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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport initial de l'Afghanistan

18 Janvier 2011

Comité des droits de l'enfant
18 janvier 2011

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport initial de l'Afghanistan sur les mesures prises par ce pays en application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport, le Vice-Ministre afghan de la justice, M. Mohammad Qasim Hashimzai, a rappelé que l'Afghanistan avait ratifié sans réserve la Convention en 1994. Il a assuré que depuis l'instauration d'un nouveau régime politique en 2001, l'État avait poursuivi ses efforts en faveur de l'amélioration du bien-être de l'enfance. L'accès à l'éducation s'est amélioré de manière significative. À la fin de 2009, plus de 12 000 écoles fonctionnaient dans le pays, accueillant 6,7 millions d'élèves, dont 37% de filles. Il a toutefois reconnu qu'un certain nombre de défis demeuraient, 42% des enfants d'âge scolaire n'allant pas à l'école, des filles pour la plupart. Le vice-ministre par ailleurs indiqué que le problème le plus pressant en matière de santé concernait les enfants de moins de cinq ans. Les politiques actuellement mises en œuvre visent à améliorer la santé maternelle et infantile. M. Hashimzai a par ailleurs souligné que le problème posé par les mines a incité les autorités à adopter une stratégie nationale en faveur de près de 200 000 enfants handicapés.

L'importante délégation afghane était également composée de M. Wasil Noor Muhmand, Vice-Ministre du travail, des affaires sociales, des martyrs et des handicapés, de M. Nadera Hayat Burhani, Vice-Ministre de la santé publique, de Mme Sayeda Mojgan Mostafavi, Vice-Ministre des affaires féminines, M. Abdul Wassay Arian, conseiller auprès du Ministre de l'éducation, de Mme Sasil Wardak Jamal, directrice du Département international des droits de l'homme et des femmes au Ministère des affaires étrangères, et de M. Mohammad Ayaz Pazhohish, du Ministère des affaires étrangères. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la réforme du code pénal, l'application concrète de la Convention relative aux droits de l'enfant, les mesures prises en faveur de la scolarisation des petites filles, les questions d'autorité parentale et les mariages précoces, ainsi que la lutte contre le travail des enfants, la prise en charge des orphelins ou la prostitution des mineurs. S'agissant des dispositions relatives au mariage, qui ne peut être contracté légalement avant l'âge de 17 ans pour les filles, le défi principal consiste à passer de la loi à la pratique, a reconnu la délégation.

L'expert chargé du rapport l'Afghanistan, M. Lothar Friedrich Krappmann, a notamment souligné que de nombreux enfants étaient victimes du conflit qui déchire le pays et s'est étonné que la question ne soit pas abordée dans le rapport. Il a aussi noté que des écoles étaient utilisées à des fins non éducatives. Il s'est aussi inquilété du recrutement de mineurs par la police afghane. En conclusion, il a salué la mise en place de plusieurs plans et stratégies, mais il est clair que subsiste un problème de coordination, et il est très difficile pour l'Afghanistan d'avoir la maîtrise d'une action apparaissant comme trop dispersée.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de l'Afghanistan, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le 4 février prochain.

Le Comité entamera demain, à 10 heures, l'examen du rapport périodique de la Nouvelle-Zélande (CRC/CNZL/3-4).

Présentation du rapport

M. MOHAMMAD QASIM HASHIMZAI, Vice-Ministre de la justice de l'Afghanistan, a rappelé que son pays avait ratifié sans aucune réserve la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant en 1994. Il a assuré que depuis l'instauration d'un nouveau régime politique en 2001, l'État avait poursuivi ses efforts en faveur de l'amélioration du bien-être de l'enfance. À la suite de l'adoption d'une nouvelle Constitution en 2004, un code de la jeunesse a été adopté l'année suivante en s'appuyant en particulier sur la Convention relative aux droits de l'enfant. En outre, des lois concernant l'éducation, le travail, la santé et le trafic d'êtres humains ont été adoptées. L'instruction élémentaire est gratuite et obligatoire, tandis que les soins de santé de base sont assurés gratuitement à l'ensemble de la population. Tout en reconnaissant que son gouvernement était confronté à une insuffisance de ressources, le vice-ministre a assuré que les efforts en faveur de la jeunesse se poursuivaient.

