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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine les rapports du Mexique

31 Janvier 2011

Comité des droits de l'enfant
31 janvier 2011

Le Comité des droits de l’enfant a examiné aujourd’hui les rapports initiaux du Mexique s’agissant de l’application des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant d’une part l'implication d'enfants dans les conflits armés et, d’autre part, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Présentant le premier rapport, M. Felipe Zamora Castro, Sous-secrétaire aux questions juridiques et aux droits de l'homme au Secrétariat du gouvernement, et chef de la délégation du Mexique pour le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, a indiqué que bien qu’il n’y ait pas de conflit armé dans le pays, le Mexique adhérait pleinement aux principes du Protocole. Le Mexique a souscrit à tous les traités internationaux en vigueur, a-t-il précisé, y compris le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, qui prévoit en particulier de poursuivre les recruteurs d’enfants. Le Mexique a, par ailleurs, fait de la protection des droits de l'enfant dans les conflits armés une des priorités de sa participation au Conseil de sécurité des Nations Unies.

De son côté, Mme Cecilia Landerreche, Responsable du Système national pour le développement global de la famille et chef de la délégation du Mexique pour le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a abordé la question de la lutte contre la prostitution. Elle a souligné l’effort très important entrepris pour harmoniser le système juridique mexicain. Le premier pas a consisté à élever au rang constitutionnel les droits des mineurs, ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui a été fait en 2004. Le Code pénal fédéral prévoit des sanctions contre des actes tels que le commerce, la distribution, l’exposition la circulation et l’offre à des mineurs de moins de 18 ans de livres, écrits enregistrements à caractère pornographique. Le délit de pédérastie a été aussi pris en compte.
La délégation mexicaine, qui comprenait dix-neuf personnes, était également composée de M. Alejandro Negrin, Directeur général des droits de l'homme et de la démocratie au Secrétariat des relations extérieures, et de M. Juan José Gomez Camacho, Représentant permanent du Mexique à l’Office des Nations Unies à Genève. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne plus particulièrement les questions relatives à la traite des personnes, au tourisme sexuel et au rétablissement de la sécurité au Mexique.
S’agissant des compléments d’information au sujet du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la délégation a démenti que le pays soit en proie à un conflit interne qui ne dit pas son nom. La lutte systématique contre la délinquance organisée s’accompagne généralement d’une augmentation de la violence, comme on a pu le constater dans plusieurs villes de par le monde avant un rétablissement de la situation permettant d’infléchir le phénomène.

Le Comité a ainsi achevé l'examen des rapports de tous les pays prévus à la présente session. Le Comité adoptera ses observations finales sur le rapport du Mexique dans le cadre de séances privées, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le 4 février prochain.

Présentation des rapports du Mexique

M. FELIPE ZAMORA CASTRO, Sous-secrétaire aux questions juridiques et aux droits de l'homme au Secrétariat du Gouvernement, et chef de la délégation du Mexique pour le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, a indiqué que bien qu’il n’y ait pas de conflit armé dans le pays, le Mexique adhérait pleinement aux principes du Protocole facultatif. Le Mexique a souscrit à tous les traités internationaux en vigueur, a précisé M. Zamora Castro, y compris le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, qui prévoit en particulier de poursuivre le recrutement des enfants. Concrètement, un travail de formation est effectué au profit des forces de police quant à l’usage légitime de la force ; l’enseignement porte en particulier sur les principes fondamentaux des droits de l'homme. Le Mexique a, par ailleurs, fait de la protection des droits de l'enfant dans les conflits armés une des priorités de sa participation au Conseil de sécurité. Le Mexique a présidé deux débats publics du Conseil de sécurité à ce sujet et encouragé l’adoption de sa résolution 1882, sur le renforcement de la protection des enfants dans les conflits armés et la traduction des responsables en justice.

Le Gouvernement du Mexique estime important de rappeler trois aspects clés sur ces questions. Le premier aspect concerne le service militaire obligatoire. S’il existe en effet la possibilité de devancer l’appel dès 16 ans, cette démarche peut uniquement se faire sur une base volontaire, avec le consentement du père ou du tuteur. Quant à l’éventuelle participation à un conflit armé d’un jeune ayant accompli ses obligations militaires, elle est exclue pour les moins de 18 ans.

