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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour les droits de l'enfant examine le rapport de l'Ukraine

28 Janvier 2011

28 janvier 2011

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport périodique de l'Ukraine sur les mesures prises par cet État pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que le Rapport initial relatif au Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.

Présentant les rapports de son pays, M. Ravil Safiullin, Ministre de la jeunesse et des sports, a indiqué que son pays avait créé un cadre favorable au respect des droits de l'enfant. L'Ukraine concentre ses efforts en particulier en faveur des orphelins et des mineurs défavorisés. Un plan national d'action à l'horizon 2016 a été lancé pour réaliser les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant mais les ressources financières pour sa mise en œuvre manquent, a reconnu le Ministre. Par ailleurs, des progrès ont été enregistrés en matière de santé, avec une forte augmentation de la natalité et une diminution de la morbidité infantile.

S'agissant du Protocole facultatif sur les enfants dans les conflits armés, la délégation ukrainienne a indiqué qu'aucun mineur ne pouvait être enrôlé avant l'âge de 18 ans; l'admission dans des institutions de formation militaire peut néanmoins faire l'objet d'une dérogation à 17 ans. La propagande pour la guerre et la violence est interdite et la formation de mercenaires pour l'étranger est passible de poursuites.

La délégation ukrainienne était également composée de Mme Lidiia Horbunova, Vice-Ministre de la justice; de Mme Svitlana Ostashko, directrice générale au Ministère de la santé; de M. Grygoriy Yakimenko, directeur général au Ministère des affaires intérieures; de Mme Aksana Filipishina, du Département d'État à l'adoption et à la protection des droits de l'enfant; de Mme Nadiya Ryazanova, directrice générale adjointe au Ministère du travail et de la politique sociale; de M. Valeriy Koval du Ministère de la défense; de Mme Alla Serednytska du Ministère de l'éducation et de la science; et de Mme Antonina Shliakotina de la Mission permanente de l'Ukraine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne plus particulièrement les questions relatives à la santé, à l'éducation et aux problèmes sociaux auxquels de nombreuses familles sont confrontées. Le nombre très élevés d'orphelins ayant particulièrement inquiété les experts du Comité, la délégation a expliqué qu'il s'agissait en grande partie d'«orphelins sociaux», une appellation recouvrant aussi les mineurs retirés de la garde de leurs parents. La délégation a indiqué que le pays mettait au point des formes alternatives de placement et que, dans la mesure du possible, les jeunes retirés de la garde de leurs parents étaient confiés à des membres de leur famille mieux à même de s'occuper d'eux.

S'agissant du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, la délégation a notamment précisé que, dans les écoles secondaires prodiguant une initiation militaire, l'essentiel de cursus est d'ordre général, son volet militaire ne dépassant pas 10% du temps. Les élèves n'ont pas un statut de soldat et il n'y a pas de préparation au combat, a assuré la délégation.

Le Comité adoptera ses observations finales sur le rapport de l'Ukraine dans le cadre de séances privées, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le 4 février prochain.

Lundi matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen des deux rapports initiaux présentés par le Mexique au titre des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, qui portent respectivement sur l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/MEX/1) et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (document CRC/C/OPSC/MEX/1).

 

Présentation des rapports de l'Ukraine

M. RAVIL SAFIULLIN, Ministre de la jeunesse et des sports de l'Ukraine, a indiqué que son pays, vingt ans après la ratification de la Convention, avait créé un cadre favorable au respect des droits de l'enfant. La protection des libertés des enfants est assurée par la Verkhovna Rada (Conseil suprême, Parlement). L'Ukraine se concentre en particulier sur les orphelins et sur les mineurs risquant de passer sous le seuil de pauvreté. Si un plan national d'action à l'horizon 2016 a effectivement été lancé pour réaliser les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, les ressources financières pour ce faire sont encore malheureusement insuffisantes, a reconnu le Ministre. Cependant, un système informatisé a été mis en place pour le suivi des enfants en difficulté.

Parmi les progrès enregistrés, on constate une augmentation de 36 % de la natalité depuis 2002, le taux de morbidité chez les enfants et les nouveaux nés ayant diminué de 20 % à 40 %, même si le taux concernant les moins de 17 ans demeure anormalement élevé. Le nombre d'enfants handicapés – 2 % des enfants – est lui aussi très élevé. La prévalence du VIH/sida est aussi trop importante, suscitant un effort particulier des autorités en vue de prévenir la transmission de la mère à l'enfant.