L'accès à l'éducation s'est amélioré de manière significative, a-t-il poursuivi. À la fin de 2009, plus de 12 000 écoles fonctionnaient dans le pays accueillant 6,7 millions d'élèves, dont 37% de filles. Le pays compte 163 000 enseignants, dont près d'un tiers sont des femmes. Chacune des 34 provinces du pays compte au moins un centre de formation des enseignants. Toutefois, a reconnu le vice-ministre, un certain nombre de défis demeurent: 42% des enfants d'âge scolaire ne vont pas à l'école, en grande majorité des filles. Et près de la moitié des établissements ne répondent pas aux normes minimales en matière d'eau et d'assainissement en particulier.

Le vice-ministre a ensuite fourni des données statistiques relatives à la santé et au bien-être de la population, soulignant que le problème le plus pressant concernait les enfants de moins de cinq ans. Les politiques actuellement mises en œuvre visent à améliorer la santé maternelle et infantile, adolescents compris, en visant de parvenir aux objectifs du Millénaire pour le développement fixés pour l'Afghanistan; elles ambitionnent aussi d'éviter les décès prématurés en permettant au système de santé d'atteindre toutes les communautés y compris les plus reculées. Le problème posé par les mines a incité les autorités à adopter une stratégie nationale en faveur des enfants handicapés dont le nombre est proche de 200 000: 109 000 garçons et 86 000 filles.

Le chef de la délégation afghane a précisé que la protection des droits de l'enfant relevait principalement le ministère du travail, des affaires sociales, des martyrs et des handicapés. Il a aussi évoqué la mise en place d'un Réseau d'action pour la protection de l'enfance, l'une des grandes réalisations du ministère. Ce réseau a été mis en place dans 28 régions avec des organisations internationales, l'UNICEF en particulier, et a permis de signaler quelque 4600 cas d'abus de toute nature envers des mineurs.

Après avoir mentionné le rôle complémentaire des organisations non gouvernementales, le chef de la délégation afghane a reconnu en conclusion que son pays faisait encore face à de grands défis, l'insécurité ayant ralenti les progrès en cours.

Le rapport initial de l'Afghanistan (CRC/C/AFG/1) souligne que l’Afghanistan, en coopération directe avec la communauté internationale, a réalisé un certain nombre de progrès importants, dont la mise en place d’un système politique, l'adoption d’une nouvelle Constitution, l'organisation d’élections, la réforme du système juridique et judiciaire, l'adoption de lois conformes aux normes relatives aux droits de l’homme, la mise en œuvre de mécanismes de protection et de surveillance, la scolarisation de plus de six millions d’enfants, dont un tiers de filles, l'amélioration de l’accès aux services de santé, la liberté d’expression sous différentes formes. L’Afghanistan doit cependant encore relever de nombreux défis politiques, sociaux et économiques. Il reste à résoudre de nombreux problèmes en lien avec la promotion et la protection des droits de l’homme et les questions liées à la justice, à l’impunité, aux victimes civiles des groupes antigouvernementaux et des forces internationales, à la corruption généralisée. L’insécurité et le non-respect de la primauté du droit constituent également un défi majeur et rendent difficile l’accès aux programmes humanitaires et aux programmes de développement. Le rapport souligne que les institutions et la législation du pays s'appuient sur des principes généraux tels que la non-discrimination et le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. De même, la loi reconnaît-elle la valeur et l'importance des opinions de l'enfant. Le rapport note toutefois que dans les campagnes en particulier, les mineurs ne sont pas encouragés à faire valoir leur opinion, a fortiori lorsque celle-ci ne coïncide pas avec celle des adultes. En outre, que ce soit en milieu scolaire, ou dans la vie publique, il est rare que soit sollicité l'avis des enfants en tant que tel, un manque susceptible d'entraîner des conséquences négatives quant au respect de leurs droits. Cet état de fait tend toutefois à évoluer grâce aux efforts de l'État et des organisations de la société civile, affirme le document.