Le deuxième point est relatif à l’inscription dans les écoles militaires. Cette inscription volontaire en vue d’effectuer un service actif dans l’armée a pour seuil obligatoire l’âge de 18 ans. Toutefois, des dérogations peuvent être admises dès 16 ans, avec l’autorisation des parents. Le troisième volet a trait à la participation à des hostilités, totalement exclue pour les moins de 18 ans.

En 2009 a été mise sur pied une commission du droit international humanitaire en tant qu’organe consultatif et technique de l’exécutif fédéral pour promouvoir et diffuser les normes en la matière et favoriser la mise en œuvre nationale des traités internationaux ratifiés par le Mexique. Il est envisagé d’amender l’article 1 de la Constitution afin de garantir la prise en compte de tous les droits humains reconnus au niveau tant national qu’international. Enfin, le 26 janvier dernier, a été promulguée la loi sur les réfugiés et leur protection. Celle-ci établit notamment, dans son article 5, l’intérêt supérieur de l’enfant comme principe essentiel de son application.

MME CECILIA LANDERRECHE, Responsable du Système national pour le développement global de la famille (SDIF) et chef de la délégation du Mexique pour le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a souligné l’importance d’exploiter les données statistiques pour mieux lutter contre la prostitution des enfants. Le Mexique reconnaît d’autre part que ce fléau nécessite d’être abordé de façon différenciée par les pouvoirs législatif et judiciaire. Mme Landerreche a souligné l’effort très important réalisé par le Mexique pour harmoniser son système juridique national. Le premier pas dans ce sens a été d’élever au rang constitutionnel les droits des mineurs de même que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, une démarche accomplie en 2004. Le Code pénal fédéral prévoit des sanctions contre des actes tels que le commerce, la distribution, l’exposition, la circulation et l’offre à des mineurs de moins de 18 ans de livres, d’écrits ou d’enregistrements à caractère pornographique. Le délit de pédérastie a été aussi pris en compte, a-t-elle précisé. Par ailleurs, Mme Landerreche a indiqué que, depuis 2008, le système de justice pénale mexicain était devenu accusatoire, consacrant, outre les droits des victimes, la garantie de réparation du dommage subi.

Le Secrétariat à la sécurité publique applique un « système intégral d’attention aux victimes ». En 2007, a été promulguée une loi pour prévenir et sanctionner la traite des personnes sur l’ensemble du territoire. Au niveau constitutionnel, a été créé un système complet de justice des mineurs, a ajouté Mme Landerreche. Enfin, le Programme national des droits de l'homme 2008-2012 a un caractère obligatoire pour toutes les institutions fédérales. Il définit des lignes d’action destinées à prévenir, sanctionner et éradiquer la prostitution, la pornographie et l’exploitation sexuelle des mineurs. Une unité chargée des délits cybernétiques a aussi été mise en place. Des mécanismes de coordination ont été créés pour prévenir et éradiquer la traite des personnes. La représentante de la délégation a aussi insisté sur le travail de la Commission nationale des droits de l'homme, organisme constitutionnel autonome, qui a lancé, en 2007, un Programme contre la traite des personnes.

Le problème des mineurs migrants non accompagnés fait l’objet de l’attention des autorités. Elles ont créé un organe interinstitutionnel chargé de mettre sur pied une stratégie globale pour faire face à ce problème. L’Institution nationale de la migration met en œuvre une procédure de détection, d’identification et de prise en charge des victimes éventuelles de la traite, a indiqué Mme Landerreche. On peut aussi citer des exemples de coopération entre le Gouvernement et la société civile dans la prévention de la prostitution infantile, de l’exploitation sexuelle, du trafic et de la traite des enfants des rues.

Le Gouvernement mexicain reconnaît qu’il lui reste beaucoup à faire. Il lui appartient à cet égard de consolider et de coordonner les efforts entre tous les niveaux de gouvernement, ainsi qu’avec le secteur privé et les organisations de la société civile, a conclu Mme Landerreche.

