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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine la situation en Syrie en l'absence de rapport

16 Mai 2012

Comité contre la torture
MATIN

16 mai 2012

Les experts s'inquiètent d'informations faisant état de torture systématique

Le Comité contre la torture s'est penché ce matin sur la situation en République arabe syrienne, en l'absence de délégation.  Le Comité n'a en outre pas reçu de cet État partie le rapport spécial qui lui a été demandé le 23 novembre dernier sur les mesures prises pour assurer ses obligations au titre de la Convention et sur les événements se produisant sur le territoire syrien.  Dans sa lettre aux autorités syriennes, le Comité se disait préoccupé par les informations nombreuses et consistantes, émanant de diverses sources fiables, faisant état de violations répandues des dispositions de la Convention depuis mai 2010.

Alors que la Syrie n'a pas fourni au Comité les informations qui lui avaient été demandées, les événements sur place montrent que le Comité ne s'était pas trompé, a souligné le Président du Comité, M. Claudio Grossman, qui est également rapporteur pour la situation en Syrie.  Il a précisé que les sources qui ont attiré l'attention du Comité sur la situation syrienne parlent d'exécutions systématiques de civils, d'opérations conjointes des services de sécurité avec ordre de tuer, d'exécutions sommaires, d'utilisation de balles réelles et de snippers contre la population civile, d'exécutions de manifestants non armés, d'utilisation de chars et d'hélicoptères, d'arrestations systématiques de blessés dans les hôpitaux, d'irruption des forces de sécurité dans des foyers de civils dont elles ont battu ou exécuté les habitants, femmes et enfants inclus, de torture lors de transferts de détenus d'un lieu de détention à l'autre, de torture lors des interrogatoires, de décès en détention, de détention et de torture de journalistes, d'arrestations arbitraires.  Le Comité ne peut pas non plus fermer les yeux sur les allégations faisant état de violences des groupes armés d'opposition, qui auraient également recours à des enlèvements et à la torture, a ajouté M. Grossman.  Le Comité est très préoccupé par la situation en Syrie car les informations portées à son attention font état d'allégations de torture systématique, a-t-il insisté.

La corapporteuse du Comité pour l'examen de la situation en Syrie, Mme Essadia Belmir, a estimé que le pays s'est livré à des «interprétations bizarres» des articles 19 et 20, niant ses obligations au titre de l'article 19.  Les investigations ont été menées dans le cadre des mécanismes existants – notamment dans le cadre du Conseil des droits de l'homme et de l'Examen périodique universel, du Conseil de sécurité et de diverses commissions d'enquête – font état d'une dégradation des droits de l'homme et de l'utilisation systématique de la torture, de meurtres et de disparitions forcées: un ensemble de violations qui n'épargne même pas les enfants qui sont violés et torturés, a-t-elle souligné.  Il faut donc rappeler ses obligations à la Syrie, a souligné la corapporteuse.  «L'instant est grave, très important», a-t-elle déclaré.  Il y a des charniers que l'on ne connaît pas encore; des lieux de disparitions forcées que l'on est en train de chercher à localiser avec les moyens du bord, a souligné Mme Belmir.

Plusieurs membres du Comité qui se sont exprimés durant cette séance publique ont attiré l'attention sur les graves violations de droits de l'homme en Syrie rapportées par diverses sources, un expert soulignant qu'il est fait état d'une pratique systématique de la torture qui prendrait la forme d'une politique publique de l'État.  Certains experts ont mis l'accent sur la nécessité pour le Comité de chercher à susciter la poursuite d'un dialogue avec la Syrie.  Il semble que le dialogue soit pour le moment la seule voie qui s'offre aux acteurs de la communauté internationale pour mettre fin à la situation actuelle en Syrie, a fait observer l'un d'eux. 

Le Comité devait poursuivre ce matin à huis clos l'examen de cette question afin de déterminer la marche à suivre s'agissant du cas syrien.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation rwandaise aux questions qui lui ont été posées hier matin par les experts.


