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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur le droit à l'alimentation et sur le droit au logement

09 Mars 2015

APRES MIDI

9 mars 2015

Le Ministre finlandais des affaires étrangères fait une déclaration, au nom du Mexique et de 97 autres États, à l'occasion de la Journée internationale de la femme (8 mars)

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, ce matin, des rapports présentés par Mme Hilal Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation, et par Mme Leilani Farha, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable. Le Conseil a aussi entendu une déclaration de M. Erkki Tuomioja, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, au nom du Mexique et de nombreux autres États, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée dimanche et qui a également fait l'objet de déclarations ce matin.

Le Ministre finlandais a notamment souligné que l'autonomisation des femmes et des filles devrait figurer au nombre des objectifs de développement appelés à remplacer les objectifs du Millénaire et que la Journée internationale de la femme doit rappeler qu'il faut agir «pour que le potentiel de chaque femme et de chaque fille soit pleinement réalisé et respecté dans nos sociétés».

Présentant son premier rapport annuel en tant que Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation, Mme Elver a indiqué qu'il portait sur les obstacles rencontrés par les personnes qui entendent obtenir réparation pour des violations de ce droit fondamental. Le rapport traite aussi des obstacles qui s'opposent encore aux progrès des États pour donner un effet juridique réel au droit à l'alimentation. Mme Elver, a toutefois qualifié l'adoption en 2013 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel de «progrès majeur en matière de protection des droits de l'homme». Toutefois, l'application du droit à l'alimentation dépend aussi d'une volonté politique forte de la part des États, a insisté la Rapporteuse spéciale : ils doivent en particulier informer les populations de leur droit en matière d'alimentation et simplifier la charge de la preuve pour les personnes qui se plaignent d'une violation de ce droit de l'homme.

Parmi les délégations 1 qui ont participé au débat interactif avec Mme Elver, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a constaté qu'un nombre croissant d'États se montraient disposés à inscrire le droit à l'alimentation dans leur constitution. Plusieurs pays ont mis en avant leurs propres efforts pour juguler la faim et la malnutrition et signalé à cet égard la persistance de difficultés tenant généralement à la cherté des denrées alimentaires, à la faible mécanisation de l'agriculture, à l'impact du changement climatique, notamment. Des organisations non gouvernementales ont notamment plaidé pour une meilleure protection des petits paysans, qui représentent une majorité des personnes souffrant de la faim.

Le premier rapport de Mme Farha porte sur l'échelon local et des autres échelons infranationaux d'administration en matière de droit à un logement convenable et examine comment ils peuvent participer pleinement à la réalisation de ce droit. La Rapporteuse spéciale a relevé que la tendance générale à la décentralisation, combinée à une urbanisation galopante et à la grande mobilité des populations, oblige désormais les gouvernements locaux à prendre des mesures qui permettent une réalisation progressive du droit à un logement convenable. Mais les ressources pour ce faire manquent toujours aux gouvernements locaux, de même qu'ils restent souvent insuffisamment informés des obligations qui sont les leurs au titre des instruments du droit international ratifiés par les États.

Parmi les intervenants 2 dans le débat interactif, de nombreuses délégations ont demandé à Mme Farha de quelle manière la coopération internationale pouvait aider les États à déléguer aux autorités locales la réalisation du droit au logement. L'experte a été priée de faire des propositions pour la mise au point de normes en matière de participation des collectivités locales. Il a également été souligné que les droits économiques, sociaux et culturels, «davantage que de simples aspirations, sont les conditions nécessaires de la stabilité de l'ordre démocratique».

Le Conseil abordera en fin d'après-midi l'examen de rapports présentés par les Rapporteurs spéciaux sur la torture et sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

Droit à l'alimentation; droit à un logement convenable

Présentation de rapports

MME HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation, a indiqué que ce premier rapport depuis qu'elle a été nommée à ce poste portait sur les obstacles rencontrés par les victimes pour obtenir réparation de violations de leur droit à l'alimentation. La Rapporteuse spéciale a analysé le cadre juridique international en vigueur et trouvé des exemples de pratiques optimales pour encourager les États à adopter les mesures juridiques nécessaires, conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le rapport traite en outre des obligations extraterritoriales des États en matière de droit à l'alimentation.

