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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport du Portugal

12 Novembre 2014

12 novembre 2014

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Portugal sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, M. Pedro Nuno Bártolo, Représentant permanent du Portugal auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué qu'au plan interne, la situation du Portugal est marquée par des difficultés économiques et financières qui l'ont obligé à adopter un programme d'austérité ayant une incidence très marquée au plan social et dans la réalisation des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, grâce aux efforts qu'il a consentis, personne, pas même dans les catégories vulnérables de la population, n'a été empêché, pendant l'application de ce programme d'austérité, de jouir des droits de l'homme selon les normes définies par les Nations Unies, le Gouvernement ayant accompagné les mesures d'austérité de dispositions destinées à en amoindrir l'impact social. Créé en 2011, le Programme d'urgence sociale a ainsi permis de soutenir les familles affectées par le chômage, l'endettement ainsi que le délitement du lien social et familial. La lutte contre le chômage – en particulier le chômage des jeunes, conséquence la plus visible de la crise – est une priorité pour les autorités portugaises. Le représentant a aussi fait valoir que le Service national de santé (SNS) qui fête cette année ses trente-cinq ans et qui assure à tous – y compris aux migrants clandestins – des soins essentiels de qualité et gratuits, est l'une des grandes réussites du Portugal ces dernières décennies. Des mesures ont aussi été prises dans le domaine de l'éducation universelle et gratuite et de la promotion de l'accès à Internet.

La délégation portugaise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des finances, du Ministère de la santé, du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'éducation et des sciences, du Ministère de la solidarité, de l'emploi et de la sécurité sociale, du Secrétariat d'État à la culture, du Haut-Commissariat aux migrations et de la Commission pour la citoyenneté et l'égalité des chances, ainsi que du Procureur général adjoint et du Président de la Commission nationale pour la protection de l'enfance. La délégation a répondu aux questions des membres du Comité concernant, entre autres, l'impact des mesures d'austérité liées à la crise, notamment du point de vue du chômage, de la pauvreté et des prestations sociales; la répression des châtiments corporels et de la violence domestique; l'intégration des immigrants; la situation des Roms; ainsi que les questions d'éducation et de santé.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Portugal, M. Zdzisław Kędzia, a estimé que globalement, depuis l'examen de son précédent rapport, le Portugal a enregistré des progrès impressionnants, tant au plan qualitatif que quantitatif, dans l'application des droits économiques, sociaux et culturels, même si des difficultés demeurent. Plusieurs experts ont estimé que le Portugal avait surmonté la crise de manière beaucoup plus positive que d'autres pays et qu'il avait su préserver nombre d'acquis sociaux garantis avant la crise. Un expert s'est toutefois dit étonné par la brutalité des mesures d'austérité adoptées par le Portugal. Un expert s'est enquis des raisons de la forte diminution du nombre des conventions collectives régissant les conditions de travail au Portugal, qui s'accompagne d'une progression concomitante des négociations salariales internes aux entreprises.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le Portugal, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 28 novembre prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Finlande (E/C.12/FIN/6).

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Portugal (E/C.12/PRT/4), M. PEDRO NUNO BÁRTOLO, Représentant permanent du Portugal auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que le pays était résolument engagé dans l'application du Pacte, auquel il a adhéré en 1978. Cet engagement se manifeste notamment par l'action du Portugal au niveau international: le pays est en effet l'un des principaux auteurs de deux résolutions du Conseil des droits de l'homme visant, l'une, la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et, l'autre, le droit à l'éducation, grâce à quoi a été créé en 1998 le premier mandat de Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation.

