Il a voulu avoir des éclaircissements concernant l'amendement à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse et l'obligation faite aux filles de 16 à 18 ans d'obtenir l'autorisation de leurs parents.  Si cette nouvelle mouture venait à être adoptée, les jeunes filles risquent d'avoir plus souvent recours à des avortements clandestins, dans des conditions moins sûres.  Au sujet de l'éducation sexuelle, l'expert a prié l'État partie de donner des informations sur la qualité des enseignants dans ce domaine. 

L'expert a aussi relevé qu'un nombre croissant de personnes handicapées est privé de sa capacité légale et donc de faire ses propres choix.  Il y aurait 600 personnes handicapées privées de leur capacité juridique et il y aurait eu des cas de stérilisation forcée malgré l''opposition de la personne concernée.  Quel le nombre exact de cas dans lesquels des personnes handicapées sont privées de leur capacité juridique? Quelles sont les garanties de respect du désir et de l'opinion de la personne handicapée?

Un membre du Comité s'est enquis de l'état d'avancement des enquêtes menées sur les allégations de torture, de la question des réparations et des grâces.  Il a fait état d'allégations de détention au secret (incomunicado) pour couvrir des cas de mauvais traitements, notamment une plainte déposée par une association de médecins argentins.  Il a aussi voulu avoir des précisions sur l'état des enquêtes dans les affaires de MM. Ignacio Labaca et Tomas Echeverría.

L'expert s'est aussi demandé comment des fonctionnaires coupables de mauvais comportements ont été graciés, ce qui implique l'impunité.  Il a par ailleurs noté que la loi sur les entreprises de sécurité privée s'inscrit dans un contexte européen, mais a estimé que des entités privées sont conduites à exercer sur des individus un pouvoir de coercition incompatible avec certaines dispositions du Pacte.  Ces entreprises privées sont chargées de la surveillance des rues et seraient susceptibles de travailler de concert avec les forces de l'ordre.  L'expert s'est demandé comment sanctionner la violation des droits de l'homme par ces services. 

S'agissant de l'absence d'enquête sur les crimes du passé et l'application de la loi d'amnistie de 1977, il a remercié l'Espagne pour ses réponses et son argumentation dans le rapport périodique en notant que la position du Gouvernement n'a pas changé car il défend la loi d'amnistie en tant que mesure transitionnelle qui a permis la réconciliation et la réparation des violations des droits de l'homme et d'établir une carte des fosses communes sur tout le territoire.  Pour l'expert, la loi d'amnistie ne doit pas faire obstacle à tout éclaircissement sur les crimes du passé.  La disparition forcée est une violation continue, a-t-il insisté,  Il a aussi noté que le Gouvernement espagnol refuse de coopérer avec l'Argentine en matière d'extradition.  Il a qualifié cette situation de «blocage» entre l'État partie et les organes chargés de l'interprétation des instruments internationaux.

Une autre experte a relevé, pour sa part, la pression croissante de migrants en Espagne.  Elle s'est félicitée du décret royal 162 de 2014 oblige à appeler par leur nom (et pas un numéro) les migrants dans les centres de rétention.  Elle a remarqué les sévices aux mains du personnel à Villa Franca, et dans les enclaves de Ceuta y Melilla, ainsi que des exactions et un recours excessif à la force par des agents marocains à Melilla.  Elle s'est enquise de l'état d'avancement de l'enquête sur le décès de 15 migrants ayant trouvé la mort le 6 février 2014 sur la plage de Tarajal, à Ceuta. 

Un autre membre du Comité s'est interrogé sur les difficultés d'exhumation des corps des victimes de la guerre civile et de l'existence, aujourd'hui encore, de charniers.  Il a voulu connaître l'état des recherches et des enquêtes à ce propos.  Un autre s'est inquiété de plusieurs affaires de personnes victimes de torture au Maroc, ce qui avait donné lieu à une recommandation adressée à ce pays par le Comité contre la torture.