Le rapport montre quels sont les obstacles que les États rencontrent encore pour donner effet au droit à l'alimentation sur le plan juridique. Mme Elver a souligné que la réticence des États à reconnaître la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels avait fortement contribué à la méconnaissance de ces droits. Heureusement, l'adoption en 2013 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui donne la possibilité de saisir le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de plaintes individuelles, est intervenue comme l'un des progrès majeurs en matière de protection des droits de l'homme. Conçu pour compléter les systèmes de justice nationaux, le Protocole facultatif devrait jouer un rôle important dans l'application du droit à l'alimentation au niveau international et national, a estimé la Rapporteuse spéciale.

Mais l'application du droit à l'alimentation dépend aussi d'une volonté politique forte de la part des États, a insisté Mme Elver. Les États doivent en particulier informer les populations de leurs droits en matière d'alimentation et simplifier la charge de la preuve pour les personnes qui se plaignent d'une violation de ce droit de l'homme. Dans un contexte où le marché agro-alimentaire est dominé par un nombre restreint de grandes sociétés internationales, les États doivent également veiller à ce que ces entreprises respectent effectivement les droits de l'homme dans toutes leurs activités, y compris à l'étranger.

Mme Elver a relevé que les États devaient tous – à titre individuel et collectivement, par le biais de la coopération internationale – appliquer des politiques alimentaires durables et, par le biais du commerce et de l'investissement internationaux, faire le nécessaire pour répondre aux besoins alimentaires fondamentaux de leurs populations. La communauté internationale doit quant à elle apporter une aide humanitaire immédiate dans les régions en conflit, notamment dans les camps de réfugiés en Afrique et au Moyen Orient. Il s'agit là de l'aide la plus directe que l'on puisse apporter aux nombreux enfants et femmes qui souffrent actuellement de la faim et de la malnutrition, a insisté la Rapporteuse spéciale.

Le Conseil est saisi du rapport sur le droit à l'alimentation (A/HRC/28/65), intitulé «Accès à la justice et droit à l'alimentation: la marche à suivre»

MME LEILANI FARHA, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, s'est dite préoccupée par le fossé qui s'accroît entre les différentes normes adoptées dans le cadre du logement convenable et la réalité. Il y a de par le monde des millions de sans-abri, de gens qui risquent des expulsions, qui n'ont pas de bail ou n'ont pas accès à l'eau potable dans leur logement. La responsabilité des gouvernements locaux est mise en cause, a dit la Rapporteuse spéciale, qui a souligné que, parfois, ces gouvernements n'avaient pas connaissance de leurs obligations internationales, en raison notamment des différentes strates d'autorités qui peuvent intervenir. Très souvent les instances des droits de l'homme ne se sont pas manifestées auprès des centres de décision, a déclaré Mme Fahra, qui a dit avoir observé que le Conseil discutait le plus souvent avec les autorités centrales et que «plus un gouvernement est local, plus il est éloigné de Genève».

Or, le droit au logement convenable ne peut être mis en place sans la participation des autorités locales, a affirmé Mme Fahra, pour qui elles sont un acteur essentiel. Pour faciliter la réalisation de ce droit, la Rapporteuse spéciale préconise une décentralisation effective, qui permettrait selon elle de transférer les ressources suffisantes d'un niveau de gouvernement à un autre. Il faudrait également une opérationnalisation des obligations redditionnelles, afin de garantir des moyens de recours aux populations, a-t-elle plaidé.

Le Conseil est saisi du rapport sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, (A/HRC/28/62). Ce premier rapport de Mme Fahra porte sur le rôle de l'échelon local et des autres échelons infranationaux d'administration en matière de droit à un logement convenable et examine comment ils peuvent participer pleinement à la réalisation de ce droit.