Au plan interne, a poursuivi M. Bártolo, la situation du Portugal est marquée par des difficultés économiques et financières qui l'ont obligé à adopter un programme d'austérité ayant une incidence très marquée au plan social et dans la réalisation des droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, le Portugal est en mesure d'affirmer que grâce aux efforts qu'il a consentis, personne, pas même dans les catégories vulnérables de la population, n'a été empêché, pendant l'application de ce programme d'austérité, de jouir des droits de l'homme selon les normes définies par les Nations Unies, a assuré le Représentant permanent. En effet, a-t-il ajouté, le Gouvernement n'a pas manqué d'accompagner les mesures d'austérité de dispositions destinées à en amoindrir l'impact social. Créé en 2011, le Programme d'urgence sociale a ainsi permis de soutenir les familles affectées par le chômage, l'endettement ainsi que le délitement du lien social et familial. L'une des mesures concrètes de ce programme consiste en une augmentation de 10% de la subvention accordée aux couples au chômage ainsi qu'aux familles monoparentales, a fait valoir M. Bártolo.

La lutte contre le chômage – en particulier le chômage des jeunes, conséquence la plus visible de la crise – est une priorité pour les autorités portugaises, a souligné le Représentant permanent. Des mesures ont donc été prises pour insérer les jeunes travailleurs et les seniors dans le marché du travail, pour renforcer les politiques d'emploi et améliorer les qualifications des employés. D'autre part, le Portugal a investi dans l'entrepreneuriat des femmes par le biais de la formation professionnelle, d'incitations financières (y compris le microcrédit), de la création de réseaux et d'échanges de bonnes pratiques. De plus, le Portugal s'est engagé à adapter régulièrement le montant des retraites et des prestations sociales, a ajouté M. Bártolo.

Une attention particulière est accordée aux mesures de promotion de la cohésion sociale et à l'intégration des enfants issus de milieux vulnérables, en particulier les enfants roms, a par ailleurs souligné le Représentant permanent du Portugal. D'une manière générale, a-t-il précisé, le secteur privé et le secteur public partagent la responsabilité de garantir que les enfants jouissent effectivement de la plénitude des droits – civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. Au niveau législatif, le Portugal s'est doté d'un système complet lui permettant de protéger et de promouvoir les droits des enfants – y compris les enfants de migrants, indépendamment de la situation de leurs parents – conformément aux dispositions et à l'esprit des instruments du droit international, a indiqué M. Bártolo. Les besoins de santé des jeunes sont couverts par un nouveau programme national entré en vigueur en 2013, a-t-il ajouté; ses priorités sont l'identification des enfants ayant des besoins particuliers et des enfants à risques ou très vulnérables ainsi que l'élimination des inégalités dans l'accès aux soins de santé, a-t-il précisé.

Le Service national de santé (SNS) fête cette année ses trente-cinq ans, a poursuivi M. Bártolo. Ce Service, qui assure à tous – y compris aux migrants clandestins – des soins essentiels de qualité et gratuits, est l'une des grandes réussites du Portugal ces dernières décennies, a-t-il fait valoir. Enfin, M. Bártolo a informé le Comité des mesures prises par son pays dans le domaine de l'éducation universelle et gratuite et de la promotion de l'accès à Internet. Il a conclu sa présentation en réitérant l'engagement du Portugal en faveur de la protection de la dignité humaine, de la promotion et la protection des droits de l'homme et de la défense de leur caractère universel et indivisible.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ZDZISŁAW KĘDZIA, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Portugal, a salué le rôle joué par ce pays pour faire adopter le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il a également remercié le Gouvernement portugais pour ses réponses franches aux questions écrites qui lui avaient été adressées par le Comité préalablement à l'examen du présent rapport. Le rapporteur a ensuite voulu savoir dans quelle mesure les organisations de la société civile portugaise avaient été consultées pour la préparation du rapport. Il s'est en outre enquis du suivi donné aux dernières recommandations du Comité. L'adoption par le Portugal d'un nombre important de programmes en faveur des droits de l'homme pose la question de l'opportunité d'adopter un plan unifié dans ce domaine, une démarche que justifierait la crise que traverse actuellement le pays. Cela étant, nombre des mesures décrites dans le rapport en faveur des catégories défavorisées pourraient être qualifiées de bonnes pratiques, a reconnu M. Kędzia. Reste à savoir si ces mesures seront maintenues une fois la crise surmontée, d'autant plus que la lecture des statistiques indique que, globalement, la pauvreté n'a pas reculé depuis la crise, a-t-il ajouté.

