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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Luxembourg

28 Avril 2015

Comité contre la torture

28 avril 2015

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par le Luxembourg sur les mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport, le Représentant permanent du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève, M. Jean-Marc Hoscheit, a notamment indiqué qu'en 2014, quelque 1091 demandeurs de protection internationale sont arrivés au Luxembourg, et a dit qu'il était regrettable de constater qu'il se trouve parmi eux de plus en plus de personnes vulnérables, comme des mineurs non accompagnés, des personnes en situation de handicap, des personnes ayant vécu des traumatismes ou des victimes d'abus de torture.  Afin d'apporter des réponses adaptées à leurs besoins spécifiques et d'améliorer l'encadrement et le suivi des demandeurs de protection internationale, le Gouvernement vient d'approuver deux projets de loi visant notamment à limiter la durée de la procédure et d'assurer une plus grande autonomie et une responsabilisation des demandeurs.  L'attention du Comité a également été attirée sur la décision de construire un nouveau centre pénitentiaire qui devra héberger les prévenus et sera appelé à désengorger le centre pénitentiaire existant, la construction d'une unité de sécurité pour mineurs ayant par ailleurs été achevée en 2014 – mais il faudra attendre l'adoption de textes législatifs permettant son ouverture.

La délégation luxembourgeoise était également composée du Directeur du Centre pénitentiaire de Luxembourg, M. Vincent Theis, et de représentants du Ministère des affaires étrangères.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la participation de la société civile; de l'institution du Médiateur; de l'administration de la justice pour mineurs; des projets de loi portant réforme pénitentiaire et réforme du système des peines; des mesures alternatives au placement en détention; des questions d'immigration, s'agissant notamment des «retours forcés», de la «rétention» des requérants d'asile et de la notion de «pays d'origine sûr»; des différents types de placement en isolement.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Luxembourg, M. Satyabhoosun Gupt Domah, s'est notamment inquiété qu'en 2010, la Direction de l'immigration du Grand-Duché ait contacté les autorités gambiennes en leur fournissant les identités de plusieurs personnes et en indiquant qu'il s'agissait de demandeurs d'asile déboutés, ce qui exposait ces personnes à des risques dans leur pays.  Le corapporteur, M. Alessio Bruni, a fait observer qu'à sa connaissance, le Luxembourg est l'un des rares États au monde qui n'a pas reçu, à ce jour, de plaintes pour actes de torture.  Il a toutefois constaté que la Médiatrice, en sa qualité de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté, constatait l'an dernier «une carence au niveau du droit interne en ce qui concerne les garanties à accorder aux personnes privées de liberté».  Prenant acte de nouveaux textes sur l'exécution des peines et la réforme de l'administration pénitentiaire, la Médiatrice souligne dans son rapport que ces projets «apportent certes des améliorations et des précisions nécessaires», mais «ne sauraient, à eux seuls, être considérés suffisants eu égard aux normes internationales».  Dans son rapport de 2011, le contrôleur externe des lieux privatifs de liberté (le Médiateur) fait référence à deux entrevues lui permettant de constater un recours à la force disproportionnée de la part de la police pendant des interpellations.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Luxembourg, et les rendra publiques à l'issue de la session, qui termine ses travaux le vendredi 15 mai prochain.

Au cours de la séance, le Président du Comité, M. Claudio Grossman, et le Chef de la délégation luxembourgeoise, M. Hoscheit, ont exprimé leur solidarité au peuple népalais face à l'épreuve qu'il traverse suite au tremblement de terre du week-end dernier.


Le Comité contre la torture entamera lundi, 27 avril à 10 heures, l'examen du rapport de la Serbie (CAT/C/SRB/2).


