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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport de l'Albanie

08 Mai 2012

MATIN

8 mai 2012

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par l'Albanie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
 
M. Avenir Peka, Vice-Ministre de l'intérieur de l'Albanie, a présenté le rapport de son pays en attirant l'attention sur la création, en 2008, du Mécanisme national pour la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que sur la possibilité donnée au Médiateur d'enquêter sur toute dénonciation d'acte de torture et à visiter les lieux de détention, civils et militaires.  En 2009, 162 inspections et visites ont été réalisées, donnant lieu à l'audition de 349 plaintes et à la formulation de plus de 80 recommandations concrètes.  Le chef de la délégation a aussi indiqué que des mesures efficaces ont été prises pour la prévention de la violence familiale, la poursuite des cas dénoncés et la prise en charge des victimes. 
 
M. Claudio Grossman, Président du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport de l'Albanie, a posé des questions portant notamment sur l'incrimination des fonctionnaires de police coupables d'actes assimilables à la torture, la criminalisation de la violence intrafamiliale dans le Code pénal et les mesures de protection accordée aux victimes de la traite des êtres humains.  Il a cité un rapport de l'UNICEF indiquant que l'Albanie est toujours confrontée au problème de la violence contre les jeunes au sein de la famille, notamment les châtiments corporels.  Le corapporteur pour l'examen du rapport albanais, M. Abdoulaye Gaye, s'est pour sa part interrogé sur la formation des fonctionnaires s'agissant de leurs obligations au titre de la Convention.  Il a noté que certains comportements dénoncés par des observateurs externes, notamment en matière de recours à la force sur des personnes déjà maîtrisées, semblent pointer, vers une lacune de formation des policiers.  L'expert s'est aussi interrogé sur l'absence de disposition invalidant de manière explicite les aveux obtenus sous la torture.  Un autre membre du Comité a souligné les défaillances structurelles et procédurales dans l'organisation de la justice albanaise, «tiraillée» entre la justice civile et la justice militaire.
 
Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation de l'Albanie aux questions qui lui ont été adressées ce matin.  
 
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité aura un échange de vues avec le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture.  Il entamera demain matin l'examen du rapport de la Grèce.

Présentation du rapport
 
Présentant le deuxième rapport périodique de l'Albanie (CAT/C/ALB/2), M. AVENIR PEKA, Vice-Ministre de l'intérieur de l'Albanie, a assuré le Comité que le Mécanisme national pour la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, créé en 2008, est doté des ressources humaines et financières indispensables pour lui permettre de s'acquitter de sa mission.  La loi autorise le Médiateur, par l'intermédiaire du Mécanisme national, à enquêter sur toute dénonciation d'acte de torture sur des personnes détenues et à faire des visites dans les lieux de détention.  Le médiateur présente des rapports et recommandations, sa compétence s'étendant à l'ensemble des centres de détention civils et militaires.  En 2009 162 inspections et visites ont été réalisées, donnant lieu à l'audition de 349 plaintes et à la formulation de plus de 80 recommandations concrètes concernant principalement la protection des droits fondamentaux des personnes détenues.  Plusieurs enquêtes sur des comportements arbitraires de membres de la police ont été réalisées et entraîné des sanctions (un licenciement, une rétrogradation, plusieurs suspensions temporaires) et des recommandations. 
 
La loi sur la violence familiale adoptée en 2011 a été élaborée sur la base des instruments internationaux ratifiés par l'Albanie, a poursuivi le chef de la délégation.  Des mesures efficaces sont prises pour la prévention de cette violence, les poursuites des cas dénoncés et la prise en charge des victimes.  Les capacités de réaction de la police, en particulier, ont été renforcées par le biais de programmes de formation.  Cette action a entraîné l'augmentation parallèle des dénonciations et des sanctions, les tribunaux ayant prononcé de nombreuses ordonnances d'éloignement.  D'autres mesures ont été prises contre la violence faite aux femmes conformément à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.  La traite des personnes et des femmes en particulier est réprimée par le Code pénal, qui a été mis en conformité avec la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et ses deux Protocoles facultatifs. 
 
Le Parlement a par ailleurs accepté l'introduction d'un certain nombre de peines alternatives à l'emprisonnement, en vue de contribuer à résoudre le problème de la surpopulation carcérale, a fait valoir le chef de la délégation albanaise.  La construction de cinq nouveaux établissements pénitentiaires doit également permettre de remédier à ce problème, ainsi qu'à améliorer les conditions de vie des personnes détenues.  M. Peka a enfin précisé que le nombre des crimes de sang commis pour des raisons familiales a diminué pour ne représenter plus que 2 % à 3 % des crimes graves commis en Albanie.
 
Examen du rapport
 
Questions et observations des membres du Comité
 
M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité contre la torture et rapporteur pour l'examen du rapport de l'Albanie, a fait état d'un rapport d'Amnesty International concernant la mansuétude dont ont bénéficié au moins deux fonctionnaires de police jugés pour des actes relevant de la Convention; il a souhaité obtenir des précisions sur les raisons de cette situation.  Par ailleurs, le Comité, qui estime que la violence intrafamiliale est de nature discriminatoire et relève de la Convention, regrette qu'elle ne soit pas érigée en infraction par le Code pénal albanais.  Les statistiques officielles montrent qu'en 2011, 190 cas de violence familiale ont été dénoncés devant les tribunaux, ceux-ci ayant prononcé par ailleurs 640 ordonnances d'éloignement.  Le Comité souhaite aussi connaître les suites judiciaires données dans des cas de traite des êtres humains et les mesures de protection accordée aux victimes.  M. Grossman a demandé si les autorités entendent amender la législation sur les ressortissants étrangers, qui permet l'expulsion de certaines personnes pour des raisons de sécurité publique, dans le sens de l'introduction de voies de recours et du respect du principe de non-refoulement.  Il a posé d'autres questions sur les critères de l'octroi de l'asile et les garanties diplomatiques.  Des organisations non gouvernementales indiquent que l'Albanie a reçu sur son territoire neuf personnes détenues à Guantánamo: le Comité souhaite savoir quelle était leur situation juridique exacte et dans quelle mesure leurs droits ont été respectés. 
 
L'UNICEF observe l'Albanie est toujours confrontée au problème de la violence contre les jeunes au sein de la famille, notamment les châtiments corporels, ce pays n'ayant adopté aucune des recommandations formulées à cet égard par le Comité des droits de l'enfant, a relevé M. Grossman.  Quelles mesures de sensibilisation le Gouvernement entend-il prendre pour sensibiliser la population à l'existence d'autres moyens éducatifs?  Va-t-il amender la loi régissant la mise en détention à l'isolement de mineurs?  Le Comité s'interroge par ailleurs sur la situation de près de 500 enfants de familles roms ayant reçu la nationalité albanaise et dont certaines organisations non gouvernementales estiment qu'ils pourraient être victimes de traitements inhumains ou de disparition.
 
Le rapporteur a voulu savoir si le médiateur peut visiter de manière inopinée les lieux de détention, sans devoir les justifier par des dénonciations préalables.  Le Comité souligne avec satisfaction que le poste de médiateur est désormais pourvu, après deux ans de vacance.  Il se félicite aussi la bonne collaboration entre le Médiateur et les autorités.  Le Comité espère enfin que l'Albanie ratifiera le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.
 
M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur pour l'examen du rapport de l'Albanie, s'est félicité des efforts importants consentis par le pays dans l'adoption des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme, la difficulté consistant désormais dans l'application de ces dispositifs.  Ainsi, les résultats positifs en matière de formation des agents de l'administration pénitentiaire devraient-ils être étendus à l'ensemble des fonctionnaires de l'application des lois.  Le corapporteur a voulu savoir si ces personnels reçoivent une formation sur leurs obligations au titre de la Convention.  Certains comportements dénoncés, notamment en matière de recours à la force sur des personnes déjà maîtrisées, semblent pointer en effet vers une lacune de formation des agents publics concernés.  Le Comité estime que les autorités devraient publier des statistiques précises sur l'évolution du comportement des membres des forces de l'ordre.  Des questions se posent en outre sur la durée moyenne de la détention provisoire, sur les conditions de mise en garde à vue, sur la présence d'un avocat au moment de l'interrogatoire des prévenus ou suspects et la possibilité pour ces derniers de consulter un médecin.  M. Gaye a voulu savoir, en outre, si les visites du mécanisme national de prévention de la torture sont réalisées dans des conditions de stricte confidentialité et si les personnels soignants sont formés à la détection des tortures infligées à des patients.  M. Gaye a demandé si les recommandations faites à l'Albanie par le Comité européen de prévention de la torture au sujet de la prise en charge sanitaire des personnes détenues ont été suivies d'effet.
 