L'informatisation des écoles est en marche, de même que l'introduction des nouvelles technologies, a fait valoir le Ministre. L'égalité de l'accès à la scolarité sur tout le territoire national est assurée par un programme spécifique. Il a été constaté que 1,2 % de la population enfantine était orpheline, un chiffre en diminution grâce à la mise en œuvre de mesures de prévention avec l'aide du système scolaire et des organisations non gouvernementales.

Des allocations élevées sont versées pour la naissance de chacun des trois premiers enfants. Le montant de ces allocations sera révisé à la hausse. Depuis le 1er janvier 2009, de nouvelles aides ont été créées en faveur des orphelins, des mères célibataires et des familles démunies. En 2011, plus de 28 milliards de hryvnias ont été budgétés en faveur de l'enfance (contre 1,6 milliard en 2002), soit 2,3 % du PIB ou encore 8,8 % du budget de l'État.

Le réseau de familles d'accueil continue de se développer et des mesures ont été prises en faveur de l'adoption d'enfants par des ressortissants ukrainiens, le nombre d'adoptions par des étrangers étant en diminution. Par ailleurs, une ligne téléphonique dite «ligne de confiance» a été ouverte à l'intention des enfants en difficulté. Ont aussi été lancées des actions en faveur de l'autonomisation des enfants, telle que la création d'une Ligue nationale des enfants.

S'agissant du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, la délégation ukrainienne a indiqué qu'aucun mineur ne pouvait être enrôlé avant l'âge de 18 ans, même si l'admission dans des institutions de formation militaire pouvait faire l'objet d'une dérogation à 17 ans. Par ailleurs, il n'existe pas de formation militaire dans le cadre des cursus généraux. La propagande pour la guerre et la violence est interdite. La formation de mercenaires pour l'étranger est passible de poursuites. L'Ukraine coopère avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale des migrations (OMM), l'Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que certains pays tel que le Danemark.

En conclusion, M. Safiullin a reconnu que son pays devait encore améliorer l'application de la Convention, la délégation étant à cet égard ouverte au dialogue avec le Comité. L'Ukraine profitera de sa présidence du Comité des ministres du Conseil de l'Europe pour organiser des réunions avec ses partenaires de la communauté internationale sur les questions relatives aux droits de l'enfant.

Le rapport périodique de l'Ukraine (document CRC/C/UKR/3-4), qui couvre la période allant de 2002 à 2006, indique que «la protection des enfants est une priorité stratégique nationale». La politique nationale de l'Ukraine concernant la protection des enfants a visé à réaliser les objectifs suivants: amélioration de la base juridique de la protection des enfants, notamment en harmonisant la législation nationale et les règles pertinentes du droit international; réforme du système national de prise en charge des orphelins et des enfants privés de protection parentale; renforcement de la protection sociale des familles défavorisées avec enfants; extension du réseau d'institutions et d'établissements œuvrant à défendre les intérêts des enfants; renforcement de la coopération interdisciplinaire entre les différentes administrations et de leurs relations avec les associations de défense des enfants; développement des mécanismes nationaux de contrôle et de protection des enfants contre la maltraitance, la violence et l'exploitation; et, enfin, lutte contre le VIH/sida.

Le Gouvernement ukrainien continue de prendre des mesures visant à aligner la législation et la pratique nationales sur les principes et dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il reste à régler la question de l'adhésion de l'Ukraine à la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Les projets de loi concernant la ratification de cette Convention et la modification de la législation nationale liée à l'adhésion à cet instrument ont été plusieurs fois soumis à la Verkhovna Rada (Assemblée nationale), mais celle-ci ne les a pas adoptés.