Présentation du rapport

Présentant le rapport du Luxembourg (CAT/C/LUX/6-7), son Représentant permanent à Genève, M. JEAN-MARC HOCHET, a indiqué que ce rapport était le fruit d'une large consultation des administrations concernées, d'une part, et de la société civile, de l'autre.  Le Luxembourg a rejoint, en 2010, les États parties au Protocole facultatif sur la mise en place d'un système de visites préventives des lieux privatifs de liberté, et a confié la mission de contrôleur externe de ces lieux de détention au Médiateur du Grand-Duché du Luxembourg.  Le Luxembourg a également ratifié en 2008 la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et, en 2012, celle sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels.  Le pays est en outre en passe de ratifier la Convention de 2011 du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Rappelant que la dernière audition du Luxembourg devant ce Comité remonte à juillet 2008, M. Hochet a présenté quelques avancées notables intervenues dans le pays depuis cette date, en particulier s'agissant des demandeurs de protection internationale, de la population carcérale ou encore des victimes de la traite des êtres humains.  Il a ainsi réitéré l'attachement du Luxembourg au droit d'asile, dans le plein respect de ses engagements internationaux. 

En 2014, 1091 demandeurs de protection internationale sont arrivés au Luxembourg.  Il est regrettable de constater qu'il se trouve parmi eux de plus en plus de personnes vulnérables, comme des mineurs non accompagnés, des personnes en situation de handicap, des personnes ayant vécu des traumatismes ou des victimes d'abus de torture, a poursuivi M. Hochet.  Afin d'apporter des réponses adaptées à leurs besoins spécifiques et d'améliorer l'encadrement et le suivi des demandeurs de protection internationale, le Gouvernement vient d'approuver deux projets de loi visant notamment à limiter la durée de la procédure et d'assurer une plus grande autonomie et une responsabilisation des demandeurs.  Ces deux projets de loi complètent la transposition des directives européennes du «paquet asile» de 2013, visant notamment à étendre le champ d'application aux bénéficiaires d'une protection internationale, à renforcer le respect du principe de non-refoulement et à accorder une nouvelle définition du motif de persécution que constitue «l'appartenance à un certain groupe social», a expliqué le Représentant permanent.  Un retour dans le pays d'origine est souvent impossible et une intégration dans le premier pays d'accueil n'est pas toujours réalisable, a-t-il fait observer.  C'est pourquoi la réinstallation ou l'accueil de groupes sélectionnés de réfugiés est un complément important aux mesures de protection, le Luxembourg ayant une tradition de réinstallation de réfugiés.  La situation dramatique que connaît la Syrie aujourd'hui a notamment conduit le pays à réinstaller 75 réfugiés syriens au Luxembourg en provenance de camps de réfugiés de la Jordanie et de la Turquie.

Le Luxembourg a consacré un effort important à l'amélioration de son système pénitentiaire, a poursuivi M. Hoscheit.  Certaines difficultés, telles que la surpopulation carcérale et l'absence d'une prison pour mineurs, ont fait l'objet de rappels réguliers de la part des organes conventionnels et de la société civile, a-t-il rappelé.  Aussi, a-t-il attiré l'attention du Comité sur la loi de juillet 2014 autorisant la construction d'un nouveau centre pénitentiaire qui devra héberger les prévenus et sera appelé à désengorger le centre pénitentiaire luxembourgeois à partir de 2020.  En attendant, il faut souligner que la moyenne mensuelle de la population du Centre pénitentiaire luxembourgeois est en baisse: 598 personnes étaient en détention en mars 2015, contre 623 en mars 2014.  Ce chiffre reste en tout cas en-deçà du seuil critique de 700 détenus, a fait valoir M. Hoscheit.  Rappelant que le placement des mineurs dans la prison des adultes avait longtemps fait l'objet de vives critiques, il a également fait valoir qu'après de longs retards, la construction d'une unité de sécurité pour mineurs avait finalement été achevée en 2014.  Malheureusement, a-t-il précisé, l'unité n'est pas encore opérationnelle et reste en attente de l'adoption de textes législatifs permettant son ouverture. 

Au-delà de la sanction, une réforme fondamentale du régime pénitentiaire est en cours, a ajouté M. Hoscheit.  Dans cet esprit, la réinsertion des détenus et les alternatives à la privation de liberté, ainsi que les aménagements de peine constituent d'autres modes de réponse aux infractions, en faveur desquels le Gouvernement entend mener une politique volontariste.  Un nouveau projet de loi sur la question devrait être déposé dans les semaines à venir.

