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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport de Chypre

15 Février 2013

15 février 2013
 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique de Chypre sur la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

La Commissaire juridique de la République de Chypre, Mme Leda Koursoumba, a notamment souligné qu'en raison de l'occupation illégale persistante et du contrôle effectif de 37% de son territoire par les forces militaires turques, son Gouvernement ne soit pas en mesure d'assurer la réalisation des droits des femmes et l'égalité entre les sexes sur la partie du territoire sous occupation étrangère. Durant la période examinée, le cadre juridique protégeant les droits des femmes a été renforcé par un certain nombre de dispositions législatives, notamment en faveur de la famille et de l'emploi et contre la violence à l'égard des femmes et la traite, concrétisées par plusieurs plans nationaux d'action. Mme Koursoumba a par ailleurs fait valoir que Chypre est parvenue à la parité dans l'éducation; dans l'enseignement supérieur, les femmes sont même plus nombreuses à suivre des études. Elle a réitéré l'attachement de Chypre à la promotion de la femme, en dépit de la crise économique mondiale qui a d'ores et déjà fortement affecté l'économie du pays et sa cohésion sociale. La parité entre hommes et femmes ne doit pas être appréhendée comme un fardeau économique pour la société mais comme une condition préalable au développement social et à la croissance, a conclu Mme Koursoumba.

La délégation chypriote était également composée de la Secrétaire générale du mécanisme national chargé des droits des femmes et de représentants du Ministère de l'éducation et de la culture, du Ministère du travail et de l'assurance sociale et du Ministère de la santé, ainsi que d'un représentant de la police chypriote. L'inclusion de la définition de la discrimination dans le cadre constitutionnel et législatif, les mécanismes nationaux de promotion de la femme, la question de la violence à l'égard des femmes, la traite et l'exploitation à des fins sexuelles et de prostitution, l'égalité de traitement dans l'emploi et les procédures de plaintes – notamment pour les migrants - , la santé, l'éducation, la lutte contre les stéréotypes et l'amélioration de la participation des femmes à la vie politique, notamment la réticence à instaurer un système de quota à cet effet, ont été autant de sujets abordés par les membres du Comité et la délégation chypriote.

La Présidente du Comité, Mme Nicole Ameline, a vivement souhaité que l'élan donné par la présidence chypriote du Conseil de l'Union européenne permette d'avancer et d'adapter les dispositions de la Convention à la situation du pays. Elle a particulièrement insisté sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes. La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Chypre est Mme Xiaoqiao Zou.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de Chypre avant la fin de la session, le 1er mars prochain.

Lors de sa prochaine séance publique, lundi 18 février à partir 10 heures, le Comité tiendra un débat d'une demi-journée sur l'accès des femmes à la justice. Il doit en outre entendre, dans l'après-midi, des organisations non gouvernementales et des institutions nationales des droits de l'homme qui témoigneront de la situation, au regard de la Convention, dans les pays dont les rapports seront examinés au cours de la semaine.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de Chypre (CEDAW/C/CYP/6-7), MME LEDA KOURSOUMBA, Commissaire juridique de la République de Chypre, a déclaré que son pays prend très au sérieux les recommandations du Comité dans le cadre des politiques mises en place en matière de d'égalité entre hommes et femmes. État partie à la Convention depuis 1985, Chypre a toujours veillé à soumettre, dans les délais, tous ses rapports périodiques. Elle a rappelé que, sous la présidence chypriote du Conseil de l'Union européenne en 2012, 2015 a été proclamée «année européenne de la tolérance zéro à l'égard de la violence envers les femmes». Dans ce contexte, une stratégie commune a été élaborée et une campagne européenne coordonnée a été lancée, de même qu'une ligne téléphonique d'aide européenne aux victimes des violences a été établie. Néanmoins le pays a été frappé par la crise économique mondiale dont l'impact se fait sentir graduellement dans tous les secteurs, avec ses répercussions négatives, notamment sur le chômage, en particulier chez les femmes. Des prêts ont été sollicités auprès de la Commission et de la Banque centrale européenne, ainsi que du Fonds monétaire international.

