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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme ouvre sa journée de débat annuel sur les droits de l'enfant

09 Mars 2011

MATIN

9 mars 2011

Il tient une réunion-débat sur les causes et facteurs qui conduisent les enfants à vivre ou travailler dans la rue

Le Conseil des droits de l'homme a ouvert, ce matin, sa séance annuelle d'une journée consacrée à l'examen des questions relatives aux droits de l'enfant, qui porte cette année sur les droits des enfants travaillant ou vivant dans la rue. Le débat-réunion de ce matin portait sur les causes et facteurs qui amènent les enfants à vivre ou travailler dans la rue.

Dans une déclaration liminaire, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a souligné la nécessité de s'attaquer à la situation des plus de 100 millions d'enfants qui vivent et travaillent dans les rues et pour qui la rue est leur seul univers. Elle s'est dite particulièrement préoccupée par les indications selon lesquelles on constaterait une augmentation du nombre de naissances chez les adolescentes travaillant ou vivant dans la rue, ce qui conduit à l'apparition d'une deuxième génération consécutive d'enfants des rues. La Haut-Commissaire a souligné l'importance, dans ce contexte, de tenir compte de la dimension de genre. Elle a aussi souligné que ces enfants sont particulièrement en butte au harcèlement et aux violences de la police. ; Il faut faire en sorte que l'on n'inflige pas à ces enfants des sanctions qui pénaliseraient leurs comportements de survie tels que la mendicité. Ces enfants ne doivent pas être considérés comme un problème social mais comme des êtres humains pouvant apporter leur contribution à la société et en tant qu'agents du changement.

Les panélistes de la réunion-débat sur les causes et facteurs qui conduisent les enfants à vivre ou travailler dans la rue étaient: des enfants intervenant au nom de PLAN International – Bangladesh et du Mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs; Mme Najat M'jid Maala, Rapporteur spécial sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants; M. Patrick Shanahan, président de la Street Invest; et Paulo Sérgio Pinheiro, Commissaire et Rapporteur sur les droits des enfants à la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

Les enfants qui sont intervenus ont fait état de leur expérience d'enfants des rues, insistant sur le fait que ces enfants doivent pouvoir bénéficier de solutions à long terme qui leur permettent de se réaliser en tant que membres de la société. Ils ont également déploré la démission de l'État face au phénomène des enfants de la rue et le manque de moyens financiers, mais aussi la survivance de certaines pratiques culturelles qui conduisent les enfants dans des situations de vulnérabilité. Les enfants ont demandé aux États de prendre en charge les enfants vivant et travaillant dans les rues en créant des centres d'accueil et d'écoute.

Mme Maalla M'jid s'est inquiétée du développement du phénomène de gangs des rues, qui s'explique par la pauvreté, la précarité, l'exode rural et les conflits armés. Elle a rappelé que certaines familles vivent dans la rue, où leurs enfants naissent. Le contexte institutionnel conforte ces situations dès lors que les pouvoirs publics sont déficients.

Pour M. Shanahan, le fait de grandir dans la rue n'est pas qu'une expérience négative: il constitue, à certains égards, une nouvelle manière de grandir et de vivre au sein de sociétés désintégrées. Dans ce contexte, les États doivent accepter les principes de la participation dans la rue et du droit des enfants de vivre dans la rue, et donner aux éducateurs de rue les moyens de réinventer le développement des enfants des rues.

M. Pinheiro a souligné que les enfants des rues doivent recevoir une protection spéciale contre la violence. L'expert a déploré les traitements brutaux dont ils sont victimes de la part des parents, des enseignants, des policiers et des agents de l'État, violences dont l'État est souvent, par son inaction, le premier auteur.

Au cours du débat, les délégations ont présenté les mesures institutionnelles et pratiques que leurs pays ont prises pour venir en aide aux enfants des rues, notamment en termes de protection et d'accueil. Ont été citées à ce titre les politiques d'allocations pour les familles qui envoient leurs enfants à l'école, l'ouverture de lignes téléphoniques d'urgence ou encore les approches intégrales au profit des jeunes enfants, dans les contextes familial et communautaire. Il a été observé que la Convention relative aux droits de l'enfant est le seul instrument ne disposant pas encore de procédure de plainte et il a été suggéré que soit envisagée dans ce cadre la possibilité de soumettre des plaintes collectives.

