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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur l'utilisation de drones armés dans les opérations antiterroristes

22 Septembre 2014

Conseil des droits de l'homme
MATIN

22 septembre 2014

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur l'utilisation d'aéronefs téléguidés ou de drones armés dans les opérations antiterroristes et militaires.

Ouvrant le débat, Mme Flavia Pansieri, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a rappelé que l'émergence, il y a quinze ans, de la technologie des drones armés, utilisés dans des opérations antiterroristes, soulève des questions juridiques, notamment en vertu du droit international des droits de l'homme.  Elle a relevé l'impact sur les droits de l'homme de frappes menées à l'aide de drones et a rappelé que les notions de transparence et de redevabilité sont déterminantes pour garantir le respect des droits de l'homme.  Il est donc important que la politique des États sur l'utilisation des drones armés soit énoncée plus clairement et que les responsables de violations soit appelés à rendre des comptes.  Alors que de plus en plus d'États acquièrent de nouvelles technologies qui leur permettent d'utiliser des drones, s'assurer du respect du droit international des droits de l'homme devient de plus en plus urgent.

La réunion-débat, animée par M. Dapo Akande, Codirecteur de l'Institut sur l'éthique, le droit et les conflits armés de l'Université d'Oxford, comptait avec la participation de cinq panélistes: M. Christof Heyns, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; M. Ben Emmerson, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; Mme Pardiss Kebriaei, avocate principale du Center for Constitutional Affairs; M. Alex Conte, Directeur des programmes de droit international et de protection à la Commission internationale des juristes; M. Shahzad Akbar, Directeur juridique à la Foundation for Fundamental Rights.

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires a souligné que la question qui se pose n'est pas tant la légalité des armes elles-mêmes mais la légalité de leur utilisation, ces engins étant susceptibles d'être utilisés partout dans le monde pour des assassinats ciblés et étant de plus en plus utilisés dans des opérations de maintien de l'ordre ordinaires; pour M. Heyns, il est difficile d'envisager des exemples dans lesquels les drones peuvent être utilisés légitimement.  Le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste a rappelé que toute allégation plausible de pertes civiles lors d'une attaque de drones armés entraîne pour les États une obligation d'enquête prompte, indépendante et transparente.

Mme Kebriaei, du Center for Constitutional Affairs, a observé qu'il est très difficile pour les victimes civiles d'attaques de drones armés de faire valoir leur droits à réparations auprès des juridictions des pays concernés.  M. Conte, de la Commission internationale des juristes, a souligné que la plupart des utilisations meurtrières de ces engins se font en dehors d'un contexte de conflit armé au sens du droit international humanitaire.  M. Akbar, de la Foundation for Fundamental Rights, a déclaré qu'un État ne pouvait justifier le recours à la force armé par son incapacité à capturer un suspect.  En outre, il est souvent difficile de savoir pourquoi les victimes ont été ciblées, en raison du manque de transparence et du refus de coopérer des pays concernés.

Au cours du débat, des délégations d'États qui ont recours à des drones armés ont estimé que le Conseil des droits de l'homme n'était pas le lieu approprié pour discuter de l'utilisation de ces armes.  Elles ont en outre affirmé faire usage de drones armés dans le respect du droit international, dans la plus grande transparence possible et en faisant tout pour éviter des victimes civiles.  Le recours aux drones ne devrait pas être distingué du recours à d'autres types d'armes, ni entrainer une réécriture du droit de la guerre.  Plusieurs autres intervenants ont en revanche vivement critiqué l'utilisation croissante des drones armés, jugée disproportionnée, ajoutant notamment qu'elle porte atteinte à l'intégralité territoriale des États sur le territoire desquels les attaques de drones ont lieu.  Plusieurs sont réclamé un encadrement plus strict de l'usage des drones armés afin d'éviter que soient commises en toute impunité des exécutions sommaires ou extrajudiciaires.  Des appels ont été lancés pour plus de transparence et de redevabilité dans l'utilisation de drones armés, y compris par le biais d'enquêtes promptes, indépendantes et impartiales.

