Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Commémoration du vingtième anniversaire de la Déclaration sur les disparitions forcées

30 Octobre 2012

30 octobre 2012

Le Comité des disparitions forcées participe au colloque organisé par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires

Le Comité des disparitions forcées a participé, ce matin, au colloque commémorant le vingtième anniversaire de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées organisé par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, réuni à Genève à l'occasion quatre-vingt-dix-huitième session (31 octobre au 9 novembre). Le colloque est intitulé: «Explorer les meilleures pratiques et les défis pour la protection des femmes contre les disparitions forcées et leurs conséquences.

Des déclarations liminaires ont été faites par Mme Kyung-wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme; M. Olivier de Frouville, Président-rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires; M. Emmanuel Decaux, Président du Comité des disparitions forcées; et Mme Martine Anstett, Directrice adjointe de la Délégation pour la paix, la démocratie et les droits de l'homme à l'Organisation internationale de la Francophonie.

M. de Frouville a souligné que son Groupe de travail a été, pendant plus de vingt ans, le seul instrument traitant la question des droits des victimes et des obligations des États dans ce domaine. La Déclaration a ainsi fourni un guide inestimable pour les États, en vue de prévenir la disparition forcée, d'en punir les auteurs et d'en réparer les conséquences. La problématique des femmes face aux disparitions forcées est spécifique et complexe et le Groupe de travail se dirige vers l'adoption d'une observation générale sur la question. Le Président du Comité des disparitions forcées a, pour sa part, souligné que le Comité et le Groupe de travail sont des «partenaires naturels», soulignant que la prochaine réunion conjointe des deux organes permettra la mise sur pied de règles méthodologiques communes. Les deux organes s'inscrivent dans des durées et des espaces différents avec des références distinctes, mais leur objectif est le même: la lutte contre les disparitions forcées. Mme Anstett a souligné que l'Organisation internationale de la Francophonie se place aux côtés des victimes et soutient les États dans leurs efforts pour lutter contre les disparitions forcées et prévenir le recours à de telles pratiques. Elle encourage en outre ses États membres à signer et ratifier la Convention.

La séance s'est ensuite organisée dans le cadre de deux réunions-débats, la première portant sur l'impact des disparitions forcées sur les droits des femmes, notant en particulier les obstacles auxquels font face les femmes subissant une situation de disparition forcée. Mme Jasminka Dzumhur, membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Mme Suela Janina, membre du Comité des disparitions forcées et M. Cornelius Flinterman, membre du Comité des droits de l'homme, ont participé à cette première discussion.

La réunion-débat sur le rôle des femmes en tant qu'acteurs du changement dans la lutte contre les disparitions forcées, a quant à elle permis à des membres de la société civile de partager leurs expériences face aux disparitions forcées, et de témoigner de la transformation de femmes victimes en défenseur des droits de l'homme. Mme Nassera Dutour, Présidente de l'Association des familles de disparus en Algérie, Mme Aileen Diez-Bacalso, Secrétaire général de la Fédération asiatique contre les disparitions forcées et involontaires, et Mme Sarah Fulton de l'organisation REDRESS sont intervenues en tant que panélistes.

Des représentants de l'Argentine, de l'Algérie, du Parlement libanais et de l'organisation Genève pour les droits de l'homme se sont exprimés.

Le colloque de commémoration organisé par le Groupe de travail se poursuit cet après-midi et demain matin.

Lors de sa prochaine séance publique, lundi 5 novembre à 10 heures, le Comité tiendra des réunions avec les États parties à la Convention, les organes concernés des Nations Unies, les institutions spécialisées, les organisations intergouvernementales, les institutions nationales de droits de l'homme, les organisations non gouvernementales et autres parties prenantes.

Déclarations liminaires

M. OSMAN EL HAJJÉ, membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a appelé la communauté internationale à ne pas oublier la date du 30 avril 1977, lorsque les mères de la Place de mai, à Buenos Aires en Argentine, ont initié une initiative historique. Leur détermination à connaître la vérité concernant le sort de leurs proches disparus a démarré un processus qui a abouti à la mise sur pied du Groupe de travail en 1980.