Du fait de l'occupation illégale qui se poursuit sur 37% du territoire chypriote par l'armée turque, Chypre n'est pas en mesure d'appliquer pleinement toutes les dispositions de la Convention sur l'ensemble de son territoire. Le rapport ne concerne pas les zones où le Gouvernement chypriote n'a pas un contrôle effectif. Toutes les informations et données fournies ont trait aux zones contrôlées par le Gouvernement. Un rapport au Conseil des droits de l'homme détaille, du reste, les conséquences de cette situation.

Durant la période examinée, le cadre juridique protégeant les droits des femmes a été renforcé par un certain nombre de dispositions législatives, notamment en faveur de la famille et de l'emploi et contre la violence et la traite des femmes.

En outre, des mesures ont été prises par le biais d'une série de plans d'action, notamment le Plan d'action national pour l'emploi (2004), le Plan d'action national pour la protection et l'intégration sociales, le Plan d'action national contre la traite des êtres humains (2010-2012), le Plan d'action national pour la prévention et le traitement de la violence familiale (2010-2013) et, surtout, le Plan d'action national pour l'égalité entre les sexes (2007-2013), lancés par le Mécanisme national de promotion des droits de la femme. Ce dernier plan est le résultat d'un travail collectif entre les pouvoirs publics, les autorités locales et les organisations de la société civile.

En outre, un comité parlementaire sur l'égalité entre les sexes a été établi en 2006 et consolidé en 2011 avec la mise sur pied d'un comité des droits de l'homme. D'autre part, un nombre croissant de plaintes ont été soumises tant par des hommes que des femmes (134 en 2011), une augmentation de 18% à la dernière évaluation.

La participation des organisations non gouvernementales de femmes dans la planification des politiques s'est également considérablement accrue. La ventilation des données et statistiques a été intégrée dans le système. Entre 2007 et 2012, des programmes de formation ont été mis en place pour les fonctionnaires, en particulier pour les points focaux qui existent dans tous les ministères. Des mesures en faveur de la réintégration et la réinsertion des femmes sur le marché du travail ont en outre été prises face au faible taux d'emploi des femmes.

L'assistance aux parents a aussi connu une amélioration; tandis que des programmes spécifiques ont été établis pour résoudre les plaintes en cas de litige en matière de contrats de travail. Suite à l'adoption d'un nouveau plan d'action de lutte contre la violence familiale 2010-2013, le Conseil consultatif pour la prévention et la lutte contre la violence au foyer a mené une étude sur ce phénomène à l'échelle de l'île. Un comité de suivi a été chargé de mettre en place des programmes au sein des deux communautés à Chypre. La traite des personnes, des enfants en particulier constitue une autre priorité, avec l'adoption d'une nouvelle loi en 2007 qui harmonise pleinement la législation avec les instruments internationaux, y compris ceux de l'Union européenne.

Trois membres sur treize juges à la Cour suprême sont des femmes, a fait valoir la Commissaire juridique, et les femmes constituent aujourd'hui 44% des juges. Elle a toutefois reconnu que la sous-représentation des femmes au Parlement à l'issue des dernières élections législatives est inquiétante. Elle a ajouté, à titre de point positif, que deux femmes sont candidates aux élections présidentielles prévues dimanche prochain.

Chypre est parvenue à la parité dans l'éducation et, dans l'enseignement supérieur, les femmes sont plus nombreuses à suivre des études. L'éducation met l'accent sur la différence, la tolérance, le respect d'autrui suite à l'adoption en 2009, par le Ministère de l'éducation et de la culture, d'un Plan d'action sur l'égalité des sexes dans l'éducation, qui vise notamment à combattre les stéréotypes traditionnels sur les rôles des deux sexes.

En matière de santé, plusieurs programmes pont été mis au point dans le cadre de la prévention, avec l'établissement d'un réseau de praticiens et visiteurs de la santé ainsi que de la communauté des infirmières qui offrent des services dans le domaine de la sensibilisation et de l'éducation dans le domaine de la santé.

Le chef de la délégation a réitéré l'attachement de Chypre à la promotion de la femme, en dépit de la crise économique mondiale qui a d'ores et déjà fortement affecté l'économie du pays et sa cohésion sociale. Le principal défi consistera à maintenir et à garantir les ressources nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes institutionnels et au développement de programmes de promotion de l'égalité des sexes en veillant à ne pas perdre les acquis. La parité entre les sexes ne doit pas être appréhendée comme un fardeau économique pour la société mais comme une condition préalable au développement social et à la croissance, a conclu Mme Koursoumba.

