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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Canada

23 Février 2012

23 février 2012

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Canada sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Catrina Tapley, Sous-Ministre adjointe associée aux politiques stratégiques et de programmes au Ministère de la citoyenneté et de l'immigration du Canada, a rappelé que, société multiculturelle, le Canada est composé de 200 groupes ethniques. Lors du recensement de 2006, a-t-elle précisé, plus d'1,1 million de personnes se sont identifiées comme Autochtones (Indiens d'Amérique du Nord, Métis et Inuits). Plus de cinq millions de personnes, soit 16,2% de la population, se sont identifiées comme appartenant à une minorité ethnique, les trois groupes majeurs étant les Asiatiques du Sud, les Chinois et les Africains. Le Canada est un leader en matière d'intégration des nouveaux venus et de formation de ces derniers à la compréhension et au respect des lois et valeurs nationales fondamentales, a continué Mme Tapley. Elle a expliqué que l'expression «minorité visible» est spécifique à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et a assuré que les inquiétudes exprimées au sujet de cette expression étaient infondées. Elle a en outre souligné que le Gouvernement avait tiré des enseignements des erreurs commises par le passé et qu'il avait redressé la barre, notamment en présentant des excuses officielles, en 2008, pour l'ancien système d'écoles résidentielles indiennes et en août 2010, pour la réinstallation d'Inuits dans les années 1950. Mme Tapley a d'autre part rappelé que le Canada a entériné en novembre 2010 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans le souci de franchir un nouveau pas dans l'établissement de relations positives et productives avec les peuples autochtones. Dans le cadre du Canada First Nations Joint Action Plan, annoncé en juin 2011, le Canada entend examiner de nouveaux moyens d'améliorer la prospérité à long terme des Premières nations, a insisté Mme Tapley.

La délégation canadienne était également composée, entre autres, de représentants du Ministère de la citoyenneté et de l'immigration; du Ministère des affaires autochtones et du développement du Nord Canada; du Ministère de la justice; du Ministère de la sécurité publique; du Ministère du patrimoine canadien; du Ministère des affaires étrangères; et de la Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, des recours disponibles contre la discrimination raciale; du profilage racial; des questions migratoires, s'agissant en particulier des demandeurs d'asile; des mesures prises en faveur des groupes minoritaires et des nouveaux arrivants dans le pays; de la notion de «minorités visible»; et surtout de la situation des populations autochtones, s'agissant plus particulièrement des négociations foncières, de l'accès à un logement décent dans les réserves, des compensations pour les élèves de l'ancien système des écoles résidentielles indiennes ou encore de la surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale.
Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Canada, M. Anwar Kemal, a insisté sur l'importance, pour les experts, de disposer de données ventilées, seule lacune, en l'occurrence, du rapport. Dans ses observations finales, a-t-il ajouté, le Comité ne devrait pas manquer de saluer et d'appuyer les efforts déployés par les autorités canadiennes aux fins de la vérité et de la réconciliation; mais demeurent les problèmes des disparités entre nantis et démunis, des peuples autochtones, des Afro-canadiens et de certaines catégories d'immigrants, a-t-il poursuivi. Il a mis en garde contre le risque de voir l'utilisation de l'expression « minorités visibles » occulter les minorités invisibles. Il a aussi fait observer que si, du fait de sa politique et de son accueil, le Canada est populaire parmi les candidats à l'immigration volontaire, les ONG brossent néanmoins un tableau pour le moins décourageant de la situation des Autochtones dans le pays
Le Comité présentera, à la fin de la session, ses observations finales sur le rapport du Canada.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Turkménistan.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CERD/C/CAN/19-20), MME Catrina Tapley, Sous-Ministre adjointe associée aux politiques stratégiques et de programmes au Ministère de la citoyenneté et de l'immigration du Canada, a déclaré que ce Ministère était chargé de l'application de la Loi sur le multiculturalisme, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ainsi que de la Loi sur la citoyenneté. Elle a fait observer que les provinces et territoires du pays n'étaient pas tous représentés au sein de la délégation que le Canada présente devant le Comité mais a assuré qu'ils avaient en revanche été consultés en prévision de la présentation du rapport et que le Gouvernement continuait à collaborer avec eux pour ce qui est des lois canadiennes relatives aux sujets traités dans la Convention.