Une experte a fait état de rapports de Human Rights Watch et d'autres organisations non gouvernementales sur la violence à l'encontre des migrants aux postes frontières de Ceuta et Melilla.  Elle a rappelé que le Comité avait demandé à l'Espagne de supprimer la détention au secret et s'est félicitée de la réduction du nombre de détenus auquel ce régime est imposé (8% des détenus pour terrorisme et aucun actuellement), tout en demeurant préoccupée que la détention au secret ne soit pas totalement supprimée.  Quelles sont les mesures prévues pour que les décisions dans ce contexte soient conformes aux directives de la Cour européenne des droits de l'homme sur la détention au secret.  Elle a souhaité obtenir des statistiques sur les allégations de mauvais traitements sur des personnes détenues au secret.  Il semblerait que les tribunaux espagnols n'aient pas voulu ouvrir d'enquête sur ces allégations, a ajouté l'experte, qui a aussi posé des questions sur la détention en isolement cellulaire en se demandant quelles étaient les normes et conditions en vigueur pour qu'une personne soit placée en isolement, mentionnant à cet égard le cas d'un militant basque. 

D'autre part, a-t-elle noté, beaucoup semble avoir été fait pour l'amélioration des postes frontières de Ceuta et Melilla.  La loi de 2014 a sensiblement facilité le traitement des dossiers des réfugiés syriens, a-t-elle remarqué.  Elle a fait remarquer que ces postes sont exclusivement réservés aux Syriens et ne traitent pas les dossiers des migrants subsahariens, par exemple.  Elle a en outre demandé comment sont réglementées les expulsions d'Africains et de leur remise aux autorités marocaines en particulier.  L'experte a ensuite exigé qu'une bonne évaluation des besoins de ces personnes soit faite par l'Espagne, de sorte à leur permettre des voies de protection, y compris internationale, dans les sites d'accueil et dans des langues qu'elles peuvent comprendre.  Les procédures sont-elles différentes pour Ceuta et Melilla, ou sont-elles les mêmes pour tous les postes frontières espagnols?  Un autre expert s'est préoccupé des aspects liés à l'hygiène et à l'assainissement dans les centres de détention des migrants, surpeuplés, et de la séparation entre les centres de demandeurs d'asile et les migrants clandestins. 

Un autre membre du Comité a voulu que l'on établisse une distinction entre «droit à la vérité» et «droit à la justice», soulignant l'urgence du droit à la vérité sur les disparitions forcées compte tenu de l'âge avancé des membres des familles des victimes et des témoins potentiels.  Il a affirmé à cet égard que l'État partie campait toujours sur la même position sur ce problème. 

Traitant des mesures de lutte contre le terrorisme, l'expert a regretté que la nouvelle loi sur cette infraction lie le terrorisme à une religion spécifique, avec l'introduction de la notion de «jihadisme».  Il a salué par ailleurs l'annonce par l'Espagne d'une réforme qui établirait un droit d'appel en matière pénale. 

Un membre du Comité est revenu sur l'interprétation faite par l'État partie du rôle interprétatif du Comité relatif au Pacte.  Il y a trouvé une contradiction compte tenu du fait que l'Espagne est un État partie à cet instrument, qui soumet des rapports et dialogue avec le Comité.  Il a rappelé les dispositions de la Convention de Vienne sur les traités.  Les mineurs non accompagnés constituent une crise humanitaire à la frontière avec le Maroc, l'Afrique subsaharienne et, de plus en plus, l'Europe de l'Est, a-t-il également déclaré.  Il a noté que le permis de résidence délivré à ces enfants ne s'applique qu'aux mineurs et qu'on se demande, en conséquence, ce qu'il advient à leur majorité?  Jouissent-ils encore d'une protection?  Il a aussi évoqué les «vols express» de migrants réguliers qui, ayant perdu leur permis de séjour à cause de la crise économique et du chômage, sont expédiés manu militari dans leurs pays en les plaçant dans un avion. 

L'expert a estimé que l'Espagne est le pays qui gère de la meilleure façon la question des Roms. 

