Skip to main content

Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient un réunion-débat sur la violence contre les enfants

23 Septembre 2014

MATIN

23 septembre 2014

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur les moyens d'accélérer l'action internationale visant à mettre fin à la violence envers les enfants.

Ouvrant le débat, Mme Jane Connors, Directrice de la Division de la recherche et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a indiqué que l'on estimait à plus d'un milliard le nombre d'enfants victimes de violences. Ces violences peuvent prendre des formes multiples, comme la violence affective, les châtiments corporels, le travail forcé, la prostitution ou la traite. Les enfants victimes de violences sont plus enclins à la violence et seront davantage exposés au chômage à l'âge adulte. Les États ont pris conscience du phénomène et plusieurs ont légiféré pour une interdiction totale de la violence à l'égard des enfants. Mais il reste encore beaucoup à faire et les médias, les pouvoirs publics, le personnel politique et la société civile ont un rôle à jouer à cet égard.

La réunion-débat, animée par Mme Susan Bissell, responsable du programme de protection des enfants à l'UNICEF, comptait avec la participation de six panélistes: Mme Marta Santos Pais, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants; M. Pavel Astakhov, Médiateur pour les droits de l'enfant de la Russie; M. Benyam Dawit Mezmur, Vice-Président du Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant et Vice-Président du Comité des droits de l'enfant; Mme Fatiha Hadj Salah, professeur de médecine; M. Jorge Freyre, Coordonnateur du Mouvement pour les enfants d'Amérique latine et des Caraïbes; et Mme Laila Khondkar, de Save the Children.

Mme Marta Santos Pais s'est notamment félicitée que la lutte contre les violences envers les enfants soit aujourd'hui une priorité affirmée pour nombre de pays et d'organisations régionales à travers le monde et que de plus en plus de pays ont connu des succès dans ce domaine. Mais elle a regretté que la mise en œuvre réelle des législations reste un défi et que les progrès soient trop lents, inégaux et fragmentés pour constituer une véritable percée. Le Médiateur russe pour les droits de l'enfant, M. Astakhov, a notamment attiré l'attention sur la question de la protection des enfants russes adoptés à l'étranger et sur les enfants victimes de conflits armés, notamment en Ukraine. M. Mezmur a pour sa part attiré l'attention sur la lutte contre la violence contre les enfants en Afrique et souligné que l'éducation est au cœur de la prévention, de même que la sensibilisation des familles. Le Dr. Salah a expliqué que la maltraitance envers les enfants, grave réalité, reste toutefois difficile à identifier; c'est pourquoi il faut écouter l'enfant et croire en ce qu'il dit. M. Freyre a attiré l'attention sur les efforts menés dans la région de l'Amérique latine et des Caraïbes par le réseau d'organisations non gouvernementales pour la mise en place de dispositions pour la protection des enfants contre les violences. L'expérience de Save the Children montre combien les enfants, lorsqu'ils peuvent participer, peuvent contribuer à la prévention de la violence dont ils sont victimes, a souligné Mme Khondkar.

Les délégations* qui ont pris la parole au cours du débat qui a suivi ces présentations ont affirmé leur soutien aux mesures visant à lutter contre la violence faite aux enfants, beaucoup d'entre elles faisant état des dispositions législatives et autres prises par leur pays dans ce domaine. Certaines ont souligné le rôle essentiel de l'État pour protéger les enfants et lutter contre l'impunité de leurs agresseurs. D'autres ont également attiré l'attention sur l'importance de tirer parti des bonnes pratiques. Il a été noté que les échanges d'informations entre services sociaux, police et justice sont nécessaires pour procéder à des alertes précoces et éventuellement assurer une protection transnationale. Certaines délégations ont fait état des situations de conflits, dont les enfants sont les premières victimes sans défense. Plusieurs États ont souligné le rôle de l'éducation et l'impact de la pauvreté sur le bien-être des enfants, d'autres ont mis l'accent sur la lutte contre la violence sexuelle et la traite des enfants.