Entre 2002 et 2006, le pays a exécuté des programmes nationaux et sectoriels d'amélioration de la santé, de création de conditions favorables à la naissance et à l'éducation des enfants, de protection sociale des enfants, de lutte contre le VIH/sida et d'élévation de la qualité de l'éducation. Toutefois, l'exécution de ces programmes se ressent de l'insuffisance des ressources financières, ce qui se traduit par une absence de progrès substantiels au niveau des petites villes, notamment en ce qui concerne l'infrastructure des services de santé publique. Le pays continue de se heurter au grave problème de la violation des droits des enfants qui vivent ou travaillent dans la rue. Même si la période récente a vu se renforcer l'action de prévention menée auprès des enfants en situation de crise et de leurs parents, et s'améliorer la qualité des services qui leur étaient fournis, beaucoup d'enfants des rues se trouvent encore aux prises avec différentes formes de violence physique et psychologique, et l'absence de soins. Créée en 2000, la Commission interministérielle chargée de la protection des enfants, qui coordonne les activités visant à régler les questions relatives à la survie et au développement des enfants, poursuit activement ses travaux.

Le Comité est également saisi des réponses de l'État partie aux questions écrites qui lui ont été adressées par le Comité (CRC/C/UKR/Q/3-4/Add.1).

Quant au rapport initial relatif au Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/UKR/1), le document précise les principes juridiques qui fondent l'interdiction de créer des organisations ou formations paramilitaires composées d'enfants et de prôner la guerre ou la violence. Ces principes sont définis à l'article 30 de la loi sur la protection de l'enfance de 2001. L'article 260 du Code pénal prévoit la responsabilité pénale en cas de constitution de formations paramilitaires ou armées non prévues par la législation. Par ailleurs, une information sur la question de la protection des droits des enfants, en particulier sur la Convention relative aux droits de l'enfant et les Protocoles facultatifs s'y rapportant, est diffusée auprès des enseignants, des personnels de santé, des agents des services des mineurs et des employés des services sociaux destinés aux familles, aux enfants et aux jeunes, dans le cadre des activités pédagogiques et de la formation permanente organisées à leur intention. Des réponses complémentaires apportées aux questions écrites du Comité figurent au document CRC/C/OPAC/UKR/Q/1/Add.1.

Examen du rapport présenté au titre de la Convention

Observations et questions des membres du Comité

M. DAINIUS PÛRAS, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a constaté que le pays traversait une longue période de transition pénible et douloureuse. L'héritage en matière d'infrastructures et de santé notamment ne se révèle plus efficace ou adapté, alors qu'il convient de développer des infrastructures nouvelles. Les défis sont donc nombreux, a-t-il observé, le Comité se réjouissant que l'Ukraine est une société dynamique, ayant été à l'origine de nombreuses initiatives en faveur des enfants. Le pays peut compter avec des ressources humaines de qualité, des ressources financières relativement élevées et des possibilités optimales d'aller de l'avant en dépit des obstacles qu'il rencontre.

Le rapporteur a relevé que des débats ont cours en Ukraine autour de la question du développement de la justice juvénile, de l'aide aux enfants des rues confrontés à la toxicomanie, de l'épidémie de VIH/sida, ou encore du soutien des enfants vivant au sein de familles en difficulté. Le rapporteur s'est inquiété à cet égard qu'il semble y avoir de nombreuses pressions et une tentation à revenir à des «solutions simples», qui, a estimé M. Pûras constituent des démarches punitives inefficaces et répressives qui ne peuvent que renforcer à long terme le cercle vicieux de la violence, de l'intolérance, de l'exclusion sociale, de la stigmatisation et de la recherche de boucs-émissaires au sein des groupes les plus vulnérables. Ces tendances indiquent peut-être que les principes de base de la Convention ne sont pas pleinement compris, voire qu'ils sont méconnus, dans certains cas, par de nombreuses parties prenantes en Ukraine.

M. Pûras a indiqué que le Comité soutenait les efforts de l'État, de concert avec la société civile, dans le sens de réformes globales et bien gérées qui soient basées sur une démarche favorable aux droits de l'enfant. Il s'est dit encouragé par la substance et par l'esprit du rapport qui confirme l'existence d'une capacité à admettre les problèmes. Il est très important en effet que les structures gouvernementales à tous les niveaux fassent suffisamment preuve d'autocritique et qu'elles en finissent avec l'héritage de l'idéologie du passé en Europe de l'Est. Cet héritage, basé sur la dissimulation des problèmes, a eu pour conséquence l'apparition d'un important écart entre deux mondes, celui des documents, des déclarations, des discours et des plans d'un côté, et la triste réalité de l'autre. Cette manière de fonctionner n'a plus cours. Le Comité a pour mission d'inciter les représentants de l'Ukraine à combler ce fossé autant que faire se peut. Le Comité a en effet le sentiment que de nombreuses décisions importantes semblent rester d'ordre «déclaratif» et qu'elles manquent de la volonté politique pour être mises en œuvre dans la pratique.