 

Le Conseil entendra, à la mi-journée une allocation du Sous-Secrétaire du Ministre des affaires étrangères du Bahreïn, M. Abdulla Abdullatif Abdulla, après quoi il devrait conclure le débat général sur les organismes et mécanismes de protection des droits de l'homme.  Il tiendra ensuite un débat général sur le mécanisme d'examen périodique universel.

 

Réunion-débat sur l'utilisation téléguidée d'aéronefs téléguidés ou de drones armés dans les opérations antiterroristes et militaires

Déclaration liminaire

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné que l'émergence, depuis quinze ans, de l'utilisation de drones armés dans des opérations antiterroristes soulève un certain nombre de questions juridiques, notamment en vertu du droit international des droits de l'homme. 

Rappelant que les États ont le devoir de prendre des mesures pour protéger les citoyens contre les actes terroristes, la Haut-Commissaire adjointe a indiqué d'abord que le droit international des droits de l'homme s'applique à la lutte contre le terrorisme de même qu'aux situations de conflit armé.  L'utilisation de la force meurtrière n'est justifiée et légale que lorsqu'elle est absolument inévitable pour protéger la vie et que d'autres mesures moins meurtrières ne peuvent être employées.  Mme Pansieri a évoqué, ensuite, l'impact sur les droits de l'homme des frappes à l'aide de drones: dans certains cas, la vie quotidienne est paralysée, les frappes créant une atmosphère de peur dans les communautés touchées.  Enfin, les notions de transparence et de redevabilité sont déterminantes pour garantir le respect des droits de l'homme : il faut que la politique des États sur l'utilisation des drones armés soit énoncée très clairement.  Les auteurs de toute violation de cette politique doivent être appelés à en rendre compte.

Mme Pansieri a souligné le travail important effectué, sur ce sujet, par les Rapporteurs spéciaux du Conseil.  Alors que des États toujours plus nombreux s'équipent de drones, il devient urgent de veiller au respect du droit international des droits de l'homme, a conclu la Haut-Commissaire adjointe.

Exposés des panélistes

L'animateur de la réunion-débat, M. DAPO AKANDE, Codirecteur de l'Institut sur l'éthique, le droit et les conflits armés de l'Université d'Oxford et modérateur du débat, a souhaité que la réunion porte sur le statut juridique des drones.  Il a demandé au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires quelles conditions pouvaient autoriser l'usage létal de la force.  Au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il a demandé quels étaient les éléments clés à prendre en compte pour définir le cadre juridique applicable à l'utilisation des drones.

Pour M. CHRISTOF HEYNS, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, la question qui se pose n'est pas tant la légalité des armes mais la légalité de leur utilisation.  En particulier, les drones armés sont susceptibles d'être utilisés pour des assassinats ciblés partout dans le monde et servir à des exécutions illégales dans le contexte de la lutte contre le terrorisme ou d'autres contextes militaires.  Mais les drones sont aussi de plus en plus souvent utilisés dans des opérations de maintien de l'ordre ordinaires, qui sont marquées par une militarisation croissante.  Or, il est admis désormais que les droits de l'homme s'appliquent à tout moment et à chaque acte des États.  Le droit à la vie est reconnu non seulement par le droit coutumier, mais aussi par un certain nombre de traités, comme le Pacte international sur les droits civils et politiques. 

La force létale ne doit être employée qu'en dernier recours.  À défaut, il y a risque violation du droit à la vie, qui comprend deux composantes : le droit de ne pas être victime d'une mort arbitraire; et un élément de responsabilité en cas de privation arbitraire du droit à la vie.  L'élément déclencheur d'une enquête peut être une mort suspecte ou même une allégation crédible.  Dans tous les cas, une enquête doit être réalisée.  En période de conflit armé, les conditions de l'usage de la force sont certes assouplies mais un certain nombre de principes doivent être respectés, y compris celui de proportionnalité.  Les drones ne représentent qu'un type d'armes parmi d'autres.  Ce n'est pas au droit de suivre les drones, c'est aux drones de suivre le droit, a insisté M. Heyns. 

