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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture examine le rapport du Guatemala

14 Mai 2013

Comité contre la torture

14 mai 2013

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Guatemala sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Antonio Arenales Forno, Secrétaire de la paix et Président de la Commission présidentielle de coordination de la politique du pouvoir exécutif en matière de droits de l'homme (COPREDEH), a notamment indiqué que le Guatemala a chargé un groupe de travail de préparer les projets de loi afin de mettre en conformité sa législation avec les conventions et déclarations internationales s'agissant en particulier des délits de génocide, de torture, de disparitions forcées et d'exécutions extrajudiciaires.  Le Guatemala accepte sa responsabilité en tant qu'État ainsi que le droit des victimes à réparation s'agissant de nombreuses et graves violations des droits de l'homme durant l'affrontement armé, mais n'accepte pas l'utilisation du terme d'impunité, soulignant que l'application d'une amnistie légale et légitime, la non-rétroactivité de la loi pénale et la prescription empêchent de poursuivre nombre des responsables.  L'engagement qu'a souscrit le Guatemala de respecter les conventions auxquelles il est partie fait en sorte que dans la situation actuelle, des conduites telles que celles des insurgés et des contre-insurgés durant l'affrontement armé ne pourront dans le futur rester sans faire l'objet de poursuites pénales.  Pour ce qui est des persécutions, menaces, assassinats et autres violations des droits de l'homme à l'encontre des défenseurs de droits de l'homme, le Gouvernement rejette toute idée qu'il puisse être considéré, de quelque manière que ce soit, que le Gouvernement autorise ou tolère de tels agissements.

La délégation guatémaltèque était également composée de la Représentante permanente du Guatemala, Mme Carla María Rodríguez Mancia; du Président de la Commission nationale de réparation, M. Jorge Herrera; ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur, du système pénitentiaire, de la Police civile nationale et de la COPREDEH.  Elle a répondu aux questions des membres du Comité portant, notamment, sur les questions d'impunité et d'amnistie; les personnes portées disparues; le mécanisme national de prévention de la torture; la proclamation de l'état d'exception; la situation des défenseurs de droits de l'homme; la protection des magistrats; les rôles respectifs de la Police nationale civile et de l'armée; la juridiction de la justice militaire; les entreprises privées de sécurité; les dispositions relatives à la détention préventive; la surpopulation carcérale; la violence contre les femmes; l'application d'un moratoire sur la peine de mort; les suites du meurtre d'un défenseur des droits de l'homme; le procès de l'ancien chef de la police, actuellement détenu en Suisse.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. Claudio Grossman, qui est également le Président du Comité, a souligné l'important problème de criminalité organisée dans le pays et a plaidé en faveur d'un renforcement de l'action de la police nationale.  Il a par ailleurs souligné l'importance de l'impunité au Guatemala, faisant état de nombreux cas d'assassinats d'autochtones et de défenseurs des droits de l'homme.  La surpopulation carcérale est un problème très grave au Guatemala en raison de la pratique en matière de détention préventive.  La corapporteuse, Mme Nora Sveaass, a félicité le Guatemala pour les progrès enregistrés ces dernières années et pour le message très clair qu'a envoyé le pays concernant le rejet de toute impunité pour génocide et crimes contre l'humanité, comme le montre la sentence prononcée vendredi dernier contre l'ancien dictateur Efraín Ríos Montt.  Elle a toutefois encouragé le pays à redoubler d'efforts pour éclaircir le sort des personnes portées disparues et à veiller à ce que les personnes qui portent plainte ne fassent l'objet d'aucune représailles.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport du Guatemala à la fin de la session, qui se termine le vendredi 31 mai.


Le Comité entame demain matin l'examen du rapport du Kenya (CAT/C/KEN/2), qui se conclura jeudi après-midi (un compte rendu sera publié jeudi soir concernant les deux séances consacrées à l'examen de ce rapport).  Il doit conclure, demain après-midi, l'examen du rapport des Pays-Bas entamé ce matin.