Le Rapporteur a ensuite posé une série de questions, souhaitant savoir en particulier quelle institution était chargée de la mise en œuvre de la Convention. Le Comité s'inquiète du fait que la Commission inter-agences ait un rôle trop limité. Les experts s'inquiètent aussi du fait que la réforme administrative récente, dont les bonnes intentions ne sont pas en cause, risque de compromettre le système de protection de l'enfance, comme cela a été constaté dans d'autres pays connaissant des situations similaires. M. Pûras s'est aussi inquiété de l'absence de moyens financiers accordés au Plan national d'action.

M. Pûras s'est aussi alarmé d'informations faisant état de discriminations envers des enfants en situation vulnérable – handicapés, séropositifs ou sidéens, réfugiés, demandeurs d'asile, Roms. Il s'agit une fois encore, a-t-il dit, de réduire le fossé entre ce que dit la loi et de quoi est faite la vie quotidienne. Quelles mesures sont prises pour combler ce fossé et mettre un terme à une discrimination de fait ? Cette question, a-t-il ajouté, est liée de près au problème de l'intolérance envers les groupes vulnérables.

Le rapporteur a enfin posé de nombreuses questions ayant trait, notamment, aux violences policières lors des gardes à vue de mineurs, qui ont parfois provoqué des suicides. Il a demandé de quelle était la formation dispensée aux forces de l'ordre sur ce genre de questions. Il a aussi demandé ce qu'il en était des châtiments corporels.

Un autre membre du Comité a demandé quelle était la nature des dispositions du Plan national d'action en faveur de l'enfance, puisqu'il semblait que celui-ci ne fût pas prioritaire dans l'attribution des budgets publics. Elle s'est aussi interrogée sur la substance du programme de prévention de la pauvreté et sur les moyens qui lui sont octroyés. Par ailleurs, l'Ukraine arrive au 134e rang de la corruption dans le monde: le Comité souhaite savoir quelles actions sont menées contre un fléau qui n'épargne pas les enfants.

Un expert a demandé de quelle manière se faisait la prise en charge des enfants en difficulté, ceux victimes de violence en particulier. Un autre membre a demandé ce que comptait faire l'Ukraine face au taux élevé de mortalité des moins de cinq ans.

Un membre du Comité a demandé des précisions sur l'application du droit de l'enfant à se faire entendre, en vertu de l'article 12 de la Convention. Constatant que de nombreux adultes avaient une vision négative de la Convention, l'expert a dit avoir le sentiment que le travail de sensibilisation qui est effectué pour faire connaître ce texte néglige de s'adresser aux parents. Les enfants apprenant beaucoup par expérimentation, le droit de se faire entendre permet ainsi à chacun d'exprimer son point de vue, voire d'avoir le dernier mot dans le cadre des affaires jugées par les tribunaux aux affaires familiales. Il convient de faire davantage à cet égard, en communiquant aux mineurs des informations très claires afin qu'ils puissent saisir les enjeux les concernant. L'expert a regretté ne pas trouver beaucoup d'informations à cet sujet dans le rapport.

Une experte a constaté, de son côté, le manque d'informations sur la façon dont l'État partie travaillait avec les organisations non gouvernementales. Elle a aussi soulevé le problème posé par le fait que certains mineurs ne sont pas inscrits à l'état-civil, les Roms et les enfants des rues en premier lieu, ce qui les exclut des aides auxquelles ils pourraient prétendre. Une de ses collègues a soulevé le problème de la corruption des juges et posé une question sur le relèvement envisagé de l'âge du mariage, qui est de 18 ans pour les garçons et de 17 ans pour les filles.