MME KYUNG WHA-KANG, Haut-Commissaire aux droits de l'homme adjointe, a salué le travail effectué par les membres du Groupe de travail pour lutter contre les disparitions forcées. Toute disparition forcée est une atteinte à la dignité humaine qui viole les droits fondamentaux définis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Malheureusement, le phénomène des disparitions forcées continue à exister à travers le monde. La Haut-Commissaire adjointe a estimé que le Groupe de travail a choisi un thème opportun pour cette première journée de commémoration, à savoir le rôle des femmes et leur protection contre les disparitions forcées et leurs conséquences. Cet évènement offre l'occasion de discuter constructivement des moyens d'améliorer la mise en œuvre de la Déclaration, notamment en réfléchissant aux progrès accomplis et aux leçons apprises dans ce domaine.

Mme Kang a souligné que le Comité des droits de l'homme avait conclu que l'anxiété et la détresse dont souffrent les proches de personnes disparues constitue une violation du droit à ne pas être soumis à des traitements dégradants, conformément à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Bien que les disparitions forcées concernent principalement des hommes, les femmes sont elles aussi de plus en plus victimes de disparitions forcées. Comme de récents conflits nous l'ont appris, les stéréotypes discriminatoires qui font des femmes des subordonnées participent à la destruction des communautés et des liens familiaux et sociaux. Des efforts concertés pour promouvoir l'égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines sont nécessaires. À cet égard, le renforcement des synergies du Groupe de travail avec d'autres instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme, notamment le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, serait utile, a-t-elle souligné.

En conclusion, Mme Kang a estimé que nous sommes tous des acteurs du changement, notamment des cadres juridiques et politiques discriminatoires à l'égard des femmes. Enfin, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme s'engage à soutenir le Groupe de travail pour protéger et promouvoir les droits des femmes dans la lutte contre les disparitions forcées.

M. OLIVIER DE FROUVILLE, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées, a rappelé que les familles de disparus et les organisations non gouvernementales ont été à l'origine de la Déclaration de 1992. Il a souligné que le Groupe de travail a été, pendant plus de vingt ans, le seul instrument traitant la question des droits des victimes et des obligations des États en matière de disparitions forcées. La Déclaration a fourni un guide inestimable pour les États, en vue de prévenir la disparition forcée, d'en punir les auteurs et d'en réparer les conséquences. M. de Frouville a rappelé que si, pour les États qui l'ont ratifiée, la Convention est désormais l'instrument de référence, la Déclaration reste valable pour les États qui n'ont pas encore fait ce pas. Le texte de la Déclaration et les observations générales du Groupe de travail resteront en outre pertinentes lorsqu'il s'agira d'interpréter certaines dispositions de la Convention, voire se prononcer sur certaines questions que la Convention n'aborde pas, ou pas de manière aussi directe et complète que la Déclaration, comme la question des tribunaux militaires ou des amnisties.

La problématique des femmes face aux disparitions forcées est spécifique et complexe, notamment en raison des multiples facettes de la victimisation des femmes par la disparition forcée: les femmes soumises à une disparition forcée, les femmes qui sont les proches de disparus et doivent assumer les conséquences juridiques, sociales et économiques de l'absence du disparu, et les femmes qui prennent la tête du combat pour la vérité, la justice et la réparation. Le Groupe de travail se dirige désormais vers l'adoption d'une observation générale sur la question, a-t-il indiqué.

Enfin, M. de Frouville a estimé qu'il conviendra, à l'avenir, de renforcer la coopération avec les organes concernés - dont le Comité sur les disparitions forcées - et de situer cette question au cœur des enjeux de paix et de sécurité, de justice transitionnelle et de protection des civils, et en particulier des femmes, dans le cadre des conflits armés.

M. EMMANUEL DECAUX, Président du Comité des disparitions forcées, a relevé que le Comité et le Groupe de travail sont des «partenaires naturels», soulignant que la prochaine réunion conjointe des deux organes permettra la mise sur pied de règles méthodologiques communes. Les deux organes s'inscrivent dans des durées et des espaces différents avec des références distinctes, mais leur objectif est le même: la lutte contre les disparitions forcées. L'objectif prioritaire reste la ratification universelle et l'application effective de la Convention de 2006, a-t-il noté. Les organisations non gouvernementales ont eu un rôle pionnier, notamment les associations de victimes, pour mobiliser la communauté internationale et la sensibiliser à cette question dramatique. La problématique des enfants et des femmes victimes de disparitions forcées est au cœur de la Convention, et le Comité a entamé une réflexion thématique à ce sujet dès sa première session.

