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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de l'Ouzbékistan

30 Octobre 2013

Comité contre la torture  

30 octobre 2013

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de l'Ouzbékistan sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
 
Le Président du Centre national des droits de l'homme de l'Ouzbékistan, M. Akmal Saidov, a en particulier fait valoir que ces dix dernières années, la population carcérale du pays a été divisée par 2,5.  Les prisons ne sont actuellement remplies qu'à 80% et le seul centre de détention pour mineurs n'est rempli qu'à 10%, grâce notamment à l'assouplissement de la procédure pénale et de la législation pénale.  Le chef de la délégation a ajouté que la peine de mort a été abolie en 2008.  En outre, le pays a introduit l'habeas corpus et la détention provisoire n'a été appliquée par les juges qu'avec parcimonie ces trois dernières années.  Après la visite en Ouzbékistan du Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, le pays a créé un groupe de travail interministériel chargé de surveiller l'application de la Convention, a poursuivi M. Saidov.  Par ailleurs, l'Ouzbékistan a mis en place un certain nombre d'éléments du mécanisme de prévention national, et le médiateur s'est vu confier le rôle de coordination de la surveillance des prisons.
 
La délégation ouzbèke était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères et du Bureau du Procureur général.  Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des conditions de détention et des droits des détenus, en particulier dans la prison de Jaslyk; de l'indépendance des avocats; des mesures prises aux fins de l'éradication de la torture; de la définition de la torture; des allégations de contraintes appliquées sur les ONG; des allégations de participation d'enfants dans la récolte du coton; des procédures relatives à l'habeas corpus et à la garde à vue; de la «contraception chirurgicale»; ou encore de la situation des réfugiés.  La délégation a rejeté l'allégation selon laquelle la définition de la torture énoncée dans le code pénal ne serait pas conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention.
 
Il semble que la torture de détenus se poursuive en Ouzbékistan, a déclaré la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ouzbèke, Mme Felice Gaer.  Plusieurs autres experts ont également fait part de leurs préoccupations face aux nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention du pays.  Des préoccupations ont en outre été exprimées au sujet d'informations attestant de pratiques d'extorsion d'aveux sous la contrainte, du travail forcé dans les champs de coton, ou encore de pratiques de stérilisation forcée.  Plusieurs experts ont en outre dénoncé la pratique de la détention administrative.  Mme Gaer a déploré les graves contraintes pesant sur les organisations non gouvernementales en Ouzbékistan en soulignant que de nombreux défenseurs des droits de l'homme ont été emprisonnés ou se sont exilés.  Le corapporteur, M. George Tugushi, a pour sa part demandé à la délégation pourquoi la plupart des organisations et institutions telles que le Comité international de la Croix-Rouge ou Human Rights Watch ont mis un terme à leurs activités en Ouzbékistan.
 
La délégation a regretté que des membres du Comité qui semblent accorder davantage de crédit à des informations émanant d'organisations non gouvernementales engagées politiquement qu'aux renseignements fournis par le Gouvernement.  S'agissant du retrait du Comité international de la Croix-Rouge, elle a estimé que la situation actuelle était due à une décision éminemment politique du Directeur du CICR, puisque l'Ouzbékistan devait se soumettre à l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme dix jours après la fin des visites du CICR.
Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur l'Ouzbékistan; elles seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le 22 novembre prochain.
 
 
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Lettonie (CAT/C/LVA/3-5), dont la délégation répondra aux questions des experts vendredi après-midi.  Demain après-midi, il entendra les réponses de la délégation de la Pologne aux questions qui lui ont été posées ce matin par les experts.
 