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a posé des questions sur la définition de la discrimination au paragraphe 28 de la Constitution de l'État partie. Le texte constitutionnel est très explicite mais la définition en ce qui concerne la sphère privée est par trop vague. L'experte a aussi demandé des renseignement sur les responsabilités au Bureau du médiateur pour ce qui a trait aux plaintes et a voulu savoir quels types de recours sont prévus. Quelle assistance juridique est fournie aux plaignantes, a-t-elle encore voulu savoir?

Une autre experte a félicité Chypre pour les efforts déployés en vue de l'intégration de la définition de la discrimination dans la législation interne, avant de se pencher sur les mécanismes sur l'accès à la justice et sur l'application concrète de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Les femmes ayant déposé des plaintes ont-elles eu gain de cause et quelle forme a pris les réparations auxquelles elles ont eu droit.

Un autre membre du Comité a relevé que de nombreux mécanismes s'occupent des droits des femmes, ce qui risque d'avoir pour résultat que l'on ne sait exactement qui s'occupe de quoi. En conséquence, elle a recommandé l'établissement d'un mécanisme spécifique chargé de la femme et l'amélioration du budget consacré à la parité et à l'autonomisation des femmes. Une autre experte a demandé si Chypre comptait signer et ratifier la Convention d'Istanbul sur la violence à l'égard des femmes.

L'impact sur les femmes des mesures dans le cadre du protocole d'accord sur l'égalité des sexes, la formation du personnel judiciaire aux dispositions et à la jurisprudence de la Convention, et l'absence de représentants des organisations non gouvernementales chypriotes ont été au cœur des questions des membres du Comité, qui ont sollicité de plus amples informations.

Une experte s'est intéressée, par ailleurs, aux compétences et prérogatives des inspecteurs du travail qui agissent dans le cadre d'enquêtes suite aux plaintes déposées. Elle a regretté que la situation des travailleuses migrantes ne soit pas mentionnée dans la section du rapport relative à l'emploi et aux mécanismes de plaintes.

Une experte a posé des questions sur les mesures spéciales prises en faveur de la promotion de la femme. Saluant les initiatives de Chypre aux niveaux national et européen pour mettre fin à la violence, une autre experte a demandé des précisions sur le budget alloué à cet aspect, de même qu'à toutes les activités prévues dans ce cadre. D'un autre côté, elle a recommandé l'établissement d'un climat propice à la coordination et à la coopération entre toutes les parties prenantes dans cette lutte. Elle a toutefois regretté que Chypre n'insiste pas suffisamment, dans le rapport, sur la violence familiale et sur son impact sur les femmes.

Un autre membre du Comité a déclaré que Chypre étant un pays de destination et de transit de la traite de personnes, il importe d'établir un mécanisme d'application du plan national de lutte contre la traite, comprenant des poursuites contre les responsables de la traite et des possibilités de recours et de réparation pour les victimes. Il convient aussi de veiller à l'application des lois existantes en la matière, notamment celles relatives aux trafiquants, car la législation en vigueur ne semble pas être suivie d'effet. Elle a aussi souligné la gravité de la collusion, dans certains cas, entre les autorités chargées de l'application de ces lois et les trafiquants. L'experte a aussi pointé du doigt le grave problème, selon elle, de l'exploitation de la traite sexuelle dans les bars et les discothèques de Chypre. Le rapport n'aborde pas la prostitution dans le pays, en particulier la prostitution forcée qui, à l'évidence, est en rapport avec l'accroissement du chômage, la criminalité et la traite des personnes.

S'agissant du nouveau régime de visas pour prévenir l'entrée illégale de ressortissants non européens, une experte a émis un doute, en s'interrogeant sur le fait que ce régime a finalement favorisé le «commerce illégal souterrain» et fait en sorte que l'origine des femmes exploitées dans le cadre de la traite a changé. Une autre a demandé à la délégation de réagir à certaines informations, notamment de la part d'Amnesty International qui indiquent que les conditions de détention ne sont pas conformes aux lois.