Interventions sur le droit à l'alimentation

La Chine a déclaré que le droit universel à l'alimentation constituait le droit le plus fondamental qui soit, elle-même en ayant fait une priorité absolue. La Chine, avec seulement 7% des terres agricoles, réussit à nourrir 22% de la population mondiale. Elle est disposée à partager son expérience et ses connaissances en la matière. L'Indonésie a dit prendre note de la recommandation de faire du droit à l'alimentation un droit opposable. Pour l'Algérie, les États développés ont le devoir d'assumer leurs responsabilités en vue de s'attaquer à la pauvreté et à la faim, au-delà de leur frontière nationale, à travers la coopération et l'aide au développement. Dans ce contexte, l'Algérie aimerait savoir quelle seraient les retombées possibles d'une saisine de la Cour internationale de justice pour un avis consultatif sur cette question.

Le Luxembourg a estimé que l'objectif de parvenir au droit à l'alimentation pour tous était réalisable. Son représentant a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles seraient ses pistes de réflexion pour permettre aux populations les plus défavorisées ou marginalisées d'accéder pleinement à leurs droits. L'Inde a dit appuyer le Rapporteur spécial s'agissant de la nécessité d'une coopération internationale pour la mise en œuvre du droit à l'alimentation. La Serbie partage le point de vue de la Rapporteuse spéciale pour considérer le droit à l'alimentation comme un droit fondamental. La Turquie a indiqué qu'en tant que présidente du G20 cette année, elle aurait pour priorité la mise en œuvre du Cadre stratégique mondial pour la sécurité alimentaire et la nutrition.

La Norvège a souhaité savoir quelles synergies potentielles la Rapporteuse spéciale envisageait en matière de mise en œuvre du droit à l'alimentation. L'Irlande a demandé à la Rapporteuse spéciale de donner des exemples concrets sur la façon dont la coopération internationale pourrait contribuer à assurer l'autonomisation des femmes en œuvrant dans l'amélioration de l'accès au droit à l'alimentation. Le Portugal a souhaité savoir des deux rapporteurs comment ils voyaient le futur programme de développement pour l'après-2015, et les recommandations qu'ils pourraient faire aux négociateurs en matière de logement et d'alimentation.

Cuba a déclaré que, lors de cette session, il présenterait de nouveau son traditionnel projet de résolution au sujet du droit à l'alimentation et a souligné la nécessité de renforcer la solidarité internationale dans la lutte contre la faim. Il a appelé à l'abrogation des lois extraterritoriales ayant des conséquences néfastes sur ce droit. La France a dit sa conviction que le meilleur moyen pour parvenir au plein respect du droit à l'alimentation n'était pas de multiplier les recours et les voies juridictionnelles mais de renforcer l'action collective en faveur de la sécurité alimentaire. Elle juge nécessaire d'améliorer la «gouvernance mondiale de l'alimentation».

L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a souligné le fait qu'un nombre croissant d'États se montraient disposés à inscrire le droit à l'alimentation dans leur constitution, selon une approche fondée sur les droits de l'homme et des objectifs dans la législation. À cet égard, l'Égypte a souligné que sa constitution était la première loi fondamentale de la région arabe établissant le droit à l'alimentation et la responsabilité de l'État dans ce domaine.

La Bolivie a elle aussi inscrit dans sa nouvelle constitution le droit à l'alimentation comme constituant un droit fondamental. Elle a fait part de son inquiétude en lisant dans le rapport de la Rapporteuse spéciale qu'une dizaine d'entreprises contrôlaient les semences commerciales dans le monde. Elle estime que les droits économiques, sociaux et culturels sont plus que de simples aspirations, ce sont des conditions nécessaires pour la stabilité de l'ordre démocratique, le pouvoir économique devant être soumis au contrôle démocratique. Le Paraguay a expliqué que le droit à l'alimentation était essentiel et qu'il avait été inscrit dans la Constitution, tout en reconnaissant que, si le pays a beaucoup progressé, il reste néanmoins beaucoup à faire.