M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a fait observer qu'il ne s'agissait pas de faire un choix entre droits de l'homme et droit international humanitaire.  En réalité, les deux droits se complètent et se recoupent.  Dans le droit de la guerre, il est un principe légitime de vouloir détruire des ennemis armés.  Mais hors d'un conflit armé, cibler une personne pour la tuer est pratiquement toujours illégal.  Du point de vue droits de l'homme, à partir du moment où on peut soutenir qu'il y a eu violation du droit à la vie, l'État a l'obligation d'ouvrir une enquête prompte, indépendante et transparente. 

M. ALEX CONTE, Directeur des programmes de droit international et de protection à la Commission internationale des juristes, a constaté que le droit international est souvent évoqué à tort pour justifier le recours à ces armes.  Or, il apparait que l'utilisation meurtrière de drones survient, dans la majorité des cas, hors de conflits armés au sens du droit international humanitaire.  Il faudrait donc en revenir au principe selon lequel le droit interne prévaut en cas de conflit non armé.  Et, dans ce contexte, le recours à des drones s'avère illégal et illégitime.

Le droit international humanitaire pose deux principes pour la légitimation du recours aux armes.  D'abord le principe de distinction, qui exige que l'on s'assure que le suspect est soit un combattant, soit un civil participant au conflit.  Le second principe est celui de la proportionnalité, qui exige que l'on apporte des réponses nuancées aux menaces.  Toute violation de ces principes doit être considérée comme un crime de guerre au sens de l'article 8 du Traité de Rome, a insisté M. Conte.  Le manque de transparence qui entoure l'utilisation des drones revient à accorder un permis de tuer aux États, ce qui est inacceptable. 

M. SHAHZAD AKBAR, Directeur juridique de la Foundation for Fundamental Rights (Pakistan), a déclaré qu'un État n'a pas le droit de recourir à la force armée au simple motif qu'il ne parvient pas à capturer un suspect.  Très souvent, les États ont recours à la force armée hors des conflits.  Au Pakistan, plusieurs attaques de drones ont eu lieu dans la région du Sud-Waziristan.  Des milliers de personnes ont été touchées par les drones depuis 2004 au Pakistan; des centaines d'autres vivent dans la menace d'être frappées à leur tour par les mêmes armes.

Citant le cas d'une femme de 67 ans tuée par un drone devant sa famille, M. Akbar a décrit les difficultés de sa fondation pour connaître les raisons de sa mort.  Il lui a d'abord été impossible de porter plainte aux États-Unis, car ce pays ne reconnaît pas le droit aux étrangers de porter plainte devant sa justice; d'autres démarches au Royaume-Uni n'ont rien donné.  La Fondation a eu un certain succès devant la justice pakistanaise: le tribunal de Peshawar a statué, en mai 2013, que l'usage des drones est illégal et a accordé un dédommagement à la famille de la victime.  Mais cette décision n'a pas eu d'autre effet concret, a souligné M. Akbar.

MME PARDISS KEBRIAEI, avocate principale au Center for Constitutional Rights (États-Unis), a rappelé qu'il est impossible de réintégrer dans ses droits une personne tuée par une frappe de drone.  Le droit international reconnaît certes le droit des victimes à des réparations.  Mais les justiciables se heurtent à de nombreux obstacles pour accéder à la justice des États-Unis, se voient objecter des arguments d'immunité ou d'intérêt de l'État.  Ces chicanes ne sont pas nouvelles et sont invoquées depuis de nombreuses années dans le cadre d'autres violations fondamentales des droits de l'homme.  De ce fait, de nombreuses allégations graves restent sans réponse. 