Le Comité a souligné «trois problèmes interdépendants»: les enfants des rues, la toxicomanie et le VIH/sida, s'inquiétant de la tentation d'une approche plus répressive qui pourrait faire baisser les statistiques mais ne rien régler au fond. S'agissant des enfants handicapés, un expert a rappelé que l'Organisation mondiale de la santé était à l'initiative d'un très bon plan en leur faveur, souhaitant savoir si l'Ukraine prévoyait de s'en inspirer.

Une des ses collègues a voulu savoir quelles mesures les hôpitaux ont adoptées pour assurer le bien-être des parturientes et des nourrissons. La même experte a demandé quelle politique était menée en matière de placement d'enfants en danger, s'agissant en particulier du choix des familles d'accueil.

Un autre expert a rappelé qu'un projet relatif à la justice juvénile avait été rejeté en raison de sa «contradiction avec la Bible», souhaitant en savoir plus sur le nouveau projet, plus répressif, actuellement débattu. Il a aussi souhaité savoir si les jeunes gens de 16 à 18 ans ayant eu affaire à la justice étaient traités de la même manière que les adultes et s'ils étaient effectivement incarcérés avec eux.

Un membre du Comité a demandé pour quelle raison l'Ukraine s'opposait à la ratification de la Convention de La Haye sur l'adoption internationale.

Une autre experte a souhaité savoir quelle action était menée en faveur des jeunes en matière de santé dans le cadre du Plan d'action national, en particulier s'agissant de l'accès à des soins sans le consentement parental.

La Présidente du Comité, Mme Yanghee Lee, s'est pour sa part interrogée sur le recul du nombre d'orphelins apparaissant dans le rapport, alors que selon l'Examen périodique universel de l'Ukraine par le Conseil des droits de l'homme, ce nombre ne diminue pas, bien au contraire.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

En réponse aux questions posées par les experts sur le cadre général d'application, la délégation a souligné que les réformes qui ont été évoquées par la délégation sont encore loin d'avoir abouti. Il y a quinze ans, l'Ukraine comptait 52 millions d'habitants: elle n'en compte plus que 46 millions aujourd'hui, le pays perdant 400 000 personnes par an en raison de la faiblesse de la natalité et d'une mortalité élevée. L'objectif fixé par le chef de l'État est de revenir à un niveau de 50 millions d'ici 2050. Le taux de morbidité chez les enfants de moins d'un an est d'ores et déjà en baisse. Il s'agit bien entendu d'une œuvre de longue haleine, a dit le chef de la délégation.

Le statut de médiateur est conforme aux Principes de Paris, a précisé la délégation. Des médiateurs plus spécifiquement chargés des questions relatives à l'enfance ont été nommés, le poste pouvant même parfois être occupé par un jeune. Personne n'ignore que, jadis, l'information était dénaturée: les autorités actuelles sont, quant à elles, convaincues de la nécessité de disposer d'outils permettant de connaître la réalité de la situation.

MME LIDIIA HORBUNOVA, Vice-Ministre de la justice, a assuré que la liberté d'expression des enfants est garantie et réglementée de manière précise. Concrètement, des réunions consacrées aux problèmes de l'enfance sont organisées, dans le cadre parlementaire notamment, avec la participation de mineurs.

Dans le domaine de la justice, et pour lutter notamment contre la corruption des juges, le Parlement a approuvé récemment un texte de loi en première lecture. Les tribunaux ont été réformés pour lutter contre les dysfonctionnements de la justice. La Rada de la justice a eu à connaître plus d'une trentaine de cas de juges «indélicats» et a prononcé des sanctions allant jusqu'à la révocation de certains d'entre eux.

S'agissant de l'âge du mariage, la différence entre les sexes était justifiée, à l'origine, par des «différences psychiques et physiques». Par décision de justice, il est possible de déroger à l'âge minimum, un mariage précoce pouvant être autorisé dans certains cas extrêmement rares. Cette dérogation ne contredit pas le principe de la tutelle parentale sous laquelle tout mineur est placé jusqu'à sa majorité.

Mme Horbunova a par ailleurs indiqué que des amendes étaient infligées en cas de défaut d'enregistrement de la naissance d'enfants, aucun cas n'ayant toutefois été enregistré en 2009-2010; elle n'a toutefois pas exclu l'existence d'un nombre restreint de cas, qui ne sauraient excéder la dizaine. L'Ukraine ne connaît pas vraiment de problèmes s'agissant de l'enregistrement des naissances, a conclu Mme Horbunova.

Pour ce qu'il en est de la justice juvénile, un groupe de travail achève actuellement élaboration d'un projet de justice pénale des mineurs avec pour principal souci de favoriser la prévention et la «prophylaxie». Il s'agit aussi de créer un système capable de réintégrer les mineurs délinquants et «déviants». Il n'est pas question de mettre l'accent sur la répression et la punition mais plutôt sur la rééducation, a précisé la Vice-Ministre de la justice. Aujourd'hui, s'il n'existe pas de tribunaux des mineurs, la loi prévoit néanmoins une spécialisation des juges pour cette catégorie de la population.

Un expert ayant demandé comment était défini un «acte socialement dangereux» commis par des mineurs de moins de 14 ans, la délégation a parlé de «comportements asociaux déviants». Les enfants concernés sont placés dans des «colonies de rééducation» publiques afin de faciliter leur réinsertion. Les programmes de ces établissements ont été établis avec le concours de l'UNICEF. Ils abritent quelque 1400 mineurs, dont une centaine de jeunes filles.

Par ailleurs, la délégation a apporté des précisions sur le Plan national d'action qui a été élaboré avec les conseils de l'UNICEF. Une évaluation quant à la réalité des actions menées est prévue, un système de suivi étant prévu par la loi relative au Plan d'action.

S'agissant de la coopération avec la société civile, la délégation a fait savoir qu'il existe 250 organisations non gouvernementales en Ukraine, dont 70 organisations de défense des enfants ayant des représentations régionales qui font des propositions dans le cadre de l'élaboration du Plan national d'action.

La délégation a indiqué, d'autre part, qu'il n'existait pas de statistiques relatives à la prise en compte éventuelle de l'avis de l'enfant. Les valeurs familiales étant très importantes en Ukraine, l'avis des enfants est sollicité dans la grande majorité des familles. On compte en Ukraine quelque 25 000 familles en difficulté, qui bénéficient d'un accompagnement social; parmi ces familles, il n'est pas exclu que se pose un problème à cet égard. Légalement, un enfant peut, dès l'âge de 14 ans, s'adresser à la justice pour faire valoir ses droits. L'adoption, la tutelle et toute autre forme de prise en charge prévoient la prise en compte de l'avis de l'enfant, a précisé la délégation.

Le nombre d'orphelins, qui tourne autour de cent mille, diminue régulièrement depuis 2006, a précisé le chef de la délégation. Une experte du Comité ayant souligné que ce chiffre n'était pas significatif dans la mesure où il comprenait les enfants placés en dehors de la tutelle de leurs parents, la délégation a répondu que cette diminution pouvait notamment s'expliquer par l'encouragement à recourir à des formes alternatives de placement. Certes, ce nombre ne diminue pas aussi vite qu'on le souhaiterait mais des efforts considérables sont accomplis par les pouvoir publics. Ceux-ci essayent de faciliter la vie de ces enfants hébergés en foyers, en s'efforçant de faire en sorte qu'ils ne soient pas plus d'une cinquantaine par établissement et de favoriser leur socialisation.

Une experte ayant demandé pourquoi tant de parents sont privés de leur autorité sur leurs enfants, la délégation a indiqué que l'on a souvent affaire à des cas d'«orphelins sociaux». On ne distingue pas, en effet, entre les orphelins véritables et ceux placés en dehors de la tutelle de leur famille, afin de ne pas créer une inégalité de traitement entre ces mineurs qui, dans tous les cas, ne dépendent pas de leurs parents. Toutefois, un enfant véritablement orphelin est placé de préférence sous la tutelle d'un membre de sa famille au sens large, ce qui est le cas pour 95% d'entre eux. En ce qui concerne les enfants soustraits à la tutelle parentale, les services sociaux s'efforcent de favoriser leur réintégration à terme dans leur famille biologique. Le nombre d'abandons de nouveau-nés est en diminution (il a concerné 800 mères l'an dernier), les travailleurs sociaux œuvrant pour convaincre celles-ci de renoncer une telle démarche.