Le Venezuela aussi a réduit la faim et réalisé avant l'heure les objectifs du Millénaire pour le développement relatifs à l'alimentation, et rappelé qu'il avait été félicité par la FAO pour ses résultats. El Salvador, qui n'a pas encore obtenu d'aussi bons résultats, a dit avoir entamé une modification constitutionnelle qui va intégrer le droit à l'alimentation mais a fait remarquer que l'extrême volatilité des prix avait des conséquences sur les petits États, les empêchant parfois de remplir leurs obligations. Le Brésil a mis l'accent sur la baisse de nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le pays, attribuant cette avancée à institutionnalisation de la sécurité alimentaire, appuyée par un soutien financier et politique.

La Namibie a expliqué que les droits économiques, sociaux et culturels étaient pris en compte par sa constitution, ajoutant que ses autorités considèrent que l'amélioration de la situation alimentaire repose fondamentalement sur l'augmentation de la productivité.

La Sierra Leone a déclaré que l'épidémie de virus Ébola avait exacerbé la crise alimentaire dans le pays, notamment avec une flambée des prix. Un retour à la normale exige une aide de la communauté internationale. Le Burkina Faso a mis en avant ses efforts pour juguler la faim et la malnutrition, qui ont permis d'accroître la production céréalière de plus de 15% en 2014 par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes agricoles. Pourtant, malgré ces efforts, on souffre encore de la faim à cause de la pauvreté des sols, de la faible mécanisation et l'impact du changement climatique.

Le Niger a indiqué que pour faire face aux crises alimentaires son gouvernement avait mis en place un «Dispositif national de prévention et de gestion des catastrophes et des crises alimentaires. Ce dispositif a permis de faire face aux déficits alimentaires et aux conséquences des inondations. Malgré le peu de moyens disponibles, le Togo a souligné qu'il s'efforçait de garantir à tous ses citoyens un accès durable à l'alimentation. En 2012, il a lancé son programme national d'investissement agricole et de sécurité alimentaire sur une période de cinq ans qui a permis d'enregistrer des excédents agricoles.

La Thaïlande a souligné l'importance de l'introduction de nouvelles technologies agricoles. Son représentant a mentionné les mesures prises par son gouvernement dont la fourniture de repas à l'école. L'Arabie saoudite a indiqué avoir porté son budget destinés à l'agriculture à 6,6 milliards de dollars et contribué à hauteur d'un milliard de dollars au Programme alimentaire mondial. Grace à la stratégie de lutte contre la malnutrition protéino-énergétique, le Maroc a réduit la mortalité infantile de l'ordre de 49% en période néonatale et de 75% en période juvénile.

Le Bangladesh a déclaré que la propriété intellectuelle ne pouvait être invoquée pour empêcher l'accès aux semences. Il estime par ailleurs que les États ne doivent pas imposer de sanctions ou empêcher le commerce de denrées alimentaires au risque de violer le droit à l'alimentation.

En ce qui concerne les organisations non gouvernementales, l'International Buddhist Relief Organisation a rappelé qu'un droit n'était pas un droit s'il n'était pas appliqué et si les personnes ne pouvaient le faire valoir et a relevé que la Banque mondiale estimait que l'Inde était le pays comptant le plus grand nombre d'enfants souffrant de malnutrition. Franciscain international a souligné la précarité de la situation de certaines populations de l'Inde, les adivasi et les migrants en particulier. Son représentant a critiqué le fait que le système de distribution public de nourriture ait été remplacé récemment par des allocations en argent.

Le Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers a souligné que la participation des petits agriculteurs était la condition préalable pour qu'ils puissent faire entendre leurs droits. La variété de leurs pratiques pour répondre aux conditions locales est menacée, a mis en garde cette ONG. ONG Hope International a estimé que 25 000 personnes, dont 16 000 enfants mouraient chaque jour de faim dans le monde, soit une personne toutes les six secondes. Elle a déploré qu'à aucun moment la Rapporteuse spéciale ne parle de formation, d'apports de techniques agricoles, d'accès à l'eau et à l'énergie, de droit à la terre. Elle a déploré en outre qu'elle se satisfasse du fait que les victimes de sous-alimentation aient désormais les moyens de porter plainte.