Le rapport souligne la volonté du Gouvernement afghan de s'attaquer sérieusement aux lacunes concernant les droits fondamentaux des enfants et montre que le Gouvernement est pleinement conscient de ses engagements juridiques, nationaux et internationaux en faveur de la réalisation progressive des droits de l'homme de ce groupe social très important et vulnérable. Le Gouvernement s'efforce très sérieusement de s'acquitter de l'ensemble de ses obligations. Compte tenu de ses engagements en vertu de la Convention, le Gouvernement a mis l'accent sur quatre principes énoncés par celle-ci et a tenté de mettre en œuvre les droits suivants: la non-discrimination, l'intérêt supérieur de l'enfant, le droit à la survie et au développement et le respect des opinions de l'enfant. Afin d'améliorer sensiblement la situation des enfants, et d'ouvrir la voie du respect, de la protection et du contrôle des droits de l'enfant en Afghanistan, le Gouvernement doit également, en coopération directe avec la communauté internationale, adopter de nouvelles stratégies nationales relatives à certains domaines spécifiques des droits de l'enfant et étoffer les mécanismes de soutien des droits de l'enfant.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Afghanistan, a constaté que le pays devra encore accomplir encore de très grands efforts pour poursuivre les progrès déjà enregistrés. Le rapporteur a constaté que de nombreux enfants étaient victimes du conflit qui déchire le pays et s'est étonné que cette question ne soit pas spécifiquement abordée dans le rapport. Il a aussi noté que des écoles étaient utilisées à des fins non éducatives. Il a aussi demandé si des mesures supplémentaires avaient été prises afin de garantir la survie des enfants dans le cadre du conflit armé. Il a souhaité savoir quel rôle jouaient les enfants dans le cadre du processus de paix.

Par ailleurs, il semble avéré que la police afghane recrute des mineurs, a déploré le rapporteur, qui a demandé pour quelle raison l'État ne met pas un terme à cette pratique partout dans le pays. Le rapporteur a par ailleurs jugé insuffisant qu'un seul ministère soit principalement en charge des droits de l'enfant, suggérant la mise en place d'une autorité spécifique chapeautant les institutions sur cette question. Il a aussi proposé qu'un plan global permettant de coordonner les différentes politiques soit élaboré, un tel projet pouvant se faire par l'adoption d'une loi spécifique sur l'enfance. Relevant que le rapport donnait un chiffre très précis – plus de 2,5 millions d'enfants – concernant les mineurs bénéficiant d'une protection des autorités, il s'est interrogé sur la nature concrète de cette protection. Il a constaté que contrairement à ce que pouvait donner à penser la précision d'un tel chiffre, les statistiques étaient généralement lacunaires en Afghanistan et estimé nécessaire la mise sur pied d'un organe performant permettant de connaître avec précision la situation dans le pays, concernant les filles notamment.

Un membre du Comité, a abordé l'aspect juridique de la question en constatant que la Convention relative aux droits de l'enfant n'était pas intégrée à la Constitution afghane. Il a notamment évoqué «l'unité d'harmonisation» chargée de veiller à ce que la législation respecte la Convention, souhaitant savoir si les constatations de cette unité conduisaient effectivement à rectifier les lois lorsque celles-ci n'étaient pas conformes. Il a constaté que l'intérêt supérieur de l'enfant n'était pas intégré de manière systématique dans les textes et les actions qu'ils impliquent.

Un autre membre a demandé à la délégation de donner des exemples de «bonnes pratiques» en matière éducative, tandis qu'un de ses collègues a évoqué le cas des filles et des discriminations auxquelles elles peuvent faire face. Il a souhaité savoir quels mécanismes de protection juridiques avaient été mis en place.

Une de ses collègues a souligné la nécessité d'une loi spécifique pour les enfants inspirée par la Convention. Elle a rappelé qu'avec le consentement du père, une adolescente pouvait être mariée dès 15 ans, voire plus tôt. Elle a demandé si des mécanismes avaient été mis en place pour lutter contre les mariages précoces. L'experte a par ailleurs constaté que les châtiments corporels, étaient toujours appliqués, y compris à l'école, alors que la loi les interdit en tout lieu, domicile compris.

Un membre du Comité a abordé les questions liée à la justice, constatant que les enfants ne pouvaient souvent pas témoigner devant les tribunaux, et encore moins devant les instances traditionnelles où des jugements à leur endroit sont prononcés sans même qu'ils comparaissent. Un autre expert a évoqué le principe de non-discrimination, s'interrogeant sur le cas des fillettes et de leur droit à l'éducation ou à ne pas être mariée sans leur consentement. Il a souhaité savoir si les autorités disposaient de statistiques sur les mariages forcés. Il existe certes un certain nombre de règles en théorie, mais qu'en est-il dans la pratique, au niveau des tribunaux en particulier, a-t-il demandé.