Présentation du rapport

Présentant le rapport du Guatemala (CAT/C/GTM/5-6), M. Antonio Arenales Forno, Secrétaire de la paix et Président de la Commission présidentielle de coordination de la politique du pouvoir exécutif en matière de droits de l'homme (COPREDEH), a indiqué qu'il assume ces fonctions depuis le 3 septembre 2012.  Le Guatemala avait récemment pris l'engagement,  dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, de restructurer et renforcer l'architecture institutionnelle de l'organisme de l'exécutif chargé de promouvoir le respect des droits de l'homme en le fusionnant avec le Secrétariat de la paix de la Présidence et de le charger du suivi des Accords de paix souscrits en 1996 qui ont mis un terme à l'affrontement armé interne.

M. Arenales Forno a reconnu que le Guatemala n'avait pas respecté son obligation de rendre l'incrimination de la torture figurant dans le Code pénal conforme à la Convention.  Il a précisé que le groupe de travail chargé de préparer les projets de loi visant à respecter les obligations du pays en vertu Statut de Rome de la Cour pénale internationale – ratifié l'an dernier - a entrepris de mettre en conformité l'incrimination des délits de génocide, de torture, de disparitions forcées et d'exécutions extrajudiciaires avec les conventions et déclarations internationales.  Le pays espère que d'ici la fin de cette année, les textes pourront être présentés au Congrès.

Pour ce qui est de la participation de l'armée à la sécurité interne, M. Arenales Forno a souligné que c'est une fonction que la Constitution reconnaît à l'armée et qu'il existe tout un corpus de lois ordinaires, de règlements et de dispositions administratives qui régissent cette participation en tant qu'appui extraordinaire et temporaire aux forces de sécurité civile lorsque, du fait de circonstances exceptionnelles, celles-ci se voient empêchées de s'acquitter de leurs obligations.  La coopération de l'armée est subordonnée à l'autorité civile et le Ministère de la défense doit rendre des comptes lorsque cesse l'exceptionnalité, a précisé M. Arenales Forno, ajoutant que la juridiction militaire ne s'étend pas aux délits de droit commun commis par des militaires.

Le Guatemala ne nie pas que se soient produites de nombreuses et graves violations des droits de l'homme durant l'affrontement armé; il accepte la responsabilité en tant qu'État ainsi que le droit des victimes à réparation, a poursuivi M. Arenales Forno, ajoutant que le pays ne fait aucune objection aux travaux visant à approfondir la connaissance de la vérité historique.  Il n'accepte pas, en revanche, l'utilisation du terme d'impunité, a déclaré M. Arenales Forno.  Il a souligné que le rapport de la Commission chargée de faire la lumière sur le passé – qui n'avait pas pour objet d'individualiser les responsabilités – avait été accepté conjointement avec une amnistie et un programme national de réparations ayant permis d'indemniser quelque 30 000 personnes affectées pour un montant total de 600 millions de quetzals.  L'amnistie, contenue dans la Loi de réconciliation nationale, fut accordée dans le cadre des Accords de paix entre le Gouvernement et la guérilla, avec la participation des Nations Unies, et fut approuvée par un Congrès légitimement élu, a insisté M. Arenales Forno, qui a précisé que le Guatemala n'est pas partie à la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité et que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale était en vigueur pour le pays à compter de 2012.

Pour ce qui est des persécutions, menaces, assassinats et autres violations des droits de l'homme à l'encontre des défenseurs de droits de l'homme, le Gouvernement rejette toute idée qu'il puisse être considéré, de quelque manière que ce soit, qu'il y ait autorisation ou tolérance gouvernementale en la matière, a déclaré M. Arenales Forno.  Le Gouvernement guatémaltèque réaffirme son engagement à garantir le travail des défenseurs des droits de l'homme, a-t-il assuré, soulignant le travail de l'Instance d'analyse des attaques contre les défenseurs de droits de l'homme.

M. Arenales Forno a par ailleurs attiré l'attention sur les efforts que continue de déployer le pays, avec l'aide de la coopération internationale, pour restructurer, élargir et professionnaliser la police civile nationale, avec pour objectif l'incorporation de quelque 10 000 éléments d'ici janvier 2016.  Actuellement, le pays compte 25 000 policiers et l'on estime qu'il en faudrait le double.  Le Secrétaire de la paix a expliqué que le Guatemala ne nie pas – et au contraire combat avec détermination – la tentative constante de corrompre et d'affaiblir les forces de sécurité civile de la part du crime organisé transnational, essentiellement des organisations de narcotrafic, de traite de personnes et de contrebande.  Cette lutte requiert une coopération internationale, a-t-il souligné, admettant que les méthodes actuelles se sont avérées insuffisantes pour freiner le trafic et les activités criminelles connexes.