La situation en matière d'adoption a radicalement changé depuis 2007, a assuré la délégation. Avant cette date, les adoptions internationales étaient de loin les plus nombreuses, a indiqué la délégation. En 2010, l'adoption par des ressortissants ukrainiens a concerné 2243 enfants, l'adoption par des ressortissants étrangers 1940 enfants. Un projet de loi visant la ratification de la Convention de La Haye a été soumis, sans succès, à quatre reprises au Parlement. Un nouveau projet de loi en ce sens doit être soumis en urgence par le Gouvernement. La délégation a dit avoir bon espoir que cette fois sera la bonne.

La délégation a fait valoir qu'un effort considérable est consenti en faveur des enfants handicapés, afin de leur offrir une éducation de qualité en particulier, de préférence dans le réseau scolaire public général. Des professions nouvelles ont vu le jour, avec la mise à la disposition des enseignants d'assistants capables de les aider à prendre en charge les jeunes handicapés. Des services de consultation médicale et pathologique permettent de détecter rapidement les cas d'enfants naissant avec un handicap et d'informer les parents, y compris avant l'accouchement s'il s'agit d'un cas gravissime de malformation, un avortement thérapeutique étant alors éventuellement proposé.

L'enseignement préscolaire prévoit une prise en charge des enfants dès l'âge de deux ans; plus de 60% des enfants étant scolarisés à ce niveau. Les pouvoirs publics, par ailleurs, sont soucieux de recenser les enfants roms pour faciliter leur intégration dans le réseau scolaire public.

Pour ce qui regarde la santé maternelle et infantile, toutes les mesures nécessaires sont prises pour que le secteur hospitalier privilégie uniquement l'allaitement maternel, a indiqué la délégation. Il est toutefois exact qu'il soit arrivé, dans un passé récent, que des hôpitaux s'associent à des publicités pour des laits maternisés. La santé prénatale fait l'objet de formations en direction des mères et futures mères. Le secteur de la santé va subir une réforme de grande ampleur en vue de la création d'un réseau de centres périnataux pour aider la mère avant, pendant et après la grossesse. Cette réforme vise à modifier le financement de la santé publique en revoyant en particulier la contribution des patients et usagers. Le financement du secteur de la santé est toutefois globalement problématique, a reconnu la délégation.

La délégation a aussi répondu aux questions du Comité concernant la santé des adolescents. Elle a ainsi expliqué qu'une politique publique est menée en faveur de l'adoption d'un mode de vie sain par les jeunes. Un réseau de cliniques conseille les adolescents confrontés aux maladies sexuellement transmissibles ou au VIH/sida, notamment. L'UNICEF participe aux mesures de prévention à l'intention des adolescents. En matière d'avortement, toute décision s'agissant d'une jeune fille de moins de 14 ans doit être prise par les parents ou le tuteur; entre 14 et 18 ans, la décision doit être prise par la jeune fille, en concertation et en accord de préférence avec ses parents. Le personnel médico-social s'efforce de mettre les deux parties d'accord si cela s'avère nécessaire.

Répondant à d'autres questions, la délégation a indiqué que plus de 550 000 familles monoparentales ont droit à une aide de l'État. Elle a par ailleurs précisé que la lutte contre la xénophobie et le racisme est du ressort du Ministère de l'intérieur et que la législation prévoit désormais des sanctions aggravées dans ce domaine. Enfin, la délégation a indiqué que le problème du travail des mineurs se posait essentiellement dans le secteur «informel», qui occuperait 400 000 jeunes gens.

Examen du rapport initial au titre du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés

Observations et questions des membres du Comité

MME HADEEL AL-ASMAR, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport initial de l'Ukraine, a estimé que les réponses fournies par l'État partie ne répondaient pas aux exigences du Protocole facultatif s'agissant de son application et de sa diffusion. Comment le public est-il informé de ses dispositions, a-t-elle demandé? Les données manquent en ce qui concerne les enfants demandeurs d'asile ou réfugiés et qui, dans bien des cas, ont été impliqués dans des conflits armés. Par ailleurs, des établissements secondaires offrent des formations militaires, a-t-elle noté, mais on ne dispose guère d'informations à ce sujet dans le rapport. Est-ce le ministère de la défense ou celui de l'éducation qui est responsable? Il semble en outre qu'il n'y ait pas de programme sur la paix dans ces établissements, a-t-elle souligné. Un autre motif de préoccupation concerne la récupération psychologique et l'aide aux victimes. La rapporteuse a constaté que l'Ukraine avait pris d'importantes mesures à cet égard en Iraq. Enfin, les autorités précisent que les demandeurs d'asile bénéficient de cours d'ukrainien. Mais en attendant qu'ils deviennent bilingues, bénéficient-ils d'interprètes, a encore demandé la rapporteuse.