Une experte du Comité a abordé le rôle des organisations non gouvernementales, souhaitant savoir si elles étaient convenablement protégées lorsqu'elles se rendent dans les zones à risques. Elle a aussi souhaité savoir ce qu'il en était des châtiments corporels. S'agissant du développement des médias dans le pays, elle a demandé si ceux-ci prenaient en compte les enfants et si ceux-ci y avaient accès. Une de ses collègues a demandé quelle action était entreprise pour diffuser la Convention et l'inclure dans les programmes scolaires.

Un membre du Comité a évoqué le problème du conflit des lois, en particulier entre le droit civil et la charia. Laquelle a prééminence lorsqu'il y a contradiction, a-t-il demandé.

La Présidente du Comité a rappelé que l'Afghanistan se classait au deuxième rang de la corruption dans le monde. Elle a aussi évoqué le problème de la torture envers les personnes poursuivies. Face à ces pratiques interdites par la loi, comment l'État lutte-t-il contre de tels phénomènes, a-t-elle demandé.

Dans une deuxième série de questions posées au cours de la journée, les membres du Comité ont souhaité savoir si des normes minimales avaient été édictées en matière de soins de santé. L'un d'entre eux a demandé quelles mesures avaient été prises pour promouvoir la présence d'un plus grand nombre de femmes dans les centres de santé. Quant au droit à la survie, droit essentiel dans un pays tel que l'Afghanistan, celui-ci ne doit pas occulter celui au développement, a souligné un membre du Comité. Quels services ont été mis en place en faveur des enfants à cet égard, a-t-il été demandé.

S'agissant de la toxicomanie, certains membres du Comité ont souhaité savoir comment les autorités s'efforçaient d'éliminer une pratique punitive envers les enfants, afin d'éviter de recourir systématiquement à l'emprisonnement. En ce qui concerne les enfants travaillant dans la rue, il semble qu'ils soient victimes de diverses exploitations, a noté le Comité qui a souhaité savoir comment les autorités s'efforçaient de faire en sorte qu'ils ne soient pas considérés comme des criminels. Enfin, concernant les handicapés, 90% d'entre eux ne bénéficiant d'aucun enseignement, quelles actions ont été entreprises par l'État en leur faveur?

Les membres du Comité ont aussi posé un certain nombre de question sur la justice des mineurs. Il a été demandé notamment quelles lois s'appliquaient, un membre du Comité soulignant qu'il semblait que des mineurs de moins de 12 ans aient été visés par des actions en justice. Une question a aussi été posée sur l'incarcération des mineurs, certains d'entre eux, des filles notamment, étant détenus avec des adultes. Le Comité a aussi souhaité savoir si des travailleurs sociaux existaient spécifiquement pour les mineurs.

En ce qui concerne la traite et la vente d'enfants, dans le cadre du travail forcé dans des fabriques de tapis notamment, une experte a souhaité savoir si l'on disposait de données quant à d'éventuelles poursuites en justice, en visant notamment des groupes organisés. Une question a été posée sur les cas de prostitution forcée et sur les mesures de lutte contre ce phénomène.

S'agissant de la violence envers les enfants, une experte a noté que c'était bien souvent les victimes qui étaient accusées, ce qui entraîne même parfois leur incarcération. Elle a souhaité savoir quelles mesures le Gouvernement afghan comptait prendre pour remédier à une telle situation, notamment en sensibilisant les enfants pour qu'ils soient conscients des abus dont ils peuvent être victimes. Elle a enfin demandé comment les mineurs pouvaient concrètement porter plainte. Elle a noté qu'il n'existait pas de refuge pour les mineurs, pour les filles victimes de violences sexuelles notamment. Un membre a posé une question sur la protection juridique dont pourraient se prévaloir les mineurs.

