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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport du Libéria

18 Septembre 2012

Comité des droits de l'enfant
18 septembre 2012

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport du Libéria sur les mesures prises par ce pays en application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport, la Ministre de l'égalité des sexes et du développement du Libéria, Mme Julia Duncan Cassell, a souligné que les années de guerre avaient été une sinistre période pour le Libéria, en particulier pour les femmes et les enfants. Néanmoins, depuis 2006, les avancées en faveur des droits de l'enfant ont été significatives; l'évolution la plus importante du point de vue de la mise en œuvre de la Convention ayant été l'adoption l'an dernier de la Loi sur les enfants qui contient une charte globale des droits de l'enfant qui reflète la quasi-totalité des droits énoncés dans la Convention. D'importants progrès ont également été réalisés en matière de services destinés aux enfants: maisons d'accueil pour enfants survivants de la violence; services de conseil et de réadaptation pour les survivants de viols; services d'éducation et de santé; mise en place d'alternatives aux orphelinats; services de probation pour les enfants en conflit avec la loi. Le Libéria est conscients que, pour que ces politiques, stratégies et nouveaux services soient efficaces et aient un impact réel, il faut qu'ils soient durables et réguliers et qu'ils bénéficient d'un financement ininterrompu et d'un contrôle vigilant, a déclaré la Ministre, attirant l'attention sur la problématique des capacités en termes de ressources humaines.

La délégation libérienne était également composé de la Ministre de l'éducation du Libéria, Mme Ethimonia Tarpeh; de la Ministre de la justice, Mme Christiana Tah; et de la Ministre adjointe pour les affaires sociales au Ministère de la santé et des affaires sociales, Mme Viviane Cherue. Elle a répondu aux questions posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la peine de mort et de l'administration de la justice pour mineurs; de la place du droit coutumier et des pratiques traditionnelles; de l'enregistrement des naissances; des programmes d'alphabétisation; des questions d'éducation et de santé; du travail des enfants; ou encore des mesures prises en faveur de la réhabilitation des enfants-soldats.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Libéria, Mme Agnes Akosua Aidoo, a estimé que les réponses apportées par la délégation ont attesté du réalisme avec lequel le Libéria appréhende la situation de ses enfants. La réalité du Libéria est pleine de défis, mais de grandes avancées ont été réalisées pour adopter des stratégies, programmes et lois. Elle a félicité le Libéria pour les progrès qu'il a réalisés dans un laps de temps relativement court pour un pays émergeant de la guerre, ce qui témoigne clairement d'une volonté politique en faveur des enfants. Parmi les défis affectant profondément la jouissance par les enfants de leurs droits dans le pays, elle a identifié la situation sécuritaire encore fort fragile au Libéria ainsi que l'instabilité régionale potentielle dans les pays voisins; les disparités géographiques et les inégalités, en particulier entre zones rurales et urbaines et les disparités entre les sexes; les hauts niveaux d'illettrisme et de chômage; l'exploitation du travail des enfants; la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles, qui est extrêmement répandue; et la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables affectant les droits de l'enfant, y compris les mariages précoces, les mutilations génitales féminines et les accusations de sorcellerie.

Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport du Libéria qu'elle rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 5 octobre prochain.

Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport de la Bosnie-Herzégovine (CRC/C/BIH/2-4)

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Libéria (CRC/C/LBR/2-4), MME JULIA DUNCAN CASSELL, Ministre de l'égalité des sexes et du développement, s'est réjouie de l'occasion qui lui est aujourd'hui fournie d'exposer les progrès réalisés par le Libéria en matière de protection des droits de l'enfant et d'identifier conjointement les domaines où un travail et un soutien supplémentaires s'avèrent nécessaires. Ce n'est que la seconde fois que le Libéria rencontre le Comité depuis la fin de la guerre et depuis l'élection démocratique du Gouvernement, a-t-elle rappelé, précisant que le précédent dialogue avec le Comité remontait à 2004.

Mme Duncan Cassell a souligné que les années de guerre avaient été une sinistre période pour le Libéria, en particulier pour les femmes et les enfants, la guerre ayant ravagé ce beau pays et les familles ayant été brisées partout dans le pays, des centaines de milliers de Libériens ayant été déplacés de leurs foyers. Ce sont les femmes et les enfants qui ont le plus souffert, a insisté la Ministre, rappelant qu'ils avaient été recrutés comme combattants, que nombre d'entre eux avaient été victimes d'abus et exploités durant la guerre, manquant des années d'éducation. Néanmoins, depuis 2006, les avancées en faveur des droits de l'enfant ont été significatives, a assuré Mme Duncan Cassell, insistant sur le changement intervenu ces dernières années en matière d'approche des questions relatives aux enfants. L'importance que notre Gouvernement accorde aux questions relatives aux enfants est illustrée dans la nouvelle Stratégie de réduction de la pauvreté, intitulée «Agenda pour la transformation», dont une section entière est consacrée au développement humain, avec un fort accent mis sur l'éducation, la santé, l'eau et l'assainissement, ainsi que, pour la première fois, la protection sociale. Cette Stratégie reconnaît également la création de capacités et la participation des jeunes, les questions sexospécifiques, le VIH/sida et la protection de l'enfant comme des questions fondamentales et transversales.

Mme Duncan Cassell a ensuite attiré l'attention sur les progrès réalisés dans le pays en termes d'adoption de lois, de politiques et de plans en rapport avec les questions intéressant les enfants. Elle a notamment cité la Politique nationale sur le genre, la Politique nationale sur la protection sociale, la Politique nationale pour la jeunesse ou encore la Loi de réforme de l'éducation. Sans aucun doute, a-t-elle souligné, l'évolution la plus importante du point de vue de la mise en œuvre de la Convention a-t-elle été l'adoption l'an dernier, par le Sénat, de la Loi sur les enfants, signée par le Président et actuellement en cours d'application, qui vise à intégrer la Convention en droit interne et qui stipule que l'intérêt supérieur de l'enfant doit guider toutes les décisions ayant un impact sur les enfants. La Loi comporte une charte globale des droits de l'enfant qui reflète la quasi-totalité des droits énoncés dans la Convention.

D'importants progrès ont été réalisés en matière de services destinés aux enfants, a poursuivi la Ministre. Des maisons d'accueil pour enfants survivants de la violence ont été ouvertes et les services de conseil et de réadaptation pour les survivants de viols, les services d'éducation et de santé ainsi que les installations d'assainissement ont été améliorés, a-t-elle précisé. Les institutions résidentielles ont été progressivement réglementées, par le biais d'un processus d'accréditation, des normes y ayant été introduites. La mise en place d'alternatives aux orphelinats, la réunification des enfants avec leurs familles et le développement de services de type familial ou communautaire pour les enfants privés de soins parentaux sont en bonne voie, a insisté Mme Duncan Cassell. En outre, des services de probation ont été mis en place pour les enfants en contact avec la loi. De plus, des programmes destinés à ouvrir des opportunités d'emploi pour les jeunes gens sont appliqués à travers le pays. Le pays est conscient du fait que, pour que ces politiques, stratégies et nouveaux services soient efficaces et aient un impact réel, il faut qu'ils soient durables et réguliers et qu'ils bénéficient d'un financement ininterrompu et d'un contrôle vigilant, avec une collecte adéquate de statistiques, a déclaré la Ministre, attirant l'attention sur la problématique des capacités de ses ressources humaines.

Si beaucoup reste à faire, le Libéria n'en a pas moins une vision claire de ce qu'il convient de faire pour assurer que tous les enfants jouissent pleinement de leurs droits, a conclu Mme Duncan Cassell.