Les délégations suivantes se sont exprimées dans le cadre de cette réunion-débat: Union européenne, Uruguay, Belgique, Chili, Espagne, Allemagne, Cuba, Thaïlande, Nigéria (au nom du Groupe africain), Guatemala, Équateur, Sri Lanka, Fédération de Russie, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Pérou, Argentine, Arabie saoudite, Brésil, Indonésie, Chine, Slovénie, Iran, Malaisie, Turquie, Djibouti, Finlande et Bangladesh. Les organisations non gouvernementales suivantes ont aussi participé au débat: Commission parlementaire ukrainienne, ECPAT International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1); Alliance internationale d'aide à l'enfance (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2); Vision Mondiale International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales3); et le Mouvement international ATD Quart Monde (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales4).

Introduction

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a souligné la nécessité de s'attaquer à la situation des quelque 100 millions d'enfants des rues, chiffre qui semble être une estimation basse. Il s'agit d'un problème «d'une grande ampleur». «Des enfants qui travaillent dans la rue, il y en a partout»; et, pour Mme Pillay, c'est une honte qui concerne aussi bien les pays en développement que les nations développées. La rue est leur seul univers, c'est le dénominateur commun de ces enfants. Ces enfants ne se plaignent pas, ils endurent leur condition, a-t-elle ajouté. Mme Pillay s'est dite particulièrement préoccupée par les indications selon lesquelles on constaterait une augmentation du nombre de naissances chez les adolescentes travaillant ou vivant dans la rue, ce qui conduit à l'apparition d'une deuxième génération consécutive d'enfants des rues. La Haut-Commissaire a souligné l'importance, dans ce contexte, de tenir compte de la dimension de genre. Mme Pillay a aussi rappelé les problèmes de santé auxquels ces mineurs sont confrontés de par leurs conditions de vie, à commencer par la menace du VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles.

La Haut-Commissaire a rappelé que l'étude de l'ONU sur la violence contre les enfants avait constitué la première étude globale planétaire consacrée à toutes les formes de violence contre les mineurs, cette étude notant l'impact de la stigmatisation et de la discrimination dont souffrent les enfants des rues. Ils sont particulièrement en butte au harcèlement et aux violences de la police. «Nous devons protéger ces enfants, a-t-elle souligné. Au minimum, nous devons faire en sorte que l'on n'inflige pas aux enfants vivant ou travaillant dans la rue des sanctions qui pénaliseraient les comportements de survie tels que la mendicité, le vagabondage ou l'absentéisme scolaire». Pour la Haut-Commissaire, «les enfants vivant ou travaillant dans les rues ne doivent pas être considérés comme un problème social mais comme des êtres humains ayant un potentiel plein et entier pour apporter leur contribution à la société et en tant qu'agents du changement».

Panel sur les causes et facteurs qui amènent les enfants à vivre ou travailler dans la rue

Exposés

RIAZ et TANIA, deux enfants représentant de PLAN International – Bangladesh, ont fait état de leur expérience d'ex-enfants des rues. Pris en charge par une structure d'accueil spécialisée, ils ont fini par suivre une scolarité et s'intégrer dans la société en assumant des fonctions d'encadrement au profit d'autres jeunes. Riaz et Tania ont insisté sur le fait que les enfants des rues doivent pouvoir bénéficier de solutions à long terme qui leur permettent de se réaliser en tant que membres de la société.

SÉVERINE, du Mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs, a déclaré que la défense des droits des enfants devrait être une priorité pour tous. Malgré les efforts d'un certain nombre d'acteurs, beaucoup d'enfants subissent encore les violations de leurs droits. Ils sont obligés d'aller travailler pour nourrir leurs familles, retirés de l'école et placés dans la rue pour mendier ou être de vendeurs de rue, certains intègrent des groupes de bandits ou prennent de la drogue. Dans ces situations, ils sont poursuivis par les forces de sécurité et parfois emprisonnés. Elle a ensuite déploré que son mouvement soit aujourd'hui obligé de combler le vide laissé par l' État. La démission de l'État, le manque de moyens financiers ou la survivance de certaines pratiques culturelles conduisent les enfants dans les situations de vulnérabilité, a lancé la jeune représentante. «Je trouve que c'est une obligation de l'État de nous protéger et de nous envoyer à l'école pour nous garantir un meilleur avenir». Elle a aussi estimé que c'est la pauvreté qui pousse les parents à envoyer leurs enfants dans les rues. Face à cette situation, on ne peut rester les bras croisés, il faut agir. «Nous souhaitons que les États prennent en charge tous les enfants vivant et travaillant dans les rues en créant des centres d'accueil et d'écoute ainsi que des centres professionnels. Que les gouvernements mettent en œuvre leurs obligations et allouent des budgets en conséquence, a-t-elle conclu.