Société multiculturelle, le Canada est composé de 200 groupes ethniques et, lors du recensement de 2006, plus d'1,1 million de personnes se sont identifiées comme Autochtones (Indiens d'Amérique du Nord, Métis et Inuits), a ensuite indiqué Mme Tapley. Plus de cinq millions de personnes, soit 16,2% de la population, se sont identifiées comme appartenant à une minorité ethnique, les trois groupes majeurs étant les Asiatiques du sud, les Chinois et les Africains, a-t-elle ajouté.

Le changement démographique ne fera que s'accélérer dans les prochaines années, avec une tendance à une diversification accrue de l'appartenance religieuse, la majorité des Canadiens demeurant de confession catholique principalement romane, a poursuivi Mme Tapley. Selon les prévisions, a-t-elle en outre indiqué, d'ici 2031, environ un tiers des Canadiens feront partie d'une minorité raciale et cette proportion pourrait atteindre les deux-tiers pour les grandes métropoles que sont Toronto et Vancouver; entre 25 et 28% de la population auront alors vu le jour à l'étranger et les communautés non chrétiennes représenteront près de 14% de la population totale, soit le double par rapport à il y a dix ans.

Le Canada est un leader en matière d'intégration des nouveaux venus et de formation de ces derniers à la compréhension et au respect des lois et valeurs nationales fondamentales, a continué Mme Tapley, précisant qu'un guide sur la nouvelle citoyenneté explique ces valeurs. Elle a ajouté que l'ouverture et la générosité du pays ne s'appliquent pas à des pratiques culturelles barbares qui tolèrent l'abus conjugal, les crimes d'honneur, la mutilation génitale féminine, le mariage forcé et toute autre pratique préjudiciable à l'intégrité physique et mentale de la personne, y compris la violence fondée sur le sexe. Chaque année, a fait valoir Mme Tapley, le Canada investit 900 millions de dollars dans la prestation de services d'aide à l'établissement des nouveaux venus, en vue d'aider les immigrants et les réfugiés à participer pleinement à la vie de la société canadienne. Ces services comprennent des programmes d'évaluation, d'orientation, d'apprentissage de la langue, d'aide à l'emploi et de préparation au marché du travail ainsi que des initiatives d'encouragement à l'accueil au sein des communautés. Le Gouvernement finance en outre des initiatives visant à promouvoir la compréhension mutuelle et la tolérance; certaines de ces initiatives ont connu un succès certain, comme en témoignent le programme Settlement Workers in School et les partenariats locaux pour l'immigration.

D'autre part, la Fondation canadienne sur les relations raciales est un centre national d'expertise et un promoteur actif de la lutte contre le racisme, a poursuivi Mme Tapley. En 2011, elle a mis en place un réseau national interconfessionnel qui servira de forum pour la promotion du dialogue interreligieux.

Mme Tapley a annoncé que le Canada espère aussi jouer un rôle de chef de file dans l'éducation sur l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme lorsqu'en 2013, il assumera la présidence de l'Équipe spéciale pour la coopération internationale en matière d'éducation, de mémoire et de recherche sur l'Holocauste, qui comprend 31 États Membres.

Mme Tapley a ensuite présenté les actions tendant à garantir aux nouveaux venus, comme à tous les Canadiens, l'égalité des chances en matière d'emploi.