La lutte contre la traite des êtres humains est une priorité pour le Gouvernement luxembourgeois, a poursuivi M. Hoscheit, faisant observer que des avancées tangibles ont pu être enregistrées grâce aux efforts multidisciplinaires mis en place au cours de ces dernières années.  Une loi visant à renforcer le droit des victimes de la traite a été adoptée par le Parlement en 2014, a-t-il fait valoir, avant d'attirer l'attention sur le Comité de suivi de la lutte contre la traite des êtres humains qui a été mis en place et a entamé ses travaux en octobre 2014.  Ce Comité est en train d'élaborer un nouveau projet de stratégie nationale contre la traite.  Le Gouvernement s'est engagé à poursuivre les actions de prévention et de protection des victimes de la traite des êtres humains et de la prostitution, a ajouté M. Hoscheit, faisant part de la volonté du Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour aider les prostituées à sortir de leur milieu.

Toute allégation de torture ou de traitement inhumain ou dégradant donne lieu à une enquête pénale, a souligné M. Hoscheit, indiquant qu'en 2014, le nombre d'enquêtes relatives à des faits de mauvais traitements s'élevait à 12.  Sur ces douze affaires, quatre ont entre-temps été classées sans suite.  En ce qui concerne les enquêtes disciplinaires, aucune procédure disciplinaire pour des faits de mauvais traitements n'a été introduite.

Examen du rapport

Questions et observations des experts

M. SATYABHOOSUN GUPT DOMAH, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Luxembourg, a jugé très intéressant le système de médiateur au Luxembourg, relevant que chacun semble bien conscient de l'existence de cette institution et de la façon de l'utiliser.  Le système de semi-liberté, associé à la surveillance électronique, semble lui aussi très intéressant, a ajouté le rapporteur.  Des améliorations ont été apportées au système pénitentiaire, s'est-il en outre réjoui.  Il a demandé des précisions au sujet des diverses nouvelles lois à l'étude dans le pays en matière pénale.  M. Domah a également voulu en savoir davantage au sujet de la consultation de la société civile dans le contexte de l'élaboration du rapport périodique.

Relevant qu'aucune plainte pour torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant n'a été reçu par le Médiateur à ce jour, M. Domah a souligné que cette situation ne signifie pas nécessairement qu'il n'y a pas eu de cas de telles pratiques.  Le rapporteur a en outre indiqué rester préoccupé quant à l'application de l'article 3 de la Convention, relatif au principe de non-refoulement, concernant les réfugiés et les requérants d'asile.  Qu'en est-il dans ce contexte de la formation dispensée aux personnels concernés afin qu'ils sachent détecter des cas de torture ou de mauvais traitements, a-t-il demandé?  Comment les autorités luxembourgeoises interprètent-elles, dans le contexte des demandes de protection internationale (asile), la notion de «sécurité nationale»; cette notion est-elle appréhendée sous l'angle de faits ou bien sous l'angle de soupçons?  En 2010, s'est inquiété M. Domah, la Direction de l'immigration du Grand-Duché a contacté les autorités gambiennes en leur fournissant les identités de plusieurs personnes et en indiquant qu'il s'agissait de demandeurs d'asile déboutés, ce qui exposait ces personnes à des risques dans leur pays.

M. Domah s'est en outre inquiété qu'il semble exister au Luxembourg une catégorie de citoyens de seconde classe qui, même s'ils sont résidents dans le pays, n'ont pas droit aux mêmes prestations sociales que les autres.

Relevant que le Luxembourg indique n'avoir jamais rejeté aucune demande d'extradition émanant d'un état tiers à l'encontre d'un individu soupçonné d'avoir commis un acte de torture, M. Domah a souhaité en savoir davantage sur la procédure suivie et sur les circonstances.

Le rapporteur a aussi voulu savoir quelles dispositions étaient prévues pour que les preuves obtenues par la torture ne soient pas recevables.