Une experte a posé la question de la prévalence du VIH-sida, dans le cadre notamment des mariages forcés, ceux-ci ayant généralement avec des adultes beaucoup plus âgés. Une autre a évoqué la question de l'allaitement maternel, s'inquiétant du fait que le taux d'allaitement était bas, alors que la mortalité infantile était très élevée, du fait en particulier de l'absence d'eau potable. En ce qui concerne la violence envers les femmes, notamment des meurtres passionnels, elle s'est inquiétée du fait que le risque encouru n'excède pas deux ans d'emprisonnement pour l'auteur de l'homicide.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

M. HASHIMZAI a souligné que la révision du code pénal était fondamentale, en reconnaissant l'existence de contradictions. Le chef de la délégation afghane a expliqué que le code pénal s'appuyait sur la charia, reconnaissant qu'il devait être amendé afin qu'il soit pleinement conforme aux textes internationaux souscrits par l'Afghanistan. En effet, théoriquement, c'est la Constitution et les instruments internationaux auquel le pays a souscrit qui prévalent, la loi islamique étant invoquée lorsque ces textes ne répondent pas à une question posée.

S'agissant des cas mentionnés de mauvais traitements en garde à vue, M Hashimzai a noté qu'en théorie, la Constitution les interdisait, les enfants ayant même droit à un avocat de leur choix ou commis d'office. De nombreuses organisations non gouvernementales financées par la communauté internationale octroient cette aide juridique aux enfants, a-t-il précisé. Lorsque des mauvais traitements sont infligés, les autorités s'efforcent toujours de faire la lumière sur les faits.

Un membre du Comité ayant interrogé la délégation sur les moyens dont disposent les juges pour la mise en œuvre de la Convention, le vice-ministre a répondu que malgré les difficultés, l'État ne renonçait pas à ses devoirs, notamment en matière de formation de la magistrature et des forces de l'ordre. Malgré un contexte difficile, les choses progressent de jour en jour, a-t-il assuré.

M. WASIL NOOR MUHMAND, Vice-Ministre du travail, des affaires sociales, des martyrs et des handicapés, a assuré qu'un nombre important de fonctionnaires œuvraient à l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Une unité a été créée afin de former les responsables dans les provinces. Le vice-ministre a mentionné le rôle d'assistance technique important joué par des organismes comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et par les organisations non gouvernementales.

En réponse à une question, une représentante de la délégation afghane a toutefois reconnu un manque de suivi et de coordination. Un autre membre de la délégation a démenti toute discrimination scolaire envers les filles; il faudrait plutôt parler d'une «discrimination positive» en leur faveur. Le Ministère de l'éducation, avec le soutien de l'UNICEF et de l'UNESCO, a mis en place une politique d'inclusion dans les établissements scolaires. De 12 à 14% du budget exécutif de l'État est consacré à l'éducation, a-t-il indiqué, reconnaissant ne pas être en mesure de donner un chiffre plus précis, notamment en proportion du PIB.

MME SAYEDA MOJGAN MOSTAFAVI, Vice-Ministre des affaires féminines, a indiqué pour sa part qu'une loi était en cours d'élaboration afin de faire en sorte que les deux parents aient la responsabilité de la famille. En outre, les mariages précoces ou l'échange de filles pour régler les différends ont fait l'objet de textes de loi interdisant de telles pratiques ancestrales. En réponse à une question du Comité sur le mariage précoce, alors que celui-ci est théoriquement interdit, la vice-ministre a expliqué que nombre d'unions n'étaient pas enregistrées par l'administration. Elle a précisé que l'âge minimum pour les femmes de contracter mariage était désormais de 17 ans.

Interrogée sur l'application de cette disposition, la délégation a répondu qu'en effet le défi principal était le passage de la loi à la pratique. L'instauration de cartes d'identité devait aller dans ce sens. L'intention est aussi d'instaurer un code de l'enfance.

Un autre membre de la délégation a expliqué de son côté qu'il fallait distinguer entre les villes et les campagnes, où les pratiques peuvent être opposées. En outre, pour qu'une pratique interdite soit sanctionnée, encore faut-il que la justice ait à la connaître, a-t-il rappelé, ce qui est loin d'être la règle.

Le chef de la délégation a souligné qu'avait été promulguée une loi sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Quant au mariage forcé, la peine peut être alourdie si la victime est âgée de moins de 18 ans.

Une déléguée a souligné que s'il n'était pas question de brosser un tableau idyllique de la situation dans le pays, le contraste était néanmoins saisissant avec la situation qui prévalait il y a un certain nombre d'années, en particulier pendant l'occupation soviétique. Elle a noté que s'il n'était pas rare pour un couple de ne pas disposer de certificat de mariage, cela s'expliquait aussi parfois par le fait que nombre de registres officiels avaient disparu ou avaient été détruits pendant les divers conflits que le pays a connu.