Débat

La France a estimé que l'examen de la conformité de la conduite des opérations militaires avec le droit international humanitaire ne relevait pas de la compétence première de ce Conseil, et que le recours aux drones armés ne devait pas être singularisé par rapport aux autres moyens.  Quoi qu'il en soit, elle considère essentiel de trouver un juste équilibre entre la nécessité pour les États de se conformer au droit international et leur devoir de protéger leur population contre le terrorisme.  Le Royaume-Uni a rappelé qu'il respectait l'esprit et la lettre du droit international s'agissant de l'utilisation des drones armés comme de n'importe quelle arme, et a appelé tous les États à faire de même, estimant qu'il n'était pas nécessaire de réécrire le droit de la guerre.  Les États-Unis ont rappelé que leurs opérations antiterroristes, y compris à l'aide de drones armés, étaient menées dans le respect du droit international et dans la plus grande transparence possible.  Ils ont également précisé que leurs forces faisaient tout pour éviter des victimes civiles et que, lorsque c'était le cas, ils menaient toutes les enquêtes nécessaires.  L'Allemagne a indiqué que, si chaque État a l'obligation de protéger les droits de l'homme et de respecter le droit international, les discussions sur les drones trouveraient mieux leur place dans les instances consacrés au contrôle des armes et au désarmement.  La technologie doit suivre le droit plutôt que le contraire, a estimé le Pakistan, considérant que le sujet ne relève pas du Conseil des droits de l'homme et que les États doivent faire preuve de transparence.

L'Irlande a estimé nécessaire d'enquêter sur le nombre disproportionné de victimes dues à l'utilisation des drones.  Elle considère que le cadre juridique international est approprié dans le cas de l'utilisation des drones armés mais qu'un consensus international clair sur un certain de questions juridiques doit être trouvé.  Les États doivent permettre des enquêtes impartiales rapides quand des victimes civiles sont signalées.  De même, les Pays-Bas estiment que le cadre juridique international est suffisant mais qu'il demande à être clarifié en ce qui concerne l'utilisation des drones armés, soulignant la nécessaire transparence qu'elle implique. 

L'Indonésie a également estimé que le Conseil est bien le lieu approprié pour discuter de l'utilisation des drones, une pratique qui concerne l'intégrité nationale des États, la sécurité internationale ainsi que la protection des droits de l'homme.  La transparence est nécessaire et des enquêtes doivent être menées dès que des violations sont constatées.  Sri Lanka s'est montré très préoccupé par les pertes civiles dues à l'utilisation disproportionnée des drones: elle a appelé les États les utilisant dans des opérations antiterroristes à respecter le droit international, notamment les droits de l'homme et le droit international humanitaire.  La Malaisie a souligné que l'utilisation de drones doit se faire dans le respect du droit international.  Elle est préoccupée par le non-respect de ces principes et par l'utilisation disproportionnée de drones dans des opérations antiterroristes, ajoutant que l'intégralité territoriale des États doit être respectée en toutes circonstances. 

La Suisse a considéré qu'il était important de clarifier les obligations juridiques relatives à l'utilisation de drones.  Les drones ne sont pas interdits par le droit international, mais leur utilisation doit être plus transparente.  Pour le Chili, l'utilisation des drones doit être réglementée dans le strict respect du droit international.  Le Chili s'inquiète des exécutions extrajudiciaires commises avec des drones.  Le Brésil a estimé que les États ont l'obligation de garantir que l'utilisation de drones dans leurs opérations antiterroristes respecte le droit international des droits de l'homme.  Les drones ne doivent pas être utilisés contre des civils, comme cela a été relevé à plusieurs reprises.  Le Nigéria a estimé que la lutte antiterroriste doit s'inscrire dans le cadre du droit international.  Le recours aux drones n'est légitime que lorsqu'ils ciblent leur objectif principal, et non des civils.  L'Algérie a estimé que le recours aux drones armés doit s'effectuer dans le strict respect de la Charte des Nations Unies et de l'intégrité des États, et ne doit pas causer de dommages collatéraux.  Très préoccupée par le terrorisme, l'Algérie a demandé aux pays développés d'aider les pays en développement dans cette lutte.  L'Afrique du Sud a fait part de sa vive préoccupation devant l'usage disproportionné des drones, qui ont causé la mort de nombreux civils en toute impunité.  Elle a demandé un moratoire sur ce nouveau type d'armes jusqu'à ce que leur usage soit codifié par le droit international humanitaire. 