Lors de sa prochaine séance, qui se tient à partir de midi, le Conseil achèvera le débat général entamé hier sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés, avant de tenir un débat général sur la Déclaration et le Programme d'action de Vienne et de se pencher sur les questions relatives à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Réunion-débat sur les moyens d'accélérer l'action internationale visant à mettre fin à la violence envers les enfants

Déclaration liminaire

MME JANE CONNORS, Directrice de la division de la recherche et du droit au développement au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné le caractère transversal du sujet abordé ce matin. La violence subie par les enfants prend plusieurs formes : trafic, travail forcé, violence affective, prostitution ou encore châtiments corporels. Les statistiques manquent mais on peut évaluer à plus d'un milliard le nombre d'enfants victimes de ces actes de violence. Mme Connors a également affirmé que les adolescents ayant subi des violences ont des pensées suicidaires et sont plus vulnérables à la violence et au chômage à l'âge adulte. Cette situation souligne la nécessité de protéger les enfants de la violence, une nécessité dont les États ont pris conscience. Aujourd'hui, plus de 40 États interdisent totalement la violence à l'égard des enfants, tandis que d'autres s'engagent sur cette voie. En dépit de ces efforts, beaucoup reste à faire, a dit Mme Connors. Les médias, les pouvoirs publics, le personnel politique et la société civile ont un rôle à jouer en la matière, a-t-elle conclu.

Exposés des panélistes

L'animatrice du débat, MME SUSAN BISSELL, responsable du programme de protection des enfants au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a déclaré que la violence faite aux enfants était un problème de portée mondiale mais aussi une question concernant chacun des États présents dans cette enceinte. Elle a rappelé qu'en 2012, environ 95 000 enfants et jeunes de moins de 20 ans avaient été victimes d'homicide dans le monde. Près d'un quart des filles de 15 à 19 ans, soit 70 millions au plan mondial, disent avoir été l'objet d'une forme de violence physique depuis l'âge de 15 ans; une femme sur 10 de moins de 20 ans dit avoir été contrainte à un rapport sexuel. Cette violence n'est pas inévitable et jamais la volonté politique de mettre fin aux violences contre les enfants n'a été aussi forte. Les recherches ont permis de mieux comprendre quelles stratégies sont les plus efficaces pour prévenir les différentes formes de violence contre les enfants.

MME MARTA SANTOS PAIS, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, a présenté les résultats d'une étude réalisée par des institutions des Nations Unies dans plus de cent pays. Le rapport montre que la base légale des droits de l'homme permettant de libérer les enfants de la violence s'est considérablement renforcée, dans un contexte où la violence contre les enfants est aujourd'hui une priorité affirmée de l'ordre du jour de nombreuses institutions et organisations régionales. De plus en plus de pays ont adopté des stratégies intégrées pour lutter contre les violences à l'égard des enfants, s'est félicitée Mme Santos Pais, qui a cité les exemples des Philippines, de la Norvège ou encore de la Suède, premier pays à avoir adopté, il y a 35 ans, une interdiction de toute forme de punition corporelle. En outre, de nombreux pays ont adopté des changements législatifs importants pour interdire les violences contre les enfants et protéger ceux qui sont en danger. Dans au moins 24 pays, ces dispositions ont même été incluses dans la Constitution nationale. Plus important, avec les récentes lois adoptées par le Brésil et la Bolivie, ce sont désormais plus de 40 États qui ont adopté une interdiction explicite de toute forme de violence, y compris au sein du foyer. Mais ces progrès sont encre trop lents, inégaux et fragmentés pour permettre une véritable percée, a souligné Mme Santos Pais. La violence menace les enfants là même où ils devraient être le mieux protégés: à l'école, dans les institutions judiciaires et sociales et à la maison. Un récent rapport du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) montre qu'il y a également urgence à protéger les enfants contre la violence sur Internet.

