Communiqués de presse
Le Comité pour l´Élimination de la discrimination raciale examine le rapport des Maldives
12 août 2011
Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
12 août 2011
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport des Maldives sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport, M. Abdulla Muizzu, Ministre de la justice des Maldives, a reconnu que les progrès enregistrés par le pays en matière de protection des droits de l'homme ne doivent pas masquer le fait que les Maldives continuent d'être confrontées à d'énormes défis alors qu'elles s'efforcent d'assurer la pleine jouissance, dans la pratique, des droits de l'homme. Au nombre des entraves à cet égard figurent la fragilité du tissu démocratique et la jeunesse des institutions démocratiques; le fondamentalisme religieux; la taux élevé de toxicomanie; la vulnérabilité du pays aux menaces environnementales; et, tout récemment, le trafic d'êtres humains. Si les gouvernements précédents ont adopté une position niant l'existence de discrimination raciale dans le pays, le Ministre a indiqué que les autorités actuelles reconnaissent que la croissance significative du nombre de travailleurs migrants ces dernières années transforme progressivement la société maldivienne en une communauté diverse. Aussi, des mesures législatives et autres mesures d'action affirmative sont-elles maintenant nécessaires pour prévenir toute forme de discrimination raciale, a dit M. Muizzu, qui a reconnu que les Maldives ne disposent pas, actuellement, d'une loi antidiscrimination, dont la rédaction a toutefois été planifiée pour 2012. La législation des Maldives n'aborde pas la liberté de religion, même si, dans la pratique, les étrangers ont tout loisir, en privé, de pratiquer toute autre religion que l'islam, a-t-il par ailleurs souligné.
La délégation maldivienne était également composée du Ministre des ressources humaines, de la jeunesse et des sports, M. Hassan Latheef, et de membres de la Mission permanente des Maldives auprès des Nations Unies à Genève, dont la Représentante permanente, Mme Iruthisham Adam. Elle a répondu aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant, en particulier, de l'absence dans le pays de loi antidiscrimination et des mesures pour combattre la discrimination, notamment à l'égard des non-musulmans; de la liberté de religion dans une société qui se perçoit comme musulmane; de la situation des migrants et de la prévention de la discrimination à leur égard; de la baisse de la scolarisation des filles au niveau du secondaire.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Maldives, M. Huang Yong'an, a souligné en fin de séance que les membres du Comité ont relevé les progrès enregistrés ces dernières années en matière de droits de l'homme. Dans son intervention sur le rapport maldivien, M. Huang a toutefois insisté sur la nécessité, pour les Maldives, d'adopter davantage de mesures législatives afin d'apporter les garanties adéquates pour protéger comme il se doit les droits des travailleurs migrants étrangers, lesquels constituent près de la moitié de la main-d'œuvre du pays. Il a en outre fait observer que certaines dispositions législatives constituent une discrimination de facto contre les non-musulmans, prévoyant notamment qu'un non-musulman ne peut pas devenir citoyen des Maldives. M. Huang a également attiré l'attention sur l'hostilité et les mauvais traitements dont sont victimes les travailleurs migrants en provenance des pays voisins des Maldives et a insisté sur la nécessité pour le pays de se doter d'une législation sur l'interdiction de l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse.
Le Comité adoptera, à huis clos, ses observations finales sur le rapport des Maldives, qui seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.
Le Comité entamera l'examen du rapport du Kenya (CERD/C/KEN/1-4) lundi après-midi à 15 heures, après avoir auditionné, en matinée, des organisations non gouvernementales qui témoigneront de la situation, s'agissant de la mise en œuvre de la Convention, dans les pays qui présenteront des rapports la semaine prochaine.