MME MARTINE ANSTETT, Directrice adjointe, Délégation pour la paix, la démocratie et les droits de l'homme, Organisation internationale de la Francophonie, a déclaré qu'un des axes de la coopération entre l'OIF et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme est le soutien aux mécanismes des droits de l'homme et la question du genre est considérée comme transversale à l'ensemble des activités menées conjointement. Le vingtième anniversaire de la Déclaration reste un triste anniversaire, car cette pratique reste d'actualité, a-t-elle rappelé. En dépit de la création du Groupe de travail, de l'adoption de la Déclaration et de la Convention, des milliers de cas restent irrésolus. L'Organisation internationale de la Francophonie se place aux côtés des victimes et soutient les États dans leurs efforts pour lutter contre les disparitions forcées et prévenir le recours à de telles pratiques. Elle encourage en outre ses États membres à signer et ratifier la Convention. Mme Anstett a souligné que les femmes soumises aux disparitions forcées se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité. Les femmes ne sont cependant pas seulement des victimes, elles peuvent prendre leur destin en main, voire aider les États à trouver des solutions.

Réunion-débat sur l'impact des disparitions forcées sur les droits des femmes

MME JASMINKA DZUMHUR, membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires, s'est interrogée sur les moyens de mesurer l'impact des disparitions forcées sur les droits des femmes. En premier lieu, il est nécessaire de reconnaître les victimes comme telles, sinon l'application des instruments internationaux en la matière est impossible. Dans ce contexte, les femmes peuvent être soumises elles-mêmes de disparitions forcées, être les proches de personnes disparues ou encore soumises à des discriminations basées sur le genre. En 1996, en Bosnie-Herzégovine, de nombreuses femmes ne disposaient pas de titres de propriété ou encore de documents officiels prouvant leur statut de femmes mariées, empêchant ainsi la reconnaissance de leur statut de victime. Une attention particulière doit être accordée aux femmes victimes de disparitions forcées, a-t-elle souligné. La Déclaration ne traite pas des discriminations fondées sur le genre, mais l'égalité entre les hommes et les femmes est un principe élémentaire dans toute société qui proclame l'égalité des individus. Celle-ci ne peut se concrétiser sans l'autonomisation des femmes et leur participation à la vie publique. Le Groupe de travail a été chargé, par une résolution, d'intégrer une perspective de genre dans son travail. Il n'existe pas de dispositions traitant des besoins spécifiques des femmes victimes de disparitions forcées et la coordination entre les institutions est inexistante. L'aide juridictionnelle est défaillante sur le terrain et aucun mécanisme ne surveille l'efficacité de la protection juridique des femmes. La sensibilisation au statut de victimes de disparitions forcées fait également défaut. Pour pallier à ces lacunes, Mme Dzumhur a appelé les États à mettre en place des politiques globales visant à intégrer la question du genre dans le traitement des cas de disparitions forcées. Deux types de mesures doivent être mises en place: d'une part en matière de protection des droits des femmes et d'autre part de promotion de la participation des femmes à tous les processus de décision. De même, la société civile doit être consultée, en particulier les associations de victimes.

MME SUELA JANINA, membre du Comité des disparitions forcées, a rappelé que les femmes sont victimes des conséquences, notamment économiques, des disparitions forcées. Pendant la discussion thématique qui s'est tenue au cours de la deuxième session du Comité cette année, il a été relevé que les femmes peuvent être elles-mêmes soumises à des disparitions forcées ou être victimes des conséquences de la disparition de leurs proches. En particulier, les conséquences économiques sont dramatiques pour les familles pauvres. Comme le rappelle l'article premier de la Convention, personne ne doit être soumis à une disparition forcée. Les femmes ne sont clairement citées par la Convention qu'à son article 7, qui concerne les disparitions forcées de femmes enceintes. Les États parties doivent inclure ces cas comme des circonstances aggravantes. Certains articles de la Convention auront besoin d'être interprété pour éviter d'éventuelles violations des droits des femmes, a-t-elle relevé, citant notamment l'article 17 (interdiction de la détention au secret) ou encore l'article 24 (les femmes peuvent être victimes de disparitions forcées soit si elles sont elles-mêmes disparues ou qu'elles ont souffert de la disparition d'un proche). Le Comité a adopté une approche sensible à la question des femmes dans son action, notamment concernant l'examen futur des rapports étatiques.

