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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la Torture entend les réponses de la Finlande

19 Mai 2011

Comité contre la torture
APRÈS-MIDI

19 mai 2011

Le Comité contre la torture a entendu cet après-midi les réponses de la délégation de la Finlande aux questions posées hier matin par les experts.

La délégation finlandaise, qui était dirigée par M. Arto Kosonen, Directeur au Ministère finlandais des affaires étrangères, a expliqué que la formation du personnel de police et des gardes frontières était dispensée sur la base de la Convention contre la torture et de la Convention européenne des droits de l'homme. Les membres des forces de l'ordre reçoivent en outre une formation de base pour leur permettre d'identifier les cas de torture. La délégation a ajouté que deux institutions proposent des soins spécialisés aux personnes ayant subi la torture. Un projet d'une durée trois ans a aussi débuté en 2010 dans le cadre du Centre pour les survivants de la torture, qui offre des services thérapeutiques aux réfugiés gravement traumatisés par ce qu'ils ont vécu. La délégation a aussi fourni des compléments d'information en réponse notamment à des questions sur les conditions de détention.

Les membres du Comité ont déploré pour leur part que la Convention ne s'applique pas directement dans un pays comme la Finlande, par ailleurs modèle en matière de droits de l'homme. Pour être juridiquement contraignants, les traités internationaux doivent en effet être transposés dans la législation locale. Ils se sont d’autre part inquiétés de l'incarcération de mineurs avec des adultes. Une experte a rappelé que les personnes en détention provisoire devaient absolument être incarcérées en prison en non pas dans les cellules des postes de police utilisées pour les gardes à vue.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de la Finlande, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 3 juin prochain.

Demain matin, le Comité entamera l'examen du rapport de Monaco (CAT/C/MCO/4-5). Il entendra dans l'après-midi les réponses de la Finlande aux questions posées ce matin.

 

Suite de l'examen du rapport de la Finlande

Réponses de la délégation finlandaise

La délégation finlandaise a notamment précisé que les traités internationaux n'étaient pas juridiquement contraignants s'ils ne faisaient pas l'objet d'une loi ou d'un décret spécifiques en Finlande. La Cour européenne des droits de l'homme est une source d'interprétation pour tous ces instruments. Une loi a été promulguée en 2009 afin d'ériger la torture en crime. Ce délit est bien plus grave que celui d'agression et est passible de sanctions des plus sévères à l'exception de la prison à vie. Il s'agit aussi d'une circonstance aggravante pour toute agression, en cas de viol en particulier.

À la question posée par le Comité sur la différence existant entre la définition de la torture dans la Convention et la criminalisation de la torture dans la législation finlandaise, la délégation a expliqué que la disposition spécifique sur la torture adoptée en 2009 visait à couvrir pleinement le contenu et la définition de l'article 1 de la Convention. Cette disposition est cohérente avec la définition de la Convention, a estimé la délégation, qui a précisé que l'article concerné se trouve dans le code criminel au chapitre consacré aux crimes contre l'humanité. Sa portée est plus étendue que celle concernant l'agression avec circonstances aggravantes en matière des peines encourues. Ce sont même les plus sévères en dehors de la prison à vie.

Pour ce qui concerne les conditions de détention dans les prisons, d'après les statistiques, le nombre de situations de violence entre détenus est en diminution. Cela ne signifie toutefois pas que la situation soit parfaite et que des mesures supplémentaires à long terme ne devront pas être prises. Quant à la rénovation des installations, elle est estimée à 210 millions d'euros pour les quatre prisons du pays, ce qui constitue une somme importante, a-t-il été observé. Quant à l'application d'entraves, la délégation a expliqué que les prisonniers peuvent être menottés avec des instruments en plastique lors des transferts et uniquement si cela se révèle absolument nécessaire. La délégation a par ailleurs assuré que le placement à l'isolement de certains détenus roms auxquels il a été fait allusion relève de la loi pertinente en la matière, et résulte du comportement du prisonnier. Les personnes en détention provisoire sont détenues séparément des personnes condamnées. Le Médiateur parlementaire peut réaliser des visites dans les prisons sans nécessairement s'entretenir avec les prisonniers.

La durée de détention, tout en devant être proportionnelle à la gravité du délit, est plutôt plus courte en Finlande que dans les autres pays scandinaves, pour ce qui concerne les viols par exemple, même s'il n'existe pas en fait de disparités très importantes à cet égard.

S'agissant des détenus étrangers, à la date du 1er mai dernier, il y avait 230 étrangers condamnés et 206 en détention provisoire. La majorité d'entre eux, condamnés pour des délits mineurs souvent liés au trafic de drogue, sont originaires d'Estonie, de Russie et de Somalie.

La délégation a fourni des informations complémentaires sur les conditions de la garde à vue, précisant notamment que la prévenu devait être informé de la possibilité de faire appel à un avocat.