La Sous-ministre adjointe a cependant fait une déclaration sur l'expression «minorité visible» qui est spécifique à la Loi sur l'équité en matière d'emploi (Employment Equity Act) et est utilisée pour identifier certains groupes spécifiques jouissant d'un traitement particulier en termes d'accès au marché de l'emploi. Elle a assuré que les inquiétudes exprimées au sujet de cette expression étaient infondées et a ajouté qu'au terme de longues consultations, son pays était arrivé à la conclusion que l'expression «minorité visible» demeurait le terme approprié dans ce contexte. Pour compléter cette Loi sur l'équité en matière d'emploi, le Canada s'est doté, au niveau fédéral, d'une stratégie visant à préserver le lieu de travail de toute forme de discrimination raciale. Cette stratégie cible en particulier les membres des «minorités visibles» ainsi que les peuples autochtones et est axée sur le secteur privé.

Mme Tapley a par ailleurs souligné que les organes chargés de l'exécution des lois, les services aux frontières et autres organismes canadiens de sécurité appliquent une politique qui met l'accent sur l'importance de fournir des services de sécurité publique en suivant une pratique qui soit identique pour tous les Canadiens.

Rappelant la présence de longue date des Premières nations, des Inuits et des Métis sur le territoire canadien, la cheffe de la délégation a souligné que le Gouvernement avait tiré des enseignements des erreurs commises par le passé et qu'il avait redressé la barre dans la bonne direction en abrogeant la loi qui, jusqu'en 1960, interdisait aux Indiens de voter aux élections fédérales. Elle a attiré l'attention sur d'autres initiatives du même ordre dont la plus importante a sans doute été la présentation d'excuses officielles - formulées devant le Parlement par le Premier Ministre, M. Stephen Harper, en juin 2008 – pour l'ancien système d'écoles résidentielles indiennes (Indian residential school system). Dès lors, a poursuivi Mme Tapley, des progrès substantiels ont été accomplis par le biais d'indemnisation et de l'établissement de la Commission vérité et réconciliation pour permettre le témoignage de ceux qui avaient subi cette expérience. Il en va de même pour la réinstallation des Inuits d'Inukjuak et Pond Inlet dans le Haut-Arctique, opérée dans les années 1950, qui représentait une page noire de l'histoire canadienne et a aussi fait l'objet d'excuses officielles en août 2010. Enfin, il convient de rappeler que le Canada a entériné en novembre 2010 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans le souci de franchir un nouveau pas dans l'établissement de relations positives et productives avec les peuples autochtones. Dans le cadre du Canada First Nations Joint Action Plan, annoncé en juin 2011, le Canada entend explorer de nouveaux moyens d'améliorer la prospérité à long terme des Premières nations, a insisté Mme Tapley.

Par ailleurs, a poursuivi Mme Tapley, le Canada est engagé dans 60 négociations relatives à des revendications foncières sur l'ensemble du territoire national. En outre, il a ajouté 18 Premières nations à sa liste de signataires du régime de Gestion des terres des Premières nations, ce qui porte à 50 le nombre total de Premières nations à même de réaliser une autosuffisance accrue sur leurs terres, leur environnement et leurs ressources

Les Canadiens sont fiers des libertés qu'ils ont héritées du passé ainsi que de leur longue tradition de liberté et d'égalité des chances, que le Gouvernement est déterminé à préserver pour tous les Canadiens, a conclu Mme Tapley.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Canada, M. ANWAR KEMAL, a fait observer que, du fait de sa politique et de son accueil, le Canada est populaire parmi les candidats à l'immigration volontaire. Pourtant, les organisations non gouvernementales brossent un tableau pour le moins décourageant de la situation des Autochtones, a-t-il relevé.

S'agissant de l'expression «minorité visible», il a admis que l'on puisse être tenté de l'utiliser car elle est «facile et commode»; mais il a rappelé que pour l'Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités – qui a effectué une visite au Canada en octobre 2009 -, cette expression posait problème car les Canadiens noirs, par exemple, sont convaincus qu'elle fait fi de leur identité propre. En outre, d'autres communautés préfèrent être qualifiées d'autochtones plutôt que de «minorités visibles», a-t-il souligné.