M. PAVEL ASTAKHOV, Médiateur russe pour les droits de l'enfant, a présenté les mesures prises par la Fédération de Russie pour lutter contre les violences envers les enfants et réhabiliter les victimes. Le Ministère de l'éducation a élaboré une série de recommandations concernant la dénonciation et la prise en charge des cas de violence physique ou psychologique, ainsi que des procédures de médiation au sein des familles. La législation a été amendée pour renforcer la lutte contre la criminalité dont sont victimes les enfants, notamment la violence sexuelle. Un service d'avocats d'office et de psychologues a été mis en place. Des tendances positives sont perceptibles, a relevé M. Astakhov, notamment en ce qui concerne la lutte contre la violence domestique. Le Médiateur a regretté que les États-Unis n'assurent pas un bon suivi des enfants russes adoptés par des familles américaines. M. Astakhov recommande que la communauté internationale accorde une attention particulière aux enfants victimes de conflits armés, notamment les enfants ukrainiens.

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, Vice-Président du Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant, Vice-Président du Comité des droits de l'enfant, enseignant au Centre de droit communautaire de l'Université du Cap-oriental (Afrique du Sud), a insisté sur l'importance de prévenir la violence à l'égard des enfants et de mobiliser la classe politique pour ce faire. L'éducation est au cœur de la prévention, a relevé l'expert, de même que la sensibilisation des familles. S'agissant de l'Afrique, l'héritage du colonialisme n'encourage pas toujours les acteurs locaux à prendre les mesures de protection des enfants qui s'imposent. Par exemple, les écoles en Afrique jouissent d'un grand prestige alors que l'on sait très bien que des violences y sont commises : aucune sanction n'est jamais prise contre les responsables. Sur le plan politique, il est certes nécessaire de ratifier les instruments internationaux et de mettre fin aux situations de conflit. Mais il ne faut pas oublier d'autres facteurs, apparemment moins importants mais pourtant cruciaux, comme par exemple trouver des budgets et organiser l'enregistrement systématique des naissances. Beaucoup reste donc à faire en Afrique.

MME FATIHA HADJ SALAH, professeur de médecine, a observé que la violence peut être détectée par les personnels qui travaillent auprès des enfants et des parents, à savoir les enseignants, les travailleurs sociaux, les professionnels de santé et la police. Or ces personnels sont souvent confrontés à un manque d'éléments probants pour prouver la violence. Ils doivent donc recevoir une formation adaptée à la reconnaissance des signes de la violence, tels que traces de coups et comportements insolites. Il faut écouter l'enfant concerné et croire en ce qu'il dit, a insisté l'experte. Mme Salah a cité plusieurs facteurs de risques de la violence contre les enfants : immaturité des parents, éducation rigide, séparation conjugale ou encore situation économique difficile, chômage, alcoolisme. L'enjeu est important, puisqu'il s'agit d'aider l'enfant à dompter une souffrance souvent bien cachée.

M. JORGE FREYRE, Coordonnateur du Mouvement pour les enfants d'Amérique latine et des Caraïbes, a déclaré que les statistiques confirment que la région de l'Amérique latine et des Caraïbes est l'une des plus violentes pour les enfants. C'est pour cette raison que le réseau d'organisations non gouvernementales a décidé d'agir avec les partenaires concernés. Il a d'abord réalisé un relevé des politiques nationales ou régionales en matière de protection des droits de l'enfant qui a permis de dégager de bonnes pratiques et d'obtenir des engagements de la part des États. Il a également permis de renforcer les mesures déjà prises, par le biais de feuilles de route.

MME LAILA KHONDKAR, de Save the Children, s'est exprimée sur les leçons tirées de l'expérience de la participation des enfants à la prévention de la violence dont ils sont victimes. La Convention relative aux droits de l'enfants impose aux États parties de protéger les droits des enfants mais aussi de leur permettre d'exprimer leur point de vue, ce qui pose des défis face au statut des enfants dans la plupart des région du monde où , traditionnellement, on ne considère pas que les enfants ont l'expérience ou les connaissances nécessaires pour être ainsi impliqués.

Pourtant, depuis l'entrée en application de la Convention des droits de l'enfant, on a pu observer que, lorsque la parole est donnée aux enfants, ces derniers peuvent contribuer efficacement aux discussions. Des initiatives prises dans divers pays montrent que les enfants peuvent s'exprimer sur des violences dont ils sont victimes, comme les punitions corporelles, le travail forcé, les mariages forcés ou l'exploitation sexuelle. Leur participation peut avoir une influence sur les services sociaux ou les législations, avec des résultats positifs pour eux. Mme Khondkar a cité en exemple le rôle des enfants dans l'élaboration d'une loi sur les enfants au Liberia. Certes, il reste beaucoup à faire dans le pays pour améliorer le sort des enfants, mais la loi, et la manière dont elle a été adoptée, est un exemple. De même, au Bangladesh, les clubs d'enfants se battent contre les mariages forcés. Les enfants ont aussi pu contribuer aux travaux préparatoires du programme de développement pour l'après-2015.