Enfin, le système pénitentiaire guatémaltèque est confronté à des difficultés du fait d'une croissance du nombre de personnes placées en détention préventive ou condamnées, a reconnu M. Arenales Forno.  Le phénomène des maras (bandes de jeunes délinquants) frappe tout le continent américain et génère des taux de criminalité élevés.  Ainsi, alors que croît la population carcérale, les centres pénitentiaires ne se sont pas étendus et aucun nouveau centre n'a été construit ces dernières années.  Aussi, le Gouvernement est-il en train de rechercher des financements pour la construction de nouveaux centres en même temps qu'il travaille à la rénovation des centres existants, a indiqué M. Arenales Forno.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. Claudio Grossman, Président du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport du Guatemala, s'est félicité de l'initiative mentionnée par l'État partie visant à présenter au Parlement une modification de la définition de la torture dans la législation.  Il a plaidé en faveur d'un renforcement de l'action de la police nationale, et de ressources plus importantes allouées à la police plutôt qu'à l'armée en matière de sécurité. 

En ce qui concerne la lutte contre l'impunité, M. Grossman a rappelé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait établi l'incompatibilité des lois d'amnistie, dans divers contextes latino-américains, avec les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.  Sur les 626 massacres enregistrés par la Commission d'établissement de la vérité, un grand nombre n'ont pas été élucidés, a-t-il par ailleurs fait observer.  La question de l'impunité est une question de la plus haute importance, a-t-il insisté.

L'un des problèmes importants qui se posent au Guatemala a trait au rôle de la police, a relevé M. Grossman, qui souligné l'importance d'une police bien formée, bien payée, disposant de ressources suffisantes et coopérant avec la société civile.  Il faut aussi examiner dans quelle mesure l'État couvre les besoins de sécurité de la population et quel est l'apport de l'armée dans ce contexte.  Chacun sait qu'il y a un problème important de criminalité organisée au Guatemala, a insisté le rapporteur.

De janvier à août 2011, quelque 3600 décès violents et plus de 4100 blessées ont été enregistrés dans le pays, a en outre souligné le rapporteur, ajoutant que la proportion de femmes parmi ces victimes était très préoccupante.  Il a insisté sur la nécessité de renforcer le nombre d'agents de police dans un pays où la situation est aussi préoccupante du point de vue sécuritaire.  Il a fait état de nombreux cas d'assassinats d'autochtones et de défenseurs des droits de l'homme.  Combien de personnes sont-elles détenues au Guatemala pour avoir assassiné des défenseurs des droits de l'homme?  Certaines autorités s'efforcent de discréditer les défenseurs de droits de l'homme et d'incriminer leurs activités, a également déploré M. Grossman, soulignant que les représailles à l'égard des défenseurs de droits de l'homme sont inacceptables.

En ce qui concerne la juridiction des tribunaux militaires, M. Grossman a souligné que le jugement d'affaires de droit commun par des tribunaux militaires n'est pas une bonne solution. 

Combien de services privés de sécurité sont-ils enregistrés dans le pays, s'est en outre enquis le rapporteur?  Combien de poursuites ont-elles été engagées et combien de condamnations prononcées à l'encontre d'agents de sécurité privée, a-t-il demandé ?

La surpopulation carcérale est un problème très grave au Guatemala et cela est dû à la pratique en matière de détention préventive, a poursuivi M. Grossman, qui a demandé pourquoi le Guatemala ne souhaite pas recourir aux peines alternatives à la privation de liberté.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, a félicité le Guatemala pour les nombreux progrès importants enregistrés dans le pays ces dernières années et pour le message très clair qu'a envoyé ce pays concernant le rejet de toute impunité pour le génocide et les crimes contre l'humanité.  Ainsi, la sentence prononcée vendredi condamnant Efraín Ríos Montt à 80 années d'emprisonnement constitue un jalon du point de vue national comme international et pour les nombreuses victimes et personnes affectées par le génocide, a-t-elle fait valoir.