Le Conseil indien d'Amérique du Sud a dénoncé la violation du droit à l'autodétermination des populations de l'Alaska et d'Hawaï, ainsi que de leur droit à exploiter leurs ressources. Il proteste contre l'occupation et l'annexion illégales de ces territoires. Il revendique, aux côtés de ce droit, celui à l'alimentation traditionnelle, en tant que droit à la subsistance. La Al-khoei Foundation a souligné que les Turkmènes étaient le troisième groupe ethnique d'Iraq après les Arabes et les Kurdes. Elle a exhorté la communauté internationale à soutenir la revendication de cette population à voir respecter ses droits économiques, sociaux et culturels. Badil Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights a évoqué l'occupation militaire de la Cisjordanie, soulignant les conditions régnant dans la zone C où les habitants subissent des atteintes à leurs droits, de la part de l'armée et des colons.

Action Canada pour la population et le développement a constaté que, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture plus de 800 millions de personnes n'avaient pas accès à une alimentation suffisante alors que l'on sait qu'il y a suffisamment de ressources pour nourrir tout le monde. Le Centre Europe – Tiers-Monde a souligné que la Rapporteuse spéciale avait raison d'insister sur la ratification large du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a relevé par ailleurs que 80% des personnes affamées ou mal nourries vivaient à la campagne, la moitié d'entre elles étant des paysans. La Fédération luthérienne mondiale a jugé insupportable qu'un milliard de personnes souffrent de malnutrition grave alors que la planète produit suffisamment pour nourrir tout le monde. Elle recommande de donner la priorité à l'accès à la terre.

L'International Youth and Student Movement for the United Nations a qualifié de particulièrement importantes les obligations extraterritoriales des États soulignées par la Rapporteuse spéciale. Comment les États peuvent-ils aider les victimes à se plaindre en justice, lorsque la source de violation est externe? Pour le droit à se nourrir – FIAN s'est félicitée de l'attention portée par la Rapporteuse spéciale sur les sociétés transnationales, dont les activités ont souvent des effets néfastes sur la réalisation du droit à l'alimentation et à la nutrition. Le passé a montré la limitation des approches volontaires, a-t-elle noté.

Interventions sur le droit au logement

L'Afrique du Sud s'est dite acquise à l'approche globale en ce qui concerne la réalisation de droit au logement à tous les niveaux, national, local voire municipal. Pour parvenir à cet objectif, il faut autonomiser les collectivités locales, a plaidé l'Indonésie. L'Égypte a souhaité savoir de Mme Farha de quelle manière la coopération internationale pouvait soutenir la délégation des États à leurs autorités locales dans la réalisation du droit au logement. Cuba a demandé à la Rapporteuse spéciale comment elle évaluait l'importance de la coopération internationale comme manière d'appuyer les efforts des pays en développement dans la construction de logements dignes. Comment voit-elle le programme de développement pour l'après-2015 à cet égard?

La Sierra Leone a déclaré que la participation des gouvernements dans la réalisation du droit au logement locaux ne pouvait se faire sans des ressources financières suffisantes. Elle a indiqué que la municipalité de Freetown, capitale du pays, qui a dû faire face à un afflux de réfugiés à cause de l'épidémie d'Ébola, n'avait pas les moyens de répondre aux besoins en logement de ces personnes. Le Togo a souligné qu'à ce stade, la mise en œuvre du droit au logement incombait aux autorités nationales en attendant l'effectivité de la décentralisation. Une politique nationale de l'habitat et du développement urbain a été validée en octobre dernier.