L'expert a demandé des informations chiffrées sur les plaintes pour torture et sur les suites données aux démarches judiciaires.  Le responsable du décès d'un détenu suite à des sévices subis sur le lieu de détention a été condamné à une peine de trois ans pour simple comportement «arbitraire», alors qu'il aurait sans doute dû être inculpé d'actes de torture.  La lutte contre l'impunité doit donc être renforcée, en même temps qu'il faut améliorer l'information des justiciables quant à leurs droits.  Le mécanisme du Médiateur devrait être doté des moyens de mieux défendre les droits humains et de faire respecter ses recommandations.  M. Gaye a demandé si l'Albanie dispose d'un mécanisme juridique garantissant l'octroi de réparations aux victimes de la torture.  Il a en outre déclaré ne pas trouver dans la loi albanaise de disposition invalidant de manières explicite les aveux obtenus sous la torture.  Le corapporteur a enfin demandé des statistiques sur le «profilage racial» par les forces de police et sur les mesures prises contre ce problème.
 
D'autres membres du Comité ont demandé si, en l'absence d'accord bilatéral, la Convention constitue bien la base juridique de l'extradition de personnes convaincues de crimes au sens de la Convention.  Le rapport du Comité européen de la prévention de la torture, suite à sa visite en mai 2010, indique que les détenus mineurs peuvent être soumis à la détention à l'isolement pendant dix jours, ce qui est une durée excessive de l'avis du Comité; l'Albanie devrait envisager de renoncer à cette mesure. 
 
Une experte a souligné les défaillances structurelles et procédurales dans l'organisation de la justice albanaise, «tiraillé» entre la justice civile et la justice militaire.  Les mineurs en particulier sont soumis tantôt à un droit, tantôt à un autre, sans qu'il soit possible d'expliquer certaines pratiques.  La notion d'enfant doit encore être définie en Albanie. 
 
Par ailleurs, les problèmes de violence familiale et de crimes d'honneur exigent une action de l'État.  Le fait que certaines mesures judiciaires telles que la garde à vue ne sont pas régies par la loi compromet le respect des garanties juridiques, a-t-on relevé.  Une autre experte a souligné qu'il n'existe pas de tribunaux pour mineurs en Albanie. 
 
Une experte a relevé que nombre d'agents de police n'ont pas connaissance de l'existence du «manuel de bonne conduite» publié à leur intention, ce qui est d'autant plus regrettable que l'on sait que les mineurs détenus sont très régulièrement victimes de brutalités de la part des forces de l'ordre, de même que du personnel pénitentiaire.  La même experte a voulu savoir s'il est possible de poursuivre des agents de police pour défaut de protection d'une victime de la violence familiale, au titre de l'obligation de protection que l'État doit assumer; et si l'État dispose de statistiques sur l'ampleur du problème des crimes d'honneur en Albanie.  Elle a demandé en outre des détails sur les conditions de détention de 90 femmes emprisonnées dans des prisons pour hommes.
 
D'autres questions des membres du Comité ont porté sur l'enregistrement vidéo des interrogatoires de police; sur les peines alternatives à la détention, comme par exemple l'assignation à résidence; sur l'enregistrement des enfants albanais nés à l'étranger; sur les conditions et modalités du placement de justiciables en établissements psychiatriques; sur le problème des détentions secrètes.  On s'est aussi interrogé sur le jugement que portent les autorités albanaises sur la réussite ou non de la transition de l'ancien régime vers une véritable démocratie et, dans ce contexte, sur l'indemnisation des victimes de l'ancien régime.
 
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