Présentation du rapport des Maldives
M. ABDULLA MUIZZU, Ministre de la justice de la République des Maldives, a indiqué que les Maldives appliquent depuis trois ans une nouvelle Constitution et qu'après trente années de dictature, le pays a connu un transfert pacifique et en douceur du pouvoir en faveur du premier Président démocratiquement élu du pays. Les Maldives ont connu, ces dernières années, une transformation démocratique sans précédent, a-t-il insisté, faisant notamment valoir que son pays est aujourd'hui membre du Conseil des droits de l'homme et est partie à presque tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et à la plupart de leurs protocoles additionnels. M. Muizzu a toutefois reconnu que les progrès enregistrés par le pays en matière de protection des droits de l'homme ne doivent pas masquer le fait que les Maldives continuent d'être confrontées à d'énormes défis alors qu'elles s'efforcent d'assurer la pleine jouissance, dans la pratique, de tous les droits désormais protégés par la loi. Au nombre des facteurs qui ralentissent la mise en œuvre, sur le terrain, de certaines de ces libertés, figurent la fragilité du tissu démocratique et la jeunesse des institutions démocratiques; le fondamentalisme religieux; le taux élevé de toxicomanie; la vulnérabilité du pays aux menaces environnementales; et, tout récemment, le trafic d'êtres humains.
Par le passé, la position du Gouvernement consistait à nier l'existence de discrimination raciale dans le pays en arguant que les Maldives avaient une petite population homogène, ayant la même origine, pratiquant la même religion (l'islam) et parlant la même langue (le dhivehi), a déclaré M. Muizzu. Aujourd'hui, le Gouvernement reconnaît que la croissance significative du nombre de travailleurs migrants ces dernières années transforme progressivement la société maldivienne en une communauté diverse nouant des liens interculturels croissants. Aussi, des mesures législatives et autres mesures d'action affirmative sont-elles maintenant nécessaires pour prévenir toute forme de discrimination raciale susceptible de se produire, a déclaré M. Muizzu, qui a fait valoir que certaines mesures positives ont été prises. La Constitution des Maldives garantit que toutes les personnes jouissent des mêmes droits et libertés et énonce les principes d'égalité et de non-discrimination, a notamment indiqué le Ministre, soulignant par ailleurs que l'article 17 de la Constitution interdit expressément le racisme. Au niveau législatif, les Maldives ne disposent pas, actuellement, d'une loi antidiscrimination, a reconnu M. Muizzu, qui a toutefois précisé que la rédaction d'un projet de loi a été planifiée pour 2012. Il a aussi fait valoir que la Loi sur l'emploi de 2008 n'établit aucune distinction entre locaux et étrangers. Ainsi, la discrimination est-elle expressément interdite aux Maldives dans toute une série de domaines, notamment dans l'emploi, l'éducation, le logement et la fourniture de biens et de services, a insisté M. Muizzu.
Un projet de loi sur l'éducation se trouve actuellement devant le Parlement, a poursuivi le Ministre de la justice, qui a souligné que le droit à l'éducation est garanti par la Constitution. Il a aussi attiré l'attention sur la politique menée par le Gouvernement pour veiller à l'application de l'obligation scolaire au niveau du primaire. Les Maldives s'orientent désormais vers la réalisation de l'accès universel à l'éducation secondaire, a-t-il ajouté. En dépit des succès enregistrés en matière d'éducation, le pays doit encore relever le défi de fournir une éducation de qualité dans le contexte de l'isolement géographique de la plupart des îles habitées de l'archipel. M. Muizzu a par ailleurs indiqué que les élèves non-maldiviens sont scolarisés et suivent les mêmes programmes scolaires que les autres élèves – à l'exception des sujets enseignés dans la langue du pays, le dhivehi.
La Commission nationale des droits de l'homme des Maldives est l'une des institutions nationales de droits de l'homme les plus actives d'Asie, a poursuivi M. Muizzu. Elle est pleinement conforme aux Principes de Paris, à une exception près qui concerne la règle selon laquelle les membres de cette Commission doivent être musulmans, a-t-il déclaré.
La législation des Maldives ne prévoit pas la liberté de religion, même si, dans la pratique, les étrangers ont tout loisir, en privé, de pratiquer toute autre religion que l'islam, a par ailleurs indiqué M. Muizzu. Le Ministre a ajouté que le public soutient fermement le fait que les Maldives soient, et doivent rester, un pays à 100% musulman. Aussi, la pratique en public d'une autre foi que la foi musulmane, la construction de lieux de culte d'autres religions ou l'importation d'images religieuses sont-elles interdites par la loi. Il n'en demeure pas moins que l'importation de littérature religieuse est autorisée à des fins d'usage personnel et que les résidents étrangers non musulmans peuvent pratiquer en privé d'autres religions que l'islam, a insisté M. Muizzu.