Des questions complémentaires ont été posées s'agissant notamment de l'entrée en vigueur de la loi de 2015 sur la pratique de la stérilisation forcée de personnes handicapées; des cas de recours excessif à la force par la police, s'agissant notamment de la manifestation du 25 septembre 2012 à la Gare d'Atocha; des dispositions du code pénal qui qualifient de crime certaines formes de résistance pacifique; de la question de l'accès aux archives et l'ouverture de fosses communes, ainsi que de la destitution du juge Garzón.

Réponses de la délégation

Les comités internationaux, ou organes conventionnels, ne font pas partie du pouvoir judiciaire national et, pour modifier cet état de chose, il faudrait modifier la Constitution, a déclaré la délégation pour justifier sa position relative au premier Protocole facultatif établissant une procédure de communications.  L'Espagne a ratifié différentes conventions des droits de l'homme mais les résolutions du comité sont de l'ordre international public, pas supranationaux, a détaillé un expert juridique de la délégation.  Le dernier mot est au tribunal constitutionnel, a-t-il conclu.  La délégation a par la suite précisé que l'article 93 de la Constitution nécessitait une loi organique pour qu'une interprétation d'un traité international soit exécutable par l'État espagnol. 

Dans l'affaire d'une personne extradée au Maroc, l'Audiencia Nacional n'a pas considéré que les preuves alléguées étaient suffisantes pour empêcher l'extradition

La délégation a ensuite répondu que la loi d'amnistie a été adoptée par un gouvernement démocratique.  Elle a considéré qu'il est difficile de juger rétroactivement des délits qui sont largement prescrits depuis plusieurs décennies.  D'un autre côté, la convention d'extradition avec l'Argentine est très claire.  La délégation a par la suite précisé que la loi d'amnistie ne peut conduire à des procédures, signalant que les juges d'instruction ne sauraient ouvrir une procédure pénale sur des faits éteints.  Les excès de la dictature sont légion mais on ne peut dépenser les biens de l'État pour enquête pénale si cela ne va pas déboucher sur une enquête judiciaire, a argué la délégation.

La dernière amnistie pour torture date de 2012 et la loi organique à cet égard exige la présence d'un représentant de la justice pour donner son aval à l'amnistie tous les six mois.  La délégation a aussi indiqué que les médecins légistes doivent désormais assister deux fois par 24 heures toute personne détenue au secret.  Le médecin doit disposer d'un diplôme de médecine générale mais aussi d'une spécialité en médecine légale.  La loi sur le statut de la victime prévoit des réparations financières dans le cadre d'une procédure pénale.  Les victimes de torture, ou de tout autre délit, ont un éventail de recours à travers des lois bien établies.

La détention au secret s'applique à des cas très exceptionnels.  Seulement 8% des personnes arrêtées pour délit de terrorisme sont détenues au secret et, depuis avril 2015, il n'y en a aucune.  Un corps d'inspection est chargé de vérifier la situation dans les centres de détention.  La délégation a regretté de ne pas avoir connaissance de la plainte du groupe argentin et qu'il veillera à effectuer les vérifications nécessaires avant d'être en mesure de répondre sur cette question.  Les personnes placées en détention au secret ont le droit à des entretiens confidentiels avec un procureur et avec un avocat avant tout interrogatoire par la police, ce qui est conforme à la directive européenne.  En outre, un médecin légiste peut rendre deux visites toutes les 24 heures à un détenu au secret.  L'assistance juridique gratuite est désormais reconnue aux étrangers. 

Les associations de lutte contre le terrorisme ont aussi le droit à ce type d'assistance sans justifier l'insuffisance de revenus ou de moyens.  Un individu qui va sur Internet pour s'enrôler en vue de commettre des actes de terrorisme doit le faire d'une manière fréquente pour faire l'objet de poursuites.  Tout acte publié d'apologie du terrorisme est passible d'arrestation, a précisé la délégation. 

 

La délégation a par ailleurs dit ne pas être en mesure de répondre sur le déclassement des archives, ajoutant qu'il faut l'autorisation des autorités locales pour l'ouverture des charniers ou des tombes, mais que les subventions pour ce faire nécessitent une autorisation budgétaire annuelle.  La loi de mémoire historique prévoit des subventions qui ne sont pas automatiquement renouvelées. 