Le Rapport initial du Mexique concernant le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/MEX/1) indique qu’il y aurait au moins 16 000 enfants et adolescents qui ont été utilisés dans le cadre de pratiques de prostitution, de pornographie, de tourisme sexuel et de traite aux fins d’exploitation sexuelle, soit 0,04 % de la population infantile mexicaine. Le rapport précise que « la loi punit quiconque encourage, invite, offre, procure, obtient, transfère, remet ou reçoit, pour soi ou pour un tiers, une personne en recourant à la violence physique ou morale, à la tromperie ou à un abus de pouvoir pour l’astreindre à une exploitation sexuelle, à un travail ou à des services forcés, à l’esclavage ou à des pratiques analogues à l’esclavage, à la servitude, ou à un prélèvement d’organe ou de tissu ou de leurs composants ».

Lorsque ce délit est commis à l’encontre de mineurs de 18 ans ou de personnes n’ayant pas la capacité de comprendre l’importance de l’acte ou d’y résister, la législation nationale du Mexique ne requiert pas d’apporter la preuve des moyens utilisés pour le commettre ou y contribuer. Si le délit est commis à l’encontre d’un mineur de 18 ans, la peine est de 9 à 18 ans d’emprisonnement et de 750 à 2250 jours d’amende.

Le Rapport initial du Mexique concernant le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/MEX/1) précise que le Mexique ne connaît pas de conflit interne et qu’il n’est pas impliqué dans des conflits armés de caractère international. Par conséquent, ajoutent les auteurs, il n’existe pas de risque que les enfants mexicains soient appelés par les forces armées pour prendre part à des hostilités. Conformément au Protocole facultatif, les Mexicains intégrant les forces armées nationales doivent être âgés de 18 ans, sauf s’ils entrent dans le système d’éducation militaire. Il n’existe aucune disposition légale obligeant un mineur de 18 ans à effectuer un service actif au sein de l’armée et encore moins de règle imposant sa participation à des hostilités. Il n’existe par ailleurs aucune disposition prévoyant le recrutement forcé ou obligatoire dans les forces armées de mineurs de 18 ans. Enfin, en application du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif, le Mexique a déposé une déclaration contraignante indiquant que l’âge minimum d’engagement volontaire de ses ressortissants dans ses forces armées était de 18 ans.

 

Examen du rapport relatif au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Questions et observations des membres du Comité

MME ROSA MARIA ORTIZ, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Mexique sur le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a observé que les États parties se préoccupent généralement de la mise en place d’instruments plus concrets susceptibles d’assurer la protection des mineurs menacés. Or, d’après les constatations du Comité, et malgré des efforts indéniables, le Mexique n’a pas été en mesure d’instaurer un système véritablement global de promotion et de protection des droits de l'enfant, a regretté Mme Ortiz. Si la priorité a été donnée à l’assistance, celle-ci souffre de carences nombreuses. Un « saut qualitatif » s’impose pour dépasser cette démarche d’assistance : il faut intégrer les plans de développement, les stratégies de prévention de la pauvreté et les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), tout en veillant à ce que les ressources et la volonté politique existent pour concrétiser tous les changements exigés.

Malheureusement, le Système national pour le développement global de la famille (SDIF) est très fortement empreint de la notion d’assistance, a noté Mme Ortiz. La première question que le Comité entend poser dans ce contexte est de savoir quelle possibilité y a-t-il de disposer, au-delà du SDIF, d’une instance spécialisée dans les droits de l'enfant et qui guiderait l’action des institutions politiques, des organismes de l’État et de la société civile. Mme Ortiz a assuré qu’elle ne minimisait pas, pour autant, les initiatives de l’État mexicain, « innombrables et extrêmement positives », non plus que son ouverture aux institutions des droits de l'homme de l’Organisation des Nations Unies. Le Mexique doit cependant s’engager de manière résolue dans la mise en place d’un système national clair, fondé sur le droit, adossé à des politiques et institutions rénovées, régi par des autorités et des fonctionnaires s’appuyant eux-mêmes sur des réglementations claires, et doté de mécanismes de suivi, de contrôle et de sanctions contre l’impunité.

Par ailleurs, la rapporteuse a regretté, au nom du Comité, le décalage entre, d’une part, les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et du Protocole facultatif et, d’autre part, la législation mexicaine, en particulier un « manque d’harmonisation ». Mme Ortiz a aussi déploré l’absence d’un Conseil national des droits de l’enfant « fonctionnel ». Elle a constaté que, vingt ans après la ratification de la Convention, le pays ne disposait toujours pas de système pénal pour les mineurs basé sur le droit, et qui ne criminalise pas les jeunes pour la violence s’exerçant contre eux non seulement du fait du crime organisé, mais aussi de l’État. Après avoir cité une longue liste d’enlèvements et d’assassinats de mineurs, Mme Ortiz a demandé quelles mesures l’État avait prises pour éviter que de tels événements ne se reproduisent, pour en sanctionner les auteurs et pour accorder des réparations aux victimes. En conclusion, Mme Ortiz a reconnu que le Mexique était confronté à d’énormes difficultés dont les causes structurelles concernaient l’ensemble de la région, et non pas un seul pays pris isolément.

Un expert du Comité a demandé des précisions sur l’application des délais de prescription des délits visés par le Protocole facultatif ; et si la loi mexicaine autorise les procès par contumace. Un de ses collègues a souhaité savoir combien de plaintes avaient été déposées par des mineurs ou leurs représentants. Il a constaté par ailleurs que si le Mexique a, effectivement, lancé de très nombreux programmes en vue d’appliquer les dispositions du Protocole facultatif, on regrette que ces démarches ne fassent l’objet d’aucune évaluation. Une experte a demandé de quelle rééducation bénéficient les enfants mis en scène dans la pornographie. Un autre expert a évoqué le problème des enlèvements et disparitions, souhaitant connaître la proportion de mineurs parmi les victimes de ces crimes. Un autre expert a noté que le rapport mentionnait l’existence d’un centre pilote de réinsertion des victimes dans l’État de Jalisco ; il a demandé une actualisation concernant les activités de cette institution ces dernières années, notamment en matière de formation de personnel.

Un autre expert a demandé si l’avis de l’enfant était demandé lors d’une adoption et si un échange d’argent était admis dans la procédure – ce qui impliquerait qu’il s’agisse alors de vente et non plus d’adoption, selon la définition admise. L’expert a demandé par ailleurs si les traités d’extradition signés par le Mexique tenaient compte des crimes de vente, traite et pornographie impliquant des enfants. S’agissant du fonctionnement de la justice, le même expert a demandé si la confrontation des victimes à leurs tortionnaires était obligatoire pendant les procès et si le témoignage par l’intermédiaire d’enregistrements audio et vidéo était admis.

Revenant sur la problématique de l’adoption, une experte a demandé comment les fonctionnaires compétents dans ce domaine sont formés. L’adoption de politiques est une chose, a observé l’experte : mais, si les personnes chargées de les appliquer n’en sont pas informées, ces politiques seront inopérantes – sans oublier la population qui doit, elle aussi, être sensibilisée aux décisions prises par l’État et par la représentation nationale.

S’agissant de la traite des personnes, le délit de vente est défini de manière très précise par le Protocole facultatif : l’État partie doit donc légiférer de manière à ne pas confondre les notions de « vente » et de « traite » d’êtres humains, a expliqué un expert. Une de ses collègues a voulu savoir quels liens le Conseil national de l’enfance entretient avec les autres institutions étatiques concernées, s’agissant particulièrement de la vente des personnes. Elle a aussi relevé que trois millions d’enfants ne sont pas scolarisés au Mexique, nombre d’entre eux étant élevés au sein de familles vivant sous le seuil de pauvreté.

La Présidente du Comité, Mme Yanghee Lee, a enfin demandé si le Code pénal fédéral prévoyait la notion de « double criminalité » s’agissant des délits mentionnés dans le Protocole facultatif. Elle a aussi souhaité savoir s’il existait un code de conduite pour le secteur touristique et si la prostitution des enfants est bien interdite par tous les États fédérés.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation au sujet de l’application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

L’abrogation de l’article 133 de la Constitution relatif à la prééminence absolue de la Constitution nationale n’est pas envisagée. Cet article demeure en vigueur et, par conséquent, le principe de la primauté de la Constitution, a indiqué la délégation. Toutefois, un certain nombre de notions en matière de droits de l'homme sont en débat dans le pays, l’objectif étant de pouvoir invoquer les traités internationaux devant les tribunaux mexicains.