Les enfants passifs ou muselés peuvent être exploités et violentés par les adultes en toute impunité alors que ceux qui sont informés et actifs sont mieux armés pour se protéger, que ce soit contre les abus sexuels, les maladies sexuellement transmissibles ou encore l'exploitation par le travail. Toutefois, les études montrent que la participation des enfants dans le monde reste fragmentaire. Les gouvernements devraient adopter des législations pour faciliter l'expression des enfants et veiller à ce que leur opinion soit prise en compte. Il faut aussi veiller à inclure dans les processus de décision les enfants ayant des besoins spéciaux, et fournir aux enfants une information accessible sur leurs droits.

Débat

Le Costa Rica, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), constate que la violence faite aux enfants est un phénomène alarmant et la protection un impératif dans le domaine des droits de l'homme. Toute violence peut être empêchée et cela induit des obligations pour les États, qui doivent adopter des politiques dotées des budgets nécessaires pour veiller sur les enfants. Les conséquences sont importantes pour les enfants mais aussi pour toute la société. Il faut des mécanismes pour lutter contre l'impunité et permettre aux enfants de dénoncer les violences. Les Philippines, au nom de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ANASE), a rappelé que l'ANASE avait créé la Commission pour la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants et adopté la Déclaration contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Attachée à la protection des enfants contre toute forme de violence, l'Union européenne a partagé quelques pratiques régionales. La Commission européenne promeut une approche intégrée et a constaté qu'un échange d'informations entre les services sociaux, la police et la justice était nécessaire pour procéder à des alertes précoces et permettre une protection transnationale. La lutte contre les violences envers les enfants est une priorité dans les directives de l'Union européenne. Les nouvelles technologies sont par ailleurs considérées comme un facteur de risque supplémentaire. L'Éthiopie, au nom du Groupe africain, a rappelé le quinzième anniversaire de la Charte africaine des droits de l'enfant et a plaidé pour une mobilisation renouvelée à l'égard des enfants. Les États doivent prendre des mesures pour protéger les enfants de tout type de violence.

La Suède, au nom des États nordiques, a indiqué que cette année marquait le trente-cinquième anniversaire de l'interdiction des châtiments corporels par la Suède, premier pays au monde à prendre cette décision; 38 pays ont suivi et tous les autres sont invités à le faire.

La Croatie croit à la tolérance zéro à l'égard de la violence contre les enfants et, parmi d'autres mesures, le Gouvernement a adopté une stratégie nationale 2011-2016 qui comprend une campagne nationale contre les châtiments corporels. Face à la traite, la pornographie mettant en scène des enfants et la prostitution des enfants, les stratégies nationales doivent se fonder sur la Convention des droits de l'enfant. Il faudrait également inclure la lutte contre les violences à l'égard des enfants dans le programme de développement post-2015. La Tunisie a indiqué que la Constitution tunisienne oblige à protéger l'enfant et à lui procurer le bien-être. De plus, le pays a abrogé, dans le code pénal, toutes les dispositions qui pourrait justifier le châtiment corporel. La Tunisie prépare son deuxième plan national d'action visant à changer l'état d'esprit et l'attitude à l'égard des enfants.

Les Émirats arabes unis, au nom de la Ligue des États arabes, ont condamné toutes les violences faites contre les femmes. Ces pays ont adhéré aux instruments internationaux pour améliorer la situation des enfants et leur protection. Ils soulignent par ailleurs que la société est le premier responsable de l'enfant et de son développement. La Ligue arabe dénonce d'autre part la maltraitance systématique des enfants palestiniens depuis l'offensive israélienne contre Gaza. Timor-Leste, au nom de la Communauté de pays de langue portugaise (CPLP), a indiqué que ces pays sont fortement engagés dans la lutte contre la violence à l'égard des enfants et a évoqué le projet «Les enfants de la rue», qui a pour but d'aider les jeunes et les enfants à risque, y compris dans le système scolaire, la CPLP estimant que le moyen le plus efficace est l'éducation.