Soulevant la question du profilage racial, M. Kemal a rappelé que le Canada avait été prié de passer en revue les mesures de sécurité existantes. Cependant, a-t-il poursuivi, à l'issue de son examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme, le Canada n'a pas accepté la recommandation l'invitant à inclure une disposition antidiscriminatoire dans la Loi antiterroriste. Il existe une tendance humaine à cibler un individu perçu comme « légèrement différent », a fait observer le rapporteur, avant de relever que dans son rapport (paragraphe 91), le Canada indique ne pas être d'accord avec le fait que ses lois nationales sur la sécurité sont discriminatoires et n'accepte pas la «présomption selon laquelle il effectue du profilage racial ou religieux».

M. Kemal a rappelé que dans ses dernières observations finales en date concernant le Canada, le Comité avait exprimé sa préoccupation face à l'absence de législation incriminant et réprimant les actes de violence raciste, d'une part, et du fait qu'en vertu du Code criminel, la responsabilité pénale ne pouvait pas être établie sur la base de la nature des organisations racistes, de l'autre. Or, dans son rapport (paragraphes 87-90), le Canada a répondu que son approche consiste à se concentrer sur l'interdiction des activités inadmissibles des organisations racistes plutôt que sur la nature des organisations. De l'avis du Canada, cela correspond à la façon dont il lutte contre les gangs du crime organisé et les groupes terroristes, « le fait d'être membre ne constituant pas en soi une infraction criminelle ». A cela, M. Kemal a rétorqué que la constitution même de bandes criminelles risquait sans nul doute de conduire à des crimes violents contre les groupes vulnérables, notamment les minorités ethniques et raciales, et qu'il serait donc logique de simplement les interdire.

Dans ses précédentes observations finales, a poursuivi M. Kemal, le Comité avait également recommandé que les entreprises multinationales enregistrées au Canada aient des comptes à rendre quant aux répercussions nuisibles de leurs activités sur la jouissance des droits des peuples autochtones à l'étranger. Malheureusement, a déploré le rapporteur, aucune information nouvelle ne figure dans le rapport à ce sujet. M. Kemal a ajouté que des ONG des Premières nations ont, dans ce contexte, attiré l'attention du Comité sur le rôle néfaste des multinationales du secteur minier sur les terres Shoshone au Nevada (Etats-Unis) et au Guatemala. Au Guatemala, a-t-il précisé, une filiale de la société canadienne Goldcorp, dont le siège est à Vancouver, serait en train d'exploiter des terres tribales sans le consentement préalable, informé et éclairé des Autochtones concernés.

M. Kemal a par ailleurs rappelé la position des membres du Comité concernant la nécessité de privilégier les alternatives à la détention des Autochtones, compte tenu des méfaits que la détention a sur eux du fait de leur séparation de leur communauté. Les ONG ont fourni des statistiques alarmantes à cet égard, a fait observer le rapporteur : au Saskatchewan, 70 à 80% de la population carcérale est autochtone et 10% est d'origine africaine. Le rapporteur a encouragé le Canada à déployer davantage d'efforts pour juguler ce phénomène.

M. Kemal a ensuite salué le programme de contributions aux provinces et territoires que finance le Canada afin de fournir une assistance parajudiciaire aux Autochtones. Il a en revanche plaidé en faveur d'efforts accrus dans la lutte contre les actes graves de violence à l'égard des femmes autochtones, insistant sur la nécessité d'élargir les services, centres de conseil et autres refuges pour les victimes de la violence fondée sur le sexe. Dans ce cadre, des programmes de formation et de sensibilisation culturelle devraient être prévus pour les forces de l'ordre, a-t-il insisté.

