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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur les personnes touchées par le SIDA

20 Mars 2012

Conseil des droits de l'homme
MI JOURNÉE 20 mars 2012

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, une réunion-débat destinée à faire entendre la voix des personnes vivant avec ou touchées par le VIH/sida, en particulier des jeunes, des femmes et des orphelins. Au cours des échanges, présentés par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, des personnes vivant avec le VIH/sida ont apporté leur témoignage. Le débat était animé par Mme Bience Philomina Gawanas, Commissaire aux affaires sociales de l'Union africaine et membre de la Commission mondiale sur le VIH et le droit.

Dans sa déclaration liminaire, Mme Pillay a salué les grands progrès accomplis dans la lutte contre le sida, grâce à l'action des personnes vivant avec le sida, de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme et des militants antisida. C'est grâce à leur action que le VIH/sida en effet est désormais perçu comme beaucoup plus qu'une maladie: on leur doit d'avoir exigé la mise à disposition de traitements et de régimes de prévention et d'avoir placé les droits de l'homme au cœur des réactions efficaces contre la maladie. La communauté internationale doit continuer d'agir pour pérenniser les succès obtenus dans la lutte contre le sida et empêcher non seulement les décès dus à cette maladie, mais aussi les manifestations de discrimination contre ses victimes. Mme Gawanas a pour sa part déclaré que les séropositifs, en particulier les femmes, doivent jouir des mêmes droits que le reste des citoyens. La réunion-débat d'aujourd'hui est essentielle pour donner la parole aux personnes vivant avec le VIH/sida

Mme Nontobeko Dlamini, de la Communauté des femmes d'Afrique australe vivant avec le sida, a déclaré que c'est le manque de connaissances qui fait que des femmes séropositives ont été stérilisées, ajoutant que les Gouvernements n'ont pas fait assez pour protéger leurs droits reproductifs. M. Nick Rhoades, du Centre for HIV Law & Policy des États-Unis, a attiré l'attention sur les législations qui permettent de condamner une personne pour n'avoir pas révélé sa séropositivité et qui peuvent avoir de graves conséquences en termes de droits de l'homme. Pour M. Moysés Toniolo, du Réseau brésilien des personnes vivant avec le sida, les malades du VIH/sida doivent être soutenus par un système de santé qui leur fournisse une assistance. M. Dmytro Sherembei, du Réseau pan-ukrainien des personnes vivant avec le sida, a observé que les séropositifs meurent non pas parce qu'ils sont malades, mais parce qu'ils n'ont pas accès au traitement. La vie, c'est-à-dire l'accès aux antirétroviraux, dépend des ressources.

Le Directeur exécutif adjoint du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), M. Paul De Lay, a pour sa part déclaré que pour être plus efficace, il faut cibler les ressources et les programmes sur ceux qui sont le plus vulnérables et qui souffrent le plus du VIH. Le Conseil doit s'assurer que l'inégalité, la violence, la discrimination et la criminalisation n'entravent pas le droit d'accéder aux traitements du VIH.

Au cours du débat, il a été observé les États membres doivent prendre conscience de leurs obligations s'agissant du bien-être de la population et du respect des droits de tous, y compris des personnes vivant avec le sida. On a constaté que le sujet restait périlleux, entre ignorance, peur des jugements et traitements trop onéreux. Des questions se posent en outre en termes de ciblage des dispositions du droit pénal. Dans tous les cas, les lois ne doivent pas entraver la jouissance des droits par les personnes vivant avec le VIH, a-t-il été relevé. Plusieurs délégations ont noté que les thérapies antirétrovirales non seulement guérissent les malades, mais aussi empêchent la propagation de la maladie. Des délégations se sont dites préoccupées dans ce contexte par la diminution brutale du financement international pour l'accès aux médicaments. Des délégations ont plaidé pour que la famille joue un rôle central pour réduire la vulnérabilité des enfants et des jeunes, dans le respect des cultures.

Les délégations suivantes ont participé au débat avec les panélistes: Maroc, Union européenne, France, Allemagne, Irlande, Uruguay, Belgique, Norvège, Équateur, Indonésie, Algérie, Brésil, Sénégal (au nom du Groupe africain), Cuba, Pakistan (au nom de l'OIC), Australie, Espagne, États-Unis, Géorgie, Fédération de Russie, Kenya, Honduras, Kenya, Chili, Mexique, Conseil national des droits de l'homme du Maroc, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Organisation internationale du travail, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Réseau juridique canadien VIH/sida et Conectas Direitos Humanos.

Le Conseil reprend ses travaux vers 15 heures pour examiner le rapport du Groupe de travail intergouvernemental sur l'application effective de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, dans le cadre du débat sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

Réunion-débat sur les personnes vivant avec ou touchées par le VIH/sida

Déclarations liminaires

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que la découverte du VIH/sida il y a une trentaine d'années s'était accompagnée de la crainte d'une infection par le simple toucher ou par l'air respiré, suite à quoi des enfants ont été rejetés des écoles, des travailleurs expulsés de leur emploi et des veuves expulsées de leur domicile. Autant de personnes victimes d'ostracisme et de stigmatisation. Trente ans plus tard, de grands progrès ont été accomplis. Les nouvelles infections à VIH et les décès dus au sida ont atteint leur étiage depuis le pic de l'épidémie. Près de 14 millions de personnes ont accès à des traitements leur ayant sauvé la vie. Deux millions et demi de décès ont été évités depuis 1995, tandis que 48 % des femmes enceintes, en 2010, bénéficiaient de traitements contre la transmission de la maladie de la mère à l'enfant. La prévention du VIH donne de bons résultats. La Haut-Commissaire a aussi rappelé que l'Assemblée générale a adopté une nouvelle déclaration politique sur le VIH/sida en 2011, qui contient des objectifs et des cibles à atteindre pour prolonger les succès enregistrés.

Le changement est dû d'abord à l'action des personnes vivant avec le sida, de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme et des militants antisida, dont plusieurs sont présents ici cet après-midi. C'est grâce à leur action que le VIH/sida est désormais perçu comme beaucoup plus qu'une maladie: on leur doit en effet d'avoir exigé la mise à disposition de traitements et de régimes de prévention et d'avoir placé les droits de l'homme au cœur des réactions efficaces contre la maladie. Dans sa lutte contre le VIH, la communauté internationale a appris non seulement comment le mépris des droits de l'homme aggrave la vulnérabilité à la maladie, mais aussi comment il suscite l'apparition de formes pernicieuses et persistantes de discrimination et de marginalisation.

Pourtant, la communauté internationale doit continuer d'agir pour pérenniser les succès obtenus et éliminer non seulement tous les décès dus au sida mais aussi toutes les manifestations de discrimination contre ses victimes. C'est précisément cet objectif que s'est fixé le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) dans sa nouvelle stratégie. Le point de départ doit être la reconnaissance du droit de toutes les personnes de jouir de leurs droits fondamentaux. Les travailleurs du sexe, les homosexuels, les transgenres, les usagers de drogues, les détenus, les migrants, les pauvres, les personnes handicapées, les jeunes femmes et les filles ne doivent pas seulement êtres inclus dans les politiques nationales contre le VIH: tous doivent participer aux décisions et choix politiques qui les concernent.

Cette approche axée sur les droits de l'homme de la lutte contre la VIH consiste aussi à contrôler l'impact des programmes et politiques publiques. Elle implique que les lois et pratiques n'aggravent pas la vulnérabilité face au VIH ou n'entraînent de violations des droits de l'homme des personnes vivant avec le sida. Il ne faut pas nier les difficultés, compte tenu en particulier des ressources limitées; le financement est en effet très problématique, comme en témoigne le fait que le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose a dû annuler son onzième tour d'appel à projet. La coopération internationale est donc indispensable, de même que l'appropriation nationale de la lutte contre le VIH/sida. Le financement de la lutte contre le sida n'est pas seulement nécessaire: il s'agit d'une obligation des droits de l'homme, a conclu Mme Pillay.