Mme Sveaass a ensuite encouragé l'État guatémaltèque à redoubler d'efforts pour éclaircir le sort des personnes portées disparues.  Elle a en outre souhaité en savoir davantage au sujet de l'aide aux victimes et de la protection des témoins.  La corapporteuse a encouragé l'État à veiller à ce que les personnes qui portent plainte ne fassent l'objet d'aucune représailles.  Certes, les autorités sont contre toutes représailles à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme; mais que font-elles, concrètement, pour lutter contre ce phénomène et veiller à la sécurité de ceux qui luttent pour la défense des droits de l'homme?

Mme Sveaass a par ailleurs souhaité savoir où en est le procès concernant le meurtre de Juan José Gerardi Conedera, évêque et ardent défenseur des droits de l'homme.

La corapporteuse a en outre fait part de sa préoccupation face au grand nombre de victimes parmi les personnes travaillant dans le secteur des transports, quelque 130 conducteurs de bus ayant été exécutés en 2010.  Mme Sveaass s'est également inquiétée de la violence exercée contre les femmes au Guatemala et du nombre important de féminicides enregistrés dans ce pays.  Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité pour le Guatemala de revoir sa loi sur l'avortement afin de l'autoriser dans le cas, par exemple, d'un viol.  Mme Sveaass s'est félicitée de la décision du Guatemala de faire de la violence sexuelle un motif pouvant fonder une demande d'asile.

Que fait le Guatemala pour assurer que les locaux destinés à la détention des requérants d'asile répondent aux normes internationales, a ensuite demandé la corapporteuse ? 

Mme Sveaass a par ailleurs attiré l'attention sur les problèmes de surpopulation carcérale que connaît le Guatemala et qui touchent en particulier les personnes se trouvant en détention préventive.  Le pays compterait au total quelque 13 877 personnes placées en détention dont 7222 ont été condamnées, les autres se trouvant donc en détention préventive, a-t-elle fait observer, avant de souligner qu'environ 60% des femmes détenues sont en fait placées en détention préventive.

Mme Sveaass a en outre fait part de sa préoccupation face à la situation des enfants et jeunes placés en institutions au Guatemala qui ont été exposés à des actes de violence; elle a notamment dénoncé la violence systématique qui sévit dans ces centres.  La corapporteuse s'est également inquiétée des conditions qui prévalent dans l'hôpital de santé mentale Federico Mora.

Un autre membre du Comité a relevé que selon les informations fournies par plusieurs organisations non gouvernementales, le projet de loi déposé en 2007 afin de mettre sur pied une commission de recherche des personnes portées disparues n'a pas encore été approuvé.  Il a ensuite demandé quelle était la position du Guatemala dans l'affaire Erwin Sperisen, ancien chef de la police guatémaltèque de 2004 à 2007, accusé d'être l'auteur d'exécutions extrajudiciaires et arrêté le 31 août 2012 à Genève, où il sera jugé puisqu'il possède également la nationalité suisse.  L'expert a demandé, dans ce contexte, si un accord d'entraide judiciaire a été conclu entre la Suisse et le Guatemala, conformément à l'article 9 de la Convention.

Évoquant la participation de l'armée à la répression de la criminalité de droit commun, une experte a fait observer que parmi les militaires concernés, plusieurs ont été recrutés de force, notamment des mineurs qui se sont plaints auprès du Procureur des droits de l'homme.

Relevant que, dans de nombreux cas au Guatemala, les violences sont liées à la question de la propriété foncière, un autre membre du Comité a demandé si un cadastre permettait d'attester de la propriété de la terre.

À 97%, les cas de torture au Guatemala restent impunis, s'est inquiété un expert.  Il a par ailleurs souhaité connaître les mesures qui sont prises pour assurer la protection des juges et des procureurs.

Un autre expert s'est inquiété du caractère alarmant du problème du travail des enfants au Guatemala, où de nombreux enfants âgés de 5 à 14 ans sont forcés de travailler.