La délégation a précisé que les garanties aux victimes sont reconnues dans le cadre du nouveau système de justice accusatoire. Les adolescents ont le droit à l’information et d’être accompagnés d’adultes, parents ou tuteurs. Il s’agit d’une justice de réhabilitation, la peine de privation éventuelle de liberté ne pouvant intervenir avant l’âge de 14 ans. D’autre part, un catalogue des droits des victimes a été rédigé. Celui-ci permet par exemple qu’une confrontation entre victimes mineures et suspects se fasse par visioconférence, et non en présence physique des personnes concernées, victimes mineures et suspects. Quant aux délais de prescription, l’article 107 bis du Code pénal fédéral prévoit qu’ils courent à partir de la majorité légale de la victime (dans les cas de pornographie ou de traite). Dans le cas où une victime est mineure, le délai est calculé à partir du moment où celle-ci devient majeure.

La loi prévoit par ailleurs que lorsqu’une personne est identifiée comme responsable d’un délit, des conditions doivent être remplies, notamment la « double criminalité », pour répondre à une demande d’extradition. Le délit doit en effet être incriminé comme tel dans la législation pénale de chacun des pays concernés. Toutefois, le fait que le Protocole facultatif n’impose pas ce critère de double criminalité est susceptible de permettre l’invocation en justice de cet instrument international à l’appui d’une demande d’ouverture de poursuites.

Quant à la responsabilité morale, seules y sont assujetties les personnes physiques. Toutefois, moyennant la mise à disposition de moyens plus efficaces de lutte contre la criminalité organisée, il est envisagé de sanctionner des personnes morales. La question n’est pas tranchée et fait l’objet de débats au Congrès, a indiqué la délégation qui répondait ainsi à une question sur l’éventuelle responsabilité de personnes morales en matière d’actes prohibés par le Protocole facultatif.

Pour ce qui regarde la pornographie, un expert ayant demandé si la détention de matériels de cette nature était passible de poursuites, la délégation a répondu par l’affirmative. L’acquisition de matériel pornographique infantile à des fins personnelles, sa détention comme sa transmission, sont illégales. La délégation a expliqué la différence que la loi mexicaine opère entre prostitution et pornographie. La prostitution consiste en la fourniture de services sexuels, à distinguer du proxénétisme ; la pornographie implique quant à elle un certain degré de coercition. Dans le cas des mineurs en particulier, on estime que la victime est « soumise à la prostitution ». S’agissant du tourisme sexuel, un document est en cours d’élaboration qui sera remis à toutes les parties prenantes, des formateurs de guides aux hôteliers, afin de les sensibiliser à la question de la prostitution des mineurs. Les délits de traite d’êtres humains et celui d’enlèvement sont différents, a souligné la délégation. Mais si la victime est mineure, la peine encourue est pratiquement doublée. Des soins médicaux ou psychologiques sont aussi prévus pour les victimes d’enlèvement.

En ce qui concerne le travail, les autorités œuvrent de façon étroite avec la société civile. Il existe un programme pilote au Michoacán afin d’aider les enfants des rues à retrouver leur famille, a précisé la délégation. Quant à la formation des fonctionnaires, l’objectif est de faire en sorte que tous les bureaux fédéraux disposent d’agents sensibilisés à la protection de l’enfance. Un expert du Comité étant revenu sur le problème du « travail forcé », notamment celui des enfants domestiques, très jeunes et souvent d’origine autochtone, la délégation a fait savoir que des mesures ont été prises pour lutter contre l’impunité des auteurs de ce crime. Même si ces mesures ne sont pas d’ordre pénal, elles s’apparentent à des mesures d’ordre judiciaire, a précisé la délégation. Un autre expert ayant demandé si le travail forcé était assimilé à la vente de mineurs et s’il était passible, par conséquent, de peines aggravées, la délégation a expliqué qu’il s’agissait d’un délit associé à la traite de personnes, aggravé s’il s’agit de mineurs, passible de 9 à 12 années de prison. Par ailleurs, et d’une manière générale, la priorité est à la réparation du mal.