Présentation du rapport de l'Ouzbékistan
 
Présentant le rapport périodique de l'Ouzbékistan (CAT/C/UZB/4), M. AKMAL SAIDOV, Président du Centre national des droits de l'homme de l'Ouzbékistan, a attiré l'attention sur les mesures les plus récentes prises par l'Ouzbékistan pour assouplir le système juridique du pays et appliquer les dispositions de la Convention.  Ainsi, ces dix dernières années, la population carcérale a été divisée par 2,5.  Les prisons ne sont actuellement remplies qu'à 80% et le seul centre de détention pour mineurs n'est rempli qu'à 10%, a-t-il précisé.  Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans nombre d'autres pays, il n'y a pas de problème de surpopulation carcérale dans son pays, a insisté M. Saidov.  Parmi les mesures qui ont permis d'aboutir à cette situation, il a cité en particulier l'assouplissement de la procédure pénale et de la législation pénale.  En outre, la peine de mort a été abolie en 2008, ce qui a permis à l'Ouzbékistan de signer le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur l'abolition de la peine de mort.  Le pays a également introduit l'habeas corpus et, ces trois dernières années, les juges n'appliquent plus la détention provisoire qu'avec parcimonie.  M. Saidov a aussi fait valoir que de nombreuses amnisties ont été prononcées et un travail systématique de réinsertion sociale des personnes sortant de prison a été entrepris, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre des récidives.  Ainsi, le pays peut-il se prévaloir d'un taux de 152 détenus pour 100 000 habitants, alors que ce taux atteint 716 aux États-Unis ou 475 en Fédération de Russie.
 
M. Saidov a ensuite fait part des mesures prises pour garantir l'indépendance des juges en Ouzbékistan.  Il a aussi indiqué qu'après la visite en Ouzbékistan du Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, le pays a créé un groupe de travail interministériel chargé de surveiller l'application de la Convention, dont le mandat a été élargi l'an dernier.  Par ailleurs, l'Ouzbékistan a mis en place un certain nombre d'éléments du mécanisme de prévention national.  Ainsi, le médiateur s'est vu confier le rôle de coordination de la surveillance des prisons, des organes chargés de la surveillance des prisons ont été créés et les personnels travaillant dans les centres de détention ont été formés.  À cela s'ajoute le contrôle des prisons par les organisations non gouvernementales et autres représentants de la société civile et des médias ou encore la coopération avec les organisations internationales pour garantir la transparence et l'ouverture des prisons.  Les délégués du Comité international de la Croix-Rouge ont mené plus de 150 visites dans les prisons d'Ouzbékistan, a insisté M. Saidov, ajoutant que le système pénitentiaire de l'Ouzbékistan était totalement transparent.
 
L'Ouzbékistan rencontre certes des difficultés pour mettre pleinement en œuvre toutes les dispositions de la Convention, mais le pays a incontestablement la ferme volonté politique de donner suite à ses obligations au titre de la Convention, a conclu M. Saidov.
 
Examen du rapport
 
Questions et observations des membres du Comité
 
MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, a relevé l'absence de représentants de la société civile ouzbèke dans la salle et a fait observer que la communauté des organisations non gouvernementales en Ouzbékistan a été soumise à de fortes contraintes, de nombreux défenseurs des droits de l'homme ayant été emprisonnés ou s'étant exilés.  En outre, les ONG internationales ne semblent pas être aussi présentes en Ouzbékistan qu'elles ne l'étaient en 2007, à l'époque de l'examen du précédent rapport du pays; le CICR a même annoncé qu'il quittait l'Ouzbékistan faute de pouvoir procéder, selon les normes adéquates, aux visites des lieux de détention du pays, a souligné Mme Gaer.
 
Mme Gaer a relevé que les juges ouzbeks n'appliquent que la seule définition de la torture retenue dans le code pénal et non celle énoncée à l'article premier de la Convention; or, la définition énoncée dans le code pénal ne reprend que partiellement celle de la Convention puisque les fonctionnaires ne sont pas visés; ils peuvent être poursuivis pour complicité de torture, mais cela ne suffit pas, a-t-elle insisté.
 
Mme Gaer a par ailleurs souligné que l'amnistie, pas plus que la prescription, ne saurait s'appliquer pour un crime aussi grave que la torture.  Elle s'est enquise des sanctions prononcées à l'encontre des 45 agents chargés de l'application des lois qui ont été condamnés, selon les informations fournies par l'Ouzbékistan, pour des actes relevant de la Convention, ainsi que des amnisties dont ils auraient pu bénéficier.  Comment plus de 300 plaintes ont-elles pu aboutir à seulement 45 condamnations, s'est-elle en outre étonnée?
 
Il semble que la torture de détenus se poursuive en Ouzbékistan, a poursuivi la rapporteuse, soulignant que le Comité des droits de l'enfant s'est inquiété en juin dernier que la torture reste couramment pratiquée à l'encontre des détenus mineurs.  Mme Gaer a cité plusieurs cas de personnes affirmant avoir été torturées, l'une d'entre elles à des fins d'extorsion d'aveux.
 