M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Luxembourg, a fait observer qu'à sa connaissance, il s'agit de l'un des rares États au monde qui n'a pas reçu, à ce jour, de plaintes pour actes de torture.  M. Bruni a ensuite relevé que, dans les conclusions de son rapport publié le 15 avril 2014, la Médiatrice, Mme Lydie Err, en sa qualité de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté, constatait «une carence au niveau du droit interne en ce qui concerne les garanties à accorder aux personnes privées de liberté».  Prenant acte du projet de loi 6381 portant réforme de l'exécution des peines et du projet de loi 6382 portant réforme de l'administration pénitentiaire, la Médiatrice soulignait dans son rapport que ces projets «apportent certes des améliorations et des précisions nécessaires», mais «ne sauraient, à eux seuls, être considérés suffisants eu égard aux normes internationales».  Dans ce contexte, quelles mesures législatives ont été prises ou seront prises par le Luxembourg pour s'assurer que les droits des détenus et leur traitement, surtout pour les détenus particulièrement vulnérables, soient respectés conformément aux normes internationales, a demandé le corappoteur?  Qu'en est-il aujourd'hui de l'adoption des deux projets de loi susmentionnés, a-t-il en outre voulu savoir? 

Est-ce que le régime cellulaire strict sera effectivement abrogé, comme cela a été annoncé, a par ailleurs demandé M. Bruni?  Il aussi voulu savoir si un recours contre des sanctions disciplinaires pourrait être directement présenté devant l'autorité judiciaire sans passer, au préalable, par la hiérarchie de l'administration pénitentiaire.  Il a par ailleurs demandé si l'interdiction de placer des mineurs en prison pour des raisons disciplinaires, comme cela est préconisé dans l'un des projets de loi à l'étude, serait maintenue dans le texte final.  Outre la Médiatrice, la Commission consultative des droits de l'homme, organe consultatif du Gouvernement luxembourgeois, s'inquiète elle aussi du traitement des personnes vulnérables privées de liberté, a souligné le corapporteur. 

M. Bruni a par ailleurs demandé si les autorités du Grand-Duché avaient bien examiné, surtout dans les cas de retours forcés, la question de savoir si les personnes qui allaient être expulsées couraient le risque d'être soumises à la torture dans le pays de retour.  Il a en outre souhaité savoir quelle était la situation des requérants d'asile dont la demande a été rejetée mais qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine pour des raisons de sécurité ou autres et qui ne représentent aucune menace pour le Grand-Duché.  D'après des sources d'information non gouvernementales, le Luxembourg se serait doté d'une liste de pays d'origine sûrs dont les ressortissants verraient leur demande d'asile examinée dans le cadre d'une procédure accélérée, a par ailleurs fait observer M. Bruni, qui a demandé des précisions sur les critères retenus pour établir cette liste et la mettre à jour.

Évoquant le cas de l'éloignement – ou expulsion - de M. Mamadou Aliou Diallo en 2008, M. Bruni a relevé que le rapport du Luxembourg (paragraphe 68) se référait au comportement agressif de cette personne tandis que des sources non gouvernementales parlent de mauvais traitements que M. Diallo aurait subis au cours de son expulsion de la part des policiers qui l'accompagnaient.  L'Inspection générale de la police a-t-elle ouvert une enquête sur ce cas ou d'autres cas d'éloignement forcé dans lesquels il y a eu usage de la force de la part des accompagnateurs de la personne expulsée, a demandé le corapporteur?

Si la Médiatrice a exprimé sa satisfaction pour les conditions dans lesquelles les retenus séjournent au Centre de rétention de Findel – créé pour accueillir des étrangers en situation illégale afin de les préparer à l'éloignement vers leur pays d'origine ou leur pays de provenance – le collectif Keen Ass Illegal (Personne n'est illégal en luxembourgeois) trouve qu'il y a des reproches à faire à ce Centre, notamment du fait que toute personne admise doit être vue par un médecin dans les 24 heures qui suivent son admission, ce qui ne permettrait pas de détecter si la personne est médicalement apte ou non à être placée en rétention ou si elle a besoin de soins urgents.  Au moment de l'admission dans ce Centre, relève en outre le collectif, le personnel du centre procède à une fouille systématique du nouvel arrivant, ce qui constitue une pratique très humiliante relevant davantage des dispositifs utilisés dans les institutions carcérales; en outre, souligne le collectif, d'autres pratiques de type carcéral seraient utilisées, telles que l'enfermement des personnes retenues dans leur chambre entre 21h30 et 7 heures du matin, les mesures disciplinaires et la mise à l'isolement jusqu'à cinq jours.  Le collectif trouve que ces pratiques renforcent la détresse de personnes déjà fragilisées par l'incertitude de leur situation et cachent une volonté de contrôler et punir les demandeurs d'asile, a insisté M. Bruni.