Enfin, le rapporteur s'est inquiété des coupures budgétaires opérées dans le secteur de l'assistance aux Autochtones, qui ont été dénoncées par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, M. James Anaya. Même si le Canada a investi plus de 2,5 milliards de dollars dans l'amélioration de la qualité de l'eau, plus de la moitié des systèmes d'eau potable dans les réserves autochtones présentent des risques pour la santé, a fait observer M. Kemal.

En conclusion, M. Kemal a considéré que le défi majeur, au Canada, réside dans l'écart qui existe entre les nantis et les démunis. Cela a un impact très grave sur les minorités, a-t-il souligné, avant de reconnaître que le Canada fait partie des pays les plus ouverts et tolérants au monde.

Un autre membre du Comité a lui aussi rendu hommage à la générosité du Canada et à l'ouverture d'esprit dont ce pays fait preuve à l'égard des étrangers et des migrants. D'après certaines sources, a poursuivi cet expert, les personnes d'ascendance africaine constituent le troisième plus grand groupe de la population canadienne. Rappelant que l'arrivée des Africains remonte à la guerre (anglo-américaine) de 1812, dont le bicentenaire sera célébré cette année, l'expert s'est enquis du rôle que ces personnes vont jouer dans le cadre de cette commémoration.

Un autre expert a relevé que le Canada semble partir du principe qu'il peut prendre possession des terres appartenant aux Autochtones; mais sur quelle base juridique étaye-t-il ce droit à prendre possession de ces terres? Evoquant la problématique des traités et territoires autochtones reconnus dans la Constitution, il a réclamé l'adoption d'une législation complète sur cette question.

Le Canada doit persévérer dans ses politiques de lutte contre toutes les formes de discrimination, particulièrement en réduisant les disparités socioéconomiques existant entre les Premières nations ou les personnes d'ascendance africaine, d'une part, et les citoyens de souche européenne, de l'autre, a estimé un expert. Il existe au Canada des discriminations structurelles qui ont abouti à des situations de pauvreté intolérable pour un pays nanti, a insisté cet expert.

Deux membres du Comité se sont inquiétés de la stigmatisation des Roms d'origine hongroise au Canada, déclenchée, semble-t-il, par les propos d'un ministre non averti et amplifiée par les médias. Une experte a pour sa part tenu à rendre hommage à l'ouverture des frontières canadiennes aux Roms.

Plusieurs experts ont conjuré le Canada de réguler les activités des sociétés canadiennes et étrangères afin de les responsabiliser.

A été maintes fois saluée la reconnaissance par le Canada de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, mais certains membres du Comité se sont néanmoins demandé comment le pays entendait mettre en application cette Déclaration et en mesurer l'impact. Nonobstant le nouveau jalon que constitue l'adoption de cette Déclaration par le Canada, bien des problèmes subsistent dans les relations de l'État avec les peuples autochtones, surtout pour ce qui a trait à l'exploitation des ressources et à l'histoire des enlèvements d'enfants autochtones, a souligné un expert. Un membre du Comité a insisté sur la nécessité de compensations financières, psychologiques et sociales des Premières nations dont les première, deuxième et troisième générations gardent des stigmates indélébiles. S'agissant précisément des compensations pour les injustices commises par le passé, certains experts ont recommandé au Canada d'envisager une solution qu'ont proposée les Premières nations, à savoir la mise sur pied d'une commission conventionnelle entre ces peuples et le Gouvernement, qui serait le moyen le plus juste et impartial de régler les différends.

Une experte s'est inquiétée du taux élevé de la population carcérale féminine autochtone et s'est enquises des mesures prises pour promouvoir l'accès des communautés autochtones au système de justice. Cette experte a en outre encouragé le Canada à adhérer à la nouvelle Convention de l'Organisation internationale du travail sur les droits des travailleuses et travailleurs domestiques, adoptée en juin 2011. L'experte a aussi recommandé d'utiliser avec prudence l'expression «minorité visible» afin de veiller à ce qu'elle n'occulte pas une forme de racisme ou une autre.