M. Gaer s'est ensuite félicitée de l'introduction de l'habeas corpus mais a relevé que si les juges peuvent ordonner un examen médico-légal lorsqu'un détenu affirme avoir été soumis à un acte de torture, ils n'ont en revanche pas la possibilité de mener une enquête préliminaire; la légalité de la détention ne peut pas être évaluée.  Ainsi, un juge peut-il décider de la prolongation ou non de la détention provisoire, mais pas se prononcer sur sa légalité.  Le système ouzbek comporte également des lacunes s'agissant de la présence d'un avocat.
 
La rapporteuse a ensuite soulevé la question de l'irrecevabilité des aveux obtenus sous la contrainte, faisant état d'informations selon lesquelles les forces de l'ordre pratiqueraient la torture pour obtenir des aveux.  Comment le pays peut-il prétendre n'avoir aucune connaissance de telles allégations alors qu'elles font l'objet d'affaires soumises à la Cour européenne des droits de l'homme, s'est étonné la rapporteuse?
 
La rapporteuse a en outre cité plusieurs cas d'allégations de violences sexuelles ou de menace de telles violences en détention.  Elle a en outre indiqué avoir eu connaissance d'allégations portant sur des stérilisations forcées pratiquées dans le pays.
 
S'agissant enfin des événements de 2005 à Andijan, en Ouzbékistan, qui a été le théâtre de la répression excessive d'une manifestation, Mme Gaer a souhaité savoir si quelqu'un a été jugé responsable d'avoir recouru de manière excessive à la force en tirant à balles réelles sur des civils.
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Mme Gaer a par la suite affirmé qu'en Ouzbékistan, le fait est que le secteur des ONG a été réduit au silence.  Les allégations sont nombreuses, y compris en provenance des Rapporteurs spéciaux de l'ONU, qui affirment que les personnes détenues en Ouzbékistan font souvent l'objet de torture, a-t-elle ajouté.  Certes, l'Ouzbékistan n'est pas membre du Conseil de l'Europe; mais lorsque la Cour européenne des droits de l'homme explique qu'il ne faut pas renvoyer une personne en Ouzbékistan parce qu'elle serait susceptible d'y faire l'objet de torture, cela peut être pris au sérieux, a estimé Mme Gaer.  Pour ce qui est des stérilisations forcées, la rapporteuse a renvoyé à une source qu'elle a jugée non négligeable, à savoir un documentaire diffusé en avril 2012 par la BBC et présentant des témoignages de personnes qui avaient quitté l'Ouzbékistan pour d'autres pays tels que le Kazakhstan, mais préféraient garder l'anonymat.  L'Ouzbékistan a amélioré ses lois mais le Comité recherche des preuves d'améliorations dans la pratique, eu égard aux nombreuses allégations qu'il a reçues, a expliqué Mme Gaer.
 
M. GEORGE TUGUSHI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport, a lui aussi relevé l'absence de représentants de la société civile ouzbèke dans la salle.  Il a ensuite attiré l'attention sur l'affaire des 28 requérants d'asile ouzbeks extradés du Kazakhstan vers l'Ouzbékistan; rappelant que les assurances diplomatiques ne sont pas fiables et ne sauraient donc être utilisées, il a fait observer que si aucune de ces 28 personnes n'a officiellement porté plainte pour mauvais traitement, le Comité n'en a pas moins reçu des informations en provenance des familles et de groupes de défense des droits de l'homme indiquant que, pendant leur longue période en isolement, ces personnes ont été intimidées afin qu'elles ne portent pas plainte.
 
M. Tugushi a ensuite relevé que l'Ouzbékistan estime ne pas avoir besoin de signer le Protocole facultatif à la Convention en arguant que le système en place en matière de prévention de la torture est suffisamment efficace.  Or, selon certaines informations disponibles, le pays connaîtrait une situation carcérale grave, caractérisée notamment des conditions inhumaines de détention, a souligné le corapporteur.
 
Mentionnant le cas particulier d'un citoyen protestant qui, en juin 2013, a été détenu par la police et aurait reçu des coups, M. Tugushi a relevé que la police a ignoré la plainte de cette personne et des poursuites ont été engagées à son encontre pour recel de documents illégaux.
 
L'Ouzbékistan envisage-t-il le transfert du système pénitentiaire du Ministère de l'intérieur vers un autre ministère, celui de la justice par exemple, a demandé le corapporteur?
 