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a relevé que la pertinence de l'utilisation de drones doit être précisément évaluée et que le droit humanitaire international doit être respecté. 

Les qualifiant de machines de terreur, le Venezuela a pour sa part relevé que les drones armés faisaient de nombreuses victimes d'exécutions arbitraires privées du droit à un procès équitable, et que certaines grandes puissances utilisaient de plus en plus ces armes dans leurs guerres dites préventives pour exécuter des personnes dans des pays étrangers.  Le Venezuela a accusé les États-Unis d'avoir mené 376 attaques de drones depuis 2004 au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen, causant la mort de centaines de civils et a appelé la communauté internationale à réguler ou éliminer l'utilisation de ces armes.  Cuba a condamné l'utilisation des drones et leur impact sur les civils et la société, soulignant que toutes les mesures antiterroristes devaient respecter le droit international.  L'Équateur a condamné l'utilisation de ces armes et le manque de transparence, qui induit une absence de responsabilité et de recours pour les victimes en cas de violation du droit international. 

La Chine a souligné que les drones peuvent avoir un rôle positif en cas de catastrophe mais elle a dénoncé les victimes collatérales causées par leur utilisation militaire.  Elle estime que l'utilisation de cette technologie doit s'inscrire dans le cadre de la Charte des Nations Unies, dans le respect du droit et de l'intégrité des États.  D'autres pays ont critiqué l'utilisation des drones. 

La Fédération de Russie a également souligné que ces appareils peuvent être utilisés à des fins pacifiques mais que des questions juridiques doivent être réglées en cas d'utilisation en situation de guerre.  Elle a condamné les États-Unis et le Royaume-Uni pour leurs opérations menées au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen, considérant que rien ne peut justifier les frappes aveugles.  La Bolivie condamne l'utilisation de drones armés et est préoccupée par le manque de transparence et de responsabilité qui l'entoure.  Les victimes n'ont aucun moyen d'obtenir réparation.  Pour la République islamique d'Iran, l'utilisation de drones armés en dehors de situations de conflit sur un territoire tiers est une violation de la Charte des Nations Unies.  Elle rappelle que toute exécution arbitraire est illégale.  L'Iran dénonce l'utilisation de drones par Israël à Gaza et par les États-Unis au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen et en Somalie, causant la mort de milliers de civils.  Le Soudan s'est dit préoccupé par l'utilisation croissante des drones armés qui font des victimes civiles et violent la souveraineté des États.  L'utilisation de telles technologies doit donner lieu à une stricte reddition des comptes et le Conseil des droits de l'homme doit garantir une meilleure protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. 

S'agissant des organisations non gouvernementales, Amnesty International a recommandé que les États veillent à s'assurer que tout moyen utilisé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme soit conforme au droit international humanitaire.  Amnesty International estime que les États doivent faire preuve de transparence dans l'utilisation de drones armés et dévoiler leurs arguments juridiques pour leur utilisation.  Les États doivent ainsi rendre publics le nombre et l'identité des personnes tuées au blessées lors de l'utilisation de telles armes.  Par ailleurs, les États sur le territoire desquels se déroulent des attaques de drones armés doivent réaffirmer qu'ils ne peuvent accepter que des États étrangers violent le droit international humanitaire sur leur propre territoire.

L'Organization for Defending Victims of Violence a constaté le recours croissant aux drones armés lors d'opérations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.  Les assassinats ciblés ne peuvent être considérés comme légaux car aucune opération militaire ne saurait avoir pour seule but de tuer.  L'utilisation de drones peut être légitime dans les zones de combat en cas de conflit armé mais serait contestable en dehors des zones de combats; elle est illégale en dehors d'un contexte de conflit armé au sens du droit international.  Pour cette ONG, le Conseil des droits de l'homme devrait adopter des mécanismes pour lutter contre l'impunité de ceux qui commettent des assassinats en pilotant des drones armés à distance.