Faisant observer que la complexité de l'origine des 200 ethnies qui composent le pays exigeait un processus plus strict de compilation et d'évaluation des données, une experte a souhaité savoir dans quelle mesure la nouvelle loi sur le recensement permettra d'obtenir des données ventilées sur la composition ethnique de la population canadienne.

Comment l'histoire du Canada est-elle relatée dans les manuels scolaires, en ce qui concerne les personnes d'ascendance africaine en particulier, a-t-il été demandé?

Un expert a admis que le multiculturalisme est une bonne piste mais a tenu à souligner que cela ne résout pas entièrement les disparités car la culture majoritaire a une position dominante et dispose de moyens d'information énormes, ce qui en soi, pourrait constituer une source de discrimination. Le Canada doit redoubler d'efforts pour réduire les disparités en matière de logement, d'emploi, d'éducation et de santé, a-t-il insisté.

Réponses de la délégation

La délégation canadienne a indiqué que les résultats du dernier recensement sont en train d'être publiés et seront donc prochainement soumis au Comité.

Le Canada estime que les recours nationaux disponibles contre la discrimination raciale sont suffisants, a par ailleurs affirmé la délégation. Les gouvernements, à tous les niveaux, sont conscients de leur responsabilité en matière de promotion et de protection des droits de l'homme et s'emploient à faire appliquer des mesures efficaces dans ce contexte.

Le Canada s'est engagé à améliorer les conditions de travail et de vie des groupes minoritaires et des ressources considérables sont déployées pour contribuer à l'établissement et à l'installation des nouveaux arrivants, ainsi qu'au développement socioéconomique des «minorités visibles», a poursuivi la délégation. L'intégration des groupes sous-représentés sur le marché de l'emploi fait aussi l'objet d'une attention spéciale et bénéficie d'allocations substantielles.

Expliquant la législation relative aux Autochtones, la délégation a indiqué que le Gouvernement fédéral a utilisé des moyens novateurs dans les négociations entre les provinces et les Premières nations aux fins de la mise en application pratique des amendements apportés à la Loi sur les Indiens. Les droits dits conventionnels et autochtones sont garantis et protégés par l'Article 35 de la Constitution, a rappelé la délégation. Il faut que le Comité comprenne que les droits conventionnels et autochtones ne sont pas généralisés et concernent des groupes spécifiques qui, à l'issue de négociations, sont parvenus à un accord avec le Gouvernement fédéral, par exemple pour les questions économiques ou de propriété foncière. Les Gouvernements provinciaux n'ont de cesse de rechercher un équilibre dans la manière dont sont traités Autochtones et non-Autochtones. En 2007, a en outre fait valoir la délégation, le programme d'action Justice at Last, qui crée une procédure de plaintes, a reçu l'appui vigoureux des Premières nations. Le tribunal peut ainsi verser des compensations monétaires jusqu'à hauteur de 100 millions de dollars par plainte. Ainsi, depuis 2007, près de 70 plaintes ont été déposées et résolues, aboutissant à quelque 1,7 milliard de dollars de dédommagement.

L'objectif majeur des négociations foncières est la restitution des terres aux Autochtones, a poursuivi la délégation, ajoutant que de nouvelles pistes ont toutefois été engagées pour trouver des solutions de rechange.

Le 12 novembre 2010, le Gouvernement canadien a publié une déclaration approuvant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a rappelé la délégation. Après mûre réflexion, a-t-elle expliqué, le Gouvernement a en effet décidé d'approuver ce texte, qui n'a pas un caractère contraignant. Le Gouvernement coopère avec les Autochtones s'agissant de nombre de questions évoquées dans la Déclaration, a fait observer la délégation. Toutes les mesures envisagées dans ce contexte s'inscrivent dans la durée, afin de parvenir à des résultats tangibles.