Une experte a souligné le peu de progrès accompli quant à la participation active des femmes dans la vie politique. Tant dans le rapport que dans les réponses écrites aux questions, cette dimension est pourtant citée comme une des principales priorités du Gouvernement. Il en ressort que les efforts n'ont pas permis d'atteindre un équilibre entre les sexes dans la sphère politique. L'instauration de quotas et de mesures spéciales ne sont pas appuyées par certaines organisations féminines et le Gouvernement même n'appuie pas la législation européenne dans ce domaine. Enfin, elle a souligné la nécessité de l'adoption de mesures positives.

Une autre experte a rappelé l'obligation de l'État partie en matière d'égalité des chances et de traitement. Concernant la participation des femmes dans le processus de paix, des recommandations ont été formulées par des organismes internationaux sur l'amélioration de la présence des femmes dans les négociations de paix conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Le rapport périodique évoque le Comité de réconciliation justice et paix mais ne précise pas la part des femmes dans le processus. Il ressort néanmoins que les femmes des deux communautés se réunissent entre elles.

Une experte a encouragé Chypre à nommer des femmes dans le service diplomatique ainsi que dans le système judiciaire, deux secteurs clefs pour faire avancer les choses en termes de parité. Assurant la délégation de l'appui des membres du Comité, elle l'a incité à alerter les médias dès son retour pour mieux faire connaître la Convention.

Une experte s'est félicitée du plan national d'action sur l'égalité entre les sexes et de la réforme dans le secteur de l'éducation; elle a demandé des informations sur les résultats, cinq années après l'adoption de ces mesures. Elle s'est ensuite penchée sur l'éducation des filles migrantes, qui se heurtent à des difficultés linguistiques notamment, qui ont un impact sur leurs perspectives d'emploi. Beaucoup de jeunes filles épousent des carrières dans la santé alors que les jeunes hommes se consacrent à des carrières plus rémunératrices, ce qui risque aussi d'avoir des incidences en termes d'écarts salariaux. L'experte a souligné que les filles devraient être encouragées à suivre des filières et carrières techniques et de pointe.

L'experte a par ailleurs a voulu savoir si les phénomènes de violence à l'école devenaient graves ou chroniques et s'ils ne méritaient pas une attention accrue. Dans le groupe d'âge 18-24 ans, on observe un nombre accru d'abandons scolaires. Comme il s'agit d'adultes, quelles sont les raisons qui poussent à l'abandon et sont-elles d'ordre familial, s'est-elle encore demandée.

Une autre experte a relevé le fossé salarial important à Chypre, bien supérieur à la moyenne européenne. Dans ce contexte, comment le Gouvernement encourage-t-il les femmes à rechercher des emplois non traditionnels, a complété une autre experte, en s'interrogeant sur les mesures concrètes adoptées par les partenaires sociaux pour juguler l'écart salarial. L'Autorité du développement et des ressources humaines tente d'améliorer l'égalité des chances par une meilleure formation continue, par le renforcement des petites et moyennes entreprises. Partant, comment ces mesures ont-elles contribué à réduire les difficultés auxquelles les femmes se heurtent sur le marché de l'emploi. Au regard de l'introduction de mesures d'austérité, un membre du Comité s'est enquis de leur éventuel impact sur l'écart salarial.

En matière de santé, les prestations sont proposées à tous, sans distinction aucune. Dans la pratique, d'après des informations que le Comité a reçues, les femmes vivant dans la pauvreté, les migrantes et les handicapées se trouvent dans une situation qui rend difficile l'accès à de tels services. Quelles mesures l'État partie a-t-il prises pour améliorer cet accès à la santé pour tous. D'autre part, quelles sont les services fournis dans les cas de cancer, de maladies chroniques ou d'hospitalisation de longue durée. Les moyens de contraception sont gratuits uniquement pour raison médicale, ce qui est de fait une discrimination. En effet, il est impossible d'avoir accès à des contraceptifs sans passer par un médecin et obtenir une ordonnance, qui sont très onéreux. Cet état de choses risque de nuire à la prévention de certaines maladies sexuellement transmissibles et autres maladies, a-t-elle commenté, en encourageant à la mise à disposition des femmes et des hommes de moyens contraceptifs fiables et peu coûteux. L'avortement n'est autorisé que dans certains cas, comme le viol. Il est stipulé dans le rapport qu'il n'y a pas de statistiques sur les avortements clandestins et peu sûrs. Or l'État partie ne propose pas de moyens contraceptifs bon marché et accessibles à tous. Il importe en conséquence de conduire une étude à ce sujet, a-t-elle conclu.