Le Portugal a souhaité savoir de Mme Farha quelles propositions elle faisait sur la mise au point de normes en matière de participation des collectivités locales, ainsi qu'elle le propose dans son rapport. La France a expliqué avoir renforcé son arsenal législatif en prenant des mesures pour l'accès au logement et un urbanisme rénové qui vise notamment à lutter contre l'habitat indigne. Elle a souligné l'importance d'une participation active des autorités locales pour la mise en œuvre effective du droit au logement convenable. L'Allemagne a déclaré que le mandat de Mme Farha jouait un rôle essentiel pour faire prendre conscience aux parties concernées de leurs obligations en matière de logement. Elle a demandé à l'experte de citer des pratiques optimales s'agissant plus particulièrement de la prise de conscience des autorités locales de leur obligation d'agir et de tisser des liens étroits avec la société civile dans ce cadre.

La Finlande, qui a souligné l'importance du logement locatif dans ce pays, a souligné que, dans un monde de plus en plus urbanisé, le développement de villes durables était fondamental. La Suède est convaincue que le droit au logement est lié à d'autres droits, ainsi que le souligne la Rapporteuse spéciale. En effet, les personnes mal logées sont souvent les plus marginalisées de la société.

La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a souligné son rôle pour faire avancer le cadre législatif, constatant que les gouvernements centraux et locaux faisaient face à de grandes difficultés pour loger tout un chacun. Ce sont les logements informels qui regroupent les personnes les plus vulnérables, note la Fédération, qui s'est félicitée de l'accent mis par la Rapporteuse spéciale sur le rôle des collectivités locales dans la réalisation du droit à un logement convenable.

L'Inde a indiqué que la ville de Mumbai avait décidé de refuser des autorisations de construction à tous les promoteurs immobiliers qui pratiquent des discriminations envers les locataires ou les acheteurs dans le but de renforcer l'obligation redditionnelle des entreprises. Le Mexique a pour sa part mis en place un plan national du logement qui assure une meilleure coordination interministérielle.

La Chine a indiqué que plus de sept millions de logements sociaux avaient été construits en en 2014 dont plus de quatre millions au bénéfice des occupants de logements précaires ou insalubres. Le Qatar ont mis en avant les mesures prises sur leur territoire par la mise à la disposition de terrains gratuits, ainsi que des infrastructures essentielles à la viabilisation, ou en facilitant l'octroi de prêts à taux zéro. La Thaïlande a indiqué que ses lois et règlements garantissaient l'accès à un logement décent. Le Paraguay a souligné que le renforcement de ce droit était essentiel, raison pour laquelle il figure en bonne place dans le Programme national de développement.

L'Éthiopie a déclaré avoir adopté un programme de logement pour les pauvres voici plus de dix ans. Le programme vise les personnes pauvres vivant dans la capitale - 100 000 logements ont été mis à disposition depuis cinq ans, dont un quart pour les femmes. Addis Abeba a aussi pris des mesures permettant de fermer 60% de ses taudis et de créer plus de 500 000 emplois pour les citadins. La Malaisie a dit avoir lancé une politique de logement convenable. L'Arabie saoudite a pour sa part construit plus de 500. 000 logements sociaux et accru ses aides en faveur de la construction de logement privés.

La République islamique d'Iran a également investi massivement dans le logement, notamment dans la rénovation des vieux logements qui reçoit la moitié des ressources. Le Gouvernement appuie également les familles défavorisées et à bas revenus à travers le programme Maska Mehr, a encore déclaré le représentant. En Algérie, les logements sont financés sur fonds public ainsi entre 1999 et 2011, plus de deux millions de logements ont été construits, a indiqué le représentant. Quant au Maroc, il a lancé en 2004 le programme ville sans bidonvilles qui concerne actuellement 376 000 ménages. Le gouvernement construit par ailleurs quatre villes nouvelles qui contribueront à créer des pôles urbains relais situés près des grandes villes et qui répondent aux différents besoins exprimées par les populations, a indiqué son représentant.