Un membre du Comité a rappelé que, selon le Haut Commissariat aux droits de l'homme, l'amnistie ne saurait être recevable dans les cas de violations de droits de l'homme.  Le Haut Commissariat signale en outre au sujet du Guatemala que les défenseurs des droits de l'homme continuent d'être victimes de violations de droits de l'homme, plusieurs d'entre eux ayant été assassinés, encore cette année.  Le Haut Commissariat déplore aussi la tendance à discréditer les défenseurs des droits de l'homme, voire à incriminer certaines de leurs activités.  On constate certainement une évolution dans le bon sens dans certains domaines au Guatemala, mais pas dans tous les domaines.

Une experte a demandé quelle était la situation s'agissant de l'application de la peine de mort au Guatemala, qui compte actuellement 26 condamnés à mort et qui a déclaré un moratoire sur la peine capitale.
 
L'amnistie décrétée au Guatemala couvre-t-elle aussi bien le génocide que les actes de génocide, a demandé une autre experte?

D'autres questions ont porté sur les recours dont disposent les requérants d'asile déboutés; la situation des milliers de Guatémaltèques qui, pour des raisons économiques, tentent de se rendre aux États-Unis en passant par le Mexique; le phénomène endémique du travail des enfants; l'augmentation de la violence fondée sur le sexe dans le pays.

Réponses de la délégation

La délégation du Guatemala a déclaré que son pays accepte sa responsabilité en tant qu'État pour les violations des droits de l'homme commises durant l'affrontement armé ainsi que sa responsabilité pour les réparations et indemnisations.  Toutefois, pour ce qui est des conduites individuelles qui ont généré ces violences, il est inadéquat de porter des accusations d'impunité, car l'application d'une amnistie légale et légitime, la non-rétroactivité de la loi pénale et la prescription empêchent de poursuivre pénalement nombre des responsables de ces actes.  L'engagement qu'a souscrit le Guatemala de respecter les conventions auxquelles il est partie fait que dans la situation actuelle, des conduites telles que celles des insurgés et des contre-insurgés durant l'affrontement armé ne pourront dans le futur rester sans poursuites pénales.

En 1995, a rappelé la délégation, la législation guatémaltèque a incriminé la disparition forcée et l'exécution extrajudiciaire et en 2012, le pays a adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, incriminant les délits qui y figurent, acceptant leur imprescriptibilité et se reconnaissant la juridiction pénale internationale.

L'amnistie au Guatemala procède de l'engagement pris par les présidents centraméricains dans le cadre de l'Accord d'Esquipulas afin d'engager des négociations qui puissent mettre un terme aux conflits armés qui sévissaient dans la région, a par ailleurs rappelé la délégation.  Au Guatemala, l'amnistie fut accordée en 1996, entre la guérilla et le Gouvernement et avec les Nations Unies comme modérateur; elle procède d'une loi en vigueur, qui doit être appliquée et continuera d'être appliquée.  Les seules exceptions à l'amnistie sont le génocide, la disparition forcée et la torture, qui ne sauraient être prescrits, a précisé la délégation, rappelant toutefois qu'en 1996, le Guatemala n'était partie à aucune convention d'imprescriptibilité.

De l'avis de la délégation guatémaltèque, l'affrontement armé interne ne devrait pas être traité par ce Comité de la manière dont il l'a fait.  Le manque d'informations suffisantes et la désinformation ont provoqué des conclusions et des jugements de valeur inadéquats et inacceptables sur une vérité historique qui requiert une étude attentive et un débat constructif pour permettre la réconciliation des Guatémaltèques, a ajouté la délégation.

S'agissant de l'affaire du meurtre de l'évêque auxiliaire Gerardi, la délégation a souligné que les responsables et auteurs matériels qui ont été condamnés sont en train d'accomplir leur peine ou l'ont déjà accomplie.  Le Ministère public n'a réuni aucune preuve permettant de poursuivre une quelconque autre personne comme auteur matériel ou moral du délit visé dans cette affaire, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est de la situation des patients de l'hôpital de santé mentale Federico Mora, la délégation a notamment indiqué qu'un accord avait été signé avec l'Organisation panaméricaine de la santé en vue d'élaborer une loi et un règlement de santé mentale.  L'Hôpital Federico Mora est en train d'être rénové afin de respecter les normes de traitement adéquates des patients, les personnes souffrant de maladies mentales qui font l'objet d'une procédure pénale étant provisoirement séparées des autres, dans ce même hôpital, en attendant que soit achevée la construction, entamée, d'un centre de détention spéciale.  La délégation a précisé qu'il n'y avait aucun mineur dans cet hôpital.