Le corapporteur a souhaité savoir ce qu'il en est aujourd'hui du projet de construction d'une nouvelle prison à Sanem, qui permettrait de loger d'ici 2019 quelque 400 personnes supplémentaires, alors que le taux d'occupation dans les deux prisons du Luxembourg, situées à Schrassing et à Givenich, était de 97% en 2012 et de 99,19% en 2013.

Relevant par ailleurs qu'il y a quelques années, le Médiateur, à titre de le contrôleur externe des lieux privatifs de liberté, s'était vu catégoriquement refuser l'autorisation d'accompagner un transport de détenus, M. Bruni a souhaité savoir si la situation a changé aujourd'hui.  Dans son rapport de 2011, a poursuivi M. Bruni, le contrôleur fait référence à deux entrevues qu'il a eues avec un mineur originaire d'Éthiopie et un adulte arrêtés en décembre 2010, indiquant que tous deux ont fait état de recours à la force disproportionnée de la part de la police pendant leur interpellation.  M. Bruni a souhaité savoir s'il y a eu des suites à la demande du Médiateur d'être informé des suites tant administratives que judiciaires réservées à ces deux cas.

M. Bruni s'est en outre enquis de l'indépendance de l'Inspection générale de la police et a voulu savoir si cet organe avait récemment mené des enquêtes sur des mauvais traitements commis par des agents de la force publique.  La justice a-t-elle été saisie de cas de comportements arbitraires ou d'insultes racistes et xénophobes imputables à des agents de la force publique, a par ailleurs demandé le corapporteur?

Enfin, M. Bruni a voulu savoir ce qu'il en était aujourd'hui du projet de mise en place de l'unité pour mineurs de Dreiborn.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a relevé que les insultes racistes et xénophobes perdurent au Luxembourg.

Qu'adviendrait-il en termes de procédure si le Procureur général enjoignait de ne pas donner suite à une plainte pour torture, a demandé un expert?

Aucun pays n'a de loi qui autorise la torture, a souligné un expert, qui a expliqué à la délégation que, ce qui intéresse le Comité, c'est de savoir ce qui est fait dans la pratique pour prévenir et combattre de tels actes.

Des précisions ont en outre été demandées au sujet des données et garanties entourant la détention en isolement.

Pourquoi le Luxembourg persiste-t-il à organiser des confrontations entre les ressortissants étrangers en rétention pour des questions de détermination d'identité et leurs autorités consulaires, s'est inquiétée une experte, se disant particulièrement préoccupée face aux risques de représailles encourues par le requérant d'asile ainsi confronté à ses autorités consulaires?

Relevant que c'est à l'Inspection générale de la police qu'il incombe de mener des enquêtes sur des mauvais traitements commis par des agents de la force publique, un expert a souhaité savoir s'il ne serait pas possible de confier de telles enquêtes à un organe qui ne fasse pas partie du système policier.

Les autorités luxembourgeoises ont-elles prévu une formation aux personnels concernés sur la base du Protocole d'Istanbul, a-t-il par ailleurs été demandé?

Un expert a fait part de son impatience de voir dans quelle mesure les modifications que le Luxembourg envisage d'apporter à sa législation s'agissant de la justice pour mineurs porteront leurs fruits.

Un autre membre du Comité a jugé excessivement réduite la taille de deux mètres carrés prévue pour les cellules d'attente.  Le placement en isolement à titre de punition pour une durée de 14 jours fait-il l'objet d'un examen, voire d'un réexamen régulier, a par ailleurs demandé l'expert?