Une experte a sollicité des informations sur la situation des femmes désirant obtenir des hypothèques, des crédits bancaires et autres moyens de financement. Elle a aussi relevé que le taux de femmes ne bénéficiant pas d'une retraite s'élevait à 53% à Chypre, ce qui leur fait courir le péril d'une paupérisation à un âge avancé.

S'agissant de la situation de la femme rurale, un autre membre du Comité a encouragé à un meilleur accès de cette population aux infrastructures de base et aux prêts bancaires. Il en est de même pour les déplacées et les réfugiées. Peu d'éléments figurent dans le rapport sur les circonstances et conditions de vie des handicapées. Dans le secteur politique, elle a voulu obtenir plus d'information sur la présence des femmes dans la vie politique, notamment au niveau local.

La situation des personnes déplacées, qui représentent 22% de la population totale, a été au centre des questions de la rapporteuse, qui a souligné que les femmes appartenant à ce groupe sont victimes de formes multiples de discriminations. Il reste que les enfants des personnes déplacées ne bénéficient pas du même statut que les autres enfants. L'intervenante a ensuite évoqué la situation préoccupante des travailleurs domestiques, qui ne sont pas reconnus par les syndicats, travaillent de longues heures, ne peuvent prétendre à des vacances et sont souvent victimes de violences sexuelles et de viols.

Une autre experte est revenue sur la situation des migrantes et femmes issues de groupes minoritaires. Elle a souhaité avoir des exemples concrets de migrantes travaillant dans le secteur formel sur un pied d'égalité avec les autres travailleuses. Relevant que de nombreuses plaintes ont été déposées par des travailleurs migrants, elle a voulu avoir des précisions sur les suites données.

Réponses de la délégation

Abordant les questions relatives au cadre général d'application, la délégation chypriote a expliqué l'organigramme et les modalités de fonctionnement des ministères et institutions, qu'elle a qualifiés de pyramidale, surtout pour ce qui concerne la structure juridique. Au sujet de la jurisprudence, les décisions des tribunaux sont juridiquement contraignantes, ce qui explique qu'une décision prononcée dans les années 1990, par exemple, demeure applicable aujourd'hui.

La Convention a été ratifiée en 1985 et ses dispositions ont été prises en compte dans la Constitution. D'autre part, 95% des recommandations du Bureau du Médiateur ont été mises en œuvre. Le Comité sur l'égalité des sexes sur le lieu de travail fournit une assistance aux plaignantes, y compris lors de la procédure devant les juges. Il y a quelques années, le Bureau du médiateur était l'unique organe consultatif à fournir des directives sur l'égalité des chances. Depuis plusieurs années, un certain nombre d'organes disposant de compétences propres ont été créés et œuvre de concert pour assister les victimes, les personnes assujetties à la traite et aux groupes vulnérables. L'opinion publique, en particulier féminine, a été régulièrement informée de ses droits à tous les niveaux et des campagnes sont également axées sur le milieu rural. En conséquence, la transversalisation sexospécifique a rendu la tâche du Médiateur plus lourde de fait du large spectre des activités entreprises. Une étude visant à examiner la possibilité de fusionner tous les organes chargés des questions sexospécifiques a conclu qu'il convenait pour l'heure de les maintenir en place.

S'agissant de la participation des organisations non gouvernementales à la présentation du rapport, la délégation a regretté qu'elles ne soient pas présentes aujourd'hui mais a souligné qu'elles ont participé à l'examen des rapports périodiques de Chypre par le passé. Des ressources leur sont allouées en vue de leur participation et leur absence est d'autant plus inexplicable, a encore dit la délégation. Par ailleurs, le ministère du travail œuvre étroitement avec les organisations non gouvernementales et leur apporte une aide financière, non seulement pour la mise en œuvre de projets mais également dans le cadre des subventions annuelles. Tout est fait pour que ces subventions ne soient pas affaiblies car nombre d'entre elles participent au système de promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.

Une nouvelle disposition est prévue en vue de fournir une assistance juridique aux femmes et le prochain rapport périodique contiendra une évaluation de l'application de cette disposition. Les inspecteurs du travail veillent à la lutte contre la discrimination dans le monde du travail et les plaintes sont dûment analysées. Une fois que les plaintes sont analysées, l'inspecteur du travail fait office de médiateur. L'assistance juridique est fournie par l'entremise d'une liste d'avocats dans laquelle le plaignant peut choisir.