MME NAJAT MAALLA M'JID, Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a constaté que la frontière n'était pas toujours très nette entre les enfants «des rues» et les enfants «de la rue», la première catégorie conservant un lien plus ou moins ténu avec le milieu d'origine, ce qui leur permet néanmoins d'avoir un toit ou un refuge de manière régulière voire quotidienne, la seconde concernant ceux totalement livrés à eux-mêmes. Elle a souligné la spécificité de la situation des filles vivant dans la rue, comme l'a relevé la Haut-Commissaire.

Ces situations sont dues au fait que les familles ne constituent plus un environnement protecteur, soit par inaptitude, soit par la disparition pure et simple du milieu familial. Mme M'jid s'est inquiétée du développement du phénomène de gangs des rues. Pauvreté, précarité, exode rural, conflits armés expliquent ces phénomènes. Elle a rappelé que certaines familles vivent dans la rue et que leurs enfants y naissent. Le contexte institutionnel conforte ces situations lorsque les pouvoirs publics sont déficients. La prévention du phénomène doit par conséquent prendre en compte des facteurs multiples, a-t-elle relevé. Il faut envisager notamment un contrôle strict des institutions de placement de ces enfants mais aussi des alternatives à leur placement afin de diminuer le risque de fugue. Il faut aussi privilégier la prévention du VIH/sida, de la toxicomanie et d'une manière générale la promotion d'une culture de non violence. «Le travail rue est primordial», a-t-elle conclu en affirmant le rôle essentiel des éducateurs.

M. PATRICK SHANAHAN, Président de l'organisation Street Invest, a remis en question l'approche dirigiste qui prétend imposer aux enfants des rues telle ou telle manière de se comporter pour sortir de leur condition. Les enfants des rues ont des besoins que les observateurs comprennent en réalité mal. Pour les comprendre, il faut s'engager dans la réalité des enfants des rues en tenant compte de leurs intérêts et points de vue. Pour cela, il faut apprendre d'abord à écouter ces enfants, avant de mettre au point des programmes de développement à leur intention. Il faut tenir compte ce faisant que le fait de grandir dans la rue n'est pas qu'une expérience négative: il constitue, à certains égards, une nouvelle manière de grandir et de vivre au sein de sociétés désintégrées. Dans ce contexte, les États doivent accepter le principe de la participation dans la rue, du droit des enfants de vivre dans la rue et de donner les moyens aux éducateurs de rue de réinventer le développement des enfants des rues.

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Commissaire et Rapporteur sur les droits de l'enfant de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a déclaré que la pauvreté avait un effet cumulatif sur les problèmes des enfants, non seulement ces problèmes engendrent des souffrances immédiates mais maintiennent les enfants dans cette situation de pauvreté. Il a en outre estimé que parfois, le domicile est l'endroit le plus dangereux qui soit, comme l'a démontré l'étude du Secrétaire général des Nations Unies sur le sujet. Les enfants des rues doivent recevoir une protection spéciale afin de prévenir les violences à leur endroit; au lieu de cela, ils continuent d'être traités avec brutalité par les parents, les enseignants, les policiers et les agents de l'État. Dans ce contexte, par son inaction, l'État est le premier auteur de ces violences. Dans certains cas aussi, l'action répressive menée systématiquement par l'État constitue une violation des normes internationales. Le Rapporteur spécial a aussi désigné l'impunité comme autre facteur favorisant les violences. Les enseignants qui ont commis des abus sexuels sur les enfants continuent d'enseigner, les policiers qui ont torturé même devant témoins sont toujours en service, les institutions qui ont négligé ou infligé de mauvais traitements continuent de s'occuper des enfants, a dénoncé M. Pinheiro.