Examen de la situation en Syrie

Le Président du Comité, M. CLAUDIO GROSSMAN, en tant que rapporteur du Comité pour l'examen de la Syrie, a rappelé qu'aux termes du paragraphe premier de l'article 19 de la Convention, les États parties présentent au Comité un rapport sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Convention dans un délai d'une année à compter de l'entrée en vigueur de la Convention pour l'État partie intéressé et ensuite des rapports complémentaires tous les quatre ans sur toutes nouvelles mesures prises et tous autres rapports que peut demander le Comité.  L'article 19 est très clair et il a été utilisé par le passé pour demander des informations et des rapports à certains États parties, a souligné M. Grossman. 

En novembre dernier, le Comité a donc convenu de demander un rapport spécial à la Syrie, comme cela est prévu à l'article 19, a-t-il indiqué, précisant que le 23 novembre 2011, il avait envoyé une lettre en ce sens à la Syrie dans laquelle le Comité se disait préoccupé par les informations nombreuses et consistantes, émanant de diverses sources fiables, faisant état de violations répandues des dispositions de la Convention par les autorités syriennes depuis l'adoption en mai 2010 des observations finales du Comité relatives au rapport initial de la Syrie.  Dans cette lettre, le Comité demandait à la Syrie de lui faire parvenir avant le 9 mars 2012 un rapport spécial contenant des informations sur les mesures prises par le pays pour assurer ses obligations au titre de la Convention et sur les événements se produisant actuellement sur le territoire syrien.

Le Président du Comité a indiqué avoir par la suite reçu une lettre de la Syrie affirmant que l'article 19 de la Convention ne permettait pas de requérir ce type d'informations et assurant que les informations mentionnées par le Comité n'étaient que des allégations et non des faits avérés, dénonçant alors le fait que le Comité traitait ces allégations comme si elles étaient des faits avérés.  M. Grossman a indiqué qu'il avait alors renvoyé une lettre à la Syrie réitérant la demande d'information du Comité et soulignant que cette demande est conforme à l'article 19 de la Convention.  La Syrie a alors affirmé que le Comité s'était arrogé une autorité judiciaire qui n'était pas la sienne; la Syrie a également réitéré son interprétation différente de l'article 19 de la Convention.  Le 30 mars, le Comité a reçu une nouvelle note du Représentant permanent de la Syrie transmettant en annexe des lettres adressées par la Syrie au Secrétaire général de l'ONU et au Président du Conseil de sécurité et contenant des chiffres et des tableaux relatifs aux nombre de civils, de militaires et membres des forces de sécurité et de policiers tués (ndlr: selon cette note, le nombre total de décès en Syrie était, au 15 mars 2012, de 6144 personnes dont 478 policiers et 2088 membres des forces armées et de sécurité – au 21 mars 2012 pour ce tout dernier chiffre.  La note indique en outre que le nombre de personnes portées disparues était au 15 mars 2012 de 941).

Après ces échanges de correspondance, a déclaré M. Grossman, les événements sur place montrent que le Comité ne s'était pas trompé.  Lorsqu'il voit des problèmes, en rapport avec des cas de torture et de mauvais traitements, qui méritent qu'il agisse, le Comité a la possibilité de travailler de manière indépendante pour aider les États parties à s'acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention, a-t-il souligné.  Le Comité a bien fait de demander à la Syrie des informations complémentaires, a insisté M. Grossman, précisant que les sources qui ont attiré l'attention du Comité sur les faits dont il est ici question sont très variées.  Ces sources, a-t-il indiqué, parlent d'exécutions systématiques de civils, d'opérations conjointes des services de sécurité avec ordre de tuer, d'exécutions sommaires, d'utilisation de balles réelles et de snippers contre la population civile, d'exécutions de manifestants non armés, d'utilisation de chars et d'hélicoptères, d'arrestations systématiques de blessés dans les hôpitaux, d'irruption des forces de sécurité dans des foyers de civils dont elles ont battu ou exécuté les membres – femmes et enfants inclus, de torture lors de transferts de détenus d'un lieu de détention à l'autre, de torture lors des interrogatoires, de décès en détention, de détention et de torture de journalistes, d'arrestations arbitraires.  Ces informations sont celles émanant d'organes intergouvernementaux «et je ne parle même pas de celles en provenance des ONG», a souligné M. Grossman.  Il a en outre souligné que le Comité ne peut pas non plus fermer les yeux sur les allégations faisant état de violences des groupes armés d'opposition, qui auraient également recours à des enlèvements et à la torture.  Les informations reçues par le Comité dressent un tableau assez complet de la situation en Syrie, a assuré M. Grossman.

Le Comité agit donc en vertu de l'article 19, qui établit pour les États parties des obligations qu'ils ont librement contractées, a rappelé M. Grossman.  Les événements en Syrie viennent confirmer la légitimité du Comité qui est là pour agir à la fois en faveur de la prévention de la torture, par le biais de l'alerte précoce, et en faveur de la lutte contre la torture, a-t-il déclaré.  Le Comité est très préoccupé par la situation en Syrie car les informations portées à son attention font état d'allégations de torture systématique, a-t-il insisté.  Le Comité va donc examiner cette situation et décider de la marche à suivre durant la séance de ce matin (ndlr: qui se poursuivra à huis clos après les interventions des membres du Comité).  La présence d'une délégation syrienne aurait été grandement souhaitable dans ce contexte, a souligné M. Grossman.

La corapporteuse du Comité pour l'examen de la situation en Syrie, MME ESSADIA BELMIR, a indiqué qu'elle allait livrer avec beaucoup de tristesse ses impressions sur la Syrie.  Elle a déploré les meurtres et décès, la torture et le dérèglement du système de régulation.  L'intégrité physique et la vie humaine sont déniées en Syrie, a-t-elle fait observer.  Tout a commencé après les dernières recommandations adressées à la Syrie par le Comité et après les manifestations enclenchées au mois de mars 2011, a-t-elle rappelé.  La Syrie n'est alors pas parvenue à respecter ses obligations.  Le Comité, dans sa lettre du 23 novembre dernier (ndlr: portant demande d'informations complémentaires à la Syrie), s'est basé sur des informations concordantes.  La Syrie s'est alors livrée à des «interprétations bizarres» des articles 19 et 20, niant ses obligations au titre de l'article 19, a déploré Mme Belmir.  Par la suite, des investigations ont été menées dans le cadre des mécanismes existants – notamment dans le cadre de l'examen périodique universel (du Conseil des droits de l'homme), du Conseil de sécurité et de diverses commissions d'enquête – et l'ensemble de ces investigations fait état d'une dégradation continue des droits de l'homme et de l'utilisation systématique de la torture, de meurtres et de disparitions forcées: un ensemble de violations qui n'épargne même pas les enfants qui sont violés et torturés.  Il faut donc rappeler ses obligations à la Syrie, a souligné la corapporteuse.  Ce cas fait jurisprudence pour le Comité; «l'instant est grave, très important», a-t-elle déclaré.  Il y a des charniers que l'on ne connaît pas encore; des lieux de disparitions forcées que l'on est en train de chercher à localiser avec les moyens du bord, a poursuivi Mme Belmir, ajoutant que la crédibilité de tout le système des Nations Unies est en jeu.  Selon la Charte des Nations Unies, les États parties doivent défendre, protéger et ancrer les droits de l'homme, a rappelé la corapporteuse.

Un autre membre du Comité a estimé que le Comité devait effectivement agir comme il l'a fait et a rappelé que face aux différentes lignes d'action qui s'offraient à lui, le Comité avait finalement décidé de dire, dans un communiqué, qu'il était déterminé à demander des informations complémentaires à la Syrie.  Le Comité a agi sur la base de la Convention et de l'ensemble des instruments qui fonde le système des Nations Unies; il agit donc en toute légitimité pour alerter la communauté internationale et assurer le suivi de la situation.  Il est fait état d'une pratique systématique de la torture en Syrie qui prendrait la forme d'une politique publique de l'État, a rappelé cet expert.  La communauté internationale ne souhaite pas une intervention armée en Syrie, a-t-il souligné.  Nous avons toutefois une obligation de protéger, a-t-il rappelé.
 
Puisqu'elle dit des informations mentionnées par le Comité qu'il ne s'agit que d'allégations, la Syrie devrait être amenée à mener un dialogue avec le Comité, a estimé un membre du Comité, ajoutant que les recommandations du Comité devraient donc viser à susciter la poursuite d'un dialogue avec la Syrie.

Une experte a attiré l'attention sur les informations parvenues au Comité qui font état d'arrestations et d'actes de torture commis contre des enfants, d'arrestations de blogueurs et de journalistes et de cas de torture présumés dans les hôpitaux militaires et civils – des agents des services de sécurité déguisés en médecins faisant croire aux blessés qu'ils vont être soignés alors qu'ils les emmènent pour finalement les soumettre à la torture.

Il en va de l'intérêt de la Syrie d'envoyer une délégation pour rencontrer le Comité, a souligné un expert, ne serait-ce que pour tenter de démontrer au Comité que les allégations dont il est saisi sont, comme elle l'affirme, fausses.  La situation en Syrie aujourd'hui est une situation «tragique, critique et extrêmement complexe» à la fois, a souligné cet expert.  L'Envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, agit comme médiateur en Syrie et 300 observateurs internationaux se trouvent dans ce pays, a-t-il rappelé, soulignant que la mission de l'Envoyé spécial et celle du Comité sont à peu près les mêmes, à savoir protéger la population civile. 

Les centres de détention au secret, qui étaient déjà nombreux il y a deux ans, se sont multipliés sur tout le territoire syrien et le Comité doit se montrer ferme en communiquant sur ce sujet avec la Syrie, a affirmé une experte.

Il semble que le dialogue soit pour le moment la seule voie qui s'offre aux acteurs de la communauté internationale pour mettre fin à la situation actuelle en Syrie, a fait observer un expert.  Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, le Comité doit donc rechercher la voie la plus efficace pour poursuivre le dialogue avec la Syrie, même s'il est vrai que le fait que le pays n'ait pas envoyé de délégation devant le Comité aujourd'hui n'est pas de nature à faciliter la tâche de cet organe. 

La Syrie semble vouloir dire au Comité qu'elle déplore qu'il ait fixé la présente date d'examen de sa situation sans la consulter et qu'elle souhaite que sa souveraineté soit reconnue, tout en rappelant qu'elle a exprimé une réserve à l'article 20 de la Convention.  Il convient donc pour le Comité d'examiner si les objections techniques opposées par la Syrie sont valables.

Lorsque la Convention contre la torture a été adoptée par l'Assemblée générale en 1984, la résolution portant adoption de cet instrument par l'Assemblée générale énonçait en son préambule que l'objectif de cette Convention était de renforcer le droit international pour lutter contre la torture, a rappelé le Président du Comité, M. Grossman.  La Syrie a choisi de ne pas coopérer avec le Comité et de ne pas lui fournir les informations qui lui permettraient de s'acquitter de sa tâche, a-t-il déploré, soulignant que la Syrie n'oppose que des arguments de forme.  Cela limite les possibilités de parvenir à de bons résultats, a souligné M. Grossman.  Dans le cadre de son travail, le Comité va prendre en considération toutes les informations reçues, y compris les informations publiquement connues qui ont été transmises par les autorités syriennes.  Le Comité va maintenant poursuivre son travail en toute bonne foi, car il a à cœur de s'acquitter de ses fonctions, a conclu M. Grossman.


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