Partant des recommandations du Comité en 2006, des permis de résidence ont été délivrés à des femmes ressortissantes extracommunautaires dans le cadre de mesures temporaires spéciales. Les observations finales du Comité ont été prises au sérieux sur la parité hommes-femmes, notamment devant l'emploi. Le mécanisme national a ouvert un dialogue à travers des colloques et des séminaires auxquels ont participé les partis politiques, qui jouent un rôle clé.

Chypre s'est également inspirée des bonnes pratiques européennes dans ce contexte et les partis politiques ont adopté des mémorandums prévoyant des quotas. Toutefois, cette question ne fait pas l'unanimité, certaines ONG y étant farouchement opposées. Il ressort que sur cette question, il n'y a pas eu de progrès, de même que les médias ne favorisent pas la participation des femmes à la vie politique.

Les organisations non gouvernementales ont activement participé à l'élaboration du plan d'action pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes et la ratification de la convention européenne sur la violence faite aux femmes est à l'examen. La loi sur la violence concerne tout un chacun, en particulier dans la sphère privée. La gamme de mesures adoptées a permis de mieux comprendre et de jeter les bases d'outils d'intervention rapide et efficace en cas de violence familiale.

Un Comité multidisciplinaire présente un rapport annuel devant le parlement sur la traite des personnes et des commissions parlementaires ont été mises sur pied. Une de ces commissions vient de nommer un rapporteur spécial pour la lutte contre la traite des personnes. La délégation a aussi souligné qu'une formation continue sur ces questions est désormais dispensée aux représentants des forces de l'ordre. En outre, un certain nombre de peines a été prononcé au titre de la loi contre la traite de 2001, puis de celle de 2007. Des études des services de police indiquent qu'en 2005-2008, il y a un taux alarmant de retrait de plaintes, comme dans d'autres pays d'Europe comme le Royaume-Uni. Des mesures ont été prises à l'échelle européenne pour remédier à ce problème et échanger les bonnes pratiques. La question de l'exploitation du travail est une des priorités gouvernementales et de nombreuses affaires sont liées à la traite et à l'exploitation des employés domestiques. Certaines de ces affaires ont été jugées et les victimes ont reçu assistance et compensation. Quelle que soit la décision de coopérer ou non avec les autorités, la victime a le droit de demeurer sur le territoire. Le rapatriement ne peut avoir lieu qu'en cas de risque pour la victime ou si elle en fait la demande. Des mesures ont également été prises pour permettre à la victime d'obtenir un permis de résidence et de favoriser son intégration dans la société chypriote. Au sujet de la situation dans les bars et autres lieux de loisirs de nuit, ce secteur est très suivi par les autorités et les danseuses, par exemple, doivent répondre à des critères très spécifiques et disposer d'un permis. Les directeurs d'établissements sont également assujettis à une réglementation.

La délégation a ensuite expliqué que les services sexuels et autres activités se sont développés dans les bars et les centres de massages de l'île mais que la police fait régulièrement des descentes dans ces lieux. Les enquêtes policières s'intéressent dès le départ à faire la lumière sur les circonstances des prostituées pour savoir si elles agissent de force et si elles sont victimes de la traite. Les systèmes de suivi ont un impact considérable et les femmes sont informées sur les structures et prestations disponibles. Il s'agit en somme de lutter contre des pratiques qui sont aussi le produit de schémas sociaux stéréotypés. La délégation a assuré que les autorités suivent de près la situation des travailleurs migrants dans tous les secteurs. Auparavant, la plupart des femmes employées dans les cabarets étaient non européennes et avec le nouveau système de visas, il a été noté que ce sont désormais des européennes qui y travaillent. Le nombre des descentes s'est accru et il faudra sans doute organiser des vérifications plus fréquentes mais à plus petite échelle pour lutter contre ce phénomène. Enfin, une enquête est menée dans toutes les affaires et un entretien organisé avec toutes les personnes concernées.

Des médecins femmes et des infirmières apportent des soins aux victimes de viols dans le cadre d'un protocole très strict, où le personnel médical ne doit exercer aucune influence psychologique ou autre.