Pourquoi la plupart des institutions telles que le Comité international de la Croix-Rouge, qui a cessé ses visites de prisons dans le pays, ou Human Rights Watch, dont les bureaux locaux ont fermé il y a deux ans, ont-elles mis un terme à leurs activités en Ouzbékistan, a demandé M. Tugushi?
 
Le travail forcé durant la période de récolte de coton est un problème qui a été soulevé à maintes reprises par différents organes internationaux s'agissant de l'Ouzbékistan, a par ailleurs rappelé le corapporteur.  De nombreuses allégations font état du recours au travail des enfants dans ce contexte, a-t-il insisté.  Tout en se félicitant que l'Organisation internationale du travail a obtenu le droit de surveiller les pratiques dans le cadre de la récolte du coton le corapporteur a demandé à la délégation de réagir aux allégations de violations des droits de l'homme du fait du recours à des enfants dans le cadre de ce travail de récolte.
 
Relevant que le système de justice pénale de l'Ouzbékistan dépend beaucoup des aveux, le corapporteur s'est inquiété que la détention officielle ne soit enregistrée qu'une fois que la police est sûre que le prévenu va faire des aveux.  Le pays envisage-t-il d'abolir la détention administrative, cette pratique faisant l'objet d'abus et des enfants y étant même parfois soumis, a demandé M. Tugushi?  Combien de personnes font-elles l'objet de détention administrative chaque année, a-t-il en outre demandé, plaidant par ailleurs pour que la loi reconnaisse expressément l'irrecevabilité des aveux obtenus sous la contrainte?
 
S'agissant de l'indépendance du barreau, M. Tugushi a fait observer que le problème provient du fait que c'est le Ministère de la justice qui nomme le chef du barreau, lequel à son tour nomme les chefs régionaux, alors que tous les trois ans, les avocats doivent repasser un examen du barreau leur permettant de continuer à exercer.  M. Tugushi a attiré l'attention sur plusieurs cas d'allégations de torture apparus cette année et s'est enquis des enquêtes qui ont été menées s'agissant de ces allégations. 
 
Revenant sur l'affaire des 28 Ouzbeks renvoyés du Kazakhstan vers l'Ouzbékistan, le corapporteur a souligné que plusieurs de ces personnes ont affirmé avoir subi des humiliations et des traitements dégradants, alléguant même avoir été détenues au secret.  Par ailleurs, la baisse du nombre de personnes incarcérées ne signifie pas que ceux qui restent dans le système carcéral sont traités conformément aux principes de la dignité humaine.  M. Tugushi a souligné que les informations en provenance de nombreuses sources montrent que les mauvais traitements sont systématiques en Ouzbékistan.
 
Un autre membre du Comité a souhaité savoir si l'Ouzbékistan envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.  Relevant l'existence de très nombreuses allégations de mauvais traitements et de torture dans les lieux de détention, l'expert a attiré l'attention sur les règlements excessivement sévères dans les prisons.  Selon certaines ONG, entre 5000 et 10 000 prisonniers sont détenus dans les pires conditions et soumis régulièrement à des mauvais traitements, en particulier dans une des prisons du pays.
 
Une experte s'est inquiétée des pratiques de stérilisations forcées dans le pays.
 
Un autre expert s'est demandé pourquoi l'Ouzbékistan n'envisageait pas de ratifier la Convention de 1951 sur les réfugiés; cela lui permettrait pourtant de préciser à la communauté internationale sa position en la matière.  Il ne semble pas non plus que le pays ait ratifié la Convention sur l'apatridie, a fait observer cet expert, avant de s'enquérir de la manière dont s'acquiert la nationalité ouzbèke: est-ce le droit du sol ou le droit du sang voire une combinaison des deux qui prévaut?  Quelles sont les raisons des restrictions imposées à la libre circulation des personnes, a en outre demandé l'expert?
 
L'Ouzbékistan a-t-il l'intention de permettre la réouverture du bureau local du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), a demandé une experte?
 
Plusieurs experts ont fait part de leurs préoccupations au sujet du travail forcé, assimilable à de l'esclavage, dans les champs de coton du pays.  Entre 500 000 et 1,5 million d'enfants seraient, selon l'Organisation internationale du travail, tenus de participer à la récolte du coton, a-t-il été souligné.  Est-il vrai, comme l'indiquent certaines informations, que les enfants sont recrutés pour ce travail sans leur assentiment et qu'ils sont déscolarisés le temps de la récolte?
 