M. Kędzia a demandé à la délégation de décrire l'expérience du Portugal dans la mise au point d'indicateurs servant à mesurer les lacunes en termes de lutte contre la pauvreté et de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il a également demandé des précisions sur les conditions d'application des dispositions du Pacte et de la jurisprudence du Comité à ce sujet. L'expert a en outre voulu savoir si le «traitement national», mentionné dans le rapport (ndlr: paragraphe 8), se substitue à l'approche des droits de l'homme du traitement des ressortissants étrangers vivant au Portugal, ou si ces derniers peuvent bénéficier de prestations égales à celles qui sont accordées aux citoyens. Le rapporteur s'est enfin enquis de la raison du refus du Portugal de ratifier le douzième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, concernant l'interdiction générale de la discrimination.

Plusieurs experts ont souligné que le Portugal avait surmonté la crise de manière beaucoup plus positive que d'autres pays – notamment la Grèce – et qu'il avait su préserver nombre d'acquis sociaux garantis avant la crise. Un expert s'est toutefois dit étonné par la brutalité des mesures d'austérité adoptées par le Portugal et a voulu connaître les résultats du Programme d'urgence sociale adopté dans ce contexte. Ce même expert s'est enquis des mesures précises prises en faveur des Roms. Une experte a voulu savoir quelles mesures d'urgence avaient été prises pour soutenir les femmes, dont on sait qu'elles sont particulièrement vulnérables sur le plan économique durant les périodes de crise.

La délégation a par ailleurs été priée de communiquer les derniers chiffres concernant le chômage des jeunes – un phénomène qui suscite de vives préoccupations au sein du Comité – ainsi que concernant le chômage de longue durée. Des précisions ont également été demandées au sujet de l'efficacité des mesures d'insertion professionnelle de la jeunesse et de la reprise ou non, par le Portugal, des mesures préconisées à cet égard par l'Union européenne.

Un expert a relevé que le Comité des droits de l'homme avait, en 2012, pointé un manque de participation des femmes dans la fonction publique. Cet expert a par ailleurs souligné que malgré la crise, le Portugal reste un pays très développé, un statut qui l'oblige à accorder une aide pour le développement outre-mer. La délégation a donc été priée d'indiquer quelles ressources le Portugal consacre à l'aide publique du développement (APD) et quelle part de cette aide porte explicitement sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Un autre expert a salué la qualité du rapport, ainsi que les informations et statistiques complètes qu'il donne concernant, par exemple, l'action publique en faveur de l'accès à l'eau et au logement. L'expert a salué aussi la volonté affichée par le Portugal de dénombrer les sans-abri.

Un expert s'est interrogé sur les raisons de la forte diminution du nombre des conventions collectives régissant les conditions de travail au Portugal, ainsi que sur la progression concomitante des négociations salariales internes aux entreprises. D'autres questions ont porté sur l'évolution du salaire minimum réel et de l'indice IAS de protection sociale; sur les disparités entre bénéficiaires des prestations de retraite; sur la couverture sociale des travailleurs indépendants (qui représentent 17% de la population active); ainsi que sur l'incidence du travail informel.

Le nombre d'avortements, assez élevé au Portugal, pose la question de l'efficacité de l'éducation sexuelle, a souligné une experte. Celle-ci a demandé des précisions sur l'influence qu'a pu avoir sur les hommes la campagne nationale de sensibilisation contre les violences faites aux femmes.

Un expert a salué les initiatives de médiation interculturelle dans les services publics, destinées à faciliter l'intégration des Roms ou d'autres groupes de migrants.

D'autres questions ont porté sur les châtiments corporels dans la famille, l'accès des Roms au logement décent, les conditions d'octroi des aides à la propriété et l'accès des migrants sans papiers aux soins de base.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué qu'au Portugal, les organisations non gouvernementales sont invitées à participer à l'élaboration des rapports soumis aux organes de traités, même s'il est vrai qu'il n'existe pas encore de mécanisme formel pour encadrer cette collaboration avec la société civile. Ces organisations sont particulièrement actives dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté la délégation.