Le Canada consulte les Autochtones sur les questions qui les touchent, a insisté la délégation. Tous les gouvernements provinciaux sont obligés de garantir la cohésion de cette démarche au niveau local, a-t-elle rappelé. Elle a précisé que le Canada a entamé un processus de consultations avec 68 collectivités des Premières nations, Inuits et métisses. Certains territoires et provinces ont mis en œuvre leur propre formule de consultations.

S'agissant des disparités existantes en termes de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, la délégation a fait état de progrès en matière de réduction des écarts existants, tout en reconnaissant que le fossé perdure.

La délégation a apporté un certain nombre d'informations complémentaires sur les questions d'enseignement, de réconciliation, de gestion rationnelle, de protection des personnes vulnérables et de règlement des différends fonciers.

Concernant l'accès à un logement décent dans les réserves, la délégation a indiqué que le Gouvernement canadien ne ménage pas son investissement dans ce domaine, par le truchement du Ministère des affaires du Nord et des autochtones. Elle a attiré l'attention sur les investissements engagés dans ce contexte, comme en témoigne la somme d'environ 400 millions de dollars supplémentaires qui a été allouée, sur deux ans, à la construction dans les réserves.

La délégation a par ailleurs évoqué le programme de santé en faveur de la communauté des Micmacs et a assuré que les fonds qui ont été versées depuis 2006-2007 à cette communauté étaient suffisants. Deux millions huit cent mille dollars ont été versés pour les familles qui vivaient dans des tentes et ont ainsi pu vivre au chaud, dans un lieu sûr, en attendant que leur logement soit construit, a-t-elle précisé.

La plus grande enquête jamais réalisée sur le système d'assainissement et d'approvisionnement en eau concerne les zones où vivent les Premières nations, afin d'évaluer leurs besoins en la matière et d'y répondre, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a en outre rendu compte des mesures mises en œuvre en faveur des enfants autochtones qui avaient subi le système de pensionnat. Evoquant la réconciliation, les réparations et le dédommagement des enfants et de leurs familles dans ce contexte, elle a souligné que le Gouvernement canadien avait reconnu les séquelles graves laissées par cet ancien système d'écoles résidentielles indiennes; un accord de règlement a été signé, assorti d'un versement identique payé à tous les anciens élèves. La Commission pour la vérité et la réconciliation a créé un registre historique public faisant état de ce système et de ses effets, a ajouté la délégation. En outre, des mesures de guérison ont été prises en faveur des anciens élèves de ce système. Dans le cadre de l'accord qui a été signé, a précisé la délégation, les bénéficiaires reçoivent chacun 10 000 dollars pour la première année et 3000 dollars par année supplémentaire qu'ils ont vécue dans les pensionnats visés. Une fois que tous ces versements auront été payés, tous les fonds restants seront répartis entre le Fonds pour les Autochtones et d'autres initiatives en faveur de l'enseignement. Le processus de la Commission vérité et réconciliation a pour mandat fondamental d'informer les Canadiens des faits du passé et d'établir une société fondée sur la connaissance des faits, le témoignage et le pardon, a souligné la délégation.

Abordant la question du profilage racial, la délégation a souligné que les tribunaux et les forces de police fondent leur action sur l'interdiction de la discrimination raciale. Le plan stratégique contre le profilage social et racial a été adopté par la police en janvier 2012, a-t-elle précisé. Il vise la formation des agents de police en la matière et la détection de tout traitement inapproprié de leur part.

S'agissant de la surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale, la délégation a expliqué que des caractéristiques démographiques et des problèmes spécifiques, comme le taux élevé de chômage, la violence et l'abus de stupéfiants, conduisaient à une violence et à des délits accrus. Elle a attiré l'attention sur un certain nombre de programmes conçus pour faciliter la recherche d'emploi des jeunes en leur permettant de surmonter certains obstacles socioéconomiques et de suivre des formations. Au sein même du système carcéral, des programmes spécifiques sont prévus pour préparer à la réinsertion et réduire les risques de récidive.