Au sujet de la stérilisation de personnes handicapées, le code pénal établit que cette procédure ne peut être effectuée sur des personnes ne pouvant donner leur consentement direct.  En vertu des nouvelles modifications, les personnes handicapées souffrant de troubles psychiques et mentaux qui comprennent les implications d'une grossesse et ne donnent pas leur consentement, ne pourront plus être stérilisées.  La délégation a par la suite précisé que la capacité mentale de la personne handicapée et la décision du juge sont prises en compte dans la décision relative à la stérilisation.  L'incapacité de la personne doit être définitive et permanente et il ne doit pas y avoir de litige entre la personne intéressée et son représentant légal.

Les entreprises peuvent télécharger un outil sur l'Internet pour évaluer l'écart salarial entre les hommes et les femmes.  Il est difficile, par ailleurs, de déterminer qui est victime de discriminations multiples.  D'après les dernières statistiques sur les crimes de haine, sur 1200 victime, 692 étaient des femmes.  Pour mesurer les résultats des mesures déployées en faveur de l'insertion des femmes dans le secteur public, l'Inspection du travail mène des recherches sur les écarts salariaux.  En fait, 0,3% des salariées se disent victimes de l'inégalité de salaire pour un travail de valeur égale. 

La délégation a indiqué que la loi en vigueur en Espagne sur l'interruption volontaire de grossesse ne sera pas amendée, mais le Groupe parlementaire populaire a proposé un amendement requérant l'autorisation des parents, ou du tuteur, pour l'avortement des filles âgées de 16 à 18 ans.  Il ne s'agit donc pas d'une proposition gouvernementale et il reste à voir si elle va aboutir.  En 2013, 108 690 interruptions volontaires de grossesse ont été effectuées. 

Le Ministère de l'emploi et de la sécurité sociale dispose d'une enveloppe budgétaire pour la prévention et l'assistance pour la traite de femmes et de filles à des fins d'exploitation sexuelle.  Il existe des programmes d'aide sociale, de soutien psychologique et sanitaire et des services d'interprétation en particulier.  En outre, il y a 40 centres d'accueil des victimes sur tout le territoire.  S'agissant du suivi, un accord vient d'être signé avec l'Agence de lutte contre la traite des personnes en Roumanie afin d'informer les autorités du pays chaque fois qu'une victime rentre chez elle, en Roumanie.  La traite est le fait de réseaux de criminalité transnationale organisée et, en 2014, il y a eu 21 jugements, contre 11 jugements pour les quatre premiers mois de 2015. 

Depuis de longues années, l'Espagne a adopté de nombreuses mesures de sensibilisation et d'aide aux femmes qui subissent, souvent en silence, la violence familiale.  Par le biais des médias, des réseaux sociaux, des campagnes de sensibilisation ciblent les victimes potentielles, les femmes vivant dans les zones rurales, et les pharmaciens dans les zones rurales ou reculées, entre autres.  Aujourd'hui, plus de 60% de la population considère cette forme de violence comme inacceptable; et plus de 96% des jeunes sont de cet avis, ce qui montre bien l'efficacité des campagnes de sensibilisation.  Quatre-ving trois pour cent des Espagnols interrogés disent en effet être au courant des efforts de sensibilisation à la violence au foyer.

La discrimination à l'égard des Gitans et des Roms fait l'objet d'un rapport annuel depuis une dizaine d'années.  Le nombre des plaintes est très faible, ce qui s'explique par une méconnaissance des mécanismes disponibles, a justifié la délégation.  La violence sexiste au sein des communautés gitanes n'est pas suffisamment documentée en raison du secret qui les entoure, a-t-elle ajouté.  Elle a par la suite indiqué qu'un dossier est préparé à l'attention des médias sur la situation de la communauté rom et sur la campagne de défense et de lutte contre les discours d'incitation à la haine à son égard.  La discrimination est surtout visible sur le marché du travail. 