M. CORNELIS FLINTERMAN, membre du Comité des droits de l'homme, a déclaré que la mise sur pied du Groupe de travail en 1980 a permis d'établir d'autres mécanismes spécifiques. Tout en félicitant le Groupe de travail pour le travail accompli, il a regretté que la pratique des disparitions forcées persiste à l'heure actuelle. À l'heure du vingtième anniversaire de la Déclaration, il est nécessaire d'y inclure une dimension genre. L'égalité entre les hommes et les femmes reste trop souvent, dans nombre de situations, un vœu pieux. Les obstacles à la réalisation des droits des femmes sont liés à des pratiques sociales et culturelles profondément ancrées dans les sociétés concernées. Le Comité des droits de l'homme a établi une jurisprudence riche en matière de disparitions forcées, estimant que les disparitions forcées constituent une atteinte au droit à la vie et une pratique analogue à la torture aussi bien pour la victime que pour sa famille, a-t-il indiqué. L'État a l'obligation de mener des enquêtes approfondies et fournir des informations détaillées sur les résultats de ces enquêtes, il doit libérer immédiatement la personne disparue si elle est toujours détenue et offrir une compensation adéquate à la famille du disparu. Il est frappant de noter que la plupart des requêtes soumises au Comité le sont par la mère ou la sœur du disparu. M. Flinterman a appelé les organisations non gouvernementales à prendre en compte l'aspect du genre dans la soumission de plaintes et de rapports parallèles. Les résultats des discussions d'aujourd'hui seront utiles pour les Comités concernés, a-t-il estimé. Les droits des femmes ne sont pas mentionnés de façon explicite dans la Convention, mais l'Observation générale n°19 du Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes proclame que toutes les violences exercées à l'égard des femmes, dont les disparitions forcées, sont des violations de leurs droits. Depuis 1993, un éventail de recommandations complètes et cohérentes a été adopté par le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en vue d'encourage les États à éliminer la violence à l'égard des femmes aussi bien dans la sphère publique que privée. M. Flinterman a conclu en appelant à la diffusion la plus large des conclusions des discussions qui seront menées au cours du colloque. Les résultats de ce dernier feront également l'objet d'un débat au sein du Comité des droits de l'homme dans le but de renforcer l'approche homme-femme dans ses travaux.

Réunion-débat sur le rôle des femmes en tant qu'acteurs du changement

MME NASSERA DUTOUR, Présidente du Collectif des familles de disparus en Algérie, a indiqué que son fils avait été victime d'une disparition forcée en 1997. Les femmes sont victimes mais aussi des battantes, les mères ne peuvent se résigner à faire le deuil de leurs enfants. Les graves menaces et les intimidations reçues visant à l'empêcher de mener son action ont conforté sa volonté de jeter la lumière sur les milliers de dossiers individuels de personnes disparues. Les chiffres officiels estiment le nombre de personnes disparues à 8 000, mais, malheureusement, des familles déclarent chaque jour des cas. Parfois, les familles connaissent l'auteur de l'arrestation de leur proche. Elle a estimé que 3000 tombes sous X et de nombreux charniers existent en Algérie, sans que l'État ne souhaite enquêter sur ces cas. En 2005, l'Algérie a reconnu sa responsabilité mais pas sa culpabilité au sujet de 6146 cas, estimant que ses agents ont agi de façon personnelle. Une Charte nationale pour la réconciliation a été adoptée en 2006 en vue d'indemniser les familles de disparus. Les indemnisations sont cependant conditionnées à la production d'un jugement attestant le décès de la personne disparue, qui exige une procédure très complexe. Par ailleurs, de nombreuses familles ont cru que les indemnisations reçues mettaient un terme à leur droit à connaître la vérité. L'association a donc envoyé plus de 6000 lettres aux familles victimes expliquant la notion de droit à la vérité et à la justice en droit international, qui prime selon la Constitution sur le droit algérien. En conclusion, elle a exprimé l'espoir de parvenir un jour à ce que la justice soit rendue aux familles des disparus.