Le Conseil est saisi du rapport de la Haut-Commissaire consacré à la protection des droits de l'homme dans le contexte du virus de l'immunodéficience humaine et du syndrome de l'immunodéficience acquise (A/HRC/19/37). Le rapport contient un aperçu général du contexte et des objectifs de la Déclaration politique sur le VIH et le sida adoptée à la Réunion de haut niveau sur le sida, y compris des informations sur le rôle que le Haut-Commissariat a joué dans la promotion d'une perspective axée sur les droits de l'homme; et une analyse de la Déclaration politique sur le VIH et le sida de 2011 sous l'angle des droits de l'homme.

L'animatrice de la discussion, MME BIENCE PHILOMINA GAWANAS, Commissaire aux affaires sociales de l'Union africaine et Commissaire de la Commission mondiale sur le VIH et le droit, a déclaré que de nombreux membres de sa famille étaient décédés des suites du VIH/sida et que les personnes séropositives doivent être considérées en tant qu'êtres humains, qui ont droit à une vie dans la dignité. Le droit peut renforcer la justice sociale et l'égalité au sein de nos sociétés, a-t-elle ajouté, estimant que tous les séropositifs devraient avoir un accès aux traitements et aux soins sur un pied d'égalité. Les séropositifs, en particulier les femmes, doivent jouir des mêmes droits que le reste des citoyens. La réunion-débat d'aujourd'hui est essentielle pour donner la parole aux personnes atteintes du VIH/sida.

Exposés

M. PAUL DE LAY, Directeur exécutif adjoint du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), s'exprimant au nom de M. Michel Sidibé, Directeur exécutif d'ONUSIDA, a déclaré que la situation de l'épidémie de VIH/sida a beaucoup évolué au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, pour la première fois, des outils sont à notre disposition pour faire cesser l'épidémie, ou du moins empêcher les nouvelles infections, les discriminations et les décès; il est urgent de mettre un terme à cette épidémie. Les droits de l'homme jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le sida, notamment s'agissant du droit à l'accès aux soins, à la non-discrimination et à la participation à la vie publique. Notant les progrès considérables de la science au cours des dernières années, M. De Lay a relevé que le défi principal est désormais de maintenir les traitements pour ceux qui les reçoivent et de les dispenser d'ici à 2015 aux huit millions de personnes qui en auront besoin.

Malheureusement, la crise économique actuelle menace le financement du Fonds mondial, qui n'est pas suffisamment doté. À cet égard, l'ONUSIDA appelle les donateurs à continuer à augmenter leurs contributions et s'efforce pour sa part à veiller à ce que les investissements soient plus focalisés, effectifs, efficaces et axés sur les résultats. Pour être plus efficace, il faut cibler les ressources et les programmes sur ceux qui sont le plus vulnérables et qui souffrent le plus du VIH/sida. Le Conseil doit s'assurer que l'inégalité, la violence, la discrimination et la criminalisation n'entravent pas le droit d'accéder aux traitements du VIH. M. De Lay a rappelé que les États ont réaffirmé, lors de la Réunion de haut niveau sur le VIH/sida de 2011, que les droits de l'homme sont essentiels pour lutter effectivement contre le sida. «L'épidémie de VIH/sida démontre dramatiquement le caractère universel et interdépendant des droits de l'homme», a-t-il conlcu.

MME NONTOBEKO DLAMINI, de la Communauté des femmes d'Afrique australe vivant avec le sida, a fait part de son expérience personnelle. Enceinte au moment de la déclaration de la maladie, elle a été confrontée au rejet de la part du corps médical et a été obligée de se faire stériliser. Depuis cette date, elle est victime de stigmatisation en tant que femme stérile, une blessure qui n'est pas près de guérir. Mais la question se pose: est-ce à cause du sida qu'elle n'a pu avoir d'enfant ou à cause du personnel de la santé? C'est le manque de connaissances qui fait que des femmes séropositives ont été stérilisées et les Gouvernements n'ont pas fait assez pour protéger leurs droits reproductifs.

M. NICK RHOADES, Centre for HIV Law & Policy (États-Unis), a indiqué défendre les droits des personnes vivant avec le VIH/sida accusées de «transmission criminelle» de cette maladie. M. Rhoades a passé plusieurs mois en détention préventive sur la base d'une loi adoptée en 1998 dans l'État de l'Iowa, alors que les faits scientifiques entourant la maladie ont beaucoup évolué depuis cette date: la peine, finalement révisée sur pression de l'opinion publique, avait été fixée à 25 ans de prison. Aujourd'hui, M. Rhoades est considéré comme un criminel sexuel par la justice américaine et vit sous le coup d'un sursis. Le fait de condamner quelqu'un, en méconnaissance de cause, pour n'avoir pas révélé sa séropositivité peut avoir des conséquences terribles.

M. MOYSÉS TONIOLO, du Réseau national de personnes vivent avec le VIH/sida, a déclaré que certaines lois, notamment au Brésil, prévoient de mettre à la retraite anticipée les séropositifs, constituant une grave forme de discrimination des personnes atteintes du sida dans le monde professionnel. Grâce à l'organisation dont il fait partie, M. Toniolo a réalisé qu'il pouvait lutter contre les politiques discriminatoires liées au VIH/sida. Les malades du VIH/sida doivent être soutenus par un système de santé qui leur fournisse une assistance, a-t-il souligné. En outre, les séropositifs doivent sortir du rôle de victimes et réaliser qu'ils sont titulaires de droits au même titre que les personnes saines. Le VIH doit être considéré comme une maladie chronique. Pourtant les porteurs du VIH continuent d'être victimes de discrimination dans le cadre de leur travail. Il faut démystifier les modes de transmission du sida, pour favoriser l'intégration des séropositifs dans le monde professionnel.

M. DMYTRO SHEREMBEI, Réseau pan-ukrainien des personnes vivant avec le sida, a fait part de son expérience de toxicomane tuberculeux, vivant avec le VIH et ayant passé dix ans en prison. M. Sherembei a appelé à la levée de tous les obstacles pour mettre un terme à l'épidémie de sida, de manière à donner à chacun la possibilité de vivre et de fonder une famille. Le fait de priver les personnes vivant avec le sida de traitement revient à commettre un crime contre ces personnes. Sans vie, rien n'est possible; les séropositifs meurent non pas parce qu'ils sont malades, mais parce qu'ils n'ont pas accès au traitement. La vie, c'est-à-dire l'accès aux antirétroviraux, dépend des ressources et il ne saurait être question de considérations budgétaires dans ce contexte.

Débat

Le Maroc a constaté que le sujet restait «périlleux», entre ignorance, peur des jugements et traitement trop onéreux; la faible prévalence de cette maladie au Maroc s'explique essentiellement par la mobilisation du pays depuis le début des années 80. Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a pour sa part évoqué le Plan stratégique national de lutte contre le sida, qui en est à sa deuxième phase, et les différentes initiatives engagées par le pays. Ce Plan, qui est en place depuis 2007, a pour objectif, pour la période 2012-2016, la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et le nouvel objectif de l'ONUSIDA «Zéro nouvelle infection, zéro discrimination et zéro décès dû au sida». Cet objectif ne sera pas atteint sans solidarité internationale, sans partage des expériences, sans prévention et information sur la maladie, sans tolérance à l'égard des personnes atteintes, sans levée des préjugés, sans lutte contre toutes les formes de discrimination, sans protection des droits des malades. C'est la maladie qui doit être exclue et non les personnes, a encore souligné le Maroc.

L'Union européenne s'est félicitée de la priorité donnée à la lutte contre la discrimination par ONUSIDA depuis la fin 2010. Elle réaffirme par ailleurs son inquiétude face à la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles qui représentent plus de la moitié de tous les séropositifs. Un tiers des pays du monde n'ont toujours pas de législation spécifique afin de garantir l'absence de toute discrimination à l'égard des personnes atteintes. L'Union européenne appelle la Commission mondiale sur le VIH et le droit à ouvrir un dialogue avec les pays dont la législation demeure lacunaire. La France a relevé que les discriminations à l'égard des personnes vivant avec le VIH/sida n'ont pas cessé et il faut s'atteler à lutter contre celles-ci. Elle a réaffirmé son engagement à protéger les personnes et les groupes à risques.

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a ajouté que les environnements juridiques répressifs faisaient obstacle à des réponses efficaces face au VIH et à la discrimination et la stigmatisation des séropositifs et ont contribué à produire des lois injustes et contreproductives.

L'Allemagne a constaté que les défis restaient considérables en dépit de progrès incontestables. La discrimination et la stigmatisation constituent des obstacles insupportables à une prévention effective, selon son représentant. Pour l'Allemagne, on n'atteindra pas les objectifs fixés sans abolir des textes qui pénalisent l'homosexualité ou qui se refusent à reconnaître la toxicomanie comme une maladie. L'Irlande a affirmé avoir pour priorité la lutte contre la discrimination, indiquant qu'un budget de 100 millions d'euros avait été consacré à la lutte contre les maladies transmissibles l'an dernier, la majeure partie allant au VIH/sida.

L'Uruguay a indiqué que la politique de son pays visait notamment à réduire le nombre de naissances séropositives. Il a aussi rappelé que les ministres de la santé du MERCOSUR avaient signé en 2007 une Déclaration sur les stratégies de promotion des droits de l'homme et de la non-discrimination en lien avec le VIH/sida. Quant à la Belgique, elle a déploré que malgré les efforts accomplis pour intensifier la prévention, l'accès au dépistage et au traitement adéquat, seul un tiers des personnes affectées bénéficient du traitement dont elles ont besoin. Elle estime que doivent être clairement identifiés les droits en jeu dans la problématique du VIH/sida. Toutefois, a souligné la Norvège, parmi les leçons apprises, on avait pu constater que le respect des droits de l'homme ne réglait pas tous les problèmes; même lorsque les gens ont accès à leurs droits, ils ne se comportent pas toujours de manière à se protéger d'une infection éventuelle.

Alors que l'Équateur met l'accent lui aussi sur la prévention et la transmission de la mère à l'enfant, l'Indonésie accorde la plus haute importance à la lutte contre cette pandémie au niveau mondial, non seulement sur le plan sanitaire mais aussi en matière de développement. Son représentant a attiré l'attention sur les effets néfastes de la migration, en particulier dans le cadre de la traite des êtres humains. L'Algérie a constaté que malgré les progrès accomplis, le VIH/sida arrive encore au sixième rang des décès dans le monde. L'Algérie appelle au respect des spécificités culturelles de tous les pays, tout en déplorant le tabou qui entoure cette pandémie. Le chef de l'État algérien a souligné qu'il ne s'agit pas d'une maladie honteuse car c'est la mort qui est honteuse en l'occurrence.

Le Réseau juridique canadien VIH/sida a dénoncé le fait que plus de 140 poursuites aient été lancées contre des ressortissants canadiens pour ne pas avoir révélé leur sérologie, sur la base d'une loi au contour flou qui exige de déclarer tout risque potentiel à son partenaire sexuel. Le Canada détient le record douteux d'arriver au deuxième rang de ce type de poursuites en justice, juste après les États-Unis, les procureurs s'efforçant même d'élargir l'étendue de la criminalisation.

Le Brésil a déclaré placer la priorité à l'accès aux médicaments, aux trithérapies en premier lieu, le VIH ne pouvant justifier aucune sorte de discrimination, les droits humains faisant intégralement partie à la réponse du Brésil à l'épidémie. En 2007, il a créé une banque de données consacrées aux atteintes aux droits de l'homme liées au VIH, â laquelle peuvent contribuer les organisations de la société civile.

L'organisation non gouvernementale Conectas Direitos Humanos s'est inquiétée de la situation au Brésil, constatant qu'il fallait parfois attendre pendant six mois avant de pouvoir bénéficier d'un traitement. Alors que le monde a applaudi aux réussites du Brésil dans la lutte contre l'épidémie, le mouvement antisida de la société civile fait aujourd'hui face à des difficultés majeures de financement, a observé cette ONG.

Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a souligné l'implication active de la société civile africaine dans la prévention et l'accès aux traitements. Des efforts restent à faire, en particulier en faveur des femmes et des jeunes filles. La disponibilité des ressources financières et l'accès aux médicaments appropriés sont des éléments essentiels. Et s'il est d'abord du ressort des États de s'occuper de la lutte contre le VIH/sida, le groupe africain demeure très préoccupé par la suspension du Cycle 11 du Fonds mondial. Il considère que la diminution brutale du financement international compromet gravement les gains importants réalisés en Afrique. Il appelle instamment à un rétablissement du Cycle 11. Cuba a estimé que l'ordre international injuste contribuait à l'inégalité de la réponse face à la pandémie; seule une poignée de pays riches a réussi à réduire la mortalité grâce à des médicaments au prix aussi élevé que déraisonnable. Cuba a réussi à contenir la pandémie en dépit du blocus économique, commercial et financier des États-Unis et malgré le fait que l'île ait un accès limité à nombre de médicaments. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de coopération islamique, a déploré l'indifférence de la société envers les malades et les personnes infectées. La famille doit avoir un rôle central pour réduire la vulnérabilité des enfants et des jeunes, tout en respectant les cultures. Il convient de garantir un accès universel à la prévention et aux soins.

L'Australie s'est félicitée des objectifs ambitieux de la Déclaration politique de l'Assemblée générale, qui fixe des cibles claires en direction de populations mentionnées explicitement pour la première fois: hommes homosexuels, personnes qui s'injectent des drogues, travailleurs du sexe. L'Espagne a estimé que la déclaration politique adoptée par l'Assemblée générale montre qu'il est nécessaire de renforcer les efforts nationaux visant à lutter contre la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/sida. La réaction face au sida doit être plurisectorielle et atteindre l'objectif de «zéro infection, zéro discrimination et zéro décès».

Les États-Unis ont observé que la Déclaration est appelée à jouer un rôle important en termes d'appropriation au niveau national des campagnes de lutte contre la maladie. Aux États-Unis, les programmes de santé génésique visent en particulier à remédier aux inégalités entre les sexes et à la violence, deux facteurs qui limitent la capacité des femmes de négocier des pratiques sexuelles plus sûres.

La Géorgie a indiqué être le seul État postsoviétique garantissant l'accès aux antirétroviraux. La Géorgie met l'accent sur l'innovation et l'accessibilité des mesures nationales de lutte contre le VIH, les personnes vivant avec le sida étant étroitement associées à l'élaboration de ces mesures. La Fédération de Russie a dit garantir au niveau fédéral les droits des séropositifs. La loi de portée nationale interdit la discrimination à leur égard au travail et dans la vie sociale, dans l'éducation et dans le logement. Des mesures spéciales sont en outre prises au niveau fédéral pour empêcher la discrimination des enfants vivant avec le sida. La Russie a organisé, en novembre dernier, un forum international sur la prévention du VIH/sida. Le Kenya a créé un «tribunal sur l'égalité face au sida», première structure en son genre au plan mondial. Le tribunal contribuera à décourager les pratiques discriminatoires et favorisera les politiques de prévention et de soutien aux communautés concernées.

Le Honduras déplore l'accès encore très difficile aux traitements et à la prévention dans de nombreux pays. Le Honduras a ouvert des centres de soins pour personnes vivant avec le sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Les efforts de ce type nécessitent des financements et une coopération au niveau international, une nécessité également soulignée par le Kenya. Le Chili a souligné que la stigmatisation constitue l'autre obstacle principal à l'accès des groupes les plus vulnérables aux soins et aux traitements.

Pour sa part, le Mexique a demandé aux panélistes quelles stratégies étatiques étaient les plus efficaces pour mettre en œuvre les dispositions de la déclaration politique de 2011, et quel rôle était dévolu à la société civile et aux personnes qui vivent avec le VIH/sida dans ce cadre.

L'Organisation internationale du travail a noté que la protection des droits de l'homme des personnes séropositives dans le monde du travail est essentielle et appelé les États à s'assurer que les personnes qui subissent des discriminations au travail aient accès à la justice.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a déploré que de nombreux enfants et adolescents n'aient pas encore un accès suffisant au dépistage du VIH. Les survivants de la transmission de la mère à l'enfant, notamment, sont encore mal diagnostiqués. Il faut donc améliorer les tests de dépistage. Des investissements nationaux et internationaux devront être dégagés à cette fin.

Conclusions des panélistes

MME GAWANAS a constaté que la société civile et les États sont d'accord pour dire que la situation s'est améliorée au plan scientifique. Pourtant, des questions demeurent: quelles stratégies adopter pour que tout un chacun jouisse de ses droits humains dans le contexte du VIH/sida? Que signifie au juste l'approche des droits de l'homme dans la lutte contre le sida? La Commissaire aux affaires sociales de l'Union africaine a observé que le droit à l'accès aux médicaments est compliqué par la crise économique et les questions en lien avec la propriété intellectuelle. Quant aux échecs dans la prévention, ils sont imputables à des lacunes dans l'éducation des acteurs concernés – personnel médical, agents de l'État notamment: qui faut-il donc former en priorité? Des questions se posent en outre en termes de mobilisation sociale et de ciblage des dispositions du droit pénal – si tant est que le droit a vraiment sa place dans les relations sexuelles entre adultes consentants. Dans tous les cas, les lois ne doivent pas entraver la jouissance des droits par les personnes vivant avec le VIH.

Pour M. TONIOLO, les États membres doivent prendre conscience de leur obligation en matière de bien-être de la population et de respect des droits de tous, y compris des personnes vivant avec le sida. Le Brésil pour sa part a réussi à diviser par deux le nombre de décès dus au VIH grâce aux médicaments antirétroviraux: le problème est donc circonscrit, sinon éliminé. Le Brésil doit aussi veiller au bien-être des groupes les plus vulnérables – homosexuels, toxicomanes – en leur offrant des structures de soutien. Il faut enfin faire pression sur les autorités pour qu'elles ouvrent le débat sur la production d'antirétroviraux, une question qui ne doit plus être confiée à l'Organisation mondiale du commerce, mais bien à l'Organisation mondiale de la santé. Les États Membres des Nations Unies doivent s'associer aux travaux de l'ONUSIDA en matière de partage de bonnes pratiques.

M. SHEREMBEI a déclaré que les États doivent être les partenaires de la société civile dans la lutte contre le VIH/sida. Il faut surmonter l'épidémie au niveau mondial. On sait que les thérapies antirétrovirales non seulement guérissent les malades, mais empêchent la propagation de la maladie. On doit combattre la discrimination des personnes vivant avec le sida sur la base de conceptions rétrogrades: certains estiment encore que le sida serait une maladie morale. L'épidémie mondiale de VIH est un test de notre capacité de lutter au profit les uns des autres, a observé M. Sherembei. Cette épidémie ne va pas disparaître toute seule: des financements sont indispensables pour la freiner.

M. DE LAY a observé que l'accès au traitement contre le VIH/sida dépend de cinq facteurs: la connaissance et la sensibilisation, notamment s'agissant du dépistage; la lutte contre la discrimination à l'égard des victimes; les conditions matérielles d'accès; le coût; et l'existence de services de soutien aux communautés frappées. Aujourd'hui, l'impératif doit être d'assurer l'accès aux antirétroviraux: il en va de la survie de toutes les personnes vivant avec le sida.

MME DLAMINI a déclaré que les femmes de l'Afrique australe stérilisées de manière plus ou moins forcée doivent pouvoir faire valoir leurs droits en justice. Les réseaux de femmes ont besoin d'une aide pour documenter leurs problèmes et faire émerger des témoignages. Les femmes vivant avec le VIH méritent de recevoir le même traitement que tous les autres êtres humains.

M. RHOADES a observé que les lois sur le sida ne font qu'encourager la stigmatisation des personnes vivant avec le sida: il n'y a pas de raison de traiter ces personnes différemment de personnes atteintes d'autres maladies sexuellement transmissibles. Ces lois sont, en réalité, bien souvent dirigées contre les personnes homosexuelles. Elles ont pour effet de décourager les personnes malades de se faire soigner par peur de la stigmatisation, au risque de favoriser encore la propagation de la maladie. Il faut déterminer les conséquences négatives de la criminalisation des personnes vivant avec le sida.

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