Un autre membre du Comité s'est lui aussi enquis des possibilités de recours et de réexamen des décisions de placement en isolement.  Les autorités luxembourgeoises estiment-elles que suffisamment de ressources sont allouées au traitement des demandes de protection internationale; les personnes soumettant de telles demandes ne devraient pas être détenues, sauf au cas exceptionnel où elles représentent un danger pour la société, a souligné cet expert. 

Réponses de la délégation

La délégation a souligné que le Luxembourg avait une très longue tradition de participation de la société civile à la définition des politiques gouvernementales.  C'est le cas notamment pour tous les dossiers ayant trait aux droits de l'homme, y compris pour ce qui est de l'élaboration du présent rapport soumis au Comité.  Le Ministère des affaires étrangères et européennes est en train d'œuvrer à la mise en œuvre d'un mécanisme interministériel en matière de droits de l'homme afin de promouvoir une approche davantage stratégique de ces questions; dans ce contexte également, la société civile est appelée à prendre toute sa place, a par ailleurs fait valoir la délégation.

L'institution du Médiateur jouit d'un mandat très large, a ensuite expliqué la délégation.  Les avis et interventions de la Médiatrice sont connus du public grâce à un grand nombre de moyens, notamment par le biais de son site internet, a ajouté la délégation.

S'agissant du statut des mineurs, la délégation luxembourgeoise a rappelé que le pays ne disposait pas d'une loi pénale spécifique relative aux mineurs, mais d'une loi générale de protection des mineurs qui prévoit que les délinquants mineurs ne seront pas jugés mais feront l'objet d'une mesure de placement décidée par un juge des mineurs.  Dans quelques cas exceptionnels, la législation prévoit que le mineur de plus de 16 ans soupçonné d'avoir commis une infraction peut être déféré devant la juridiction ordinaire; mais cela n'est arrivé que très rarement – une fois dans les années 1970, puis deux fois plus récemment mais sans que cela n'ait été suivi d'un jugement.  Un projet de loi portant réforme pénitentiaire que le Gouvernement a proposé envisage d'interdire définitivement le placement d'un mineur dans l'enceinte de la prison pour adultes, a ensuite annoncé la délégation.

Le Gouvernement a mis en place, fin 2014, une commission regroupant divers acteurs, dont des hauts fonctionnaires du Ministère de l'éducation et du Ministère de la justice, ainsi que des représentants de la magistrature, du mécanisme national de prévention de la torture (contrôleur externe des lieux privatifs de liberté) et de la société civile, a poursuivi la délégation.  Cette commission, qui jusqu'à présent s'est réunie deux fois, constitue un groupe de réflexion orienté vers les changements à apporter à l'unité de sécurité pour l'enfermement des mineurs et à l'actuelle législation relative à la protection de la jeunesse, afin de remédier à l'absence d'une législation particulière sur l'administration de la justice pour mineurs.

La délégation a ensuite rappelé qu'un premier projet de loi portant réforme pénitentiaire avait été déposé une première fois au Parlement en 2012; après avoir été retravaillé, ce projet de loi va de nouveau être présenté au Parlement dans les semaines à venir, a-t-elle indiqué.  Ce projet s'accompagne d'un autre projet de loi portant réforme du système des peines, a ajouté la délégation.  La future loi redéfinira les procédures et les sanctions disciplinaires, abolira le régime disciplinaire strict et entend ériger la chambre d'application des peines en instance de recours contre toutes les décisions administratives prises à l'égard d'un détenu par un directeur d'établissement pénitentiaire, a expliqué la délégation.  La chambre d'application des peines sera créée près la cour d'appel du Luxembourg.  Le recours auprès de la chambre se fera après un premier recours gracieux auprès du Directeur de l'administration pénitentiaire, c'est-à-dire du supérieur direct du directeur de l'établissement pénitentiaire, a ajouté la délégation. 

Au nombre des mesures alternatives au placement en détention, le bracelet électronique est en usage depuis 2006 mais ne sera inscrit au code de conduite criminelle (procédure pénale) qu'après adoption du projet de loi sur l'exécution des peines, a par ailleurs indiqué la délégation.