Sur les questions de santé, la délégation a expliqué que l'amélioration de l'accès aux services, ainsi que la couverture de l'ensemble de la population sont l'une des priorités gouvernementales, notamment en faveur des personnes âgées. L'objectif est d'augmenter le nombre d'infrastructures afin de rapprocher les dispensaires médicaux des communautés. La délégation a aussi précisé que le fait d'interdire l'accès d'un service de santé à une femme qui ne serait pas accompagnée d'un homme est passible de poursuites.

Depuis huit ans, 2800 sages-femmes ont été formées, les besoins étant estimés au double de ce chiffre. En 2002, il n'y avait que 450 sages-femmes dans le pays, a-t-il été précisé. S'agissant plus spécifiquement de l'allaitement, le Ministère de la santé a décidé que la publicité en faveur des laits maternisés devait faire l'objet d'une autorisation.

Des programmes destinés aux femmes de 15 à 49 ans ont été mis en place pour les informer sur les questions de santé reproductive. Conjointement avec le ministère de l'éducation, celui de la santé entend éduquer les élèves sur ces sujets.

Quant au VIH-sida, si les statistiques font état de taux de contamination peu élevés, les autorités sont conscientes que ceux-ci sont sous-évalués.

En ce qui concerne la toxicomanie, des programmes sont mis en œuvre en direction des toxicomanes, en leur proposant des traitements dans des centres spécialisés. D'une manière générale, l'éradication de la production de stupéfiants est un objectif gouvernemental, celui-ci n'attendant toutefois pas de résultats probants avant une ou deux années, en raison notamment de l'insécurité dans le pays.

Quant à l'enrôlement de mineurs dans les forces de l'ordre, des mesures ont été prises pour en finir avec cette pratique.

Abordant la question du travail et de traite des enfants, la situation que vit le pays s'explique en partie par la difficulté de la situation économique, a expliqué un membre de la délégation. Une stratégie a été définie en direction des enfants à risque et tout est mis en œuvre pour éradiquer les pires formes du travail des enfants, conformément à la Convention 138 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Un atelier de sensibilisation a été organisé sur cette question dans la capitale et dans plusieurs autres villes du pays. Selon une étude, 1,2 million d'enfants travaillent en Afghanistan, ce qui constitue un nombre élevé, a reconnu un membre de la délégation. Des efforts ont été entrepris afin de scolariser ces enfants, les orphelins en particulier. Tous sont loin de travailler dans la rue, un certain nombre étant employés dans des fabriques, de tapis notamment.

Un expert ayant observé que c'était l'application de la législation existante qui faisait défaut, la délégation a répondu que le ministère du travail et des affaires sociales œuvrait de concert avec l'UNICEF pour aider les familles dans le besoin à éviter d'obliger leurs enfants à travailler. Elle a aussi tenu à souligner que contrairement à d'autres pays de la région, aucun enfant n'était à la rue en Afghanistan. Les enfants qui travaillent dans la rue ont presque toujours un toit. Des refuges ont été mis en place pour les orphelins subvenant par eux-mêmes à leurs besoins.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a évoqué les disparités énormes existant d'une province à l'autre, en raison en particulier de ressources disponibles très élevées localement. Un plan a été lancé pour une scolarisation généralisée. Mais toutefois le taux d'abandon des filles est très élevé, en raison en particulier d'une pénurie d'enseignante. Elle a ajouté qu'il s'agissait là d'un cercle vicieux car moins il y a d'enseignantes, moins il y a d'élèves filles, et moins le pays aura d'enseignantes dans l'avenir. Un de ses membres a noté la difficulté de réaliser les objectifs en matière d'éducation, du fait notamment de l'enclavement extrême de certaines zones.

Un expert ayant demandé quelle était la participation des élèves dans le processus d'apprentissage et dans la vie scolaire, voire même dans l'élaboration des programmes, la délégation a répondu que la législation prévoyait l'existence d'une «assemblée scolaire» dans chaque établissement; 10 000 d'entre eux disposant d'une telle instance au sein de laquelle sont notamment représentés les parents d'élèves. Les programmes d'apprentissage des sciences en particulier ont effectivement été soumis aux parents et à leurs enfants. Il en va de même avec les programmes pilotes qui donnent lieu à une consultation des enfants lorsqu'ils sont testés.

En ce qui concerne les enseignants dont un nombre substantiel n'a pas bénéficié d'une formation adaptée, le Ministère de l'éducation a mis en place des programmes de mise à niveau pédagogique. Le montant des salaires dépend des qualifications des enseignants. Comme il n'y a pas d'enseignantes dans les zones rurales, des incitations ont été créées pour que des citadines partent enseigner à la campagne.

Abordant la question de la justice pour mineurs, le Vice-Ministre de la justice a évoqué les formes de «justice informelle» en vigueur dans les villages notamment et prononcées par les anciens. Le ministère s'efforce de créer des liens formels avec ces instances de justice locale.

La question de la délinquance juvénile a aussi été abordée, la délégation estimant que la situation ne cessait de s'améliorer en ce qui concerne la mise en place de tribunaux et de centres de détention pour mineurs. Toutefois, la mise en place de centres de détention ouverts pour mineurs reste problématique, les parents n'ayant souvent pas le loisir de récupérer leur enfant chaque soir. Le gouvernement afghan est convaincu que l'incarcération des mineurs n'est pas une bonne solution, qu'il s'agit de la dernière extrémité, d'autant qu'il n'existe pas de pénitenciers pour mineurs. Toutefois, adultes et mineurs ne sont pas mis ensemble dans les prisons. La responsabilité pénale n'existe pas avant l'âge de 12 ans, seuls les parents étant légalement responsables.

En réponse à une question du Comité sur la prise en charge des orphelins, le chef de la délégation a distingué la situation régnant en ville et à la campagne. Dans le second cas, l'enfant est pris en charge par la communauté villageoise. S'agissant plus particulièrement du cas des «faux orphelins» dont la mère ne peut assurer la prise en charge, la justice s'efforce de leur trouver un foyer d'accueil, de préférence chez des membres plus ou moins éloignés de leur famille, ou à défaut dans des refuges lorsqu'il n'existe pas d'autres solutions. L'adoption en tant que telle n'étant en revanche pas reconnue par la loi afghane, seul un juge peut décider au cas par cas de la «prise en charge» d'un enfant par un étranger pour une durée indéterminée.

Il existe plus d'un demi-millier de postes de travailleurs sociaux en Afghanistan, ceux-ci travaillant dans l'éducation et la santé en particulier, a encore précisé la délégation.

En matière de violences envers les mineurs, la majorité des cas ne sont pas signalées aux autorités, a convenu la délégation, qui a souligné que le sujet était considéré comme honteux par la société. Les autorités s'efforcent de sensibiliser les populations à ce sujet, en particulier dans le cadre des assemblées locales.

Conclusions

M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, Rapporteur du Comité, s'est dit encouragé par le fait que, même s'il l'a fait tardivement, l'Afghanistan, pour la première fois, a soumis un rapport au Comité. Certes, le pays se heurte à des lacunes, à des déficits, à des manques et il est clair que les autorités n'ont pas trouvé de solutions satisfaisantes pour lutter contre certains phénomènes ayant trait notamment aux violences et à la discrimination sexuelle. S'il est tout à fait louable que le pays ait mis en place nombre de plans et de stratégies, il est clair que subsiste un problème de coordination, alors même que ces actions dépendent d'un soutien extérieur. En conséquence, il est très difficile pour l'Afghanistan d'avoir la maîtrise d'une action apparaissant comme sans doute trop dispersée, a noté le rapporteur, qui a néanmoins appelé la délégation à aller de l'avant et en la remerciant pour le caractère complet du rapport soumis au Comité. Il a émis l'espoir que lorsque l'Afghanistan sera à nouveau invité dans cinq ans, une amélioration substantielle sera constatée.

M. MOHAMMAD QASIM HASHIMZAI, Vice-Ministre afghan de la justice, a souligné pour sa part que même si ce rapport avait été soumis tardivement, il permettait de constater les progrès considérables accomplis par son pays ces dix dernières années. L'Afghanistan a la ferme volonté de mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l'enfant, a assuré le chef de la délégation. Le pays a mis en place des institutions, notamment d'une Commission consultative des droits de l'homme. Il est vrai que le pays pâtit d'une insuffisante concrétisation des décisions prises, a-t-il reconnu, avant de rendre un hommage particulier à l'action de l'UNICEF sur le terrain.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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