Pour ce qui est de la recherche des personnes portées disparues, la délégation a indiqué que les projets présentés jusqu'ici devant le Congrès n'ont aucune chance d'être approuvés et qu'un nouveau texte était en train d'être négocié.  Elle a fait état de désaccords sur les dispositions qui font référence aux délits – la position de la COPREDEH étant que des recherches devraient être engagées même sans que ne soit imputé de délit, «ce qui serait impropre et ne favoriserait en rien la recherche de la vérité».

Le mécanisme national de prévention de la torture a été créé conformément au Protocole facultatif à la Convention en 2010 mais n'a pas encore commencé à fonctionner, a indiqué la délégation, précisant que la Commission des droits de l'homme du Congrès a déjà présenté la liste des 15 candidats pour ce mécanisme et que la plénière du Congrès devra donc désormais procéder aux élections.  Elle a précisé que la COPREDEH œuvre activement en ce sens.

Pour ce qui est de l'affaire Sperisen, la délégation guatémaltèque a souligné que M. Erwin Sperisen étant citoyen suisse, il est poursuivi par la justice suisse, qui refuse son extradition.  La collaboration qui est demandée dans ce contexte passera par les canaux compétents, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne l'incrimination du délit de torture dans la législation guatémaltèque, la délégation a indiqué que le délit de torture doit être incriminé conformément à la Convention, ce à quoi travaille le groupe interinstitutionnel qui est en train d'élaborer la loi d'application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  La Cour constitutionnelle n'a pas déclaré inconstitutionnel l'article actuel du Code pénal relatif au délit de torture mais a simplement demandé sa mise en conformité avec la Convention.  La délégation a par la suite fait valoir que la définition du concept de torture physique et psychologique dans le cadre de la Politique nationale de réparation a été formulée à partir de la définition figurant dans le Protocole d'Istanbul.

La délégation a indiqué qu'il n'y avait pas de bureau du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) au Guatemala; les activités relatives aux réfugiés et aux requérants d'asile sont coordonnées avec le bureau du HCR au Panama, par le biais des canaux diplomatiques.  Le HCR n'a pas jugé nécessaire d'établir un bureau au Guatemala, a insisté la délégation, précisant par la suite que le nombre de réfugiés et de requérants d'asile n'est pas très élevé dans le pays, bien qu'il soit accueillant à leur égard et que, de l'avis de la délégation, il n'y a pas eu de rejet de demandes d'asile ces dernières années.

Les états d'exception sont régis par la Constitution et par la Loi relative à l'ordre public, a poursuivi la délégation.  Les différents états d'exception sont la prévention, l'alerte, la catastrophe, le siège et la guerre.  La loi réglemente les garanties qui sont suspendues dans chacun de ces cas.  Les états d'exception sont décrétés par le Cabinet et doivent être ratifiés par le Congrès, sauf pour le cas de l'état de prévention.  Actuellement, des états de prévention sont appliqués dans quatre municipalités de deux départements (Jalapa et Santa Rosa).

La délégation a réitéré l'engagement du Guatemala à garantir le travail des défenseurs des droits de l'homme et à faire le nécessaire pour ce qui est d'enquêter sur les plaintes.  Elle a assuré qu'il n'y a pas, de la part du Gouvernement guatémaltèque, une volonté à criminaliser les activités des défenseurs des droits de l'homme.  Seules quelques personnes ayant participé à certaines manifestations ont été poursuivies au pénal, et ce uniquement lorsqu'il a été prouvé que ces personnes avaient commis des délits.  Il n'est pas correct d'affirmer que le Guatemala n'aurait pas la volonté de respecter les défenseurs des droits de l'homme sur la base de plaintes qui n'ont pas été présentées au Ministère public, lequel est l'organe responsable des poursuites pénales, a déclaré la délégation.