L'American Civil Liberties Union a souhaité que cette réunion marque le début et non l'aboutissement des travaux du Conseil des droits de l'homme sur la question de l'utilisation des drones armés.  Les États devraient faire beaucoup plus en matière de réparation pour les victimes.  L'utilisation des drones continuera malheureusement à représenter un risque pour les droits de l'homme, mais la situation actuelle est inacceptable. 

L'Open Society Institute a rappelé les questions juridiques sérieuses que soulève l'utilisation des drones armés.  Ces préoccupations ont été partagées par les Rapporteurs spéciaux, notamment en ce qui concerne la transparence et les possibilités de réparations pour les victimes civiles.  Les préjudices causés aux victimes civils sont bien documentés mais ce qu'il faut, c'est obtenir des États qu'ils acceptent de fournir des réparations, comme cela a été fait par les forces de l'OTAN en Afghanistan, avec des progrès importants.  La communauté internationale doit pouvoir évaluer la légalité de l'utilisation des drones armés.  Le statu quo actuel n'est pas acceptable et pourrait être utilisé comme un dangereux précédent si rien n'est fait.

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a estimé qu'il était juridiquement difficile de défendre l'utilisation des drones armés comme étant conforme au droit international humanitaire.  Elle s'est dite préoccupée par l'absence de garanties de procès équitable pour ceux qui sont placés sur la liste des personnes cibles, par les victimes civiles, l'absence d'enregistrement des victimes en cas et le seuil que l'usage de la force autorisé soit constamment abaissé.  Les États qui utilisent les drones armées ont l'obligation de garantir une procédure appropriée à tous les suspects. 

Réponses et conclusions des panélistes

M. AKBAR a estimé que les victimes de frappes de drones doivent absolument avoir accès à des recours juridiques.  Faute de principes déclarés, les victimes pakistanaises n'ont toujours pas accès à la justice ni à des dédommagements.  Pour M. Akbar, le recours aux drones est contreproductif : sans régler du tout la question du terrorisme, il soulève bien d'autres problèmes.

M. Akbar a souligné qu'après la décision de la Haute-Cour de justice de Peshawar, le nombre d'attaques par drones a baissé au Pakistan.  Cependant, ils ont repris ces derniers temps.  Cela pose à nouveau la question de la transparence.  Pour la Foundation for Fundamental Rights, ces attaques ne sont rien d'autres que des exécutions extrajudiciaires.  Il y a des règles du droit international applicables, et de ce fait de nouvelles règles ne sont pas nécessaires.  À défaut du respect du droit, il y a un risque de chaos que l'on ne pourra éviter, a-t-il prévenu. 

M. CONTE a insisté sur le fait que le principe de proportionnalité exige des réponses graduelles.  Il faut donc se demander si le recours à la force est absolument nécessaire ou inévitable pour arrêter tel ou tel suspect.  Le Comité des droits de l'homme a, dans le contexte du conflit israélo-palestinien, estimé que tous les moyens doivent au préalable être examinés avant le recours à la force létale. 

La Commission internationale des juristes estime qu'il y a une distinction à faire entre le consentement donné par un État avant et après une opération armé.  Lorsqu'un État donne son consentement à un autre pour qu'il mène une opération sur son territoire, le premier doit s'assurer que le dernier respecte le droit international, notamment au regard des principes de proportionnalité et d'absolue nécessité.  Si l'État territorial n'a pas donné de consentement, il doit mener une enquête et veiller à ce qu'une responsabilité pénale soit engagée, avec des mécanismes de reddition de compte et de réparations.  Pour M. Conte, il est clair que les États ont détourné le paradigme du droit international pour justifier l'usage de drones armés.  Ces derniers n'ont pas toujours été justifiés.

M. EMMERSON a déclaré qu'un avis fait consensus, en dépit des réserves des États: tout l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques oblige un État à respecter les droits de toute personne se trouvant sous son contrôle et son pouvoir, même si cette personne ne se trouve pas sur son propre territoire.  Un État ne peut éluder ses obligations internationales en s'abstenant de respecter ce principe, au risque de créer une brèche dans le droit international, a prévenu l'expert.

Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a déclaré qu'il y a deux principes majeurs pour qualifier un conflit d'international: l'intensité et le caractère organisé des hostilités.  On peut ainsi se demander si, dans l'état actuel des choses, Al-Qaida par exemple répond encore à ces critères.  Car pour le Rapporteur spécial, sa structure organisationnelle et son commandement sont tellement éclatés que l'on peut se le demander.  La question de l'intensité se pose aussi, a-t-il dit, car leur force de frappe a plus que baissé.  M. Emmerson a également déclaré qu'il n'a aucun doute que le Conseil des droits de l'homme est compétent pour se pencher sur ces questions, en dépit de ce pensent certaines délégations, qui pour lui ont des points de «vue erronés».

M. HEYNS a jugé difficile de donner des exemples d'utilisation légitime de drones, exception faite de situations rares et marginales comme les prises d'otages.  De façon générale, l'utilisation des drones doit être restreinte, a-t-il réitéré.  Pour le Rapporteur spécial, le Conseil des droits de l'homme peut très légitimement se saisir des enjeux relatifs à l'utilisation de drones : à défaut, on penserait que le Conseil refuse d'assumer ses responsabilités. 

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que les assassinats ciblés sont un sujet dont doit se saisir le Conseil.  Il a aussi souligné que le droit international sur le recours à la force est clair.  Il est important que ces questions soient maintenues à l'ordre du jour du Conseil, car l'utilisation de toute arme pose un problème en ce qui concerne le droit à la vie.  Si on permet une dilution des principes, il y aura un coût structurel lourd à payer pour le respect du droit international.  En plus du rôle de la communauté internationale, il est nécessaire d'avoir des mécanismes internes, dont la société civile, les institutions nationales des droits de l'homme ou les organes régionaux des droits de l'homme pour garantir une plus grande transparence et assurer la reddition de comptes, a dit le Rapporteur spécial.  Pour lui, le recours aux drones doit tenir compte du droit international.  Ce dernier ne doit pas être modifié pour tenir compte des drones.

MME KEBRIAEI a rappelé que ce n'est pas l'arme qui est illégale, mais son utilisation dans des circonstances non autorisées par le droit international.  L'utilisation des drones risque de faire baisser le seuil d'utilisation légitime de la force, a mis en garde l'avocate principale du Center for Constitutional Rights.

Mme Kebriaei a déclaré que la volonté des États d'assurer la transparence dans la mesure du possible est un grand pas.  Mais il faut aller plus en avant, car la transparence est une obligation et non un choix politique.  Elle exige des enquêtes, des réparations et des explications publiques, a dit l'avocate.  C'est pourquoi le Conseil doit continuer à jouer son rôle, y compris en renforçant la résolution sur l'obligation redditionnelle.  Il faut se rappeler de l'interdiction du recours à la force de façon générale dans le droit international, a encore dit l'avocate.  La difficulté est de garantir une responsabilité interne.  Et le Conseil doit jouer ce rôle, a-t-elle conclut.

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Les délégations suivantes sont intervenues dans le cadre du débat:  France, Chine, Irlande, Venezuela, Pays Bas, Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, Cuba, Comité international de la Croix-Rouge, Pakistan, Équateur, Indonésie, Fédération de Russie, Sri Lanka, Malaisie, Bolivie, Suisse, Iran, Chili, Brésil, Afrique du Sud, Algérie, Nigeria, Soudan, Amnesty International, Organization for Defending Victims of Violence, Open Society Institute, American Civil Liberties Union et laLigue internationale des femmes pour la paix et la liberté.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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