La délégation a déclaré que les membres du Comité «prêchaient à des convertis» s'agissant de la part des femmes dans la fonction publique: la diplomatie chypriote comporte de plus en plus de femmes et davantage de femmes sont recrutées dans le système judiciaire. Dans le domaine de la politique, le nombre des candidates augmente. Des progrès absolument considérables ont été enregistrés depuis la ratification de la Convention, a affirmé la délégation. Elle a ajouté que deux petits partis politiques sont dirigés par des femmes et que les élections de 2006 ont compté plus de femmes que jamais sur les listes électorales. La presse doit aussi être plus active pour accroître la visibilité des femmes et profiter également de leurs capacités et de leurs talents. Bref, il faudrait faire cause commune, agir de concert et poursuivre les efforts. Plus que des quotas, il s'agit ici de lutter contre les stéréotypes et les discriminations, a conclu la délégation, qui a ajouté qu'une telle perspective exigeait patience et travail.

L'éducation est gratuite à tous les niveaux de l'enseignement public et les parents qui n'envoient pas leurs enfants à l'école sont passibles de sanctions. Des programmes sont mis en place pour couvrir des zones prioritaires d'éducation et favoriser la fréquentation scolaire. Indépendamment du statut des parents, les enfants doivent fréquenter l'école, y compris dans les zones rurales de l'île. En 2005, le Ministère de l'éducation et de la culture a amorcé une réforme très ambitieuse en vue d'élaborer pour chaque élève un plan d'éducation. Ainsi, les enseignants se doivent d'adapter leur enseignement aux besoins de chaque élève, ce qui est très innovant compte tenu du fait que jusqu'à présent, le système scolaire était très conservateur. Une politique d'échange et de modernisation des programmes a permis de toucher toutes les catégories d'enfants. En outre, les changements de comportements dans la société ont été évalués sur la base de la parité, à partir d'une approche novatrice et réussie face au défi de la diversité des communautés vivant sur l'île. Avec des ressources financières très limitées, le plan de parité est mis en œuvre en coopération avec l'institut de recherche de Chypre.

Les chypriotes turcs qui vivent sur le territoire contrôlé par le Gouvernement peuvent fréquenter soit des écoles chypriotes soit des établissements privés. L'État prend en charge une part des frais de ceux qui ne résident pas dans les zones contrôlées par le Gouvernement. Pour les élèves ne parlant pas le grec, plusieurs collaborations sont en cours avec les ambassades et différents organismes.

Des incidents de violence à l'école ont été signalés mais l'on n'ira pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un problème général. Par ailleurs, il n'a pas été constaté que les filles sont davantage victimes de brimades que les garçons. Un observatoire a été institué dans les écoles pour étudier la nature des incidents violents. Achevée il y a juste quelques semaines, une étude révèle un certains nombre d'incidents violents dans les écoles, ce qui reste préoccupant car il faut pratiquer une tolérance zéro à cet égard. Le taux d'abandon scolaire s'élève à un peu plus de 2%, surtout chez les garçons, ce qui pose un problème pour l'avenir car il faut équiper la nouvelle génération en période d'incertitude économique. Les filières d'apprentissage sont en train d'être modernisées pour accueillir davantage de filles.

À Chypre, 80% de la population estudiantine désire poursuivre des études supérieures. Dès l'âge de 12 ans permettent aux élèves de visiter des entreprises, ce qui a donné de très bons résultats dans le choix des carrières. Un forum d'orientation rassemblant tous les services d'orientation professionnelle a été créé afin d'informer les filles sur les débouchés et d'offrir des services conseil aux garçons également qui veulent être réorientés vers d'autres filières. La délégation a ajouté qu'il n'y a pas de ségrégation de fait dans le système scolaire et que les femmes choisissent librement leurs filières d'études ou d'emploi.

Dans le programme d'action pour l'emploi, les employeurs sont encouragés à appliquer le principe d'égalité de rémunération, avec l'octroi d'un certificat ou label aux entreprises qui le font effectivement. Des séminaires sont aussi organisés pour les dirigeants d'entreprises, les enseignants et le personnel du primaire et du secondaire, de façon à ancrer le principe d'égalité salariale, notamment dans le cadre des négociations avec les représentants des syndicats. Le taux de chômage atteint 11,5% pour les deux sexes et le bâtiment est le secteur le plus touché de l'économie. D'autres secteurs comme le commerce et le secteur tertiaire ont également été touchés progressivement par le chômage.

Le Centre chypriote de la productivité a lancé la phase pilote d'un programme ciblant les femmes pour introduire des formules d'emploi flexible (temps partiel, à domicile, partage de poste, horaire flexible). Un autre programme innovant consiste en «l'employabilité des femmes inactives» en subventionnant la formation des femmes au foyer pour qu'elles soient en mesure d'acquérir une certaine expérience sur le terrain. D'autre part, des mesures encourageant les femmes à chercher un emploi et à explorer des postes essentiellement masculins ont été mises en place sur le lieu de travail. En vue de réconcilier le travail et la vie familiale, un budget émanant de la sécurité sociale alloue des subventions aux autorités locales pour améliorer ou créer des structures susceptibles de favoriser le travail des femmes - garderies ou haltes-garderies. Un budget de 30 millions d'euros permet en outre de subventionner différents systèmes de prestations pour les paraplégiques, les tétraplégiques, les aveugles et les personnes ayant des handicaps moteurs. Jusqu'à présent, 50% de demandeurs de ces prestations étaient des hommes contre autant de femmes.

La disparité dans la prestation des retraites s'explique en partie par le fait que ces femmes ne sont pas présentes sur le marché du travail. Elles ont donc été exclues du système de pension à une certaine période. Dans le milieu rural, le profil des femmes a considérablement changé au cours des dernières années car leur niveau d'instruction est quasiment le même que celui des citadines. Elles s'insèrent de plus en plus dans le milieu professionnel et certaines deviennent des femmes d'affaires. Une femme ayant été mère au foyer toute sa vie peut percevoir une pension de retraite dès l'âge de 63 ans.

La loi d'interruption médicale de grossesse stipule que celle-ci doit être certifiée par deux médecins dans les cas de viol ou dans le cas où la grossesse aurait des conséquences graves pour la mère ou pour l'enfant; ou si l'enfant courait le risque de naître avec de très graves anomalies. La délégation a aussi expliqué que l'exigence d'une consultation auprès de gynécologues et les restrictions dans l'accès aux contraceptifs visent à prévenir les risques suite au décès d'une jeune femme ayant utilisé une pilule sans avis médical. Les femmes issues des minorités tiennent leur avortement secret et ne divulguent rien sur le lieu ni les conditions de l'intervention.

Des centres d'accueil médicalisés sont à la disposition des femmes rurales. Des aménagements et infrastructures susceptibles de faciliter la mobilité des handicapées sont également installés.

Répondant aux questions sur les personnes déplacées, la délégation a affirmé que les enfants peuvent acquérir le même statut que leur père. Les enfants d'une déplacée n'ont pas le plein statut de réfugié et les femmes ne peuvent prétendre voter dans le district dont elles sont originaires. Le Gouvernement et le parlement se penchent sur cette problématique.

Les travailleurs migrants représentent le groupe le plus important de travailleurs à Chypre. Leurs droits et garanties sont les mêmes que pour tous les autres types de contrats, qui sont examinés par le ministère du travail. Tout ce qui relève des travailleurs domestiques relève de la responsabilité d'un comité interministériel chargé du suivi de la situation d'un travailleur migrant domestique. Ces démarches s'inscrivent sous la houlette du ministère du travail et les autorités chargées de la migration participent à ce processus. En 2011, il y a eu 189 plaintes de travailleurs domestiques.

La délégation s'est enfin félicitée des recommandations du Secrétaire général sur les femmes dans le processus de paix à Chypre. Des points focaux ont été nommés dans les deux communautés afin de donner suite à ces recommandations. En réalité, il s'agit d'un processus de négociation face à face avec facilitation de l'ONU. Autour des représentants des deux communautés, des femmes comptent parmi les conseillers. Les comités d'experts qui épaulent les conseillers incluent aussi des femmes. Dans la recherche de consensus, les femmes sont fortement représentées, a assuré la délégation chypriote.

Conclusion

La Présidente du Comité, MME NICOLE AMELINE, a vivement souhaité que l'élan donné par la présidence chypriote du Conseil de l'Union européenne permette d'avancer et d'adapter les dispositions de la Convention à la situation du pays. Elle a particulièrement insisté sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes.
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