La délégation a en outre souligné que le Ministère de la gouvernance, à travers la Police nationale civile, apporte une protection aux juges, magistrats et procureurs.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement guatémaltèque s'est proposé d'élever à 35 000 d'ici la fin de son mandat actuel, en janvier 2016, le nombre de membres de la Police nationale civile.  La Police nationale civile compte actuellement quelque 26 300 membres, a-t-elle par la suite précisé.  La délégation a en outre indiqué que l'Inspection générale de la police, en tant qu'unité interne chargée d'enquêter sur les éléments de la police qui violent la loi, a renvoyé en 2012 aux tribunaux compétents quelque 194 membres de la police de différents rangs hiérarchiques.  Pour cette année, ce nombre s'établit à 84.  Conformément à la législation en vigueur, la Police nationale civile doit présenter les détenus à un juge compétent dans un délai de six heures. 

La délégation a ensuite expliqué que l'armée du Guatemala mène des actions pour coopérer avec la Police nationale civile mais à aucun moment n'exerce les fonctions propres de celle-ci.  Il est vrai que le budget de l'armée dépasse celui des forces de sécurité civile, mais il n'est pas correct d'en conclure que l'armée est privilégiée par rapport à celles-ci, a déclaré la délégation, affirmant que les besoins et coûts des équipements militaires ne sauraient être comparés à ceux de la police.

S'agissant de la justice militaire, la délégation a de nouveau souligné que la Cour constitutionnelle avait statué que la juridiction militaire ne saurait connaître de délits de droit commun commis par des militaires; il n'y a aucune initiative législative visant à modifier cette décision, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que la Direction des entreprises privées de sécurité compte dans son registre quelque 141 entreprises créées avec accord gouvernemental ou ministériel; après l'entrée en vigueur de la Loi sur les entreprises privées de sécurité, l'inscription de 120 entreprises est actuellement en cours.  La délégation a par la suite précisé que le Guatemala compte 41 000 agents de sécurité privée dûment enregistrés et compterait quelque 100 000 agents de sécurité privée supplémentaires non enregistrés.

Conformément au Code de procédure pénale, a poursuivi la délégation, la prison préventive ne doit pas excéder un an et, en cas de condamnation, peut être prorogée de trois mois.  Le Code de procédure pénale prévoit toutefois que la Cour suprême de justice, sur demande du Ministère public, des tribunaux ou des cours d'appel, peut autoriser une prolongation de la détention préventive pour une durée de trois supplémentaire autant de fois qu'elle le juge nécessaire.  Les recours, notamment en amparo, peuvent provoquer des retards dans le jugement qui justifient de telles prorogations, a précisé la délégation.

La surpopulation carcérale provoquée notamment par l'augmentation de la criminalité transnationale a généré un fonctionnement inadéquat des centres où sont purgées les peines, des centres de détention préventive et des prisons publiques, a poursuivi la délégation, précisant que dans la majorité des centres de détention, cohabitent des personnes condamnées et des personnes placées en détention préventive, ce que les autorités s'efforcent de solutionner par des transferts de prisonniers et des travaux de rénovation, en attendant la construction de nouveaux établissements.  La surpopulation carcérale, qui atteignait 199% en 2012, atteignait 232% en mars 2013, a ensuite précisé la délégation.
 
Il existe au Guatemala deux registres de la propriété – un dans la capitale et l'autre à Quetzaltenango – dans lesquels sont consignées toutes les propriétés urbaines et rurales, a par ailleurs indiqué la délégation.

La violence contre les femmes constitue une priorité dans le cadre des poursuites qu'engage le Ministère public, a souligné la délégation, faisant notamment valoir qu'une loi a été adoptée sur le féminicide et autres formes de violence à l'encontre des femmes.

La Constitution guatémaltèque prévoit que la vie humaine est protégée dès sa conception, a souligné la délégation; aussi, le seul cas où l'avortement n'est pas punissable, c'est lorsque la vie de la mère est en danger, c'est-à-dire pour des raisons thérapeutiques.

La peine de mort existe au Guatemala mais ne s'applique qu'à des cas exceptionnels et en aucune manière aux femmes et aux enfants, a par ailleurs indiqué la délégation.  Cette peine n'est plus appliquée du fait de l'appartenance du pays au système interaméricain, a-t-elle ajouté.  Toutes les peines de mort ont été commuées en peine d'emprisonnement maximale et le Guatemala applique donc un moratoire de fait sur la peine capitale, a insisté la délégation.

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