MME AILEEN DIEZ-BACALSO, Secrétaire général de la Fédération asiatique contre les disparitions forcées, a salué le travail effectué par le Groupe de travail et le Comité pour lutter contre les disparitions forcées. Elle a rendu aux hommages aux proches des personnes disparues, qui ne perdent pas espoir de connaître la vérité un jour. En Asie du Sud, les femmes sont qualifiées de «demi-veuves» lorsque leur mari est porté disparu, sans que leur décès soit constaté officiellement. Leur situation économique est aggravée par la stigmatisation dont elles souffrent. La disparition du mari rend les femmes vulnérables, en particulier aux violences sexuelles. Dans certains cas, les disparitions forcées entrainent la désagrégation des familles. Certaines femmes incapables de supporter les souffrances dues à la perte d'un être cher se suicident, ce qui détruit encore plus le tissu social dans ces régions. Des services adéquats pour les familles des disparues manquent cruellement, c'est pourquoi la Fédération asiatique a mis sur pied un programme de réhabilitation visant à aider les victimes à guérir et à retrouver leur autonomie. La communauté internationale a fait de grands progrès dans la lutte contre l'impunité, comme en témoigne l'entrée en vigueur de la Convention en 2006 qui constitue une victoire morale des victimes.

MME SARAH FULTON, juriste de l'organisation REDRESS, a déclaré qu'il est revigorant de voir comment, depuis vingt ans, les femmes se sont défendues et ont exigés d'obtenir la vérité sur le sort de leurs proches disparus. Elle a salué leur courage et leur engagement à trouver la vérité, demander à ce que la justice soit rendue et empêcher que ces crimes ne se répètent. Elle a abordé trois thèmes principaux, issus de l'expérience de REDRESS dans le domaine: la lutte pour la justice dans les cas de disparitions forcées contribue à clarifier et développer le droit international des droits de l'homme, notamment en matière de droit des victimes et de réparation; le potentiel transformateur des réparations et le soutien qui doit être apporté aux femmes en tant qu'acteurs de la justice et du changement. La lutte contre les disparitions forcées appelle à la reconnaissance du statut de victime, a-t-elle souligné, et de garantir leur droit à obtenir la vérité. En outre, des mesures de réparations proportionnelles à la gravité du crime commis doivent être appliquées. Le droit à la vérité doit être géré de manière collective, car la confiance publique doit être restaurée dans les institutions qui se sont rendues coupables de disparitions forcées. Enfin, il faut que les États fournissent des services adéquats pour permettre aux femmes victimes ou proches de disparus d'exercer leurs droits. La communauté internationale doit également mener des actions ciblées pour protéger ces femmes contre l'État ou des acteurs non-étatiques lorsqu'elles sont menacées en raison de leur appel à rendre la justice. De même, des mesures de prévention et de réparation doivent être mises sur pied, en tenant compte de la spécificité de chaque situation, a-t-elle conclu.

Débat interactif

L'Argentine a indiqué que les femmes de la Place de Mai sont pour certaines victimes elles-mêmes des disparitions forcées et pour d'autres des proches de disparus. Elle s'est interrogée sur la coordination entre le Comité et le Groupe de travail, demandant aux deux organes si le travail en la matière est déjà entamé.

L'Algérie a salué l'organisation de cet évènement qui concerne un sujet dramatique. Elle a noté qu'en de nombreuses circonstances, le Gouvernement algérien a appelé à remettre ces situations dans le contexte de la vague terroriste qui a déferlé sur l'Algérie. Les mécanismes onusiens concernés ont été informés en temps opportun des mesures prises en la matière, notamment le dispositif qui permet la reconnaissance du statut de victime aux familles et leur droit à l'indemnisation. Ces mesures ont permis de résoudre la plupart des cas allégués en concertation avec les familles des disparus. Les chiffres annoncés par Mme Dutour sont erronés, ce qui discrédite l'action menée par son organisation. Le dispositif gouvernemental a permis de résoudre pas loin de 7000 dossiers et 600 cas documentés sont en cours d'actualisation, a-t-elle souligné, ajoutant que l'institution nationale des droits de l'homme pourra fournir des informations supplémentaires à ce sujet si nécessaire. En dépit de progrès indéniables, certains ont fait de ce sujet dramatique leur fond de commerce.

M. Ghassan Moukheiber, député au Parlement libanais, s'est interrogé sur l'existence d'une coopération menée avec le Comité international de la Croix-Rouge, dont le réseau mondial pourrait être très utile à la lutte contre les disparitions forcées.

L'organisation Genève pour les droits de l'homme est revenue sur la déclaration de l'Algérie, estimant que les circonstances expliquent les disparitions forcées mais ne les justifient pas. Continuer à porter le discrédit sur celles et ceux qui cherchent la vérité n'est pas à l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui, a-t-il estimé.

L'Algérie a rappelé que le Gouvernement travaille avec le Groupe de travail. Le problème a évolué considérablement et de façon positive. Seuls quelques cas restent en discussion avec le Groupe de travail et le Gouvernement est déterminé à prendre en charge toutes les questions dans le respect de la dignité humaine.

M. DE FROUVILLE a déclaré qu'un des rôles du Groupe de travail est de favoriser le dialogue en vue de trouver des solutions. Relativement à la question de la coordination entre le Comité et le Groupe de travail, il a rappelé que le travail sur la question du rôle des femmes a débuté bien avant l'adoption de la Convention de 2006. Le processus se poursuit aujourd'hui en consultation avec le Comité. Un commentaire général sera prochainement publié par le Groupe de travail à ce sujet, a-t-il ajouté. Toute réflexion sur les responsabilités de l'État et des dispositions de la Déclaration comme la Convention se feront dans le but d'assurer la cohérence et la sécurité juridique des victimes. Concernant la coopération avec le Comité international de la Croix-rouge, des interactions sur des questions thématiques ou sur certains pays spécifiques dans lesquels le CICR est présent sont organisées. Il ne s'agit pas d'une coopération institutionnelle mais dans tous les cas elle est active. Les fonctions et les compétences de chacun sont très différentes. Le CICR traite de la question des personnes portées disparues dans un cadre beaucoup plus large, peu importe la cause de la disparition. Le Groupe de travail, pour sa part, traite uniquement des personnes disparues suite au crime de disparition forcée. Les rôles sont donc complémentaires et la coopération active, a conclu le Président du Groupe de travail.

M. DECAUX a souligné que le Comité est un organe récent. Lors de la première session, une journée de travail conjointe a été organisée avec le Groupe de travail pour prendre contact. Quelques pistes de réflexion sont déjà lancées quant aux règles de méthodologie pour organiser la coopération entre les deux organes. Un travail important continuera d'être nécessaire sur ce terrain. Le système des procédures spéciales contient d'autres mandats qui sont des interlocuteurs privilégiés pour le Comité, a noté son Président. S'agissant de la coopération avec d'autres organes de traités, M. Decaux a rappelé que la Convention impose au Comité de veiller à la cohérence juridique du système. Cependant, l'innovation de la Convention est de créer un nouveau droit de l'homme, à savoir le droit à ne pas être soumis à une disparition forcée. Concernant le CICR, chaque session a permis de nouer des contacts avec des représentants du CICR. Une réflexion approfondie sur les acteurs non-étatiques et le CICR est, à cet égard, un interlocuteur privilégié, tout comme le Groupe de travail sur les mercenaires.

L'Association des familles de disparus en Algérie, a estimé pour sa part avoir été respectueuse dans son intervention et qu'elle mérite le respect tout comme son combat pour la vérité et la justice, qui est dur et dangereux. Toutes les victimes des disparitions forcées et du terrorisme travaillent main dans la main pour obtenir la vérité et la justice. Il s'agit d'une lutte pour la mise en place d'un État de droit en Algérie et non pas d'un fond de commerce, a-t-elle souligné. S'agissant de la Charte nationale pour la réconciliation, les familles qui l'ont accepté ont été indemnisées, mais celles qui n'ont pas accepté subissent des actes de harcèlement. La Charte n'a malheureusement rien résolu au problème des disparitions, les familles réclament toujours la justice et leur droit à la vérité. Enfin, elle a salué l'invitation à se rendre dans le pays offerte par l'Algérie au Comité, tout en estimant inacceptable que cette invitation soit soumise à des conditions.

L'Algérie a souligné qu'elle ne s'en prenait pas aux défenseurs des droits de l'homme mais aux démarches qui donnent l'impression que ceux-ci sont soutenus par l'ensemble des familles de personnes disparues, ce qui n'est pas le cas. Elle a invité pour conclure l'oratrice précédente à saisir l'institution nationale des droits de l'homme qui a été un intermédiaire de bonne foi entre l'État, les victimes et leurs familles.

MME JASMINKA DZUMHUR, membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires, a déclaré que les États et la société civile en général ont des choses à se dire, appelant à la mise sur pied de consultations nationales. Le Groupe de travail pourrait y être invité afin d'en faire le suivi. Il est crucial de demander l'avis d'un organe indépendant lorsque des controverses apparaissent au sujet des chiffres.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :