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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité contre la torture : La Grèce répond aux questions des Experts

10 Mai 2012

APRÈS-MIDI

10 mai 2012

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation de la Grèce aux questions que lui ont posées les experts hier matin et leur a fourni des renseignements complémentaires.

Dirigée par M. Ioannis Ioannidis, Secrétaire général du département des droits de l'homme et de la transparence au Ministère de la justice, la délégation grecque a souligné que le pays traverse une tempête économique et politique, qui a notamment vu la percée aux dernières élections d'un parti de droite nationaliste. Les principales forces sociales et politiques de la Grèce sont conscientes des dangers que cela présente. La Grèce devra faire tout son possible pour traiter le problème à sa base, c'est-à-dire traiter les manifestations sociales du racisme. La délégation a aussi donné des informations sur les conditions de détention dans les prisons grecques. Les autorités ont adopté un programme de renforcement des structures pénitentiaires, notamment la construction de nouveaux établissements, y compris un centre de désintoxication. Les contraintes budgétaires actuelles compromettent toutefois la dotation en effectifs de ces lieux de détention. La délégation a également précisé que les détenus ne peuvent être soumis à des fouilles corporelles approfondies que sur ordre d'un magistrat et d'un médecin, pour des motifs suffisants.

Mme Nora Sveaass, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, s'est félicitée de la collaboration de ce pays avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le domaine de l'asile, même si le Haut Commissariat a critiqué les «détentions massives» de certaines catégories de migrants. Mme Essadia Belmir, corapporteuse, a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme a rendu plusieurs décisions concernant des violations des droits de l'homme par les forces de police grecques. Elle s'est interrogée sur la raison pour laquelle ces décisions ne parviennent pas à modifier concrètement les pratiques policières, malgré la bonne volonté évidente des autorités responsables.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, des observations finales sur le rapport de la Grèce, qui seront rendues publiques à la fin de la session.

Demain à 10 heures, le Comité organise une rencontre avec des organisations non gouvernementales pour discuter des ses travaux et de sa coopération avec la société civile. Dans l'après-midi, le Comité doit entendre les réponses de la délégation de l'Arménie aux questions posées lors de la séance de ce matin.


Réponses de la délégation

Dirigée par M. IOANNIS IOANNIDIS, Secrétaire général du département des droits de l'homme et de la transparence au Ministère de la justice, la délégation a souligné que son pays traverse une tempête économique et politique, avec l'apparition aux dernières élections d'un parti de droite nationaliste. Les principales forces sociales et politiques de la Grèce sont conscientes des dangers que cela pose. La Grèce devra faire tout son possible pour traiter le problème à sa base, c'est-à-dire traiter les manifestations sociales du racisme. Un nouveau projet de loi de modernisation des lois antiracistes est en suspens, conforme aux normes européennes en la matière. Les commissions de l'ancien Parlement s'étant dites favorables à ce texte, on peut s'attendre à ce qu'il soit adopté par les parlementaires qui viennent d'être élus.

La délégation a précisé que l'acquisition de la citoyenneté est réglée par le Code de la nationalité d'une manière claire: les enfants de parents grecs acquièrent la nationalité dès leur naissance, sans aucune distinction liée à leur origine. Une disposition permettant le retrait de la citoyenneté hellénique a été abrogée en 1998.

Répondant à des questions sur la situation des minorités au regard de la Convention, la délégation a notamment indiqué que la Grèce reconnaît la minorité musulmane de Thrace. Elle a aussi souligné que les personnes qui ne remplissent pas les critères spécifiques liés au statut de minorité jouissent sans aucune restriction de toutes les protections établies par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui s'appliquent à tous ceux qui sont soumis à la juridiction de l'État grec, sans aucune discrimination.

La délégation a indiqué que les juges suivent, à l'école de la magistrature, une formation complète sur les questions des droits de l'homme: droit constitutionnel et libertés fondamentales, procédures civile et pénale de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), protection des droits des mineurs, des personnes handicapées. Ils se familiarisent avec les sanctions pénales prévues contre les auteurs d'abus sur les mineurs, les questions protection des victimes dans les procédures pénales, les droits des justiciables, entre autres. Les policiers bénéficient eux aussi d'une formation aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.

La définition de la torture dans le Code pénal grec n'est pas plus étroite que celle de la Convention. Elle couvre les cas où la torture est appliquée à l'instigation d'un agent de l'État. Les supérieurs hiérarchiques qui n'empêchent pas des actes de torture sont passibles de sanctions. L'article 137 introduit la notion d'aggravation des peines encourues en cas de «tortures systématiques». La CEDH n'a pas critiqué, dans son arrêt Zontul contre Grèce, la définition de la torture adoptée par la Grèce, a relevé la délégation. La Grèce s'efforce d'appliquer scrupuleusement tous les jugements de la CEDH, et les magistrats grecs en sont dûment informés.

La délégation a indiqué que trois cas de torture ont été jugés en 2012 par la Cour d'Athènes. Les statistiques des autres juridictions ne sont pas disponibles. Les autorités ont commencé à revoir leurs méthodes statistiques en matière de justice, de manière à disposer d'une base factuelle leur permettant de remplir leurs obligations au titre des instruments internationaux des droits de l'homme notamment. Un système informatisé de suivi des affaires et jugements devrait être opérationnel dans les prochaines semaines.

Le Ministère de la protection des citoyens a créé un Comité chargé d'évaluer les allégations contre des agents de l'État (policiers, gardes-côtes, pompiers notamment). Le Comité décide de la suite à donner aux allégations. Le cas échéant, il peut recommander au Ministère d'imposer des sanctions, de procéder à des enquêtes complémentaires ou de classer les démarches.

Les enfants migrants et demandeurs d'asile victimes de la traite sont protégés par un dispositif législatif prévoyant l'assistance matérielle et un appui psychologique; ils ne sont pas extradés tant que durent les procédures. Les gouvernements grec et albanais ont signé un protocole de rapatriement volontaire des enfants concernés, compte tenu du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Si nécessaire, les enfants sont placés en attendant le retour au sein de leurs foyers. Les enfants victimes de tourisme sexuel ou de pornographie mettant en scène des enfants bénéficient de mesures de protection même s'ils ne collaborent pas aux enquêtes.

La lutte contre la violence envers les femmes est régie par un Programme d'action 2009-2013 consistant, notamment, dans des campagnes de sensibilisation et l'ouverture de lignes d'appel gratuites. Le Secrétaire général à l'égalité du Ministère de l'intérieur a adopté un plan contre la violence prévoyant la création d'un comité scientifique chargé de la supervision du projet, la formation des collaborateurs des douze nouveaux centres de consultation et treize foyers, ainsi que la mise à disposition de lignes téléphoniques et l'évaluation de ces interventions.

L'accès aux soins d'urgence est assuré aux immigrés en situation illégale. Tous les enfants immigrés sont soignés indépendamment de la situation juridique de leurs parents. La loi grecque sur la protection des données peut autoriser le juge à lever le secret médical sur des personnes qui font l'objet d'une action publique, si la santé publique est en jeu. C'est le cas de personnes atteintes du sida ayant eu des contacts sexuels avec un grand nombre de personnes dans le cadre de la prostitution illégale. Cette question, qui porte sur la pondération des différents droits en jeu, fait l'objet d'un débat ouvert en Grèce, a précisé la délégation.

L'aide juridictionnelle est octroyée sur demande du justiciable. Elle couvre tous les frais et dépenses, y compris les honoraires de l'avocat. Le barreau tient une liste des avocats au sein de laquelle les défenseurs sont désignés suivant l'ordre alphabétique. L'aide juridictionnelle gratuite et immédiate est accordée aux mineurs à n'importe quel moment des procédures. Les mineurs non accompagnés peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle dans leurs conflits avec l'administration, s'agissant par exemple de procédures d'asile ou de la jouissance des droits sociaux. Le médiateur des droits des enfants indique que beaucoup de jeunes avocats s'intéressent à la défense des droits des mineurs.

L'asile politique est régi par un service indépendant placé sous la houlette du Ministère de la protection des citoyens. Une autorité indépendante sera chargée d'examiner les appels formulés en matière d'asile. Avant l'entrée en vigueur de ce nouveau mécanisme, des mesures d'amélioration des pratiques actuelles ont été adoptées. Une circulaire a été distribuée aux services d'immigration et d'asile contenant les dispositions pertinentes des normes européennes et internationales. La base de données des demandeurs d'asile a été mise à jour avec la collaboration du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés. Dix comités d'appel supplémentaires seront créés, dont quatre chargés de traiter les procédures d'appel en retard. Des représentants du Haut-Commissariat aux réfugiés seront intégrés aux services d'examen des demandes d'asile en première instance. Les demandes en souffrance ont diminué de plus d'un tiers depuis 2010. D'autres mesures sont en train d'être prises au niveau des services d'interprétation, de l'information des migrants (en arable, anglais, français et grec) et requérants d'asile. Les migrants peuvent être placés en détention s'ils n'ont pas ou plus de papiers d'identité, s'ils présentent un danger pour la sécurité publique ou si la détention est indispensable à l'examen de la demande. Ils ont droit à l'assistance juridictionnelle. La Grèce a adopté le règlement de Dublin II sur les compétences en matière d'asile dans l'Union européenne. Inefficace, ce règlement devrait être révisé dans le sens d'une suspension des transferts à la demande d'un État membre surchargé.

Fournissant des informations sur les conditions de détention dans les prisons grecques, la délégation a indiqué que les principales prisons grecques sont toutes en situation de surpopulation. Les autorités ont adopté un programme de renforcement des structures pénitentiaires, notamment la construction de nouveaux établissements, dont un centre de désintoxication. Les contraintes budgétaires actuelles compromettent toutefois la dotation en effectifs de ces lieux de détention. Les détenus ne peuvent être soumis à des fouilles corporelles approfondies que sur ordre d'un magistrat et d'un médecin, pour des motifs suffisants, notamment le soupçon d'un délit. Compte tenu des pénuries de personnel, tout problème de santé entraîne le transfert du détenu à l'hôpital local.

Les prisons sont désormais régies par une nouvelle politique de transparence, illustrée par leur ouverture aux visites de la société civile, de l'ombudsman national et des organismes internationaux. La Grèce ne manque pas de bonne volonté, a assuré la délégation, les déclarations du Comité européen de prévention de la torture ne devant pas être mal interprétées.

Les personnes condamnées pour des délits (et non des crimes) peuvent bénéficier de remises de peines si leur casier judiciaire est vierge, ou d'amendes dans certains cas. Les justiciables qui ne peuvent régler les amendes ont la possibilité de réaliser des travaux d'intérêt public.

La délégation a précisé par ailleurs que les objecteurs de conscience réalisent un service civil d'une durée un peu plus longue que celle du service militaire, soit entre cinq et quinze mois. La justice pour mineurs est orientée sur la réinsertion des jeunes justiciables, plutôt que sur la répression. La commission chargée de la réforme pénale étudie en ce moment la question de l'enregistrement vidéo des interrogatoires dans les commissariats.

L'essentiel de l'immigration vers la Grèce se déroule par voie terrestre, et non plus par la mer. Seules 5000 demandes de réadmission ont été acceptées par les autorités turques à ce jour. Elles refusent désormais les ressortissants de la Syrie, compte tenu des troubles dans ce pays.

Questions de suivi et observations

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour le rapport de la Grèce, a observé que la définition de la torture dans la législation grecque est moins précise que celle de la Convention. L'experte a demandé si des personnes ont déjà été condamnées au titre de l'article 137 du Code pénal grec. Il est important de former le personnel pénitentiaire et policier au respect des droits fondamentaux des personnes détenues, si possible compte tenu des prescriptions du Protocole d'Istanbul. L'experte a également voulu savoir dans quelle mesure les femmes victimes de viol dénoncent ces crimes et dans quelle proportion des sanctions sont prononcées.

La création de nouveaux centres de traitement des demandes d'asile permettrait peut-être de décentraliser les procédures et ainsi de les accélérer, a suggéré Mme Sveaass. Elle a demandé des précisions sur les langues utilisées pour communiquer leurs droits aux migrants; sur les possibilités d'appel des décisions négatives en matière d'asile; sur les projets du gouvernement s'agissant des centres d'accueil pour migrants mineurs non accompagnés; et sur la durée de la détention administrative. L'experte s'est félicitée de la collaboration de la Grèce avec le Haut Commissariat pour les réfugiés dans le domaine de l'asile, même si le HCR a critiqué les «détentions massives» de certaines catégories de migrants.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour le rapport grec, a demandé si les personnes n'appartenant pas à la minorité ethnique reconnue ont accès aux fonctions publiques. L'experte s'est félicitée de la formation reçue par les magistrats grecs, mais a regretté les problèmes dans le fonctionnement de la justice et de la police. Ces lenteurs et autres dysfonctionnements doivent être corrigés. Il apparaît que la Grèce aborde le problème de la traite des êtres humains du point de vue des non-ressortissants: la question se pose aussi du sort réservé aux personnes relevant de l'État partie. L'experte a voulu des explications sur l'interprétation des autorités grecques de la notion de responsabilité pénale des mineurs et sur les conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle. Mme Belmir a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme a rendu plusieurs décisions concernant des violations des droits de l'homme par les forces de police grecques. Pourquoi ces décisions ne parviennent-elles pas à modifier la pratique policière, malgré la bonne volonté évidente des autorités responsables?

Un autre expert a demandé pourquoi les nouvelles autorités indépendantes chargées d'examiner les demandes asile ne sont pas encore opérationnelles, six mois au moins après la date prévue, et quelle autorité sera chargée de statuer sur ces demandes. D'autre part, les mesures de réduction de la surpopulation carcérale ne semblent pas très efficaces, en particulier dans les prisons d'Athènes et de Larissa.

Un autre expert s'est interrogé sur l'existence de mesures de protection pour les personnes qui dénoncent des actes de torture commis par des policiers, ainsi que sur le risque de prescription de certains crimes du fait de la lenteur des procédures juridiques. Un autre s'est étonné qu'une personne coupable d'actes de torture puisse voir sa peine commuée en une simple amende.

Un expert s'est félicité des mesures prises pour améliorer les conditions de détention des migrants, regrettant toutefois des conditions de surpeuplement véritablement extrême, y compris en 2011, alors que le nombre des gardiens de prison cette année-là n'était pas partout suffisant pour assurer la sécurité des détenus. L'expert a observé que la torture n'est pas seulement une question normative. Elle a des conséquences très directes sur la dignité des êtres humains.


Réponses de la délégation

La délégation de la Grèce a indiqué que le projet de nouveau Code pénal contient des améliorations concernant la lutte contre la torture, notamment la déchéance automatique des fonctionnaires coupables de ce crime. Il est possible de rouvrir un procès pénal quand la Cour européenne des droits de l'homme estime qu'un État a violé les droits de la personne jugée. Le comité chargé d'examiner les plaintes contre les agents de l'État est composé de personnalités indépendantes, des juges à la retraite. S'agissant de la divulgation d'informations personnelles concernant des personnes vivant avec le VIH/sida, la délégation a assuré qu'il s'agissait, dans le cas qui a été mentionné, d'une décision prise par un magistrat sur la base de critères juridiques.

Personne ne sait où sont les personnes au bénéfice d'un visa pour la Turquie qu'a mentionné un expert du Comité, a déclaré la délégation. Les requérants d'asile en tant que tels ne devraient pas être détenus, a-t-elle reconnu. Reste que certains requérants risquent d'abuser de ce statut, ce qui peut justifier la mise en détention. La Grèce n'a peut-être pas les meilleures pratiques en Europe s'agissant de la détention aux frontières, c'est pourquoi elle a consenti des efforts importants dans ce domaine: les premiers nouveaux centres d'accueil devraient ouvrir à l'automne.

Il a été précisé que la majorité des personnes qui commettent des délits ne vont pas en prison. Les personnes détenues le sont pour des actes graves, dans 40% des cas pour des crimes liés au trafic de drogues, un trafic qui se déroule parfois jusque dans les prisons, entraînant plusieurs décès par overdose. Dans ces conditions, le Ministère a donné pour instruction de procéder à des fouilles corporelles approfondies quand la situation se justifie, d'une part pour protéger les détenus, d'autre part pour garantir l'administration de procédures judiciaires pour manquement à son obligation de protection. Par ailleurs la Grèce est confrontée davantage à un problème de capacité du système judiciaire que d'accès: les tribunaux sont saisis chaque année de plus d'un million de procédures.

En réponse à l'observation d'un membre du Comité, la délégation a fait valoir que la majorité des pays européens limite l'emploi dans les forces de police et dans la magistrature à leurs ressortissants, la Grèce ne fait pas exception à cette pratique. Par contre, la composition des forces et des services reflète en partie la composition sociale du pays.

Les médecins grecs des hôpitaux publics soignent toutes les personnes qui nécessitent des soins, a d'autre part assuré la délégation.

Le retard dans l'entrée en vigueur des nouvelles structures d'examen des demandes d'asile tient à un manque de ressources financières. En outre, la fonction publique recrute sur concours par souci de transparence, ce qui a pour conséquences d'allonger le processus.

Une personne convaincue de torture peut être condamnée à une amende si le tribunal accorde des circonstances atténuantes. Théoriquement, il est possible que, si la peine infligée est inférieure à trois mois, elle soit convertie en amende. Il faudrait que le magistrat s'appuie sur les dispositions du code relatives aux coups et blessures. Mais ce cas de figure est peu probable.

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