Examen du rapport

Questions et commentaires des membres du Comité

MME AGNES AKOSUA AIDOO, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Libéria, a salué le haut niveau de la délégation du Libéria, soulignant que cela peut être perçu comme un signe d'engagement en faveur des enfants dans une période de changements rapides et d'instauration d'une nouvelle société. Elle a souligné que l'existence même du Libéria a été menacée par plus de 24 années de coups d'État militaires et d'instabilité et par les 14 années de guerre civile dévastatrice entre 1989 et 2003. Cette situation a entraîné un grave déclin de l'économie, qui était jusqu'alors l'une des plus fortes d'Afrique, ainsi qu'une destruction massive des infrastructures sociales, d'énormes déplacements de population, un éclatement généralisé de la vie familiale et un déclin du niveau de vie de la population, a-t-elle insisté.

Cette situation a exacerbé les défis historiques et les nouveaux défis affectant profondément la jouissance par les enfants de leurs droits dans le pays, a poursuivi Mme Aidoo. Parmi ces défis, figurent la situation sécuritaire encore fort fragile au Libéria ainsi que l'instabilité régionale potentielle dans les pays voisins, qui pourrait avoir des conséquences au Libéria; les disparités géographiques et les inégalités, en particulier entre zones rurales et urbaines; les disparités entre les sexes, qui limitent le droit des jeunes filles à développer pleinement leur potentiel et sapent la protection de leurs droits; les hauts niveaux d'illettrisme (50%) et de chômage qui continuent d'alimenter la pauvreté, alors que 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la pauvreté rurale étant plus élevée que la pauvreté urbaine et la pauvreté des enfants entraînant l'exploitation du travail des enfants, y compris leur exploitation sexuelle voire la traite de fillettes; les importantes contraintes pesant sur les ressources humaines; la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles, qui est extrêmement répandue; et la persistance de pratiques traditionnelles préjudiciables affectant les droits de l'enfant, y compris les mariages précoces, les mutilations génitales féminines et les accusations de sorcellerie.

Néanmoins, un grand nombre d'évolutions ont eu lieu et le rapport met l'accent sur les progrès accomplis ces six dernières années en matière de droits de l'enfant, a poursuivi Mme Aidoo, attirant notamment l'attention sur l'adoption en 2011 de la Loi sur les enfants; sur l'adoption, également en 2011, de la Loi sur l'éducation; sur l'amendement apporté au Code pénal en 2006 s'agissant du viol; ou encore sur la mise en place de la Stratégie de réduction de la pauvreté. Le Comité félicite le Libéria pour ces progrès, réalisés dans un laps de temps relativement court par un pays émergeant de la guerre, ce qui témoigne clairement d'une volonté politique en faveur des enfants, a ajouté la rapporteuse.

Mme Aidoo s'est demandé pourquoi, étant donné l'expérience du pays en rapport avec les effets de la guerre, le Libéria n'a toujours pas procédé à la ratification des deux Protocoles facultatif se rapportant à la Convention et qui traitent de l'implication des enfants dans les conflits armés et de la vente des enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. La rapporteuse a ensuite souhaité en savoir davantage sur le calendrier prévu pour le passage en revue de l'ensemble des lois nationales, y compris le Code pénal, en vue de les rendre conformes à la Loi sur les enfants.

Mme Aidoo s'est en outre enquise de la coordination de l'action en faveur des enfants au Libéria et a souhaité savoir si le Conseil national sur le bien-être des enfants, dont la mise en place est prévue par la Loi sur les enfants, avait été établi.

Mme Aidoo a ensuite fait observer que l'allègement de la dette, à hauteur de 4,6 milliards de dollars, dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres lourdement endettés, constitue une belle opportunité d'investir dans les enfants; aussi, a-t-elle souhaité savoir dans quelle mesure la priorité a-t-elle été accordée aux enfants dans le cadre de l'utilisation des fonds ainsi dégagés.

Un autre membre du Comité a encouragé le Libéria à procéder à la ratification des deux Protocoles facultatif se rapportant à la Convention et qui traitent de la vente des enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés. Cette experte a néanmoins attiré l'attention sur le problème du travail des enfants dans les exploitations de caoutchouc et s'est enquise des mesures prises pour éviter que les sociétés transnationales n'emploient des enfants dans ces exploitations.

Un expert a regretté que le Libéria n'ait pas encore entrepris un examen de l'ensemble de sa législation afin de l'harmoniser avec les dispositions de la Convention. La coexistence de deux sources de droit – le droit civil et le droit coutumier – est source de préoccupation pour le Comité, s'agissant notamment de l'âge du mariage, de l'adoption et de la justice pour mineurs, a poursuivi l'expert. Qu'en est-il de l'applicabilité directe de la Convention en droit interne, a-t-il en outre demandé, relevant qu'il ne semble pas que le Libéria admette que les normes internationales puissent être directement appliquées par le juge interne? La délégation est-elle en mesure d'assurer qu'en vertu du droit pénal, les enfants âgés de plus de 16 ans ne peuvent pas être condamnés à mort, ni à l'emprisonnement à vie?

Existe-t-il un mécanisme de plainte spécialisé pour les droits de l'enfant, a demandé un expert?

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la situation qui prévaut dans le pays s'agissant de l'enregistrement des naissances, l'un d'eux faisant observer que le Libéria est le deuxième pays au monde où l'enregistrement des naissances est le moins répandu et invitant de ce fait les autorités à annuler la possibilité d'imposer des amendes pour enregistrement tardif.

Le Libéria se trouve dans une situation de grand progrès, mais souffre de retards dans l'application des dispositions existantes, a souligné un membre du Comité. Une experte a souhaité en savoir davantage au sujet des mesures prises pour prévenir l'exploitation sexuelle des enfants.

Une autre experte a fait part de ses préoccupations face au taux particulièrement élevé de grossesses d'adolescentes, lié en partie à la pratique des mariages précoces – phénomène auquel est également lié le nombre élevé d'avortements dans le pays. Pendant toute la durée de la guerre, les adolescents, en particulier ceux qui étaient impliqués dans le conflit armé, étaient consommateurs de toutes sortes de stupéfiants et autres substances toxiques; dans ce contexte, quelles mesures sont-elles aujourd'hui prises afin d'encourager les adolescents à adopter des modes de vie plus sains, a demandé l'experte? Elle s'est en outre enquise des mesures prises afin de promouvoir l'accès aux tests de dépistage du VIH/Sida et aux antirétroviraux.

Un membre du Comité s'est inquiété du faible taux de vaccination des enfants handicapés, déplorant que les parents ne cherchent pas à vacciner leurs enfants lorsqu'ils sont handicapés. L'expert s'est en outre enquis de la formation dispensée aux personnels de justice en matière de justice pour mineurs. Le pays compte-t-il des centres de détention pour mineurs et combien, a-t-il également demandé?

Une experte s'est enquise des mesures prises pour lutter contre les redoublements et les abandons scolaires, alors que le taux de scolarisation dans certains comtés est nul (en dépit d'une fort probable présence d'enfants dans ces comtés). Quelles mesures sont-elles prises pour sensibiliser les enfants et les parents à l'importance de l'éducation? Le taux de scolarisation est effectivement très bas au Libéria, en particulier pour les filles, a insisté une autre experte, avant de s'enquérir des mesures prises pour encourager la scolarisation des filles.

Un membre du Comité a demandé quelles mesures sont prises pour prévenir le recrutement d'enfants dans les zones frontalières, eu égard en particulier à la situation en Côte d'Ivoire.

Un autre expert a insisté sur le problème majeur des enfants-soldats au Libéria et s'est enquis des mesures de réhabilitation.

En ce qui concerne le travail des enfants, il semble que la situation reste très préoccupante dans le pays du fait de la prévalence du travail des enfants dans tous les secteurs d'activités, a souligné un membre du Comité, avant de s'enquérir de l'intention du Libéria d'adhérer à la Convention n°138 de l'Organisation internationale du travail sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.

Les indicateurs sont décevants en matière d'accès aux services de santé, en dépit de l'importance du budget consacré à la santé, a fait observer une experte, avant d'attirer l'attention sur les taux élevés de mortalité maternelle et infantile enregistrés au Libéria.

Réponses de la délégation

La délégation libérienne a souligné que maintenant que la guerre est finie, il faut pour le Libéria aller de l'avant. L'avenir du Libéria ce sont ses enfants, a-t-elle rappelé, déplorant la génération qui a été perdue du fait de la guerre et insistant sur l'importance qu'il y a dans ce contexte à veiller à la formation des enfants et des jeunes.

Répondant à des questions relatives au cadre général d'application de la Convention, la délégation a notamment indiqué que le processus de ratification des Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention a commencé. Les autorités libériennes souhaitent par ailleurs que la Commission nationale des droits de l'homme, récemment mise en place, désigne une personne ressource pour les droits de l'enfant. Les autorités libériennes ont également l'intention de mettre en place au sein du Ministère de la justice une unité spécifique chargée des enfants en conflit avec la loi.

S'agissant de la peine de mort, la délégation a souligné qu'historiquement, aucun enfant n'a été exécuté au Libéria; mais il est clair que cela ne suffit pas et c'est pourquoi la Présidence de la République a mis en place un comité institutionnel afin que cette question soit tranchée une fois pour toute. La peine de mort est une question extrêmement délicate au Libéria, a poursuivi la délégation. Il y a eu une ou deux condamnations à mort mais elles ont été commuées par la Cour suprême. Certains souhaitent maintenir la peine de mort pour décourager les criminels, a-t-elle expliqué. Des efforts sont en cours et peut-être dans quelques années sera-t-il possible d'abolir cette peine. En tout état de cause, les tribunaux sont peu enclins à prononcer cette peine. Aucun enfant ne sera exécuté au Libéria, a assuré la délégation.

S'agissant des mineurs en conflit avec la loi, un mineur âgé de 16 à 18 ans qui commet un crime sera jugé et puni comme un adulte, a par ailleurs rappelé la délégation. Un membre du Comité ayant insisté pour connaître le sort réservé aux mineurs de moins de 16 ans qui commettent des délits, elle a indiqué qu'en règle générale, en droit interne libérien, est considéré comme enfant toute personne ayant moins de 18 ans. Néanmoins, des disparités existent s'agissant de ces questions entre le droit statutaire et le droit coutumier; il existe même des incohérences au sein du droit statutaire lui-même. On s'en remet à la discrétion du juge pour savoir si un enfant âgé de 16 à 18 ans qui commet un crime doit être puni et traduit en justice comme un adulte, a précisé la délégation. Un atelier de travail qui va se réunir avant la fin de cette année doit se pencher sur cette question, afin de résoudre les incohérences existantes, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Les autorités ont l'intention de mettre en place une quinzaine de tribunaux, un pour chacun des comtés du pays, qui seront chargés de tenir des sessions spéciales sur la justice pour mineurs; mais, faute de ressources disponibles à cette fin, rien n'a été fait jusqu'à présent, a reconnu la délégation. Nombre de victimes d'abus sexuels sont des enfants de très jeune âge et les autorités ont pensé qu'il serait utile de disposer dans les tribunaux d'unités spécialisés sur ce type d'affaires, a poursuivi la délégation. Le Libéria connaît un taux élevé de détention avant jugement, tant pour les mineurs que pour les adultes, et cela est effectivement inacceptable, a par ailleurs reconnu la délégation. Les causes de ce problème ont été identifiées, s'agissant plus particulièrement de la responsabilité des magistrats en la matière, a-t-elle précisé.

Il y a beaucoup d'incohérence entre le droit statutaire et le droit coutumier en matière de mariage, a poursuivi la délégation. S'agissant de l'acquisition de la nationalité, la loi sur la citoyenneté est totalement obsolète et les autorités travaillent à une remise à plat de cette loi, a ajouté la délégation. Les gens ont pour habitude de recourir à la justice traditionnelle et lorsqu'on leur dit qu'il faut maintenant instaurer un état de droit, ils ont une première réaction de résistance, voire d'opposition; il faut alors leur expliquer qu'il est nécessaire de préparer des politiques et des lois afin de se conformer à la Convention à laquelle le pays a souscrit. En cas de conflit entre la Loi sur les enfants et le droit coutumier, c'est l'enfant qui prévaut; en clair, si le droit coutumier dit qu'un enfant peut se marier à tel âge et la loi qu'il le peut seulement à partir de tel autre âge, c'est ce dernier âge qui prévaudra, a expliqué la délégation.

Il y a des crimes qui sont universels – meurtre, viol, par exemple – mais les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales ne sont pas considérées comme un crime car elles sont enracinées dans la culture libérienne; aussi, lorsque l'on veut lutter contre des pratiques culturelles, faut-il adopter une approche adéquate, notamment en s'adressant aux leaders traditionnels.

La corruption constitue un véritable défi; c'est un problème qui est présent partout au Libéria, a par ailleurs reconnu la délégation. Au Libéria, la corruption est la règle, a-t-elle insisté. Il s'agit donc pour le Libéria de modifier complètement l'échelle des valeurs et de resocialiser les gens, a-t-elle indiqué.

La conscription des enfants est tout à fait répréhensible, a souligné la délégation. Toute personne qui a vécu au Libéria connaît les effets dévastateurs de la guerre et l'on ne saurait rester les bras croisés si des enfants intègrent des forces armées, a-t-elle insisté. Récemment, ont été extradées vers la Côte d'Ivoire une quarantaine de personnes qui s'adonnaient à ce type d'activités, a indiqué la délégation. Il y a un véritable engorgement de la justice au regard du nombre important d'affaires - en matière de viol, de corruption, etc.

La délégation a souligné qu'a été créée au sein de la police nationale une unité en charge de la criminalité transnationale, les autorités ayant en effet constaté une hausse de la traite de personnes et d'autres types de trafic comme le trafic d'armes. De l'avis des autorités, ce sont les poursuites judiciaires qui restent le principal outil pour faire face à ces phénomènes.

Le phénomène du travail des enfants se poursuit peut-être, mais des mesures ont été prises pour le prévenir et le combattre, a assuré la délégation.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, la délégation a indiqué qu'il se fait dans les hôpitaux et les cliniques. Une expérience d'unités mobiles chargées de procéder à l'enregistrement des naissances a été tentée, mais cela n'a pas très bien fonctionné; à vrai dire, c'est surtout parce que le pays ne comptait qu'une seule unité mobile de ce type, a ajouté la délégation. L'enregistrement des naissances est gratuit jusqu'à l'âge de 13 ans, après quoi il coûte l'équivalent d'environ 7 dollars des États-Unis, a précisé la délégation.

La plupart des comtés du pays bénéficient de programmes d'alphabétisation, a poursuivi la délégation. Ces programmes ont été élargis à l'intention des enfants qui ne vont pas à l'école, a-t-elle indiqué. S'agissant des questions d'éducation, la délégation a notamment assuré que le taux de scolarisation a connu une augmentation dans le pays. Un programme de rénovation d'établissements a été mené par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance dans les zones les plus reculées du pays, a-t-elle précisé.

Interrogée sur ce qui est fait pour lutter contre l'abandon scolaire chez les jeunes filles, la délégation a notamment indiqué que le harcèlement des jeunes filles par les enseignants est un gros problème au Libéria, d'autant plus que les deux tiers des enseignants dans le pays sont désormais des hommes. Les enseignants qui sont pris sur le fait sont envoyés dans des cours de formation et des mesures incitatives sont également prises pour promouvoir l'intégration des femmes dans le métier d'enseignant, a fait valoir la délégation.

Beaucoup d'élèves abandonnent leurs études en cours de route pour diverses raisons, a ensuite souligné la délégation, rappelant que la plupart d'entre eux doivent se débrouiller dans la vie. C'est donc au corps enseignant d'insister pour les inciter à venir à l'école, a-t-elle affirmé. Parfois, c'est suite «à un simple malentendu dans la salle de cours» que les élèves s'en vont, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment attiré l'attention sur la formation dispensée aux personnels des centres de santé, dont un certain nombre ont été envoyés à l'étranger à cette fin. Le taux de mortalité maternelle et infantile était extrêmement élevé dans le sud-est du pays et les autorités ont donc entrepris d'ouvrir dans cette région une école pour sages-femmes, cette mesure s'étant avérée fructueuse en termes d'impact, a poursuivi la délégation, ajoutant que le Libéria connaît néanmoins encore un taux élevé de mortalité maternelle et infantile. Le pays pâtit encore d'un manque de médecins, mais la situation s'est là aussi améliorée par rapport à ce qu'elle était il y a six ans, a également souligné la délégation. Le Libéria dispose en outre de centres de dépistage et de conseils en matière de VIH/sida dans les zones urbaines et dans certaines rurales, a indiqué la délégation. La toxicomanie a énormément diminué au Libéria, a par ailleurs assuré la délégation, admettant néanmoins qu'elle reste un important problème.

Avant la pause parlementaire il y a deux semaines, le projet de loi sur l'adoption a été adopté par le Parlement; ce texte reste néanmoins encore à être approuvé par la Chambre haute (Sénat), a en outre fait savoir la délégation. Beaucoup de gens au Libéria ont du mal à comprendre ce que sont les soins alternatifs et ne comprennent pas que leurs enfants n'ont rien à faire dans un orphelinat, a par ailleurs indiqué la délégation. Les autorités se concentrent donc sur l'action visant à sortir des orphelinats les enfants qui n'ont rien à y faire.

Tous les enfants dans le pays peuvent aller à l'école, mais ce qui manque au Libéria, ce sont des écoles adaptées à l'accueil des enfants handicapés, a poursuivi la délégation. La vaccination des enfants handicapés ne pose plus de problèmes car le Ministère de la santé envoie des infirmières faire du porte-à-porte pour vacciner tous les enfants, qu'ils soient handicapés ou non, a-t-elle ajouté.

Le châtiment corporel n'est plus pratiqué dans les écoles, a en outre souligné la délégation. Des parents continuent à avoir recours aux châtiments corporels contre leurs enfants et ils peuvent alors être poursuivis pour abus et violences, a-t-elle ajouté.

Observations préliminaires

MME AGNES AKOSUA AIDOO, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Libéria, a jugé très intéressant, constructif et fructueux le dialogue qui s'est noué entre les experts et la délégation de haut niveau du Libéria. Le pays prend très au sérieux ses engagements au titre de la Convention, a-t-elle reconnu. Mme Aidoo a estimé que les réponses apportées par la délégation ont attesté du réalisme avec lequel le Libéria appréhende la situation de ses enfants. La réalité du Libéria est pleine de défis, mais de grandes avancées ont été réalisées en matière d'adoption de stratégies, de programmes et de lois, eu égard notamment à l'adoption de la nouvelle Loi sur les enfants. Des recommandations seront faites par le Comité qui, faut-il espérer, aideront le Libéria à avancer plus encore, a poursuivi la rapporteuse, précisant que la nécessaire harmonisation des lois vis-à-vis de la Convention ainsi que leur nécessaire cohérence seront certainement mises en avant dans ce contexte. Mme Aidoo a encouragé le Libéria à poursuivre son travail en faveur des enfants et à ne pas hésiter à se tourner vers le Comité dans cette démarche.

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