Les amnisties prononcées par les autorités valent-elles pour les actes de torture, a demandé un membre du Comité, rappelant que la torture ne saurait être amnistiée?
 
Un membre du Comité a attiré l'attention – liste de noms à l'appui – sur les allégations indiquant que de nombreux militants des droits de l'homme et journalistes ont été victimes d'actes de torture et n'ont pas reçu les soins médicaux requis.  L'expert a en outre dénoncé les violences sexuelles, y compris des viols, dont, selon certaines informations, se seraient rendus coupables des agents de police dans un commissariat.  Quelle est la pratique du pays en matière d'assurances diplomatiques dans les cas d'extradition, a par ailleurs souhaité savoir l'expert?  Il a également sollicité de la délégation la liste des lieux de détention visités par le médiateur.
 
Un expert a souhaité savoir quelles recommandations du Comité contre la torture ont été appliquées dans le cadre du plan national d'action qui, selon l'Ouzbékistan, a été élaboré à cette fin.
 
L'amnistie des actes de torture est une forme d'impunité et est contraire à la Convention, a souligné un autre membre du Comité.
 
Un membre du Comité a attiré l'attention sur les innombrables allégations de torture concernant une prison du pays, la prison de Jaslyk, que certaines ONG appellent «la maison de la torture» et a affirmé qu'au vu de l'horreur des actes décrits, il préfèrerait que ces allégations soient fausses.
 
Réponses de la délégation
 
La délégation s'est dite disposée à un dialogue constructif avec le Comité, sur un pied d'égalité; elle a précisé qu'elle n'accepterait pas un dialogue qui soit pontifiant, pas plus qu'elle n'accepterait que son avis ne soit pas pris en considération.  À cet égard, elle a indiqué avoir eu l'impression que pas plus le rapport très détaillé soumis par l'Ouzbékistan, que sa présentation orale hier n'ont été entendus par les membres du Comité.  La délégation s'est dite perplexe face aux propos des membres du Comité qui laissent apparaître qu'ils accordent la préférence à des informations émanant d'organisations non gouvernementales engagées politiquement au détriment de la parole gouvernementale.  Ainsi, la délégation a-t-elle renvoyé au rapport du Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme chargé de l'Examen périodique universel en date du mois d'avril dernier, en soulignant que sur les 83 pays qui étaient intervenus devant le Groupe de travail lors de l'examen de l'Ouzbékistan, 70 avaient fait une analyse extrêmement positive de la situation des droits de l'homme dans le pays.  La délégation a également renvoyé à diverses appréciations positives portées sur le pays par un certain nombre d'organes conventionnels, comme le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
 
La délégation a cité des informations en provenance de l'UNICEF selon lesquelles en 2010, sur les 4 530 000 écoliers que comptait l'Ouzbékistan, aucun n'aurait participé à la récolte du coton; dès lors, la délégation s'interroge sur l'origine du nombre qui a été avancé de 1,5 million d'enfants qui participeraient à la récolte du coton.  En outre, la récolte de coton dure en moyenne une trentaine de jours et non trois mois comme cela a été prétendu, a fait observer la délégation.
 
La délégation a par ailleurs réfuté l'assertion selon laquelle la formation aux droits de l'homme ne donnerait pas de résultats en Ouzbékistan; sur quels critères se fonde une telle affirmation, a-t-elle demandé?  En Ouzbékistan, six millions de personnes, soit une sur cinq, bénéficient d'une formation aux droits de l'homme sous une forme ou une autre, a affirmé la délégation, précisant que 99,7% de la population sont alphabétisés.
 
En réponse aux allégations de contraintes pesant sur les organisations non gouvernementales dans le pays, la délégation a fait valoir que dix ans après son indépendance, l'Ouzbékistan comptait quelque 2300 ONG, puis dix ans plus tard quelque 5100; cette année, leur nombre dépasserait les 6500.  Plus de 30 ONG internationales, dont une vingtaine américaines, sont présentes dans le pays, a par ailleurs indiqué la délégation.  S'il est vrai que les activités de telle ou telle organisation aient pu être fermées sur décision du tribunal suprême, la délégation s'est étonnée que le Comité puisse remettre en question une décision de la Cour suprême à l'encontre d'une organisation n'ayant pas respecté la législation en vigueur dans le pays.
 
L'Ouzbékistan n'est pas membre du Conseil de l'Europe et la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme ne saurait donc s'appliquer au pays, qui n'a pas ratifié la Convention européenne des droits de l'homme, a d'autre part fait observer la délégation.
 
La délégation s'est insurgée que l'on puisse prétendre que le Gouvernement refuse de condamner la torture, alors que les trois branches du pouvoir – exécutif, législatif et judiciaire – condamnent sévèrement et strictement la torture.  Elle a rappelé que le pays avait approuvé un plan national d'action visant l'application des recommandations du Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven.
 
En Ouzbékistan, les normes du droit international prévalent sur celles du droit national, a poursuivi la délégation, avant de faire valoir les très nombreuses visites effectuées par des organismes internationaux dans les prisons du pays, lesquelles ont été largement ouvertes au contrôle extérieur.
 
La délégation a par ailleurs rejeté l'allégation selon laquelle la définition de la torture énoncée à l'article 235 du code pénal ne serait pas conforme à celle énoncée dans l'article premier de la Convention.  Elle a fait valoir que toute action qui provoque de très fortes douleurs ou de grandes souffrances physiques ou psychiques causées par un tiers dans le but d'exercer des pressions ou d'intimider une personne, est considéré comme constituant un acte de torture.
 
L'Ouzbékistan prend des mesures décisives pour éradiquer la torture, a ensuite affirmé la délégation, assurant donner suite aux recommandations du Comité en la matière.  Depuis 2011, dix poursuites ont été engagées au titre de l'article 235 contre 22 agents de l'État et concernant 15 victimes, dont une femme; 18 peines de privation de liberté ont été prononcées et 3 accusés ont bénéficié d'une amnistie, a précisé la délégation.
 
Le statut d'avocat a été sensiblement revalorisé en Ouzbékistan, a par ailleurs fait valoir la délégation.  Le Ministère de la justice n'a de relations avec le barreau, qui est une organisation non gouvernementale, que dans deux cas: l'enregistrement et l'octroi de la licence; en dehors de cela, avocats et le barreau sont totalement indépendants, a souligné la délégation.
 
La délégation a ensuite assuré que les mineurs détenus en Ouzbékistan le sont à l'écart des adultes et que les femmes détenues sont séparées des hommes détenus.  Les détenus peuvent avoir accès à un médecin sans restriction aucune, a-t-elle ajouté.  Tous les détenus qui entrent en prison sont soumis à un examen médical et tous les six mois, en subissent un nouveau, a-t-elle en outre fait valoir.  Chaque détenu qui en fait la demande peut subir un examen médical minutieux qui entraînera l'adoption de mesures adéquates s'il révèle l'existence d'un acte de torture, a-t-elle ajouté.
 
La délégation a assuré que l'habeas corpus introduit dans le pays en 2008 fonctionne bien.  Rappelant qu'une personne peut être placée en détention provisoire au titre de la garde à vue si elle est, en particulier, prise en flagrant délit, la délégation a indiqué que la durée maximale de la détention en garde à vue est très courte, puisqu'elle est de 72 heures, délai dans le cadre duquel les chefs d'accusation doivent être communiqués au prévenu et la décision être prise quant à son arrestation ou sa libération.  Le prévenu doit être présenté devant un tribunal dans les douze dernières heures de sa garde à vue, a ajouté la délégation; il n'y a eu que 0,6% de cas où cette dernière règle a été violée, a-t-elle indiqué.  Les autorités ouzbèkes ne violent pas la règle des 72 heures au maximum de la garde à vue, a-t-elle insisté.  L'influence de l'habeas corpus dans la réduction de la population carcérale s'est avérée incontestable, a ajouté la délégation.
 
Interpellée sur la stérilisation forcée des femmes, la délégation a rappelé que cette question avait déjà été posée par le Comité en 2007 lors de l'examen du précédent rapport de l'Ouzbékistan.  Le pays accorde beaucoup d'importance à la réduction de la mortalité maternelle et infantile et à la santé des femmes en âge de procréer; c'est pourquoi des mesures concrètes sont prises.  L'Organisation mondiale de la santé indique que chaque année, 30 millions de femmes avortent à travers le monde.  Avant l'indépendance de l'Ouzbékistan, 80 000 femmes avortaient dans le pays, dont certaines en mouraient.  Tout État a le droit de mener sa propre politique démographique, a rappelé la délégation.  Aujourd'hui, les femmes en Ouzbékistan bénéficient de moyens modernes de contraception chirurgicale, comme cela existe dans de nombreux pays du monde.  Ces méthodes sont plus sûres que l'avortement et ont permis de diviser par cinq le nombre d'avortements et par dix le nombre de femmes mourant des suites de leur grossesse en Ouzbékistan, a fait valoir la délégation.  Cette méthode n'est toutefois pratiquée que sur demande écrite des personnes intéressées, c'est-à-dire sur une base volontaire, a souligné la délégation, invitant tout membre du Comité à citer des exemples concrets de cas où des stérilisations forcées auraient été pratiquées dans le pays.
 
En 2005-2006, le Haut-Commissariat pour les réfugiés  a décidé de cesser d'utiliser le territoire de l'Ouzbékistan pour acheminer son aide humanitaire aux réfugiés de la région, ce qui ne signifie pas que le pays a cessé depuis lors toute coopération avec le Haut-Commissariat, a expliqué la délégation.  Il reste à l'heure actuelle sur le territoire ouzbek entre 150 000 et 200 000 personnes qui relèvent du mandat du HCR en tant que réfugiés; à la demande du HCR, l'Ouzbékistan leur a délivré des visas et a autorisé le HCR à travailler auprès de ces populations qui sont majoritairement composées d'Afghans.
 
À ce jour, l'Ouzbékistan a signé et ratifié quelque 66 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention contre la torture, sans émettre à leur égard aucune réserve, a fait valoir la délégation.  L'Ouzbékistan n'a pas accepté la recommandation qui lui a été adressée dans le cadre de l'Examen périodique universel visant à ce qu'il accède au Protocole facultatif se rapportant à la Convention car il n'est pas prêt à assumer de nouvelles obligations en la matière, a-t-elle indiqué.
 
La délégation a indiqué qu'à la prison de Jaslyk, qui se trouve dans le nord du pays; les conditions correspondent parfaitement aux normes prescrites au niveau international.  C'est après avoir étudié la pratique dans plusieurs pays que la législation actuelle régissant les conditions de détention carcérale en Ouzbékistan a été adoptée, a par ailleurs expliqué la délégation.
 
La délégation a assuré qu'il n'a jamais été question pour les autorités ouzbèkes d'interrompre les activités du Comité international de la Croix-Rouge dans le pays; c'est le CICR lui-même qui a pris cette décision de cesser ses visites dans les prisons ouzbèkes.  En 2004, une situation analogue s'était produite, mais en fin de compte, cela n'a pas empêché le CICR de revenir dans le pays en 2008, a souligné la délégation.  En fait, la situation actuelle est due à une décision du Directeur du CICR qui est éminemment politique, a-t-elle affirmé; en effet, dix jours seulement après que les visites du CICR eurent cessé, se tenait à Genève l'Examen périodique universel concernant l'Ouzbékistan, a fait observer la délégation.
 
Pour ce qui est de l'habeas corpus, la délégation s'est étonnée que le Comité, après avoir demandé à l'Ouzbékistan d'introduire ce recours – ce que le pays a fait – dise maintenant que cela ne fonctionne pas. 
 
Conclusions
 
S'agissant des interrogations de la délégation s'agissant des sources d'information du Comité,  M. Claudio Grossman, Président du Comité, a tenu à attirer l'attention de la délégation sur le fait qu'elle avait la possibilité de solliciter du secrétariat du Comité, à toutes fins utiles, les documents et informations dont disposent les experts pour examiner la situation en Ouzbékistan.  Il ne saurait s'agir pour la délégation de juger les membres du Comité, qui sont tous des experts indépendants, en fonction «du caractère plaisant ou non pour l'Ouzbékistan des questions qu'ils soulèvent», a souligné M. Grossman.
 
La rapporteuse, MME GAER, a pour sa part rappelé que les membres du Comité – qui sont tous des experts indépendants – se fondent, pour présenter des questions et observations, sur des informations émanant de sources les plus diverses, y compris d'institutions et organes des Nations Unies, parmi lesquels, en l'occurrence, la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.  L'Assemblée générale elle-même s'est dite très inquiète des violations graves et répétées de droits de l'homme en Ouzbékistan, a-t-elle rappelé. 
 
Le corapporteur, M. TUGUSHI, a quant à lui assuré la délégation que les experts ont analysé l'ensemble des informations provenant des différentes sources disponibles, y compris celles des autorités ouzbèkes.
 

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