Parmi les autres membres du Comité à s'être ensuite exprimés, un expert a demandé ce qui se passerait si un enfant étranger résidant en Ukraine était recruté par un autre État: quelle serait sa situation juridique? Un de ses collègues a souhaité savoir si le Protocole était diffusé dans le pays, et qui était en charge de son application.

Notant que l'Ukraine exportait des armes de petit calibre des experts ont demandé quelles étaient les possibilités d'intervention de la justice ukrainienne pour poursuivre un de ses ressortissants qui recruteraient des jeunes mercenaires à l'étranger. Ils ont aussi voulu savoir quelle protection était accordée aux enfants victimes.

La Présidente du Comité, Mme Yanghee Lee, a posé une question sur les jeunes dépourvus de papiers d'identité, demandant comment était établi l'âge des personnes concernées. Elle a observé par ailleurs que le rapport sur le Protocole facultatif ne respectait pas les règles établies par le Comité.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Le Protocole facultatif est intégré au droit interne de l'Ukraine, a précisé la délégation. S'agissant des établissements scolaires offrant une formation militaire, elle a indiqué qu'il existait 19 lycées de ce type, dont deux ayant une préparation militaire «renforcée» et ayant un statut militaire en tant que tel. L'essentiel de cursus de ces établissements est d'ordre général, son programme militaire ne dépassant pas 10% du temps. Les élèves n'ont pas un statut de soldat et il n'y a pas de préparation au combat. Si le nombre d'établissements concernés peut paraître élevé, il s'agit d'une exigence de la société en faveur d'une vie saine, susceptible de bénéficier aussi aux jeunes en difficultés. Si le port de l'uniforme apparaît comme une forme de discipline, il plaît aussi aux élèves. L'accord des deux parents est nécessaire pour intégrer un de ces établissements qui bénéficient d'une grande popularité. Ce sont souvent des enfants de militaires qui postulent pour y être admis. La délégation a précisé par ailleurs que l'âge minimum pour intégrer un centre de formation militaire était d'avoir 17 ans dans l'année.

À la question de savoir si une situation d'urgence pourrait entraîner la mobilisation de jeunes de moins de 18 ans, la délégation a catégoriquement répondu par la négative.

S'agissant des questions soulevées par le Comité s'agissant des exportations d'armes, la délégation a déclaré que l'Ukraine s'assure que cette activité ne suscite pas de violations susceptibles notamment de léser des enfants.

Enfin, la délégation a déclaré que l'éducation à la paix fait l'objet d'une formation spécifique au sein de l'armée, au bénéfice notamment des appelés.

Conclusions

L'expert chargé du rapport de l'Ukraine sur la Convention, M. PÛRAS, a convenu que l'Ukraine, pays démocratique, s'ouvrait en se livrant à un exercice objectif d'analyse de sa réalité. Il faut encore améliorer la collecte de données, a-t-il ajouté, améliorer surtout les services au bénéfice des enfants dans le besoin en évitant de revenir en arrière, à l'époque où était privilégiée la répression, non seulement des enfants mais aussi de leurs parents.

L'experte chargée du rapport de l'Ukraine relatif au Protocole facultatif, Mme AL ASMAR, a estimé que l'Ukraine faisait d'importants efforts en faveur de ses enfants, même s'il restait encore beaucoup à faire. Elle a estimé elle aussi que l'amélioration de la collecte des données devait être prioritaire.

M. SAFIULLIN, chef de la délégation ukrainienne, a exprimé sa reconnaissance aux membres du Comité pour l'intérêt qu'ils portent à son pays. Certes, il y a des problèmes en Ukraine mais nous nous employons à les résoudre, a-t-il assuré. L'État ukrainien prend toutes les dispositions pour améliorer la situation de ses enfants, a-t-il affirmé.

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