La délégation a cité trois exemples d'invocation des dispositions du Pacte par les tribunaux portugais, soulignant qu'il est toutefois plus fréquent que les tribunaux recourent aux nombreuses dispositions de la Constitution concernant les droits économiques, sociaux et culturels. Il n'en demeure pas moins que les observations des organes de traités des Nations Unies tiennent une place importante dans l'élaboration des politiques nationales, a assuré la délégation. Le suivi de l'application des observations desdits organes est encadré par des plans d'action sectoriels, a-t-elle précisé, avant d'ajouter que la Commission nationale des droits de l'homme, créée en 2010, coordonne tous ces efforts. Cette Commission prépare notamment un plan d'action annuel résumant les objectifs du Gouvernement en matière de droits de l'homme. La Commission nationale des droits de l'homme a procédé à une évaluation des premiers indicateurs statistiques demandés par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, portant sur les politiques d'éducation portugaises. L'intention des autorités était d'évaluer la qualité du système éducatif afin de l'améliorer par des mesures efficaces et de vérifier l'effectivité du droit à l'éducation, a expliqué la délégation. Des indicateurs similaires relatifs au système de santé sont en cours d'élaboration, a-t-elle indiqué.

La délégation a par ailleurs admis que le Portugal était quelque peu en retard dans le processus de ratification du Protocole n° 12 se rapportant à la Convention européenne des droits de l'homme (Protocole qui traite de l'interdiction générale de la discrimination). La discrimination est très clairement interdite par la Constitution portugaise, a toutefois souligné la délégation. Le principe de non-discrimination est énoncé dans différents textes juridiques, notamment dans le Code du travail, a-t-elle ajouté. En outre, le Portugal applique une directive de l'Union européenne relative à la lutte contre de nombreuses formes de discrimination.

Toute personne résidant au Portugal peut se prévaloir soit du droit interne, soit du droit international pour obtenir protection, a d'autre part fait valoir la délégation. Pour faciliter l'intégration des immigrants, les différentes administrations auxquelles ils doivent s'adresser sont regroupées au sein d'un seul et même bâtiment dont les locaux accueillent également des médiateurs et des représentants d'organisations d'immigrants. Ces «guichets uniques», dont la création est recommandée par l'Union européenne, sont évalués régulièrement – et très positivement – par les immigrants et par les fonctionnaires concernés, a fait valoir la délégation. La délégation a ensuite donné des précisions sur les programmes de médiation interculturelle déployés au Portugal. Ils ont pour objectifs d'établir des liens plus étroits entre les migrants et l'administration publique, a-t-elle précisé. Cent dix médiateurs, eux-mêmes issus des communautés immigrées – y compris de la communauté rom –, aident et représentent les migrants; ils sont aussi à l'œuvre au sein de la police des frontières, a indiqué la délégation.

Quant à l'action en faveur des Roms, elle est encadrée par une structure regroupant des représentants des associations roms, des municipalités et des organisations de la société civile, a poursuivi la délégation. Répondant à des questions sur l'accès des Roms au logement, la délégation a précisé que la communauté rom ne représente que 0,5% de la population mais 7% des bénéficiaires de logements sociaux. Les membres de la communauté rom ont les mêmes droits que les autres citoyens s'agissant de l'accès aux aides sociales pour couvrir les charges courantes (paiement des factures d'électricité, de gaz...), a souligné la délégation. Elle a rappelé que le Gouvernement a lancé en 2013 une stratégie d'intégration des Roms.

La crise économique a entraîné des expulsions forcées de familles incapables de régler l'hypothèque de leur bien immobilier, a confirmé la délégation. Les autorités ont introduit de nouvelles possibilités d'échelonnement du remboursement des emprunts hypothécaires, afin de laisser un répit aux familles endettées, jusqu'à 2020, a-t-elle indiqué.

La délégation a décrit le programme d'ajustement financier auquel le Portugal est soumis depuis 2011, précisant que ce programme est destiné à assurer la crédibilité du pays sur les marchés internationaux des capitaux. Il s'est donc agi de consolider le budget national afin d'assurer la stabilité financière, de réduire l'endettement et de pérenniser la croissance et donc l'emploi, a expliqué la délégation. Les mesures d'austérité seront allégées d'ici à 2015, a-t-elle assuré, faisant observer que les premiers signes d'amélioration sont d'ores et déjà perceptibles, notamment le recul du chômage (baisse de plus de 4 points de pourcentage en six mois). La question de l'équité de ces mesures d'austérité n'est pas tranchée, a ajouté la délégation.

Ces mesures d'austérité ont entraîné d'importantes difficultés sociales dont les effets ont été atténués par des mesures ciblées, a poursuivi la délégation. Le Programme d'urgence sociale a ainsi pour objectif de répondre aux besoins des personnes en situation difficile, a-t-elle indiqué. D'autres mesures parallèles ciblent explicitement les familles. Il n'a pas encore été procédé à une étude d'impact et on ne sait pas encore si le Programme sera poursuivi après le retour à la normale, a déclaré la délégation. Par contre, a-t-elle ajouté, le Gouvernement a prévu d'augmenter à court terme les fonds alloués au Programme d'urgence sociale. La délégation a confirmé que les femmes ont pâti plus que les hommes de la crise: c'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures rapides pour rétablir leur situation autant que possible.

Le taux de chômage a beaucoup progressé suite à la crise économique de 2008, a rappelé la délégation. Les jeunes âgés de 18 à 25 ans sont particulièrement touchés: 38% d'entre eux étaient sans emploi fin 2012, a-t-elle précisé. La situation s'est quelque peu redressée depuis, notamment grâce aux mesures d'encouragement à la création d'emploi prises par l'État. L'action publique ciblant spécifiquement les jeunes consiste en mesures visant à améliorer leur formation professionnelle et leur employabilité. Ces mesures ont été prolongées par l'adoption, en décembre dernier, d'un train de mesures préconisées par l'Union européenne pour favoriser l'emploi des jeunes, a ajouté la délégation.

Le travail à temps partiel a progressé ces dernières années: il représentait 13% des emplois au troisième trimestre 2014 et était involontaire dans 39% des cas, a par ailleurs indiqué la délégation.

Répondant à une question sur l'évolution de la pauvreté, la délégation a indiqué que les tendances depuis 2011 montrent une progression de la pauvreté chez les jeunes, surtout s'ils sont au chômage, ainsi que dans les familles ayant des enfants à charge. Dès 2009, les écarts de revenus au Portugal se sont creusés et les inégalités se sont encore aggravées depuis 2012. Le seuil de pauvreté auquel se réfèrent les autorités est celui défini par Eurostat, à savoir un revenu par adulte inférieur à 60% du revenu adulte médian, pendant une période donnée, a souligné la délégation.

Le salaire minimum a été revalorisé en 2011 (à 485 euros), gelé en 2012 et 2013 puis, au terme du programme d'ajustement en 2014, établi à 505 euros, a poursuivi la délégation. Une commission tripartite de concertation sociale sera chargée à l'avenir de déterminer les critères d'actualisation annuelle du salaire minimum, a-t-elle indiqué. Douze pour cent des salariés perçoivent le salaire minimum, a-t-elle précisé.

Le problème des travailleurs faussement indépendants a donné lieu à une plainte de l'Organisation internationale du travail, a d'autre part rappelé la délégation. Une campagne a été lancée en juin dernier contre ce phénomène, campagne axée sur l'élimination et la prévention du travail non déclaré. Plusieurs mesures de sensibilisation ont été prises en collaboration avec l'Inspection du travail, laquelle a réalisé, en 2013, quelque 41 000 visites.

Le calcul des pensions de retraite est basé sur le nombre d'années de cotisation et le niveau du salaire assuré, ce qui explique les écarts dans les pensions effectivement versées, a par ailleurs expliqué la délégation. Le régime tient toutefois compte d'autres périodes ouvrant droit à pension: congés maternité et périodes de chômage indemnisées, entre autres. En outre, des compléments de retraite peuvent être versés, a fait valoir la délégation, ajoutant qu'un rééquilibrage du montant des pensions devrait passer par des mesures de discrimination positive.

S'agissant de la conciliation de la vie privée et professionnelle, la délégation a indiqué que le Code du travail prévoit plusieurs prestations destinées aux travailleurs ayant des enfants, valables dans le secteur privé comme dans le secteur public. Les parents ont ainsi le droit de travailler selon des horaires flexibles.

L'action en faveur des sans-abri est encadrée par une stratégie qui court jusqu'à 2015: il n'est donc pas encore possible de se prononcer sur l'efficacité des mesures prises, a par ailleurs indiqué la délégation. La priorité est actuellement à la définition du phénomène et à sa quantification, a-t-elle précisé, soulignant que la stratégie a déjà permis d'adopter une définition consensuelle de ce qu'est un sans-abri (à savoir une personne sans toit à la recherche d'un logis temporaire). Un questionnaire a été élaboré avec les 34 unités de prise en charge des sans-abri, a indiqué la délégation.

S'il est vrai que l'aide publique au développement (APD) du Portugal se situe actuellement à 0,31% du PNB, le Portugal n'en accepte pas moins le principe de consacrer 0,7% de son PIB à l'APD; si cet objectif n'est pas atteint, cela est dû aux effets de la crise et à la stricte surveillance à laquelle le pays est soumis. Le Portugal accorde en priorité son aide aux pays lusophones, a précisé la délégation.

De manière générale, le système juridique portugais aborde les problèmes rencontrés par les jeunes selon une approche centrée sur les droits de l'enfant et non du point de vue de la seule protection, a indiqué la délégation. L'objectif est le développement de l'enfant et l'intégration des valeurs fondamentales des droits de l'homme. Les châtiments corporels sont interdits depuis 2007, a indiqué la délégation. Depuis cette date, a-t-elle précisé, on constate une diminution progressive du nombre de plaintes pour mauvais traitements à l'encontre des enfants (moins de cent cas en 2013). Les plaintes émanent surtout du groupe des 11-15 ans. Le Ministère public et les institutions publiques sont habilités à dénoncer ex-officio les cas portés à leur attention. La lutte contre la violence à l'encontre de la jeunesse est axée sur la prévention et sur la formation des professionnels les plus concernés, a insisté la délégation.

Les autorités portugaises sont aussi très conscientes de la nécessité de sensibiliser les hommes et les garçons au problème de la violence domestique, dont les statistiques montrent qu'elle s'exerce dans la grande majorité des cas contre les femmes et est le fait de leurs conjoints, a poursuivi la délégation. Plus de 20 000 policiers ont été formés, cette année, à la prévention et à la répression de la violence domestique, a-t-elle fait valoir. Pour empêcher la récidive, qui ne dépasse pas les 15%, la police élabore des plans de protection adaptés aux besoins de victimes, a-t-elle ajouté. Deux projets pilotes de suivi les agresseurs condamnés au moyen de bracelets électroniques ont été lancés et seront élargis à l'ensemble du territoire s'ils s'avèrent efficaces, a indiqué la délégation. Un expert du Comité s'étant enquis des raisons de la progression de la violence familiale au Portugal, la délégation a indiqué qu'elle pourrait s'expliquer en partie par l'obligation qui est désormais faite aux autorités de dénoncer les cas portés à leur attention et en partie par la pauvreté.

La loi sur la planification familiale de 1984 prévoit la gratuité des services de santé génésique, a par ailleurs souligné la délégation. Les femmes enceintes bénéficient d'interruptions volontaires de grossesse gratuites (jusqu'à la dixième semaine de grossesse) pour autant qu'elles soient pratiquées dans des établissements homologués, a-t-elle précisé, ajoutant que les femmes migrantes ont droit à la même prestation. L'éducation sexuelle, obligatoire à tous les degrés jusqu'à la fin du secondaire, couvre la prévention des maladies sexuellement transmissibles, a en outre fait valoir la délégation.

Des mesures ont été prises pour garantir la pérennité du système national de santé: a notamment été introduit un système de «ticket modérateur», dont sont toutefois exemptées toute une série de prestations de base, a expliqué la délégation. Les migrants ont accès au système de santé en justifiant d'une durée de résidence au Portugal d'au moins 90 jours, a-t-elle indiqué, avant d'ajouter que les mineurs en situation irrégulière ont les mêmes droits à la santé que les jeunes Portugais.

Depuis 2010, les coupes opérées dans le budget de l'éducation sont conçues pour ne pas affecter la qualité de l'éducation, a indiqué la délégation. Pour ce faire, le Ministère de l'éducation a décidé de rationnaliser ses dépenses à tous les niveaux, a-t-elle précisé. Ainsi, les investissements dans l'infrastructure scolaire qui avaient été lancés avant la crise ont-ils pu être réduits sans incidence majeure sur la qualité de l'enseignement proprement dit. Le Ministère s'est lancé dans l'élaboration d'indicateurs en matière d'éducation scientifique, a poursuivi la délégation. Les investissements publics dans les sciences ont été réduits du fait de la crise, certaines activités prioritaires et stratégiques ayant toutefois été épargnées, a-t-elle indiqué. L'infrastructure du système éducatif portugais est orientée vers l'accès de toutes les catégories de population, y compris les élèves désavantagés, à une offre éducative diversifiée et complète. Elle répond de ce fait aux besoins du temps et bien sûr des enfants, a insisté la délégation. En comparaison européenne, les résultats de l'enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de 2012 montrent que le Portugal a visé juste, a-t-elle fait valoir.

L'intérêt pour l'utilisation d'Internet par les catégories défavorisées de la population remonte aux années 1990, quand les autorités s'efforçaient de rapprocher Internet des citoyens, a par ailleurs rappelé la délégation. En 2012, a-t-elle précisé, les autorités portugaises ont mis en place un programme de formation aux technologies de l'information destiné aux personnes vulnérables, avec de bons résultats en termes d'accès. Les pouvoirs publics diffusent également des ordinateurs très économiques (magalhães) accessibles à tous, a fait valoir la délégation.

Plusieurs membres du Comité ayant relevé le nombre important de jeunes sans formation ni emploi, la délégation a rappelé qu'au Portugal, l'école est obligatoire jusqu'à 18 ans. L'objectif des autorités est de faire reculer l'abandon scolaire, dont le taux est passé de 34% en 2000 à 18% en 2013, ce qui représente le recul le plus important au niveau européen. L'accent est mis sur un système de formation mi-scolaire, mi-professionnel, destiné aux jeunes sans formation ni emploi et prévoyant de nombreuses passerelles, a précisé la délégation.

En réponse à une question d'un membre du Comité, la délégation a indiqué que le Portugal ne dispose pas encore de magistrats spécialisés dans les questions relatives à la propriété intellectuelle.

En conclusion du dialogue, la délégation a assuré que l'administration portugaise s'est efforcée, tout au long de la crise, d'atténuer l'impact social des mesures d'austérité sur les citoyens portugais afin d'éviter que les droits fondamentaux ne soient sacrifiés sur l'autel de l'économie. Elle a suggéré que les organes non élus de l'Union européenne soient eux aussi appelés à répondre aux questions des organes de traités.

Conclusion

Le rapporteur pour le Portugal, M. KĘDZIA, a salué l'attitude exemplaire de la délégation portugaise. Globalement, depuis l'examen de son précédent rapport, le Portugal a enregistré des progrès impressionnants, tant au plan qualitatif que quantitatif, dans l'application des droits économiques, sociaux et culturels, même si des difficultés demeurent, a déclaré le rapporteur. En mai 2012, a-t-il rappelé, le Comité avait écrit aux États membres afin qu'ils l'aident à élaborer une forme de doctrine en matière de droits économiques, sociaux et culturels: il établissait, dans ce contexte, une liste de critères à appliquer aux mesures d'austérité pour protéger les catégories les plus défavorisées de leurs effets les plus graves. À cet égard, a déclaré M. Kędzia, le Comité est rassuré par les explications données par le Portugal.

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