Portant son attention sur les solutions possibles, le Rapporteur des Amériques sur les droits de l'enfant a reconnu que depuis les vingt dernières années, les gouvernements avaient commencé à mettre en œuvre des mesures aux fins de protéger les enfants, mais que les ressources manquaient cruellement. Pour mettre fin à la violence contre les enfants, il faut des efforts constants et beaucoup d'attention de la part des plus hautes autorités et du gouvernement. Cela rejoint les recommandations faites aux États, a indiqué M. Pinheiro. Cependant, la volonté des États à mettre en œuvre ces recommandations reste douteuse, a-t-il aussi déclaré. Cinq ans après la publication de l'étude du Secrétaire général, 29 pays seulement ont interdit les châtiments corporels, dont, dans sa région, le Costa Rica, l'Uruguay et le Venezuela. Le Rapporteur a estimé que le meilleur moyen d'empêcher la violence est de la prévenir. Dans ce contexte les États ont des obligations. La Convention relative aux droits de l'enfant «n'est pas un panier de fleurs» ou chacun peut choisir la fleur qui lui plaît. L'interdiction de toute forme de violence, y compris les châtiments corporels est fondamentale car c'est une violation des droits de l'homme, a conclu M. Pinheiro.

Débat

Le débat a porté sur le problème posé par les enfants des rues, perçu comme un phénomène grandissant. Plusieurs délégations se sont adressées directement à Séverine et à Tania, en les assurant que la première responsabilité des États était de faire en sorte que tous les enfants puissent vivre en famille, aller à l'école et au minimum avoir accès aux services essentiels. Un représentant a même demandé leur avis aux deux jeunes filles sur ce qui pouvait être fait pour aider les enfants des rues et faire en sorte que leur nombre n'augmente plus.

Plusieurs délégations se sont inquiétées de l'absence de connaissance de l'ampleur du phénomène, en raison de l'absence de données permettant de disposer de statistiques fiables qui soient exploitables d'un pays à l'autre. Plusieurs intervenants ont constaté que la crise économique avait provoqué une augmentation du nombre d'enfants vivant dans la rue et ont souligné l'importance des mesures de lutte contre la pauvreté. Tous ont en effet convenu avec les experts que, même si les causes du phénomène étaient multiples, la raison principale tenait en deux mots: pauvreté et extrême pauvreté. Le représentant du Groupe africain a aussi énuméré d'autres causes: la désintégration des familles, les conflits armés, les abus et la négligence. Une organisation non gouvernementale a souligné que nombre d'enfants des rues s'étaient retrouvés dans cette situation car ils avaient perdu leurs parents à cause du VIH/sida et qu'ils devaient assurer la subsistance de leurs frères et sœurs.

La délégation thaïlandaise a expliqué que les autorités du pays avaient analysé plus finement le phénomène et constaté que cohabitaient plusieurs groupes d'enfants des rues dans ses villes. Le premier est composé d'enfants privés de foyer, fugueurs ou maltraités par des proches; le deuxième est composé d'enfants vivant en famille mais obligés de travailler dans la rue du fait de leur pauvreté; et le troisième groupe est composé d'enfants migrants non accompagnés, souvent victimes de trafics. Au niveau international, la Thaïlande a signé des accords de collaboration avec ses voisins pour faciliter le rapatriement des enfants et les mesures de prévention.

Par ailleurs, même si les pays en développement sont les plus concernés, le phénomène touche aussi les pays riches, en particulier avec l'apparition de mineurs migrants isolés fuyant bien souvent des pays en guerre. Une ONG a exhorté les États à mettre en place des systèmes de protection, notamment en faveur des mineurs migrants sur les lieux de transit et de destination.

En ce qui concerne les remèdes à apporter, les délégations ont convenu du rôle irremplaçable de l'État, en premier lieu pour la reconnaissance des droits de l'enfant et l'accès aux services publics. Elles ont souligné le socle de base que constitue pour l'élaboration de toute politique la Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux protocoles facultatifs.

En outre, le problème des enfants de la rue doit être une grande cause internationale suscitant coopération et assistance. Des solutions durables accompagnée d'une volonté politique sont nécessaires pour éradiquer les facteurs qui «alimentent les rues en enfants» et qui vont grandissants, a affirmé l'Organisation de la Conférence islamique. Très concrètement, le Pérou a indiqué que l'une des réponses apportées par son pays avait consisté à fournir une allocation aux mères concernées à condition qu'elles scolarisent leur enfant. Il s'agit aussi d'informer les enfants des rues des services qui leur sont destinés, tels que les refuges susceptibles de les accueillir par exemple.

Le Guatemala a rappelé que certains secteurs de la société avaient tendance à considérer ces enfants perdus comme un problème et non pas comme le résultat de causes familiales et sociales ayant produit cette situation. C'est la raison pour laquelle le pays, afin d'éviter toute connotation péjorative à l'expression «enfants des rues», propose d'adopter la dénomination suivante: «Enfance et adolescence dépendant de la rue pour survivre». «On ne peut dire que le monde est heureux qu'à conditions que les enfants y soient heureux», a par ailleurs lancé une intervenante.

Réponses des panélistes

MME MAALLA MJID a déclaré qu'il est difficile de connaître le nombre précis d'enfants concernés. Il importe que les pays disposent de systèmes statistiques et d'information. Les acteurs sont d'autre part confrontés aux problèmes successifs des enfants avant, pendant et après leur passage par la rue. La Rapporteuse spéciale a indiqué que les programmes les plus efficaces sont basés sur l'action de travailleurs sociaux fortement engagés auprès des enfants et sur la prise en compte des conditions familiales. D'une manière générale, les programmes gouvernementaux doivent mettre l'accent sur la mise à disposition de voies de recours pour les enfants. Se pose enfin le problème de la coopération internationale: celle-ci doit être fondée sur la prise en compte de l'intérêt des enfants, et non des considérations sécuritaires.

M. SHANAHAN a souligné qu'il n'y a pas de solution magique. Si vous mettez des travailleurs formés, engagés dans les rues des villes, on commencera à trouver des réponses par rapport à l'enfant. Si vous ne le faites pas, ce sera un échec retentissant. Vous dites vouloir entendre les enfants, faites-le, a lancé le représentant. Les gouvernements doivent en outre être prêts à passer des accords avec les enfants des rues. C'est là que se trouve la pierre d'achoppement. Si vous ne savez pas comment le faire, venez nous voir, nous vous dirons comment. Il ne suffit pas de les compter pour donner des chiffres généraux, a conclu M. Shanahan.

M. PINHEIRO a déclaré que la coopération internationale doit s'exercer avant tout dans le domaine de l'établissement de statistiques, les pays du Nord devant aider les pays du Sud à cet égard. Dans tous les cas, la démarche la plus importante consiste à appliquer la recommandation de l'étude internationale sur la violence, qui est d'adopter des lois interdisant explicitement la violence contre les enfants. Il s'agit là d'une démarche fondamentale qui suscite, on l'a constaté dans les rares pays où elle est appliquée, un changement d'attitude immédiatement perceptible.

RIAZ ET TANIA ont souligné que si chacun tendait la main, les enfants auraient une vie meilleure et une éducation, et nos sociétés se porteraient mieux.

SÉVERINE a déclaré qu'il s'agissait d'une situation malheureuse lorsque des enfants se retrouvent dans les rues. Elle a estimé qu'il est de la responsabilité des États de prendre entièrement en charge les enfants des rues. Il faut créer ou rendre fonctionnel les centres d'accueil et d'écoute existants, assurer une éducation aux enfants, en particulier aux filles. Pour éviter que les enfants aillent dans la rue, les gouvernements doivent améliorer le pouvoir d'achat des familles et assister les parents qui ont des difficultés à envoyer et maintenir les enfants à l'école. Elle a en outre estimé que l'expérience de son mouvement peut être bénéfique pour la lutte contre les violences faites aux enfants.

Suite du débat

Plusieurs délégations se sont efforcées de dégager les causes profondes du phénomène des enfants des rues, l'imputant à la pauvreté et à l'exclusion sociale, aux maladies, aux lacunes dans l'éducation, aux violences familiales, aux catastrophes naturelles. Elles ont appelé à une mobilisation internationale pour remédier à ces facteurs. Elles ont aussi présenté les mesures institutionnelles et pratiques que leurs pays ont prises pour venir en aide aux enfants des rues, notamment en termes de protection et d'accueil. Ont été citées à ce titre les politiques d'allocation de ressources aux familles; l'ouverture de lignes téléphoniques d'urgence; la création de réseaux d'aide aux enfants associant écoles, médecins et fonctionnaire; les approches intégrales au profit des jeunes enfants, dans les contextes familial et communautaire; ou encore l'élaboration de plans stratégiques nationaux avec la participation de la société civile. Des intervenants ont insisté sur la nécessité de prendre des mesures de prévention destinées à empêcher les enfants de se retrouver à la rue. D'autres délégations ont assuré réprimer sévèrement les auteurs d'actes de violence ou d'exploitation contre des enfants des rues, avec des résultats tangibles.

On a observé que la Convention relative aux droits de l'enfant est le seul instrument de droits de l'homme des Nations Unies ne disposant pas encore de procédure de plainte. Il a été suggéré que le groupe de travail chargé de rédiger un projet de Protocole facultatif à ce titre envisage la possibilité d'y autoriser les plaintes collectives. Il a été relevé que les jeunes filles vivant dans la rue sont particulièrement vulnérables à l'exploitation sexuelle. Une délégation a appelé à une meilleure coopération internationale en vue de la protection des enfants migrants non accompagnés. Des délégations ont demandé à la communauté internationale de faire preuve de solidarité avec les États moins riches et de les aider à mettre œuvre leurs programmes d'action.

Dans d'autres commentaires, les intervenants ont relevé la nécessité de combler l'écart entre les engagements pris par les États et l'action concrète sur le terrain et, dans la lutte contre le phénomène des enfants des rues, de passer d'une approche basée sur la charité à une démarche axée sur les droits. Ils ont notamment préconisé des mesures susceptibles d'aider les enfants des rues à acquérir des compétences de vie.

Une organisation non gouvernementale a invité les États à prodiguer, conformément à l'esprit de l'article 24 de la Convention, des soins de santé complets aux enfants des rues, par le biais si nécessaire d'unités mobiles. Une autre organisation a déploré l'exclusion et la stigmatisation des familles d'enfants des rues, des attitudes qui exacerbent le phénomène. Il faut donc éliminer les stéréotypes attachés à ces familles et le mépris dont elles souffrent.

Réponses des panélistes

MME MAALLA M'JID a déclaré que les questions des droits des enfants exigeaient une approche globale et systémique fondée sur les droits de l'homme. Car les enfants sont sujets de droit, a rappelé la Rapporteuse spéciale. Les programmes destinés aux enfants doivent en outre tenir compte de l'environnement socioculturel des enfants afin de garantir qu'ils sont mis en œuvre dans un environnement protecteur. C'est un défi majeur, a aussi souligné la Rapporteuse spéciale. La coopération internationale est tout aussi fondamentale à travers le soutien technique et financiers et l'échange d'expériences.

M. SHANAHAN a observé que le passage de l'approche caritative à l'approche basée sur les droits revient à donner une voix aux enfants, ce qui laisse entrevoir l'ébauche d'une solution.

M. PINHEIRO a souligné qu'il existait plusieurs exemples intéressants de pays disposant d'institutions capables d'entendre la parole des enfants. Il a par ailleurs émis l'espoir que le projet de résolution sur les enfants des rues recueillerait le soutien le plus large des membres du Conseil. Il a enfin rappelé que la principale revendication entendue dans les soulèvements en Afrique du Nord était l'exigence de dignité humaine.

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1. Déclaration conjointe: ECPAT International, Défense des enfants - international, Bureau international catholique de l'enfance, Women's World Summit Foundation, et The Consortium for Street Children.

2. Déclaration conjointe: Alliance internationale d'aide à l'enfance, The Consortium for Street Children, Women's World Summit Foundation, Fédération internationale Terre des homes, et ECPAT International.

3. Déclaration conjointe: Vision Mondiale International, Fédération internationale Terre des homes, Défense des enfants - international, Women's World Summit Foundation, et International Harm Reduction Association.

4. Déclaration conjointe: Mouvement international ATD Quart Monde, Bureau international catholique de l'enfance, Franciscain international, et la Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales.

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