S'agissant des questions d'immigration, la délégation a indiqué qu'en 2014, 153 cas de «retours forcés» avaient été enregistrés au Luxembourg contre 84 en 2013, le nombre de «reports à l'éloignement» ayant été de 15 en 2013 et de 13 en 2014.  Pour ce qui est des «sursis à l'éloignement», leur nombre s'établissait à 161 en 2013 et à 258 en 2014, a ajouté la délégation, précisant que les sursis à l'éloignement étaient liés à des raisons de santé ou à des raisons humanitaires.

Il est prévu qu'un règlement grand-ducal puisse déclarer un pays comme étant un «pays d'origine sûr» s'il est établi qu'il n'existe pas dans ce pays de persécutions au sens de la Convention de Genève, a par ailleurs indiqué la délégation.  Cette liste des pays d'origine sûr n'est pas immuable; des États peuvent en être retirés ou y être ajoutés, a-t-elle précisé.

«À ce jour, nous n'avons pas eu d'écho que les personnes retournées aient subi de traitement cruel, inhumain ou dégradant», a déclaré la délégation.

Le «demandeur de protection internationale ne saurait être retenu s'il n'y aucun risque pour l'ordre public», a poursuivi la délégation; mais des situations peuvent rendre nécessaire une rétention, conformément à la loi de 2008 sur l'immigration, notamment en cas de risque de fuite ou dans l'hypothèse où la personne concernée empêcherait ou entraverait le retour ou la procédure d'éloignement.  Les recours dans les cas de rétention relèvent des lois sur l'immigration et sur l'asile, a indiqué la délégation.

Pour les personnes qui refusent totalement de collaborer à leur retour (et qui ne font pas une demande de protection internationale), le seul moyen restant à disposition des autorités luxembourgeoises pour mener à bien le retour de ces personnes lorsqu'elles n'ont pas les papiers d'identité nécessaires pour retourner dans leur pays est de procéder à l'identification de ces personnes en collaboration avec les consulats des pays d'origine, a expliqué la délégation.

La délégation a appelé à distinguer, parmi les cellules où des personnes sont détenues aux mains de la police, les cellules d'attente et les cellules d'arrêt.  Les cellules d'attente, où les personnes sont détenues pour une durée très restreinte, ne disposent pas de toilettes intégrées, a reconnu la délégation, précisant que les gardiens sont néanmoins à l'écoute des demandes des individus placés dans ces cellules.  Les cellules d'arrêt, dans lesquelles les personnes peuvent passer au maximum une nuit, ne sont pas équipées de matelas mais seulement d'une couverture, a poursuivi la délégation; cette décision est motivée par des considérations d'hygiène car ces cellules sont souvent souillées par des personnes arrêtées pour une nuit en état d'ébriété avancée, a-t-elle expliqué.

S'agissant du cas d'un mineur originaire d'Éthiopie qui aurait fait l'objet d'un usage excessif de la force lors de son arrestation, la délégation a indiqué que le mécanisme national de prévention était parvenu à la conclusion que dans le cas d'espèce, l'usage de la force était proportionné, le mineur concerné ayant dû être maîtrisé par la police après avoir cassé du mobilier et blessé une personne dans un débit de boisson public.

La législation en vigueur prévoit dans un règlement administratif grand-ducal plusieurs formes de placement en isolement, dont la première est le régime cellulaire strict, régulièrement critiqué par le Comité et par le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe, a d'autre part indiqué la délégation.  Ce régime cellulaire strict peut être appliqué aux détenus réputés dangereux, sous réserve que ces derniers aient été en mesure de faire valoir leur point de vue, aient été informés des motifs de leur placement et que ce placement fasse l'objet d'un réexamen tous les trois mois.  Le placement en régime cellulaire strict peut être appliqué pour une durée maximale de 6 mois, voire de 12 mois en cas de récidive dans les trois ans, a précisé la délégation.  Dans la pratique, a-t-elle fait valoir, il n'y a plus eu depuis juin 2011 de placement en régime cellulaire strict et ce régime sera aboli dès adoption du projet de loi portant réforme pénitentiaire.