S'agissant des organisations non gouvernementales, la Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights a estimé essentiel de lier les niveaux local et international pour la pleine réalisation du droit de millions de personnes à un logement convenable. La Maarij Foundation for Peace and Development a souligné que l'une des avancées les plus significatives de ces dernières années avait été la reconnaissance que tous les aspects du droit à un logement convenable étaient opposables et que toutes les victimes de violations devaient avoir accès à la justice. Human Rights Advocates a dénoncé pour sa part les retombées désastreuses pour les habitants concernés des méga-événements tels que les Jeux olympiques ou la coupe du monde de football. Les évictions forcées sont monnaie courante sans que les victimes aient la possibilité de revenir une fois l'événement terminé. Des organisations telles que la FIFA (Fédération internationale de football association) ont une responsabilité à cet égard.

Réponses et conclusions des Rapporteuses spéciales

MME ELVER s'est dite satisfaite des réactions positives des intervenants et du fait que l'alimentation soit désormais considérée comme un droit fondamental dans de nombreux pays. La Rapporteuse spéciale a constaté, avec certaines délégations, que les effets négatifs du changement climatique menacent l'activité agricole. Elle a aussi mis en évidence les grandes difficultés rencontrées par de nombreux pays face au prix très élevés des denrées alimentaires depuis 2007. La communauté internationale n'a malheureusement pas apporté de réponse adéquate aux problèmes de la spéculation sur les prix, a regretté Mme Elver. Elle a par ailleurs relevé que les principes des droits de l'homme, définis dans années 1940, ne pouvaient prévoir l'influence qu'allaient prendre les entreprises transnationales, influence qui oblige la communauté internationale de prendre des mesures juridiques pour contrôler les effets de leurs activités sur la jouissance du droit à l'alimentation, en particulier. Les pays développés devraient se préoccuper davantage de ce problème, a estimé la Rapporteuse spéciale. Elle a demandé à tous les États de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, afin de faire du droit à l'alimentation un droit «opposable». Mme Elver a enfin recommandé aux pays de se pencher sur les conséquences de l'accaparement des terres sur l'exercice des droits fondamentaux des populations concernées.

Mme Elver a déclaré que la question de l'agriculture familiale ne faisait pas débat au sein de la communauté internationale. Ce sont les premiers pourvoyeurs de produits alimentaires, mais ils souffrent aussi de la faim. C'est pourquoi il faut s'assurer qu'ils aient accès à la terre et aux ressources pour qu'ils continuent d'apporter leur contribution. 2015 sera l'année de la terre, a dit la Rapporteuse spéciale, qui a également estimé que les objectifs de développement durable doivent prendre en compte la perspective droits de l'homme. Pour la Rapporteuse spéciale, la pauvreté est la raison principale de la faim. C'est pour cela qu'il faudra par exemple, dans le cadre des mesures de l'après Ébola, apporter un soutien aux populations touchées. Mais plus globalement, il faudra des mesures fortes, y compris la prise en compte des femmes qui souvent sont considérées comme des servantes. Pour ce faire, il faudra mettre l'accent sur l'éducation, en y incluant la société civile au non plus produire des discours non suivis d'action, a encore dit Mme Elver.

MME FARHA a noté que bien qu'elle n'ait pas la légitimité pour dire aux États comment ils devaient déléguer les responsabilités aux collectivités locales, elle notait que la Charte européenne des villes s'efforçait de définir les responsabilités de chaque niveau de gouvernement. S'agissant des questions sur la coopération technique, celle-ci doit se faire dans le respect des droits de l'homme et du droit à un logement convenable. Dans le système international des droits de l'homme, on voit de bons exemples tels que ceux permettant à des autorités locales de participer à des instances chargées des droits de l'homme. En effet, leur avis est particulièrement pertinent en matière de droit au logement, a souligné Mme Farha. S'agissant des ressources, l'application du droit au logement convenable n'est certes pas gratuite, et c'est à l'État de faire le maximum dans ce domaine. La Rapporteuse spéciale a évoqué la mise en place de certains mécanismes pour assurer ce droit, ce qui implique une communication permanente entre les différents niveaux de gouvernement. Elle a fait part de sa surprise face au nombre de villes qui s'engagent réellement en faveur des droits de l'homme et notamment du droit à un logement convenable afin qu'il soit mis en œuvre au niveau local.

Mme Farha s'est déclarée très préoccupée par la stigmatisation dont souffrent les marginalisés et les groupes vulnérables, notamment en matière de logement. La Rapporteuse spéciale a également expliqué que, dans les cas où le droit au logement convenable n'est pas assuré, les conséquences ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes. Ces dernières sont le cœur émotionnel des foyers, a-t-elle dit, plaidant pour que l'on porte une attention particulière aux femmes dans les cas d'expulsions ou de destruction de maisons. Mme Farah a également dit qu'elle avait observé de bonnes pratiques dans le cadre de la réalisation du droit au logement convenable par des collectivités territoriales, à différents échelons de l'administration et de gouvernement. Il ne faut pas faire de preuve de frilosité, mais au contraire être imaginatif. Il faut aider les collectivités locales, notamment celles qui cherchent à répondre aux besoins en logements convenables, a conclu la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable.

Déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme (8 mars)

M. ERKKI TUOMIOJA, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a déclaré, dans une déclaration conjointe avec le Mexique – au nom également de 97 autres États –, que 2015 marquait une étape importante pour l'égalité entre les sexes et la défense des droits des femmes. En effet, quarante ans après la première conférence sur les femmes de Mexico, vingt ans après la Déclaration et le programme d'action de Beijing, quinze ans après l'adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, il convient de faire un bilan des progrès accomplis et de recenser les lacunes dans la protection des droits des femmes.

Certes, depuis vingt ans, la scolarisation des filles a beaucoup progressé, a relevé le Ministre finlandais. Certes, il est démontré qu'«investir dans les femmes» constitue un investissement intelligent, comme le montre la contribution positive des femmes dans toutes les sphères de la société. Mais il reste que la discrimination contre les femmes et les filles est toujours profondément enracinée dans nos sociétés, comme en témoignent la persistance des mutilations génitales féminines, la traite des êtres humains, l'impunité des auteurs des violations des droits fondamentaux des femmes, a regretté M. Tuomioja.

Les femmes et les filles doivent être protégées contre toutes les discriminations, en particulier les discriminations multiples, a insisté le ministre, car on sait que le fait d'être une femme exacerbe d'autres formes de discrimination. L'autonomisation des femmes et des filles devrait figurer au nombre des objectifs de développement appelés à remplacer les objectifs du Millénaire. La Journée internationale de la femme doit nous rappeler qu'il faut agir pour que le potentiel de chaque femme et de chaque fille soit pleinement réalisé et respecté dans nos sociétés», a conclu M. Tuomioja.

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1 Délégations qui ont participé au débat interactif avec Mme Elver, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation: Chine, Indonésie, Algérie, Luxembourg, Inde, Serbie, Turquie, Norvège, Irlande, Portugal, Cuba, France, Organisation des Nations Unies pour alimentation et agriculture (FAO), Égypte, Bolivie, Paraguay, Venezuela, El Salvador, Brésil, Namibie, Sierra Leone, Burkina Faso, Niger, Togo, Thaïlande, Arabie saoudite, Maroc, Bangladesh, International Buddhist Relief Organisation, Franciscain international (au nom également de Center of Concern), Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers, ONG Hope International, Conseil indien d'Amérique du Sud, Al-khoei Foundation, Badil Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, Action Canada pour la population, Centre Europe – Tiers-Monde, Fédération luthérienne mondiale, Fédération luthérienne mondiale, Pour le droit à se nourrir – FIAN.

2 Délégations qui ont participé au débat interactif avec Mme Farha, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable: Afrique du Sud, Indonésie, Égypte, Cuba, Sierra Leone, Togo, Portugal, France, Allemagne, Finlande, Suède, Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Inde, Mexique, Chine, Qatar, Thaïlande, Paraguay, Éthiopie, Malaisie, Arabie saoudite, République islamique d'Iran, Algérie, Maroc, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, Maarij Foundation for Peace and Development, Human Rights Advocates.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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