La délégation a ensuite déclaré que les procédures judiciaires des affaires de MM. Ignacio La Vaca et Tomas Madina Echevarría relatives aux «deux personnages notoires de l'Euskadi Ta Askatasuna (ETA)», citées par l'un des experts du Comité, suivent leur cours.  Répondant à un expert sur le sort réservé à M. Ignacio Ordaño La Vaca, la délégation a indiqué qu'il a été condamné à six ans de prison pour activités terroristes. 

En réponse aux questions sur les sociétés privées chargées de la sécurité, la délégation a indiqué qu'en 2013, sur les 224 000 surveillants de sécurité privée, seule la moitié était active.

La loi 162/2014, qui a instauré des normes en matière de détention, concerne l'organisation du personnel chargé de veiller à la sécurité des reclus, et tous les services d'assistance aux détenus.  Certes, auparavant, les reclus dans les centres de détention, puis de rétention, étaient appelés par leur numéro.  Ce n'est plus le cas dans les centres de rétention.  Il existe plusieurs mécanismes de contrôle, dont les juges de grande instance, le procureur royal et les mécanismes nationaux de prévention, ce qui permet de limiter les risques de violations des droits de l'homme.  Pour les deux villes autonomes de Ceuta et Melilla, toutes les demandes d'asile ont été acceptées et aucun requérant n'a été arrêté.  Toute autre décision est fondée sur le code Schengen de passage aux frontières.  Les corps de sécurité de l'État sont présents dans les villes autonomes et dans toutes les villes espagnoles.  Les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité sont respectés par les agents des forces de sécurité sur tout le territoire national, y compris à Ceuta et Melilla, où elles ne font pas uniquement un travail de frontières, mais de protection en cas d'assaut violent contre les barrières de sécurité à la frontière.  Dans ces cas, les mesures de coercition et de contention se font dans le respect du principe du règlement et sous le contrôle d'organes internes et juridictionnel indépendant.  Les mauvais traitements survenus l'année dernière ont été considérés comme des fautes professionnelles.

Au sujet de la plainte déposée le 18 mai dernier par une association de médecins argentins sur les traitements inhumains des détenus, la délégation a indiqué que les systèmes de contrôle étaient chaque fois plus stricts dans les centres de détention. 

D'autre part, le régime applicable aux manifestations repose sur des informations préalables sur le fait de savoir si la manifestation risque de poser des problèmes, a déclaré la délégation.  Les manifestants ne peuvent pas manifester dans des biens fonciers de l'État.  Le code pénal n'a pas pour but de punir les manifestations mais de sanctionner celles où la violence est prévue.  Il y a circonstance aggravante lorsque les organisateurs prévoient des lancements d'explosifs ou des actes de vandalisme.  Le droit de grâce du ministère de la justice est un droit exceptionnel. 
En 2013, il y a eu 6000 manifestations en Espagne et ce n'est que dans 20 d'entre elles qu'il y a eu des incidents.  Ainsi, à la fin de la manifestation de septembre 2012, un groupe de 450 personnes a agressé les forces de l'ordre dans la Gare d'Atocha.  Les personnes arrêtées ont été entendues puis relâchées. 

Pour ce qui est du «retour à chaud», il est fait à la frontière et n'a lieu que lorsque des migrants sans papiers sont renvoyés depuis la frontière, c'est-à-dire qu'ils ne se trouvent pas encore sur le sol espagnol.  Il existe deux centres pour migrants, à Nador et Beni Mellal, au Maroc, de même qu'un protocole avec ce pays sur les mineurs non accompagnés.  L'Espagne a accueilli 7 millions de personnes en dix années, a fait savoir la délégation, qui a décrit les mesures d'intégration des étrangers, accompagnées depuis plusieurs années de sondages et d'enquêtes sur la discrimination raciale et la xénophobie.  Il s'avère que la population appréhende mieux la différence avec les autres et les efforts d'intégration des étrangers. 