Un deuxième type de placement en isolement se fait à titre de sanction disciplinaire et renvoie aux «cellules de punition», où la personne peut être maintenue pour une durée maximale de trente jours, a poursuivi la délégation.  Dans la pratique, a-t-elle souligné, le Luxembourg s'est aligné sur les normes du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe qui demande de limiter ce type de placement en isolement à un maximum de 14 jours.  Ainsi, depuis 2012, aucun placement en isolement n'a dépassé les 14 jours – durée maximale qui sera aussi introduite dans la loi portant réforme pénitentiaire, a indiqué la délégation.  Cette dernière loi interdira en outre le placement en isolement des femmes enceintes ou accompagnées de mineurs, a-t-elle précisé.  Le placement en cellule de punition, pour une durée allant de un à quatorze jours, a été prononcé 56 fois en 2013, 50 fois en 2014 et onze fois pour cette année, a précisé la délégation. 

Il existe un troisième cas de placement en isolement, occasionnel et de courte durée, en cas d'incident violent; la personne peut alors être placée dans une cellule antivandalisme, sans mobilier, et la durée du séjour dans une telle cellule sera au maximum de 24 heures, prorogeables, a expliqué la délégation.

Enfin, un dernier type de placement en isolement a trait au placement dans une cellule surveillée pour raisons de santé, placement qui ne peut se faire que sur ordre d'un médecin, a ajouté la délégation. 

S'agissant du principe de l'opportunité des poursuites, la délégation a souligné que ce principe était fermement établi dans le droit luxembourgeois; en effet, «le Procureur a le droit de décider de l'opportunité des poursuites», a-t-elle rappelé.  Alors que les experts membres du Comité estiment que ce principe ne devrait pas s'appliquer dans les cas d'allégations ou plaintes de torture, le Luxembourg, pour sa part, a toujours considéré que ce principe devait être maintenu en toute matière puisqu'il existe de toute façon des garanties supplémentaires, parmi lesquelles le pouvoir d'injonction qu'à le procureur général sur le procureur, ce dernier n'ayant alors pas le droit de refuser l'injonction de poursuivre qui lui serait faite par le procureur général, a expliqué la délégation.  En outre, chaque citoyen peut déposer sa plainte personnellement et directement au juge d'instruction, a fait valoir la délégation.  Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme est la dernière juridiction pouvant être saisie si une plainte était restée sans suite, a-t-elle ajouté.

Le Luxembourg ne prévoit pas de circonstance aggravante pour la motivation raciale d'un crime, a en outre indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Luxembourg est un pays de tradition moniste pour ce qui est de l'application des traités internationaux ratifiés par le pays.




La délégation a indiqué que le site internet de la Médiatrice propose un formulaire de requête qui peut être rempli en ligne ou bien être imprimé puis envoyé par courrier.  Les requêtes peuvent être adressées par écrit ou oralement directement à la Médiatrice ou par l'intermédiaire d'un membre de la Chambre des députés, a ajouté la délégation.

Lorsqu'elle affirmait que les deux projets de loi portant réforme de l'exécution des peines et réforme de l'administration pénitentiaire restaient insuffisants au regard des normes internationales, la Médiatrice faisait référence aux projets initiaux déposées en décembre 2012; mais ces projets ont depuis été révisés, a souligné la délégation.

Les mutilations génitales féminines sont interdites et constituent une infraction pénale au Luxembourg, a par ailleurs indiqué la délégation.

Les personnes placées en isolement, y compris à titre de sanction disciplinaire, font l'objet d'une visite quotidienne d'un médecin; le médecin est informé immédiatement d'un placement en isolement sous quelque forme que ce soit et il doit examiner le détenu aussi rapidement que possible, a indiqué la délégation.  Si un médecin n'est pas disponible immédiatement, c'est un infirmier qui effectuera cette visite et téléphonera au médecin pour lui en rendre compte, a-t-elle expliqué. 

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur la loi relative au traitement des patients en psychiatrie.

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