Les services correctionnels du Canada ont des services destinés à répondre aux besoins des minorités ethniques en milieu carcéral, y compris pour ce qui est des Afro-canadiens.

En ce qui concerne les femmes autochtones portées disparues, la délégation a indiqué qu'une base de données a été créée et sera opérationnelle l'année prochaine dans les services de police.

Pour ce qui est des crimes de haine et des propos haineux, la délégation reste convaincue que l'approche actuellement suivie par les autorités canadiennes est appropriée. Tous les actes de violence sont pénalisés, qu'ils soient d'ordre raciste ou non, a-t-elle souligné. Le juge n'en doit pas moins prendre en considération toute circonstance aggravante.

Le Canada a été un pionnier dans la collecte de données sur les cas de crimes et délits à caractère racial et haineux qui constituent environ 0,5% des crimes et délits enregistrés, a poursuivi la délégation. Elle a rappelé que la politique suivie par la Canada vise à établir un équilibre entre liberté d'expression et interdiction de l'incitation à la haine. Les tribunaux n'ont aucune difficulté à établir et à pénaliser les délits de discours haineux de portée génocidaire, a fait valoir la délégation. La propagande haineuse sur Internet a également fait l'objet d'une nouvelle législation et les règles douanières en vigueur interdisent l'importation de propagande haineuse dans le pays.

La délégation a ensuite indiqué que le Canada n'est pas en mesure de ratifier la Convention sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille pour un certain nombre de raisons. Au Canada, a-t-elle rappelé, les migrants, au bout d'un certain temps, sont traités de la même manière que les résidents. La délégation a par ailleurs expliqué que le pays n'a pas signé la Convention de 1964 sur la réduction des cas d'apatridie car cela risquerait d'inciter à des abus de la part de personnes voulant s'introduire illégalement au Canada. A l'exception des enfants de diplomates, tous les enfants nés sur le sol canadien sont considérés comme citoyens canadiens dès leur naissance, a rappelé la délégation.

Toute personne souhaitant demander le statut de réfugié peut être entendue avant qu'il ne soit statué sur son cas et elle dispose d'un droit de recours. Le Canada est engagé à apporter une réponse juste à toute demande d'asile, a insisté la délégation.

La délégation a fait observer qu'un nombre croissants de ressortissants de l'Union européenne demandent l'asile au Canada, en particulier des Hongrois encouragés par la presse hongroise qui diffuse des rumeurs alléguant qu'ils pourraient bénéficier de services gratuits au Canada.

La délégation a par ailleurs insisté sur la responsabilité première qui incombe aux États dans lesquels opère une société multinationale s'agissant de l'impact des activités de cette entreprise. Le Canada, pour sa part, a opté pour une stratégie en vertu de laquelle les entreprises sont tenues de gérer les dégâts causés à l'environnement sur les territoires où elles opèrent.

Le multiculturalisme fonctionne au Canada et ne s'apparente en rien à une assimilation ou une acculturation, a souligné la délégation.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du Canada, M. ANWAR KEMAL, a souligné l'importance de disposer de données ventilées, seule lacune du rapport. De telles données, si elles étaient fournies, pourraient immédiatement résoudre un certain nombre d'interrogations des membres du Comité, a-t-il insisté. Il a mis en garde contre l'exclusion d'informations précieuses dont la collecte ultérieure pourrait coûter plus cher. Dans ses observations finales, le Comité ne devrait pas manquer de saluer et d'appuyer les efforts déployés par les autorités canadiennes aux fins de la vérité et de la réconciliation, mais demeurent les problèmes des disparités entre nantis et démunis, des peuples autochtones, des Afro-canadiens et de certaines catégories d'immigrants, a poursuivi M. Kemal. Il a mis en garde contre le risque de voir l'utilisation de l'expression « minorités visibles » occulter les minorités invisibles.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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