S'agissant de la situation des non-ressortissants, M. Muizzu a indiqué que de nombreux travailleurs migrants, attirés par des salaires plus élevés que dans leurs pays d'origine, se rendent aux Maldives, en provenance d'Inde, de Sri Lanka, du Bangladesh et d'autres pays du Sud et du Sud-Est asiatique. Ces travailleurs migrants contribuent largement à l'économie du pays. Dans un souci de contrôler et de traiter la situation en matière de séjours illégaux dans le pays, le Gouvernement a décrété en 2009 un moratoire de huit semaines sur les travailleurs étrangers, a indiqué le Ministre, avant de préciser que cette décision avait été précédée de la mise en œuvre d'un programme d'enregistrement des travailleurs expatriés qui avait permis à un grand nombre de travailleurs migrants non enregistrés à se faire enregistrer auprès des autorités.
M. Muizzu a indiqué que le Gouvernement des Maldives s'efforce actuellement d'achever toutes les formalités nationales requises en vue d'accéder à la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Gouvernement a en outre engagé le processus visant la ratification des conventions fondamentales de l'OIT qui ont été soumises au Parlement en avril dernier, a-t-il ajouté. En outre, afin d'appliquer une politique migratoire plus harmonisée et de créer une capacité nationale de lutte contre le trafic de personnes, le Gouvernement maldivien vient juste de signer, ce mois-ci, un accord de coopération avec l'Organisation internationale pour les migrations, dont la République des Maldives deviendra membre de plein droit au mois de décembre prochain.
Pour ce qui est des droits des détenus et des conditions carcérales, M. Muizzu a souligné que les Maldives, qui ont une longue et tragique histoire de torture, ont été parmi les 20 premiers pays – et en tout cas le premier pays asiatique – à accéder au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture; le pays est également le premier à établir un mécanisme national de prévention de la torture et l'un des premiers à recevoir le Sous-Comité pour la prévention de la torture. Ce qui est plus important encore, c'est que ces efforts se sont traduits par de réels progrès sur le terrain. Il n'y a pas de discrimination systématique contre les étrangers dans les prisons maldiviennes, a en outre assuré M. Muizzu.
Si la présence de la population expatriée a aidé les Maldives à progresser sur le plan économique, elle a également lancé de défis, tant pour les locaux que pour les expatriés eux-mêmes, a poursuivi le Ministre. Ainsi, les Maldives sont-elles en train de devenir une destination de plus en plus fréquente pour le trafic de personnes. Bien que les Maldives ne disposent pas d'une loi interdisant le trafic d'êtres humains et qu'aucune étude officielle n'ait été menée sur la question, le Gouvernement a récemment engagé, face à la gravité de cette question, une politique ferme visant à empêcher que le pays ne devienne un havre pour les trafiquants. Un plan d'action contre la traite a été conclu en février et un projet de loi de lutte contre la traite est en cours de rédaction et doit être soumis au Parlement cette année, a précisé M. Muizzu.
Le rapport des Maldives (CERD/C/MDV/5-12) indique notamment que le Gouvernement des Maldives n'a pas reconnu la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles conformément à l'article 14 de la Convention. Il rappelle en outre que lors du dialogue constructif tenu précédemment avec le Comité, le Gouvernement avait nié l'existence de la discrimination raciale dans le pays, étant donné que les Maldives «ont une population restreinte homogène […] et que les habitants sont de la même origine, pratiquent la même religion (l'islam) et parlent la même langue (le dhivehi)». Le Gouvernement estime toutefois que l'augmentation considérable, ces dernières années, du nombre de migrants rend nécessaire l'adoption de mesures législatives. C'est pourquoi les Maldives sont devenues membre de l'Organisation internationale du Travail (OIT) en mai 2009 et le Gouvernement collabore avec l'OIT pour combler les lacunes législatives existantes. Parallèlement, la Constitution consacre les principes de non-discrimination et d'égalité pour tous dans le cadre de sa juridiction et la loi relative à l'emploi de 2008 reconnaît que les travailleurs migrants sont un groupe vulnérable. Cette loi stipule également qu'une relation de travail équilibrée fondée sur un accord écrit est une condition préalable à l'emploi.
Le droit interne des Maldives ne définit pas la discrimination raciale. Néanmoins, la Constitution de 2008 stipule que chacun peut jouir des droits et des libertés énoncés dans le présent chapitre sans discrimination aucune fondée sur la race, l'origine ethnique, la couleur, le sexe, l'âge, le handicap mental ou physique, l'opinion politique ou toute autre opinion, la fortune, la naissance ou toute autre situation, ou l'île d'origine. En outre, l'assistance ou la protection spéciale accordée aux individus ou groupes défavorisés, ou aux groupes qui ont besoin d'une assistance sociale particulière, telle que définie par la loi, ne doit pas être réputée discriminatoire. Par ailleurs, poursuit le rapport, le Gouvernement se félicite de noter l'absence d'incitations à la discrimination raciale ou d'actes de discrimination raciale. Les motifs raciaux ne sont pas considérés comme une circonstance aggravante en vertu du droit pénal interne. En l'absence de préjugés débouchant sur la discrimination raciale aux Maldives, le Gouvernement n'a pris aucune mesure particulière, dans les domaines de l'éducation et de l'enseignement et sur le plan de la culture et de l'information, afin de faire face à la discrimination raciale.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. HUANG YONG'AN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Maldives, a rappelé qu'en 1999, le précédent rapport des Maldives avait été examiné en l'absence de tout représentant de cet État. Le présent rapport, qui contient les 5ème à 12ème rapports périodiques des Maldives, est très bref, puisqu'il ne fait que trois pages, a-t-il par ailleurs relevé, ajoutant que le 12ème rapport périodique était dû en 1993.
M. Huang a souligné que les Maldives sont un petit état insulaire composé de plus de 1200 îles (essentiellement des atolls) dont seules 192 sont habitées. Le tourisme et la pêche sont les secteurs clefs de ce petit état insulaire particulièrement vulnérable aux changements climatiques et qui est une victime récurrente de catastrophes naturelles du fait que 80% de ses terres se situent à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer, a également souligné le Rapporteur.
M. Huang a insisté sur la nécessité, pour les Maldives, d'adopter davantage de mesures législatives – notamment en accédant à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et aux conventions pertinentes de l'Organisation internationale du Travail – afin d'apporter les garanties législatives adéquates pour protéger comme il se doit les droits des travailleurs migrants étrangers, lesquels constituent près de la moitié de la main-d'œuvre du pays et ont apporté de grandes contributions au développement économique et social des Maldives. Le Rapporteur a par ailleurs relevé que les Maldives ne se sont toujours pas dotées d'une législation antidiscriminatoire. Aussi, a-t-il demandé au pays de prendre des mesures pour revoir sa législation à cette fin ou adopter une loi antidiscrimination qui soit conforme à la Convention.
Afin de réaliser le droit à l'éducation pour tous les Maldiviens, la formulation d'une loi sur l'éducation s'avère nécessaire, de manière à prévenir toute discrimination dans l'éducation, a poursuivi M. Huang. Il a en outre fait observer que dans la Constitution de 2008 et dans d'autres textes de lois, certaines dispositions constituent une discrimination de facto contre les non-musulmans: par exemple, un non-musulman ne peut pas devenir citoyen des Maldives. Même les membres de la Commission nationale des droits de l'homme des Maldives doivent être musulmans, selon les dispositions de la loi portant création de ladite Commission. Aussi, M. Huang a-t-il demandé aux Maldives d'envisager d'amender les dispositions concernées afin de permettre aux non-musulmans d'acquérir la citoyenneté maldivienne. Il s'est en outre enquis des efforts entrepris par les autorités maldiviennes pour protéger les droits économiques, sociaux et culturels des travailleurs migrants et prévenir la discrimination à leur encontre. M. Huang a également demandé que lui soient fournies des informations mises à jour sur les allégations de discrimination à l'encontre de ressortissants étrangers dans les prisons ou en garde à vue. Il s'est aussi enquis des mesures envisagées pour lutter contre la traite de personnes, en particulier la traite de non-ressortissants, qui affecte largement les femmes et les enfants.
Attirant l'attention sur l'hostilité et les mauvais traitements dont sont victimes les travailleurs migrants en provenance des pays voisins des Maldives, M. Huang a par ailleurs insisté sur la nécessité pour le pays de se doter d'une législation sur l'interdiction de l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse.
Enfin, M. Huang a souhaité en savoir davantage sur la composition de la population des Maldives, statistiques à l'appui.
À l'instar de M. Huang, plusieurs membres du Comité ont relevé que le rapport présenté par les Maldives est particulièrement court. L'un d'entre eux a estimé que le Comité «n'aurait même pas dû accepter ce papier» comme étant un rapport périodique. Un autre expert a au contraire estimé qu'il ne faudrait par trop critiquer les Maldives pour le fait que ce rapport soit si court, car les petits pays ne doivent pas être découragés d'engager le dialogue avec le Comité, un petit rapport valant toujours mieux qu'aucun rapport et aucun dialogue.
Les Maldives comptent, sur une population totale de 300 000 habitants, environ 70 000 migrants formant un cinquième de la population totale et plus de la moitié de la population active du pays, a souligné un expert; aussi, toute l'attention doit-elle se concentrer sur le statut juridique de cette catégorie de la population. Plusieurs experts ont en outre relevé que les Maldives ne sont toujours pas partie à la Convention de 1951 sur le statut de réfugié. Un expert a en outre souhaité en savoir davantage au sujet des relations entre la population locale et les migrants.
Un expert s'est enquis des mesures concrètes prises ou prévues en matière de lutte contre la traite de personnes.
Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet du contenu du projet de loi contre les discriminations, qui devrait être adopté l'an prochain et dont il est dit qu'il est préparé en conformité avec les exigences de la Convention.
La Commission nationale des droits de l'homme n'est pas pleinement conforme aux Principes de Paris, en particulier du fait que la loi portant création de cette institution réserve aux seuls musulmans le droit d'en être membres, a poursuivi un expert, avant de demander si le Gouvernement maldivien envisageait de modifier cette loi sur ce dernier point.
Il s'est en outre enquis des mesures envisagées pour éliminer les dispositions discriminatoires qui subsistent dans la Constitution et dans d'autres lois, notamment celles qui excluent les non-musulmans de l'accès à la citoyenneté et aux fonctions publiques.
Un expert s'est enquis des causes de la baisse du taux de scolarisation chez les filles, en particulier dans le secondaire.
Dans le cadre d'une nouvelle série de questions, un expert a estimé que les Maldives progressent et s'est félicité du présent dialogue entre le pays et les membres du Comité. Le pays a réalisé des progrès tant en matière législative qu'en matière de gouvernance et il faudrait profiter de cette évolution pour amener le public, quelque peu conservateur, à accepter une évolution encore plus poussée, a estimé l'expert. Il faut maintenant mettre l'accent sur la législation, en particulier pour ce qui a trait à la discrimination raciale et à la traite de personnes, a-t-il affirmé.
Un expert déploré l'absence de loi garantissant la liberté de religion. Certains experts ont en outre souhaité savoir si la charia était applicable aux Maldives. Ils ont aussi voulu savoir si des peines prévues par la charia ont été intégrées au droit pénal et si elles peuvent être appliquées aux étrangers et aux non-musulmans.
Relevant l'existence de tendances islamistes extrémistes aux Maldives, un membre du Comité a rappelé que la charia n'établit en tant que telle aucune discrimination; elle recommande l'égalité entre tous ceux qui appartiennent à l'islam. Il faudrait parvenir à imposer le principe de tolérance pour faire face à cette tendance islamiste extrémiste qui se développe aujourd'hui.
Un autre expert a en outre voulu savoir sous quelle forme se manifestait l'extrémisme religieux et si son influence s'étendait à une partie importante de la population. Il a aussi voulu savoir si cet extrémisme se manifestait par une attitude xénophobe à l'encontre des immigrants qui ne sont pas musulmans.
Réponses de la délégation
La délégation a notamment souligné qu'en tant que petit pays insulaire, les Maldives sont soumises à des contraintes et doivent s'en remettre à l'assistance internationale pour la préparation des rapports dus au titre des conventions internationales. Ainsi, le présent rapport des Maldives a été élaboré avec l'aide du Haut-Commissariat aux droits de l'homme à un moment où ce dernier était alors dirigé par Mme Louise Arbour, a précisé la délégation. Afin de faciliter la tâche des États parties appelées à présenter des rapports devant le Comité, la délégation a suggéré qu'à l'avenir soit préparée une liste de questions qui serait soumise à l'État avant la présentation de son rapport.
S'agissant du cadre général d'application de la Convention, la délégation a rappelé que les Maldives ont réalisé de nombreux progrès en matière de droits de l'homme ces dernières années et sont devenues un membre respecté et actif du Conseil des droits de l'homme. Ont notamment été éradiquées la torture, les détentions arbitraires et les exécutions extrajudiciaires, alors qu'une nouvelle Constitution a été élaborée dans laquelle la protection des droits de l'homme est centrale, a ajouté la délégation. Les Maldives ont ratifié la quasi-totalité des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, a par ailleurs fait valoir la délégation. Elle a par la suite assuré le Comité que les Maldives entendaient tirer pleinement parti des commentaires des membres du Comité pour rendre leur législation encore plus conforme au droit international.
La délégation a souligné que la Commission nationale des droits de l'homme est un organe statutaire doté de son propre mandat. Les membres de cette Commission ne sont pas nommés par le Président selon son bon vouloir; le Président propose des noms au Parlement auquel il appartient d'interviewer les candidats et de voter sur la nomination de chacun d'entre eux, avant que le Président n'entérine toutes les nominations. Des plaintes individuelles peuvent être déposées auprès de cette Commission, a par ailleurs indiqué la délégation.
Répondant aux questions des experts portant sur la liberté de religion et la discrimination fondée sur l'appartenance religieuse, la délégation a indiqué que les Maldives n'ont pas l'intention de retirer la réserve qu'elles ont émises à l'égard de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'idée selon laquelle les Maldives ont toujours été et tiennent à rester un pays à 100% musulman est fortement implantée dans la société, a-t-elle ajouté.
En réponse à la question d'une experte, la délégation a indiqué que le pays compte un grand nombre de citoyens maldiviens ayant épousé des étrangers d'autres confessions que la musulmane. En outre, aucun citoyen ne peut être privé de sa citoyenneté, pour quelque motif que ce soit, a assuré la délégation, rejetant l'allégation selon laquelle cela serait possible pour les citoyens qui cesseraient d'être musulmans.
Les restrictions qui ont été mentionnées par certains membres du Comité s'agissant des questions de religion existent bel et bien dans la loi, a reconnu la délégation, qui a toutefois affirmé que les musulmans et les non-musulmans cohabitent harmonieusement aux Maldives, a insisté la délégation.
Quant au fait que les postes dans la fonction publique soient réservés aux musulmans, la délégation a expliqué que la religion est intrinsèquement liée à tous les aspects de la vie des Maldiviens et que l'intention n'est absolument pas d'exercer un quelconque préjudice ou une quelconque discrimination à l'encontre de quiconque.
Le Gouvernement des Maldives est attaché à la tolérance à l'égard de toutes les fois et confessions, y compris dans le cadre de l'islam, a déclaré la délégation. C'est la première fois pour les Maldives que se tient une discussion libre sur ces questions, a-t-elle ajouté, assurant le Comité qu'elle transmettrait aux autorités les commentaires qui ont été faits en la matière par les experts. Les Maldives sont un État musulman modéré, a déclaré la délégation. «L'hospitalité, c'est notre industrie», a-t-elle ajouté, rappelant le poids du tourisme dans la vie du pays. De ce fait, la tolérance vis-à-vis de tout le monde est essentielle pour les Maldiviens, a insisté la délégation.
Un membre du Comité aillant demandé quelle était la position des Maldives s'agissant de l'état d'Israël, la délégation a indiquée que, bien que le pays ait toujours pris fait et cause pour les Palestiniens, les Maldives entretiennent des relations tant avec Israël qu'avec la Palestine.
La Constitution garantit la non-discrimination et l'égalité pour tous les citoyens se trouvant sur le territoire des Maldives, a rappelé la délégation. Le défi que doit relever le pays, pour le moment, est celui d'une loi antidiscrimination qui, pour l'heure, n'existe pas, a-t-elle indiqué, rappelant qu'il est prévu pour l'an prochain que soit rédigé un projet de loi en la matière.
Pour ce qui est de la situation des migrants, la délégation a relevé que ces deux dernières années, les informations faisant état de mauvais traitements à l'encontre des travailleurs migrants de la part de leurs employeurs se sont multipliées. Il est vrai également que le Gouvernement ne s'est saisi à bras le corps de cette question qu'il y a une année seulement. La délégation a ajouté que des milliers de travailleurs illégaux sont désormais enregistrés. En outre, les autorités viennent tout juste d'engager le combat contre le trafic de personnes et la législation en la matière – qui est en cours d'élaboration avec l'aide du Gouvernement australien – sera finalisée cette année.
Les Maldives comptent environ 100 000 expatriés travaillant dans le pays pour une population totale de 300 000 habitants, a rappelé la délégation. Tous les travailleurs étrangers bénéficient des droits fondamentaux énoncés dans la Constitution, a-t-elle souligné. Les travailleurs étrangers bénéficient même parfois d'une protection supérieure à celle dont peuvent jouir les Maldiviens. Ainsi, tout employeur doit-il garantir le logement et la nourriture pour les travailleurs étrangers qu'il recrute, alors qu'il n'a pas d'obligation semblable à l'égard des citoyens maldiviens qu'il emploie.
Interrogée sur la raison de la baisse du taux de scolarisation des filles au niveau du secondaire, la délégation a indiqué que le taux d'alphabétisation dépasse aujourd'hui les 98% dans le pays et, selon des données datant de 2006, ce taux est plus élevé pour les filles que pour les garçons dans la tranche d'âges des 15-24 ans. La plupart des écoles aux Maldives sont gérées et financées par l'État et l'accès à l'éducation primaire et secondaire est universel et gratuit. Un certain nombre de raisons peuvent expliquer la baisse du taux de scolarisation des filles, a-t-elle poursuivi. Ainsi, les filles cessent parfois d'aller à l'école après le septième grade de scolarité du fait que leurs parents ne leur permettent pas de quitter leur île pour se rendre dans une île disposant de structures d'enseignement secondaire, en raison notamment de difficultés en matière de logement. La délégation a précisé que des subventions permettent pourtant de faire face à ces situations. Un autre facteur important qui contribue à la baisse du taux de scolarisation des filles est l'influence des points de vue radicaux et extrémistes dans la société, a reconnu la délégation. Il existe une tendance, dans l'esprit des parents, à penser que la vie scolaire d'une fille s'arrête à la fin de l'enseignement primaire; aussi, le Gouvernement, en coopération avec des organisations non gouvernementales, mène des campagnes de sensibilisation afin de changer les comportements dans ce domaine.
Observations préliminaires
M. HUANG YONG'AN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Maldives, a salué le dialogue libre, franc et constructif qui s'est noué autour de l'examen du rapport maldivien. La relation entre le Comité et les Maldives n'est pas du tout une relation de confrontation mais bien une relation de coopération, a-t-il souligné. Il s'est dit persuadé que le Comité peut aider les Maldives à analyser les causes des problèmes auxquels elles sont confrontées, ce qui pourra aider le pays à y apporter des solutions. L'objectif du Comité est l'amélioration des droits de l'homme du peuple maldivien, a rappelé M. Huang. À cet égard, le pays peut bénéficier de l'assistance internationale, notamment sur le plan juridique. Les progrès enregistrés ces dernières années en matière de droits de l'homme ont été relevés par les membres du Comité, a ajouté le rapporteur.
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