Le Paraguay a relevé que les auteurs de violences contre les enfants pensent souvent être dans leur droit. Le Paraguay a lancé plusieurs programmes pour diminuer les risques d'abandon des enfants et a prévu des prestations économiques mensuelles pour les plus pauvres à condition qu'ils assument leurs responsabilités et ne fassent pas travailler leurs enfants, ainsi que pour s'occuper des enfants des rues.

Le Burkina Faso a dit que la lutte contre les violences faites aux enfants est un impératif pour le pays, qui a créé cette année un conseil national pour l'aide aux enfants. Une nouvelle loi vient aussi d'être adoptée contre la prostitution, la pornographie mettant en scène des enfants et la vente d'enfants. L'Algérie a adhéré en 2013 à la campagne mondiale de l'UNICEF intitulée «rendre visible l'invisible», en prolongement de ses efforts pour la protection de l'enfance. Récemment, un projet de loi a été adopté pour préciser davantage la notion d'enfant en danger, énonçant son droit à une protection judiciaire et prévoyant la création d'un Organe national pour la protection de l'enfance, et un amendement au code pénal a durci les peines pour l'enlèvement, le viol, la vente, la débauche ou la corruption des enfants.

Il faut faire plus pour protéger les enfants, a dit l'Autriche, qui a explicitement interdit par la loi la violence contre les enfants, dont les châtiments corporels. C'est la responsabilité des acteurs politiques et législatifs d'agir dans ce domaine. Le Togo aussi a interdit tout châtiment corporel et dispose de mécanismes d'alerte mis en place avec ses partenaires des Nations Unies. Une nouvelle loi en cours d'élaboration aux Émirats arabes unis sanctionnera sévèrement toute personne qui mettra les enfants dans une situation de fragilité, ou les privera de leurs droits.

La Lituanie a pour sa part mis en place un site web et une ligne d'appel d'urgence, souhaitant savoir quels autres moyens peuvent être mis en place pour mieux sensibiliser les enfants sur leurs droits. L'Espagne a de son côté adopté une double stratégie de développement favorisant un environnement sûr et des mesures contre les violences au foyer et la traite, avec un accent mis sur les besoins des filles.

L'Inde a expliqué qu'il faut en effet intervenir à tous les niveaux pour combattre les facteurs sociaux qui favorisent la violence à l'égard des enfants. L'un des meilleurs moyens de préserver les enfants de la violence consiste à promouvoir la famille et les valeurs familiales, a dit l'Iran.

La Syrie a alerté le Conseil sur la situation des enfants syriens, qui subissent les conséquences du conflit actuel. Le seul moyen de préserver les enfants de la violence est de s'attaquer aux causes premières, à savoir le terrorisme en ce qui concerne la Syrie. L'Ukraine aussi a informé le Conseil sur la situation des enfants dans l'Est de l'Ukraine et en Crimée, où ils servent de boucliers humains, sont enlevés aux fins de propagande ou sont privés d'aller à l'école. La Fédération de Russie doit cesser d'utiliser les enfants dans sa guerre contre l'Ukraine.

S'agissant des organisations non gouvernementales, la Commission nationale des droits de l'homme de l'Ukraine a accusé des groupes armés agissant dans l'Est de l'Ukraine de se livrer à des déplacements forcés et à des enlèvements d'enfants à des fins de propagande. L'Alliance internationale d'aide à l'enfance, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1, a déclaré que la violence à l'égard des enfants avait un coût énorme, chiffrant à 1.6 milliards de dollars le coût des abus sexuels au Royaume-Uni, par exemple. Les gouvernements doivent agir sans délai. La British Humanist Association a relevé que l'étude des Nations Unies mentionne la sorcellerie et l'exorcisme comme préjudiciables, et considère que ces pratiques minent en effet les efforts déployés pour lutter contre la violence envers les enfants. La racine de ces croyances doit être combattue par l'éducation et des programmes de sensibilisation.

L'Organisation mondiale contre la torture – OMCT, au nom également de Défense des enfants – international a rappelé que les enfants privés de liberté sont plus vulnérables que d'autres aux violences physiques, psychologiques et sexuelles. Un système de plaintes doit permettre de dénoncer les abus et les enfants doivent être conscients de leurs droits pour se protéger. L'OMCT encourage les États à se préoccuper de la situation des enfants privés de liberté et à inclure la protection de l'enfance dans le programme de développement post 2015.

L'International Institute of Non-Aligned Studies a relevé que, ces dernières décennies, des groupes terroristes ont recruté des enfants pour en faire des tueurs, des trafiquants de drogue ou des esclaves sexuels. Si les enfants n'ont pas accès à la justice, leurs droits ne seront pas protégés. La lutte contre le travail des enfants, leur exploitation sexuelle, la violence à l'école doivent être des priorités.

Réponses et conclusions des panélistes

M. MEZMUR a rappelé qu'en matière de bonnes pratiques, il faut tenir compte des coûts et de la rentabilité. Parmi les mesures prises par les organes de l'Union africaine, il a cité le processus en cours visant à nommer un Rapporteur spécial pour lutter contre les mutilations génitales féminines. M. Mezmur a ensuite insisté sur l'importance de la volonté politique dans la mise en œuvre effective des législations.

Le Vice-Président du Comité des droits de l'enfant a aussi expliqué que les organes conventionnels des droits de l'homme doivent demander aux États comment ils abordent la question des violences contre les enfants. Il faut passer du concept de survie à celui de développement, d'épanouissement des enfants. Le Comité des droits de l'enfant a tenu il y a quelques semaines un débat sur les droits des enfants dans le monde numérique qui a donné lieu à des échanges intéressants. M. Mezmur a par ailleurs souligné que la sensibilisation est un processus continu et non ponctuel. La reddition des comptes est elle aussi importante, alors que seuls 11 États ont ratifiée le Troisième protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant, dont un seul, le Gabon, est africain.

MME KHONDKAR, citant une expérience menée en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a déclaré que, lorsqu'on montre à des parents de bonnes pratiques pour élever leurs enfants, les résultats en matière de réduction de la violence au sein de la famille sont considérables. De même, en éduquant très tôt les garçons à respecter les filles, on obtient de très bons résultats. La lutte contre les violences à l'encontre les enfants doit être inscrite en priorité dans le programme de développement pour l'après-2015 car aucun État n'est à l'abri des violences contre les enfants.

Save the Children estime essentiel d'adopter des lois interdisant toute forme de châtiment corporel contre les enfants. Mais il faut en même temps des campagnes d'éducation et offrir aux parents des moyens alternatifs pour s'assurer de la discipline des enfants. Mme Khondkar a expliqué que plus de 12 000 enfants ont été consultés sur les mesures les concernant dans le cadre du programme de développement pour l'après-2015. Les enfants veulent mettre fin à la violence et ont des recommandations claires sur la manière d'y parvenir, y compris par le renforcement de la législation et du système de plaintes pour les enfants.

M. FREYRE a rappelé que la lutte contre les châtiments corporels et humiliants envers les enfants doit être une priorité en Amérique latine et dans les Caraïbes. Six pays ont adopté une loi en ce sens mais il faut les appliquer et surtout lutter contre les mentalités de ceux qui considèrent que l'humiliation et la violence font partie de l'éducation des enfants. Les objectifs du programme de développement pour l'après-2015 doivent inclure non seulement des mesures transversales pour les enfants mais aussi des mesures spécifiques pour lutter contre les violences faites aux enfants.

Le Coordonnateur du Mouvement pour les enfants d'Amérique latine et des Caraïbes s'est dit encouragé par les différentes interventions de ce matin, qui témoignent d'un véritable souci de trouver les solutions adéquates aux violences contre les enfants. Il a préconisé une intégration des services chargés de répondre aux questions de violences contre les enfants, qui doivent aussi être universellement accessibles. Il faut en outre disposer de personnel compétent, apte à entendre les enfants qui veulent parler des violences dont ils sont victimes. Le Conseil des droits de l'homme doit en outre inviter les États à ratifier les Protocoles facultatifs à la Convention des droits de l'enfant.

M. ASTAKHOV a estimé qu'il fallait protéger les enfants victimes des conflits armés, ajoutant que personne ne devrait demander ses papiers à un enfant qui fuit la guerre.

Le Médiateur pour les droits de l'enfant de Russie a parlé des violences commises contre les enfants en Ukraine de l'Est depuis quelques mois, faisant état de 120 enfants tués. Beaucoup d'enfants ne s'enfuient pas vers Kiev mais vers la Russie. Kiev devrait cesser d'accuser la Russie d'aggraver la situation et de refuser de fournir aux enfants l'assistance et les services médicaux dont ils ont besoin. L'expert a nié avoir outrepassé ses compétences en faisant ces remarques lors du débat de ce jour, affirmant que c'est essentiellement l'Ukraine et son président qui sont responsables des violences commises en Ukraine.

MME SANTOS PAIS a rappelé que les pays en conflit sont en retard en matière de développement. Le Conseil des droits de l'homme peut continuer de faire pression pour mobiliser la volonté politique mais aussi les ressources nécessaires. En ce sens, elle a estimé que l'Examen périodique universel pouvait jouer un rôle décisif, ajoutant que les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales contribuaient aussi à maintenir l'attention sur ces questions.

La Représentante spéciale du Secrétaire général a jugé encourageant le fait que de bonnes pratiques se développent dans toutes les régions. Mais il y a beaucoup à faire en particulier pour combattre l'idée que les châtiments physiques font partie de l'éducation des enfants. Il faut aussi plus de données, donc plus de recherches, sur les violences contre les enfants et leurs conséquences à long terme. Par ailleurs, les enfants doivent être des acteurs de la lutte contre les violences qui les frappent, et pour cela ils doivent avoir conscience de leurs droits et de ce qu'ils peuvent faire. Il faut aussi aider les familles à renoncer à la violence comme moyen d'éducation en leur offrant des moyens alternatifs pour discipliner les enfants, a souligné Mme Santos Pais.

MME SALAH a rappelé l'importance de la mobilisation des ressources et des volontés mais aussi de la prévention et de l'évaluation, à la fois de la gravité du phénomène et des résultats obtenus.

Le professeur de médecine qu'est Mme Salah a estimé qu'il faudrait sensibiliser les enseignants sur les effets néfastes pour l'éducation de la violence, qu'elle soit physique ou psychologique. Il faut aussi mettre en place une culture générale de non-violence, que ce soit pour les parents, les enseignants ou les autres personnes au contact des enfants. En outre, les enfants devraient être incités à parler des violences qu'ils peuvent subir.

En conclusion, l'animatrice du débat, MME BISSELL, a déclaré avoir entendu un appel unanime en faveur de l'inclusion de la lutte contre les violences à l'encontre des enfants dans le programme de développement pour l'après-2015. Elle a aussi souligné le besoin d'obtenir des données supplémentaires sur la violence à l'encontre les enfants.

__________

Les délégations suivantes ont participé aux débats: Suède (au nom des pays nordiques), Costa Rica ( au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), Philippines ( au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est - ANASE), Union européenne, Émirats arabes unis (au nom du Groupe arabe), Timor-leste (au nom de la Communauté de pays de langue portugaise (CPLP) , Éthiopie ( au nom du Groupe africain), Croatie, Tunisie, Paraguay, Burkina Faso, Algérie, Mexico, Monténégro, Inde, République arabe syrienne, Soudan, Autriche, Ukraine, Iran, Togo, Lituanie, Émirats arabes unis, Espagne, Alliance internationale d'aide à l'enfance (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1), Organisation mondiale contre la torture – OMCT, au nom également de Défense des enfants – international et International Institute for Non-Aligned Studies.

1 Déclaration conjointe: Alliance internationale d'aide à l'enfance, Bureau international catholique de l'enfance, Myochikai (Arigatou International), Terre des Hommes Fédération Internationale, Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l'enfant, SOS Children’s Villages International, Child Helpline International, British Humanist Association.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :