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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Ethiopie

10 Mai 2012

10 mai 2012
 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport de l'Éthiopie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. Fisseha Yimer, Conseiller spécial auprès du Ministre des affaires étrangères de l'Éthiopie, a présenté le rapport de son pays en soulignant que, dans les limites de ses ressources limitées, le Gouvernement éthiopien a pris des mesures afin d'assurer à ses citoyens la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Soulignant que ces droits ne peuvent être pleinement réalisés qu'en réalisant le développement économique et en renforçant les institutions démocratiques et judiciaires, il a indiqué que le Gouvernement a mis en place un Plan de croissance, dont l'objectif est de réaliser une croissance économique durable et accélérée ainsi que le développement social. Ainsi, les politiques mises en œuvre ont-elles permis au pays de réaliser des progrès remarquables en matière de réduction de la pauvreté, d'éducation, de soins de santé et d'emploi, améliorant les moyens d'existence et le bien-être social des citoyens. Le pays applique d'autre part des politiques agricoles destinées à éradiquer la pauvreté dans les zones rurales et une assistance est apportée aux résidents ruraux confrontés à de graves pénuries alimentaires pour leur réinstallation volontaire dans des zones fertiles. Mais l'Éthiopie reste confrontée à de nombreux défis et lacunes résultant du sous-développement du pays, de la pauvreté et du manque de capacités. Le chef de la délégation a insisté à cet égard sur l'importance de la coopération internationale.

La délégation éthiopienne était également composée de M. Minelik Alemu Getahun, Représentant permanent de l'Éthiopie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la législation applicable aux organisations de la société civile; la promotion de la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté; la rapide croissance économique du pays ces dernières années; les questions relatives au travail, s'agissant plus particulièrement des droits syndicaux, du droit de grève, des salaires, de l'inspection du travail et du travail des enfants; les questions de santé et d'éducation; la situation des personnes handicapées; les droits des minorités; la place des tribunaux islamiques et de la charia.

La sécurité alimentaire est une priorité pour le Gouvernement éthiopien, a notamment déclaré la délégation, qui a indiqué que l'objectif premier, à cette fin, est d'accroître la productivité de la petite agriculture, qui est le pilier de l'économie nationale. Elle a indiqué que les autorités éthiopiennes entendent promouvoir l'exploitation des terres riches inexploitées de l'ouest du pays, qui pourraient accueillir des activités agricoles à grande échelle. La délégation a également attiré l'attention sur les programmes de prévention et d'alerte rapide face aux sécheresses mis en place par le Gouvernement et a fait valoir que cela fait vingt ans que l'Éthiopie ne connaît plus la famine, alors que le pays a continué d'être frappé par des périodes de sécheresse. Personne ne meurt plus de faim en Éthiopie, a insisté la délégation. Elle a par ailleurs affirmé que le Gouvernement éthiopien ne se livre pas à des pratiques de déplacements forcés ou arbitraires de populations.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, Mme Jun Cong, a pris note de la réduction sensible, ces dernières années, du taux de pauvreté en Éthiopie, mais a souligné que l'Éthiopie reste l'un des pays les plus exposés au monde pour ce qui est de l'insécurité alimentaire et que la discrimination faite aux femmes demeure un grave problème.


Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de l'Éthiopie et doit les rendre publiques lors de la séance de clôture qui se tiendra le vendredi 18 mai prochain dans l'après-midi, en même temps que les observations sur les autres rapports examinés au cours de la session.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de l' Éthiopie (E/C.12/ETH/1-3), M. FISSEHA YIMER, Conseiller spécial auprès du Ministre des affaires étrangères de l'Éthiopie, a d'emblée réitéré l'engagement sincère du Gouvernement de l'Éthiopie au processus associé aux obligations qui sont celles du pays, en vertu du Pacte et de sa Constitution, de réaliser les droits économiques, sociaux et culturels des individus et des groupes présents en Éthiopie.

Dans le cadre des ressources limitées qui sont les siennes, le Gouvernement éthiopien a pris plusieurs mesures afin d'assurer à ses citoyens la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte, a poursuivi M. Yimer. Il a attiré l'attention sur la coopération exemplaire qui associe le Gouvernement éthiopien et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme en vue de permettre à l'Éthiopie de présenter les rapports attendus de ce pays au titre de divers instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme, parmi lesquels le présent Pacte.

La Constitution éthiopienne contient un chapitre distinct rassemblant des dispositions précises relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé M. Yimer. Ces droits ne peuvent être pleinement réalisés qu'en réalisant le développement économique et en renforçant les institutions démocratiques et judiciaires, a-t-il souligné. C'est pourquoi le Gouvernement éthiopien a mis en place un ambitieux Plan quinquennal de croissance et de transformation (2011-2015), avec pour objectif de réaliser une croissance économique durable, basée sur le peuple et accélérée, ainsi que le développement social. Les stratégies, politiques et objectifs mis en place visent à éradiquer la pauvreté en Éthiopie et à créer des conditions propices à l'épanouissement de la démocratie et de la bonne gouvernance, dans lesquelles les droits de l'homme soient garantis, a insisté M. Yimer. Ainsi, les politiques mises en œuvre ont-elles permis au pays de réaliser des progrès remarquables en matière de réduction de la pauvreté, d'éducation, de soins de santé et d'emploi, améliorant les moyens d'existence et le bien-être social des citoyens, a-t-il déclaré. L'analyse préliminaire de la situation pour l'année 2010/2011 concernant les revenus, la consommation et les dépenses des ménages laisse apparaître que la pauvreté a nettement diminué en Éthiopie depuis 2004/2005, a-t-il précisé, indiquant que le taux de pauvreté a décliné de 38,7% en 2004-2005 à 29,6% en 2010-2011. Dans les zones rurales, a-t-il fait valoir, le taux de pauvreté est passé de 39,3% en 2004-2005 à 30,4% en 2010-2011. Ainsi, la pauvreté a-t-elle chuté aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines et l'Éthiopie est-elle sur la bonne voie pour atteindre l'objectif du Millénaire pour le développement consistant la réduction de moitié de la pauvreté d'ici 2015.

La croissance ayant besoin d'infrastructures, le Gouvernement éthiopien a entrepris de construire diverses infrastructures (routes, approvisionnement en eau, éducation, santé) afin de réaliser les droits économiques, sociaux et culturels de ses citoyens, a poursuivi M. Yimer. En outre, afin de soutenir sa rapide croissance économique et répondre aux besoins énergétiques qu'elle entraîne, l'Éthiopie a engagé de nombreux projets de production d'électricité. Le pays applique d'autre part des politiques agricoles destinées à éradiquer la pauvreté dans les zones rurales, a poursuivi M. Yimer. Le plan national de développement sur la sécurité alimentaire devrait apporter des solutions durables, a-t-il indiqué, insistant sur l'assistance apportée - sous forme de prêts et de réinstallation volontaire dans des zones fertiles - aux résidents ruraux, qui sont confrontés à de graves pénuries alimentaires.

S'agissant de protection sociale, M. Yimer a fait valoir que la Constitution garantit le droit à la sécurité sociale en imposant à l'État l'obligation de consacrer des ressources, dans la mesure des moyens disponibles, à la fourniture d'une assistance aux personnes handicapées, aux personnes âgées et aux enfants sans parents ni tuteurs. La Chambre des Représentants a ainsi adopté plusieurs lois afin d'apporter à ces personnes une protection sociale, a-t-il indiqué.

La participation des femmes à la vie politique, sociale et économique du pays s'est progressivement renforcée, a ensuite assuré M. Yimer. Il a fait valoir que le Gouvernement avait pris diverses mesures en ce sens, y compris des mesures d'action affirmative visant à accroître les taux de scolarisation des filles dans l'éducation supérieure et à réduire les taux d'abandon scolaire des filles aux différents niveaux d'éducation. Il a également souligné les mesures prises afin de lutter contre les mauvaises pratiques telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et forcés et d'autres formes de pratiques traditionnelles préjudiciables, assurant que ces mesures ont donné lieu à des progrès significatifs. La Constitution et d'autres lois garantissent la non-discrimination à l'encontre des femmes en termes d'emploi et de salaires, a ajouté M. Yimer.

Attirant ensuite l'attention sur les mesures prises afin de réduire le nombre d'enfants des rues, notamment en aidant les jeunes et les mères qui vivent dans la rue à s'engager dans des activités génératrices de revenus et en cherchant à réunifier les enfants des rues avec leurs familles, M. Yimer a indiqué que ces initiatives ont permis de réintégrer 16 100 enfants des rues, qui ont commencé à être scolarisés dans leurs zones respectives.

S'agissant des droits culturels de la population éthiopienne, M. Yimer a rappelé que l'Éthiopie est un pays dont la diversité culturelle est extraordinaire. Elle est composée de plus de 80 nations, nationalités et peuples, chacun maintenant sa culture distincte, sa langue, ses valeurs traditionnelles et son patrimoine. Selon l'article 39 de la Constitution, a souligné M. Yimer, chaque nation, nationalité et peuple en Éthiopie a le droit constitutionnel de parler, d'écrire et de développer sa propre langue, de développer sa culture et de préserver son histoire. Eu égard à la richesse du patrimoine historique et culturel de l'Éthiopie, le nombre de touristes visitant le pays n'a cessé de croître, a fait valoir M. Yimer. L'Éthiopie envisage de devenir l'une des premières destinations en Afrique d'ici la fin du Plan de croissance et de transformation, a-t-il indiqué, rappelant que l'UNESCO a classé neuf sites historiques et naturels du pays au Patrimoine mondial.

En conclusion, M. Yimer a admis qu'en dépit des meilleurs efforts déployés par le pays, l'Éthiopie reste confronté à de nombreux défis et lacunes, y compris en termes de mise en œuvre et de jouissance complète des droits énoncés dans le Pacte. Nombre de ces lacunes proviennent du sous-développement du pays, de la pauvreté et du manque de capacités au niveau national, a-t-il expliqué, avant d'insister sur l'importance de la coopération internationale.

Examen du rapport

Questions et commentaires des experts

MME JUN CONG, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, a rappelé que le Comité souhaite généralement que les États parties envoient devant lui une délégation comprenant des spécialistes des droits économiques, sociaux et culturels en provenance de leur capitale. Elle a ensuite pris note de la réduction sensible, ces dernières années, du taux de pauvreté en Éthiopie. Elle a aussi relevé que le nouveau Code pénal érige en infractions les pratiques traditionnelles préjudiciables et les pires formes de traite de personnes et que le nouveau Code de la famille fixe à 18 ans l'âge du mariage tant pour les filles que pour les garçons.

Pour autant, a poursuivi Mme Cong, l'Éthiopie reste l'un des pays les plus exposés au monde à l'insécurité alimentaire. En outre, la discrimination faite aux femmes demeure un grave problème, a fait observer la rapporteuse.


Plusieurs membres du Comité se sont enquis des mesures prises par l'Éthiopie afin de promouvoir la formation des juges, en particulier ceux des tribunaux islamiques appliquant la charia, aux droits de l'homme et plus particulièrement aux droits économiques, sociaux et culturels. Un expert a en outre souhaité savoir quel était le statut du Pacte en droit interne.

Il est regrettable que l'Éthiopie n'ait adhéré à aucune des procédures de plaintes individuelles (communication) prévues par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, a souligné un membre du Comité. Le pays n'a pas non plus adressé d'invitation aux procédures spéciales chargées des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il déploré.

Par ailleurs, a poursuivi cet expert, en réponse à la question qui lui a été adressée visant à savoir si elle envisageait de dépénaliser l'homosexualité, l'Éthiopie indique qu'il n'est pas prévu de modifier le Code pénal en la matière, alors que les dispositions actuelles constituent une infraction non seulement en vertu du Pacte mais aussi d'autres instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.

Une experte a fait observer que plusieurs organes conventionnels avaient recommandé à l'Éthiopie de modifier sa législation afin de permettre aux ONG de mener leurs activités sans entraves et s'est donc enquise des mesures prises pour donner effet à cette recommandation.

L'experte s'est par ailleurs inquiétée des déplacements forcés de populations dans le cadre de plans de désurbanisation, imposés le plus souvent aux personnes appartenant aux groupes les plus vulnérables à qui l'on demande de quitter les zones urbaines pour s'installer dans des localités où il n'y a pas d'infrastructures.

Un expert a demandé si les étrangers qui vivent légalement sur le territoire éthiopien jouissent pleinement des droits économiques, sociaux et culturels.

Un membre du Comité a par ailleurs relevé que le taux de mortalité maternelle a considérablement baissé depuis 2006 et s'est demandé si cette tendance se maintenait.

Une experte a dénoncé le phénomène, courant en Éthiopie, des femmes enlevées, violées et ensuite obligées à épouser leur violeur.

Un expert s'est interrogé sur la situation de l'emploi dans le pays au regard du taux de croissance remarquable que connaît l'Éthiopie. Un membre du Comité s'est enquis de la part du travail informel dans le pays et s'est inquiété de l'information selon laquelle il n'existerait pas de salaire minimum en Éthiopie. Il a précisé que si l'article 7 du Pacte ne parle pas de salaire minimum, les États parties sont tenus d'assurer une rémunération qui procure, au minimum, une existence décente.

Lorsque les taux de pauvreté et de chômage sont élevés, il est fréquent que des mineurs travaillent, encore que – dans le cas de l'Éthiopie – des informations laissent apparaître que des enfants travailleraient dès l'âge de cinq ans, s'est inquiété un expert. Un autre a relevé les chiffres émanant des autorités éthiopiennes elles-mêmes selon lesquels dans la tranche d'âges des 5 à 9 ans, 39% des enfants sont employés en dehors de leur domicile; ce taux atteint même les 62% pour les enfants âgés de 10 à 14 ans. Plus de 85% des enfants éthiopiens âgés de 5 à 17 ans travaillent, a-t-il par ailleurs été souligné, ce qui n'est pas sans incidence sur le fort taux d'abandon scolaire et sur le faible taux d'inscription au niveau de l'enseignement primaire. Selon la Banque mondiale, l'Éthiopie a l'un des taux d'alphabétisation parmi les plus faibles du monde, avec 36%; seuls 52% des enfants achèvent le cycle d'éducation primaire, a insisté un expert.

Un autre expert a fait état d'informations selon lesquelles 150 000 enfants éthiopiens environ vivraient dans les rues, dont 60 000 pour Addis-Abeba. Selon les informations fournies par la délégation, seuls 16 000 enfants des rues Quel type de mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour couvrir le reste des enfants des rues.

En matière d'enseignement, la grande question reste la qualité de l'éducation, a estimé un expert, constatant par ailleurs que l'Éthiopie ne dispose pas de loi rendant obligatoire et gratuit l'enseignement primaire.

Un expert a relevé que l'Éthiopie compte 1,2 million de malades du sida dont, selon les autorités, près de 400 000 «devraient avoir droit» à une thérapie antirétrovirale. L'expert s'est interrogé sur cette notion d'éligibilité. Dans la région du Tigré, le sida est la seconde cause de mortalité pour les femmes, lesquelles sont trois fois plus touchées par la maladie que les hommes, s'est inquiété une experte.

Certains experts ont félicité l'Éthiopie pour la baisse de la pauvreté qu'il a enregistrée. Le Président du Comité, M. Ariranga Govindasamy Pillay, a pour sa part relevé que les chiffres dont dispose le Comité concernant la pauvreté ne correspondent pas à ceux qui ont été fournis par la délégation. En effet, la délégation parle d'un taux de pauvreté moyen d'environ 29% alors que, selon les informations dont dispose le Comité de la part de African Rights Monitor, 39% des Éthiopiens vivraient en dessous du seuil de pauvreté de 1,25 dollar par jour et 77,5% avec moins de deux dollars par jour.

Un expert s'est inquiété de certains projets de barrages en Éthiopie qui vont éliminer le cycle naturel de crues qu'exploitaient certaines populations à des fins agricoles. Le droit à l'alimentation des 100 000 personnes qui risquent d'être touchées par ces projets n'est-il pas menacé par lesdits projets, a-t-il demandé?

Une experte a relevé qu'il existe de nombreuses divergences de vues au sujet de la situation des droits de l'homme en Éthiopie. Aussi s'est-elle demandée pourquoi le pays a rejeté la recommandation du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, lors de l'Examen périodique universel s'agissant de l'Éthiopie, invitant l'Éthiopie à adresser une invitation permanente aux procédures du Conseil des droits de l'homme.

Réponses de la délégation

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a indiqué que tous les traités internationaux ratifiés par l'Éthiopie, y compris le Pacte, font partie intégrante de la loi interne. En Éthiopie, le Pacte peut donc être directement invoqué devant un tribunal.

En réponse aux préoccupations exprimées au sujet du fait que l'Éthiopie n'a adhéré à aucune des procédures de plaintes individuelles (communication) prévues par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la délégation a déclaré que les procédures onusiennes sont très lourdes et exigent des États parties un important engagement financier. Or, l'Éthiopie ne possède pas de structure qui lui permettrait de traiter de telles communications individuelles, a-t-elle affirmé. Présenter des rapports aux organes conventionnels est déjà une tâche très lourde; mais l'Éthiopie réfléchira à l'opportunité de souscrire aux mécanismes de plaintes, a assuré la délégation.

L'Éthiopie n'a aucune objection quant au contenu de la Convention n°169 de l'OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux, a par ailleurs déclaré la délégation. Elle a toutefois souligné que la Constitution éthiopienne n'utilise pas le terme «autochtone»; la Constitution emploie les termes de «nations», de «nationalités» et de «peuples» et protège les droits de toutes les personnes visées.

Aucune organisation, quelle qu'elle soit, n'est interdite en Éthiopie, a ensuite assuré la délégation. La loi en vigueur crée les conditions favorables au bon fonctionnement de toutes les organisations de la société civile, quel que soit leur domaine d'action, a-t-elle affirmé. Elle a précisé que, pour être considérée comme locale, une organisation doit démontrer que 10% au moins de son capital provient d'une origine locale. Évoquant le cas d'une organisation dont les fonds ont été gelés sur décision d'un tribunal, la délégation a indiqué que cette organisation a fait appel de cette décision; chacun attend le résultat de cet appel qui, quel qu'il soit, devra être respecté.

La sécurité alimentaire est une priorité pour le Gouvernement éthiopien, a déclaré la délégation. L'objectif premier, à cette fin, est d'accroître le rendement, c'est-à-dire la productivité, de la petite agriculture, qui est le pilier de l'économie nationale, a-t-elle expliqué. Dans l'ouest de l'Éthiopie, à la frontière du Soudan, il y a des terres arables très riches qui ne sont pas exploitées alors qu'elles pourraient accueillir des activités agricoles à grande échelle, a poursuivi la délégation, c'est pourquoi les autorités éthiopiennes entendent promouvoir l'exploitation de ces terres. La délégation a également attiré l'attention sur les programmes de prévention et d'alerte rapide face aux sécheresses mis en place par le Gouvernement. Cela fait vingt ans que l'Éthiopie ne connaît plus la famine malgré les épisodes de sécheresse qu'elle a connus, a-t-elle fait valoir. Personne ne meurt plus de faim en Éthiopie, en particulier grâce à ces programmes de prévention et d'alerte rapide, qui permettent de déployer des stocks de vivres avant que la pénurie alimentaire ne se fasse sentir, a déclaré la délégation.

La délégation a expliqué que des mesures ont été prises pour éviter les déplacements de populations suscités par l'insécurité alimentaire, en veillant à ce que les personnes qui en ont besoin reçoivent l'aide alimentaire dans les villages où elles se trouvent. Elle a ajouté que le Gouvernement éthiopien ne se livre pas à des pratiques de déplacements forcés ou arbitraires, rejetant les allégations en ce sens émanant de certaines sources. Les déplacements de populations auxquels on a procédé visent à soutenir des communautés qui expriment le souhait d'avoir accès à des services sociaux adéquats et se font donc sur la base du volontariat. Il n'y a pas de relogement involontaire en Éthiopie; les relogements opérés sont tous volontaires, a insisté la délégation. Il n'y a pas actuellement en Éthiopie de relogement qui serait lié à des conflits armés, a-t-elle en outre indiqué.

Un membre du Comité ayant souligné qu'un rapport de Human Rights Watch mentionne le cas de 70 000 personnes de la région de Gambela qui auraient été déplacées de force et réinstallées dans de nouveaux villages où la nourriture, les terres arables et les services de santé et d'éducation adaptés font défaut, la délégation a affirmé qu'il n'y avait pas eu de déplacements forcés dans la région de Gambela. «Nous ne déplaçons pas ces populations, nous ne violons pas leurs droits», a-t-elle assuré. «À vous de décider si Human Rights Watch ment ou se trompe; ce n'est pas à nous de le faire», a estimé la délégation. «Human Rights Watch semble maintenant avoir pris l'habitude de présenter des rapports inexacts et infondés et qui visent simplement à s'opposer à ce que fait l'Éthiopie», a déclaré la délégation.

La délégation a par la suite affirmé ne pas être en mesure de donner de chiffres sur le nombre d'expulsions forcées dans le pays, comme le lui demandent les membres du Comité, pour la simple raison qu'il n'y a pas d'expulsions forcées en Éthiopie.

En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, la délégation a fait part de l'objectif de l'Éthiopie d'entrer d'ici 2025 dans la catégorie des pays à revenu moyen faible. La croissance de l'Éthiopie est l'une des plus rapides d'Afrique voire du monde, a en outre fait valoir la délégation. Au cours des cinq prochaines années, l'économie éthiopienne devrait continuer de croître à un taux moyen de 11% par année, a-t-elle indiqué. La croissance économique remarquable que le pays a connue ces huit dernières années a eu des répercussions dans le domaine social et s'est accompagnée d'une amélioration globale de la situation de l'emploi, tant pour les hommes que pour les femmes, a souligné la délégation. Le taux de chômage, bien qu'encore élevé, a diminué, a-t-elle fait valoir, précisant notamment que le taux de chômage des jeunes est passé de 24,5% en 2009-2010 à 23,7% en 2010-2011. Environ 85% des Éthiopiens vivent dans les zones rurales, a rappelé la délégation. Elle a insisté sur l'objectif que s'est fixé le Gouvernement de doubler la production agricole d'ici 2015, précisant que quelque 60 000 travailleurs agricoles ont été déployés à cette fin auprès des exploitants agricoles. Selon les données disponibles, le taux de pauvreté a nettement diminué en Éthiopie entre 2004 et 2010. L'Éthiopie est en bonne voie pour réaliser l'objectif du Millénaire pour le développement consistant à réduire de moitié le taux de pauvreté d'ici 2015 par rapport à 1990, a-t-elle réitéré.

Abordant les questions relatives à l'emploi et aux conditions de travail, la délégation a notamment indiqué que le nombre d'inspecteurs du travail a augmenté, passant de 12 en 2002 à 123 en 2011, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement fait de son mieux pour renforcer les capacités du système d'inspection du travail, en coopération avec l'Organisation internationale du travail (OIT), dans le but de couvrir tous les secteurs d'emplois.

En ce qui concerne le droit syndical, la délégation a souligné que les lois relatives au travail ne couvrent pas le secteur informel, de sorte que les travailleurs de ce secteur ne peuvent se syndiquer. La délégation a ensuite attiré l'attention sur la prolifération du nombre de syndicats à travers le pays, preuve de l'engagement des autorités en faveur du respect des droits syndicaux. La délégation a indiqué qu'un décret interdit à tout employeur de recourir à des mesures coercitives pour obliger un travailleur à adhérer ou ne pas adhérer à un syndicat ou à voter dans un sens ou dans l'autre lors d'un vote syndical.

Un salaire minimum a été fixé pour les fonctionnaires; il est régulièrement révisé pour tenir compte, entre autres, de l'inflation, a indiqué la délégation. Mais il n'existe pas de salaires minima pour les employés du privé. Une étude est toutefois en cours sur la question.

Le droit de grève est prévu par la Constitution, mais les catégories de travailleurs qui en bénéficient doivent être énoncées dans une loi; mais une telle loi n'a pas encore été adoptée. La délégation a ajouté que le Pacte ne prévoit pas un droit absolu à la grève pour tous les travailleurs.

L'Éthiopie a ratifié la Convention de l'OIT fixant à 15 ans l'âge d'admission à l'emploi, a d'autre part rappelé la délégation, avant de préciser que la Loi sur le travail contient des dispositions de protection contre le travail les enfants de moins de 14 ans. Il n'y a donc aucune possibilité qu'un enfant de cinq ans puisse être amené à travailler en Éthiopie, a affirmé la délégation. Dans un pays comme l'Éthiopie où l'écrasante majorité de la population est rurale, il arrive que des enfants travaillent pour aider leur famille, mais cela ne doit pas entraver leur éducation ni les maintenir en dehors de l'école, a ajouté la délégation.

Selon les chiffres disponibles pour 2007, sur environ 63 millions d'habitants, l'Éthiopie comptait 463 000 hommes et 416 000 femmes handicapés, a par ailleurs indiqué la délégation. La Constitution stipule clairement que le Gouvernement, à tous les niveaux, doit apporter l'aide nécessaire aux personnes handicapées, a-t-elle rappelé. Aussi, un organe spécifiquement chargé du soutien aux personnes handicapées a-t-il été mis en place et le pays s'est doté d'un programme spécifique en faveur de ces personnes. Le Gouvernement est pleinement engagé à subvenir aux besoins des personnes handicapées et des mesures sont prises en faveur de l'emploi sans discrimination de ces personnes, a insisté la délégation.

Répondant à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué que le Code pénal contient des dispositions se rapportant aux violences commises au sein de la famille, a par ailleurs indiqué la délégation. Par ailleurs, le harcèlement sexuel est un délit, a-t-elle ajouté. Le viol est quand à lui est délit très grave qui donne lieu à des peines de prison très lourdes, a-t-elle rappelé. L'homosexualité est également un délit en Éthiopie, a confirmé la délégation.

S'agissant des questions de santé, la délégation a fait valoir que l'Éthiopie est parvenue à réduire de 800 à 600 pour 100 000 naissances le taux de mortalité maternelle. Mais le pays n'est pas parvenu à atteindre l'objectif qu'il s'était fixé pour 2012 de passer en dessous de la barre des 430 décès maternels pour 100 000 naissances.

Quant à la question posée par les experts s'agissant des près de 400 000 malades du sida qui devraient «avoir droit à une thérapie antirétrovirale», la délégation a expliqué qu'il faut juste comprendre par là que c'est le médecin qui évalue la nocivité ou non du traitement antirétroviral pour le patient, en fonction d'un certain nombre de résultats d'analyse sanguine.

Évoquant les mesures prises par les autorités en faveur de la santé génésique, la délégation a indiqué que le Gouvernement éthiopien s'efforce de rendre les grossesses plus sûres en accroissant l'accès des jeunes aux services de santé génésique. Elle a notamment fait part des mesures prises en faveur de la formation accélérée de 6000 sages femmes. Elle a en outre rappelé que 34 000 professionnels de santé ont été déployés à travers tout le pays. La délégation a par ailleurs reconnu que l'Éthiopie ne devrait probablement pas réaliser dans les délais impartis l'objectif du Millénaire pour le développement (OMD) relatif à la santé maternelle. En revanche, le pays pourrait atteindre l'OMD relatif à la mortalité infantile, dont le taux est passé de 77 décès pour mille naissances vivantes en 2005 à 59 décès pour mille en 2011.

Une étude a révélé que 97% des femmes et 99% des hommes sont conscients des dangers du VIH/sida, ce qui signifie que l'Éthiopie est sur le point d'atteindre l'objectif de sensibilisation universelle à cette maladie, a fait valoir la délégation. Elle a précisé que le taux de prévalence de la maladie a diminué et est passé à 2,2%.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a notamment fait valoir que l'Éthiopie compte aujourd'hui 16 757 608 enfants inscrits à l'école primaire contre 2 063 635 en 1995. L'Éthiopie compte au total plus de 28 300 écoles, a-t-elle ajouté, estimant que l'Éthiopie mérite d'être félicitée pour cette évolution. Le Gouvernement accorde une attention toute particulière à la scolarisation des petites filles et les résultats dans ce domaine s'en ressentent, a en outre fait valoir la délégation. On ne peut espérer promouvoir l'éducation si on en exclut la moitié de la population, à savoir les femmes, a-t-elle souligné.

La délégation a rappelé que dans une proclamation en date de 1999, les autorités ont clairement indiqué que les tribunaux islamiques n'ont pas compétence pour les affaires pénales mais seulement pour les questions se rapportant au mariage, au divorce, à la garde des enfants, à la dot et à la succession.

La bigamie est interdite par le Code de la famille, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n'en demeure pas moins vrai que la bigamie existe et est pratiquée dans le pays du fait de la reconnaissance de tels mariages sur la base de la charia, a-t-elle expliqué.

En ce qui concerne la proposition d'adresser une invitation permanente aux procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, la délégation a indiqué que la coopération se fera au cas par cas. Mais cela ne signifie en aucun cas que l'Éthiopie conteste les mécanismes des procédures spéciales; l'Éthiopie n'a jamais adopté de politique s'opposant à ces mécanismes, a-t-elle souligné. Il n'y a pas d'objection politique en tant que telle à l'idée d'inviter les procédures spéciales, mais de l'avis de l'Éthiopie, le meilleur moyen de coopérer reste de procéder en la matière au cas par cas, a insisté la délégation.

Les lois éthiopiennes sont parfaitement respectueuses des droits des minorités, qu'il s'agisse de participation, d'auto-identification ou de respect de leurs cultures, a par ailleurs affirmé la délégation. Toutes les minorités qui estiment que leurs droits ont été bafoués ou violés peuvent revendiquer ces droits, a-t-elle insisté. L'Éthiopie compte plus de 80 groupes ethnolinguistiques et cette diversité fait partie de l'identité éthiopienne, a rappelé la délégation.

Enfin, la délégation a indiqué qu'une Stratégie nationale visant la mise en œuvre de la politique nationale de la culture a été élaborée par les autorités. Le Gouvernement a créé des centres culturels dans les différentes régions et des bureaux de la culture y ont également été ouverts. Une Journée nationale des nationalités et de la population est célébrée le 9 décembre de chaque année, a par ailleurs souligné la délégation.

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