La formation du personnel de police et des gardes frontières est dispensée sur les questions relatives aux droits de l'homme fondamentaux. Tous les personnels sont formés à l'interdiction de la torture et des mauvais traitements, ainsi qu'au recours excessif à la force lorsque l'usage de la force est nécessaire. La Convention contre la torture ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme constituent les éléments clés de cette formation. Une formation médicale élémentaire est également dispensée pour l'identification des cas de torture, ainsi que les éléments du Protocole d'Istanbul qui permettent de déceler des traces de torture chez une victime éventuelle.

À l'heure actuelle, deux institutions fournissent des soins pour les victimes de la torture, à Helsinki et à Oulu. Elles proposent des soins spécialisés afin de constater, de traiter et de réhabiliter les réfugiés et les demandeurs d'asile, ainsi que les membres de leur famille, pour ceux résidant en Finlande. Il existe aussi un projet de trois ans qui a débuté en 2010 dans le cadre du Centre pour les survivants de la torture offrant des services thérapeutiques aux réfugiés gravement traumatisés par ce qu'ils ont vécu et en faveur des enfants et adolescents demandeurs d'asile.

Il n'existe pas de tribunaux pour mineurs en Finlande, a précisé la délégation.

S'agissant du ressortissant rwandais accusé de génocide mentionné par des membres du Comité, la délégation a indiqué que la Finlande avait refusé de l'extrader par manque de garanties qu'il ferait l'objet d'un procès équitable dans son pays. Le procès est en cours en Finlande et l'on s'attend à ce que le verdict soir prononcé au début de l'an prochain.

Quant aux décisions de renvoi des demandeurs d'asile, une décision définitive doit avoir été rendue pour que le renvoi soit exécutoire. En cas de risque de mutilation génitale féminine, il est possible d'obtenir l'asile dans le pays. En vertu de l'amendement à la loi sur les étrangers adoptée en avril dernier, la durée de détention en attendant de se prononcer sur le droit d'asile ne peut excéder six mois, durée multipliée par deux si la personne ne collabore pas avec les autorités ou si un État tiers ne fournit les documents nécessaires. Le nombre d'étrangers détenus par la police en vertu de la loi sur les étrangers a été divisé par deux cette année, en comparaison des deux années précédentes. Cela s'explique par le fait qu'en 2009 la Finlande a accueilli un nombre exceptionnellement important d'étrangers en quête de protection internationale, ce qui s'est reflété en 2010.

Le Centre des droits de l'homme relève du Médiateur, qui nomme son directeur, a précisé la délégation en réponse à des questions des experts en ce qui concerne l'indépendance de cette instance.

La délégation a assuré que l'indépendance des magistrats est garantie. La possibilité pour les autorités d'imposer des sanctions existe néanmoins en cas d'inertie d'un juge, comme cela s'est produit lors d'une récente affaire. Quant à la durée excessive des procédures, des cas litigieux se sont présentés après 2000 qui peuvent s'expliquer par la crise des années 90 et l'augmentation des crimes de nature économique.

Les hôpitaux psychiatriques font l'objet de visites régulières du Médiateur parlementaire qui se doit de veiller à leur bon fonctionnement en tant que protecteur des droits des citoyens, y compris ceux privés de leur liberté individuelle. Il peut rédiger des doléances, formuler des recommandations et alerter les autorités compétentes quant à d'éventuelles déficiences qu'il aura constatées. Il y a quelques années, une étude avait fait le point sur l'action du Médiateur, dressant un bilan très positif de celle-ci.

En ce qui concerne la violence contre les femmes, elle demeure un problème grave, liée bien souvent aux conditions économiques et sociales. Un plan d'action multisectoriel est prévu sous les auspices d'un comité interministériel. Il s'agira du premier programme national sur ce problème, ciblant en particulier la violence domestique. Toutes les parties prenantes seront impliquées, travailleurs sociaux et organisations non gouvernementales. Cette action sera axée sur la recherche d'un changement de comportement, ainsi que sur le secours aux victimes, en allant à la recherche des groupes les plus vulnérables, y compris les personnes handicapées et les membres de minorités sexuelles. Il est prévu de mieux former les professionnels dans le cadre de ce plan d'action et de leur donner de meilleurs moyens. Les foyers sont aussi pris en compte dans ce plan en tâchant de faire le maximum pour y améliorer les conditions de vie et d'accueil.

Les mutilations génitales sont interdites en Finlandes, y compris lorsque la personne a été envoyée à l'étranger pour les subir, la peine encourue pour l'auteur allant de un à dix ans de prison. Un plan d'action d'urgence a été décidé en collaboration avec différentes organisations non gouvernementales.

S'agissant de l'éventuelle ratification de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Finlande garantit les mêmes droits aux migrants qu'à tout individu résidant sur son territoire. Par conséquent, elle n'envisage pas de ratifier cet instrument. En outre, la législation finlandaise n'est pas conforme à la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples tribaux et indigènes, sauf en ce qui concerne les droits fonciers des Sâmes. Le pays est à la recherche d'une solution équilibrée afin de faire en sorte que les Sâmes et les autres peuples puissent coexister dans le respect de leurs culture et traditions. La loi sur l'eau et sur les mines a été récemment amendée afin de protéger les droits des Sâmes.

En ce qui concerne l'île d'Åland, son autonomie est garantie, dans les limites de certaines compétences; au cas où les autorités locales outrepasseraient ces compétences, les autorités nationales peuvent opposer leur veto.

Une politique nationale en faveur des Roms a été approuvée en décembre dernier. Mais compte tenu de la détérioration de la situation de cette population en matière économique et sociale, est apparue la nécessité de mettre sur pied une politique à l'échelle du continent. La Finlande entend jouer un rôle de premier plan sur cette question. Un projet global d'intégration des Roms à l'horizon 2020 est en cours d'élaboration à Bruxelles. Quant à la demande de statistiques sur le nombre de Roms ayant eu affaire avec la justice, celles-ci son inexistantes, la tenue de données ethniques étant interdites par la législation.

En ce qui concerne les mesures antiterroristes prises par les autorités, la délégation a expliqué qu'il n'existe pas non plus de statistiques spécifiques à cet égard, ni de cas identifiés sur le territoire finlandais.

Par ailleurs, les cas de recours en cas d'emprisonnement injustifié sont réglementés par la loi, le trésor versant des indemnités, une fois reconnu le bon droit des victimes.

En ce qui concerne les langues dans lesquelles ont été traduits les documents remis aux personnes victimes de trafic, il s'agit, outre le finnois et le suédois, du thaï, de l'anglais et du russe, a précisé la délégation. Les victimes sont en effet fréquemment de langue maternelle russe ou thaïlandaise. Quant aux demandeurs d'asile, outre le suédois, ces documents sont disponibles en anglais, en français, en russe, en albanais, en arabe, en somali, en sorani (kurde) et en dari. Si nécessaire, ils seront traduits dans d'autres langues.

Questions supplémentaires du Comité

Le Président de séance, M. XUEXIAN WANG, a demandé qui veillait à la bonne mise en œuvre de la Convention dans le pays. Il a par ailleurs exprimé sa perplexité s'agissant d'informations reçues selon lesquelles nombre de privations de liberté ne seraient pas justifiées.

Une experte a souhaité savoir quelles mesures ont été mises en place pour venir en aide aux femmes victimes de violence. Elle s'est par ailleurs demandé pourquoi les interrogatoires ne font pas l'objet d'enregistrement vidéo.

Une autre experte a rappelé que les détenus provisoires devaient absolument être détenus en prison en non pas dans les cellules des postes de police utilisées pour les gardes à vue. Elle s'est inquiétée de la possibilité apparente d'incarcérer des mineurs avec des adultes.

Un autre membre du Comité s'est inquiété que la Convention ne s'applique pas directement dans un pays comme la Finlande, par ailleurs modèle en matière de droits de l'homme.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

La délégation est revenue sur la situation des Sâmes, expliquant que le pays s'était joint à ses voisins suédois et norvégien, ainsi qu'avec les représentants sâmes pour rédiger un projet de convention les concernant. Ce texte, qui reconnaît ce peuple autochtone en tant que tel, pose un cas difficile car il doit être ratifié par trois parlements nationaux, sans parler des trois parlements sâmes. La délégation a dit espérer être en mesure d'annoncer la bonne nouvelle de la ratification lors de la présentation de son prochain rapport.

La délégation a précisé par ailleurs qu'un programme de rénovation des cellules dans les postes de police était engagé afin d'améliorer les conditions de détention provisoire. En ce qui concerne l'absence de possibilité d'enregistrements vidéo, elle s'explique par le manque de ressources disponibles.

Les mineurs de moins de 18 ans représentent une proportion de moins de un pour mille détenus – ils ne sont que quatre à l'heure actuelle. Ils sont incarcérés à proximité du domicile familial. Comme il n'est pas souhaitable que ces mineurs soient de fait placés à l'isolement vu leur très faible nombre, ils peuvent se trouver en contact avec des détenus adultes. Il n'est pas souhaitable non plus qu'aucune activité ne soit proposée aux mineurs.

S'agissant du cas du ressortissant rwandais jugé en Finlande en première instance en 2009-2010, il n'y avait aucune assurance que les personnes en détention au Rwanda puissent bénéficier d'un traitement décent. Un procès équitable n'était pas possible dans ce pays à l'époque, ce qui n'exclut pas que la situation ait pu évoluer depuis.

En conclusion, le chef de la délégation finlandaise, M. ARTO KOSONEN, s'est félicité que la société civile se soit montrée très active en communiquant directement avec le Comité. Il a invité les experts à aussi solliciter les autorités finlandaises pour entendre leur position sur les affirmations des organisations non gouvernementales.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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