Les centres de rétention ne sont pas des centres de détention.  Ils sont gérés par le Ministère de l'intérieur tandis que les juges de contrôle juridictionnel jouent un rôle essentiel par le biais des visites du procureur général, par exemple, et améliorent progressivement les conditions dans ces centres.  La population des centres est à 40% de leur capacité et la période moyenne de séjour est de 24 jours sur un maximum de 60 jours.  Sur 9020 personnes vivant dans les centres en 2013, 52,3% ont été expulsés.  D'un autre côté, il est strictement interdit de placer un mineur dans un centre de détention pour étranger, sauf à la requête de sa famille au titre du regroupement avec un membre de la famille.  À deux exceptions près, il n'y a pas eu de rapatriement de mineurs étrangers, encore moins vers le Maroc.  Parfois, il arrive que ceux qui se présentent comme mineurs ne le soient pas et une série de tests de vérification sont effectués par des médecins.   

S'agissant des «vols express», critiqué par le Défenseur du peuple espagnol, la délégation a évoqué une longue procédure administrative couverte par de multiples garanties.  Ce n'est donc nullement une expulsion dans les 72 heures, comme on se plaît à le dire, a-t-elle infirmé.    
Quant à la situation des migrants à Ceuta et Melilla, les forces de sécurité agissent en recourant à des moyens proportionnels similaires à ceux utilisés par toute autre force aux postes-frontières de par le monde.  Tous les agents surveillant les périmètres territoriaux subissent une formation en droits de l'homme et pour ceux qui travaillent à Ceuta et Melilla, ont une formation de sensibilisation aux situations d'urgence.  La délégation a distingué entre la situation juridique des personnes qui sont entrés illégalement dans ces villes, qui sont rapatriés dans leur pays, puis les victimes de la traite.  D'autres migrants tentent de sauter les barrières d'entrée à Ceuta et Melilla.  Ces deux villes sont spécifiques car elles ont une situation particulière de par leur emplacement géographique et par le fait qu'elles font l'objet de beaucoup de demandes ou tentatives d'entrée.  En conséquence l'expression «rapatriement à chaud» est incorrecte car il n'y a pas eu entrée sur le territoire espagnol.  En septembre 2014, face à la pression des migrants, des bureaux de demandes d'asile ont été ouverts dans ces villes.  La délégation a souligné l'existence de centres d'accueil et d'aide aux migrants, avec des séances d'information aux membres des ONG qui leur viennent en aide.  La majorité des demandeurs d'asile sont des Syriens et d'autres pays. 

La formation des enseignants en matière de santé reproductive et sexuelle est réglementée par deux décrets royaux de 2007 et 2009.  Il s'agit de professeurs qui ont une formation spécifique sur ce sujet validée par un diplôme spécifique. 

Conclusions

La délégation a salué la richesse du dialogue qui est l'un des objectifs de la comparution des États parties.  Elle a remercié la société civile de sa présence qui a permis également d'enrichir le débat et a regretté que le débat n'ait pas été retransmis sur internet en raison de coupures budgétaires.  Ella par ailleurs indiqué qu'elle acceptait désormais de suivre la procédure simplifiée de présentation de ses rapports.

M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, s'est félicité de l'excellente préparation de la délégation espagnole et de la richesse du débat.  Toutes les informations sur les mesures mises en œuvre sont importantes, de même que le projet de texte sur un régime -  celui de la détention au secret - qui a généré tant de recommandations du Comité.  Il a cité comme nouveauté le projet de loi sur l'avortement sur lequel le Gouvernement devrait se prononcer, même si le texte est proposé par un groupe parlementaire.  La prévention de la torture est une règle absolue de l'ordre juridique international.  Les jugements et les sanctions sont importants et tous les renseignements sur ces questions sont vitaux.  Il a avoué ne pas comprendre pourquoi l'Espagne ne créait pas une commission indépendante sur les crimes passés dans le cadre de processus de justice et de réparation.  Il a affirmé qu'à cet égard, la loi d'amnistie ne constitue pas un problème, comme on a pu le constater dans les cas de l'Argentine et de la Croatie, par exemple.  Il s'est enfin déclaré satisfait d'apprendre que l'Espagne avait opté pour la procédure simplifiée.  Il a fait observer que c'est bien l'Espagne qui a appris aux autres pays, d'Amérique du Sud, la primauté des traités internationaux et de leurs organes.

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