Un autre expert du Comité ayant abordé les problèmes posés par l’adoption, la délégation a répondu qu’il existait autant de législations que d’États fédérés, soit trente-deux avec le District fédéral de la ville de Mexico. Cela ne signifie pas qu’elles soient très différentes : toutes les lois prennent en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et son degré de maturité. Il s’agit, de toute manière, d’un recours ultime, le milieu familial étant privilégié systématiquement. L’adoption internationale est envisagée lorsqu’il n’existe pas d’autre solution. Deux membres du Comité s’étant étonnés du nombre plus important d’adoptions internationales par rapport aux adoptions nationales, la délégation a précisé que la majorité des enfants susceptibles d’être adoptés étaient âgés de plus de cinq ans, ce qui explique le fait que l’on trouvait plus facilement des parents adoptifs à l’étranger qu’au Mexique même : la plupart des candidats souhaitent en effet adopter un bébé plutôt qu’un enfant déjà grand. Par ailleurs, le Mexique n’autorise pas les adoptions par des ressortissants de pays n’ayant pas adhéré à la Convention relative aux droits de l'enfant.

La procédure d’adoption se déroulant devant un juge, aucun intermédiaire n’est prévu dans ce système, a-t-il été répondu à un expert ayant exprimé des doutes quant à l’existence des garanties requises pour qu’aucune transaction financière n’entache la démarche. La délégation a observé à ce sujet qu’aucune procédure n’est parfaite et qu’il est toujours possible de trouver des améliorations.

S’agissant de la Commission nationale des droits de l'homme, organisme indépendant, la délégation a expliqué que son budget était de 72 millions de dollars. Celle-ci a reçu 1754 plaintes entre 2006 et 2010 de la part de mineurs, dont une centaine de cas d’exploitation sexuelle. Il n’y a pas de cas de recrutements d’enfants par des groupes armés.

Évoquant l’assistance sociale, la délégation a précisé qu’il n’était pas question d’assistanat, de même qu’assistance n’était pas synonyme de pauvreté ou de paternalisme, même si cela avait été le cas pendant longtemps. En 2009, quatre tables rondes ont été réunies pour débattre de la protection de l’enfance, réunions où des mineurs se sont exprimés. Grâce à ce travail, effectué avec la collaboration civile, on est parvenu à un « changement de paradigme », a souligné la délégation.

La délégation a précisé encore que l’État privilégiait les apports de la société civile dans l’aide aux victimes en particulier. L’État – en l’occurrence le Secrétariat à la sécurité publique - aide les organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine de la réintégration des jeunes en difficulté ou ayant subi des sévices. Ce réseau indépendant compte 580 fonctionnaires dans les 32 États.

En conclusion, M. Zamora a rappelé que son pays était bien décidé à progresser dans l’application du Protocole et qu’il étudierait de près les recommandations que le Comité formulerait à la suite de l’examen de ce jour.

Observations et questions des membres du Comité au sujet du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

M. AWICH POLLAR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport initial du Mexique sur l’application du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, a demandé à la délégation de préciser si le Gouvernement avait rencontré des difficultés dans la mise en œuvre dudit instrument. M. Pollar a souhaité savoir ce qui se faisait en matière de prévention de la participation directe d’enfants de moins de 18 ans à des conflits armés. L’expert a demandé si des négociations avec des groupes violents ont été entamées à ce sujet. Il a posé aussi une question sur la coopération internationale, souhaitant connaître le statut au Mexique de la résolution 1612 du Conseil de sécurité établissant un mécanisme de surveillance et de communication de l’information visant à protéger les enfants affectés par la guerre. M. Pollar a, enfin, demandé quel autre instrument le Mexique entend ratifier dans ce domaine.

Un autre expert du Comité a demandé quelle disposition du Code pénal interdisait le recrutement des enfants dans les conflits armés. Il a demandé combien d’enfants avaient été recrutés dans les forces armées et dans les unités chargées de lutter contre le trafic de stupéfiants, et quelle proportion de ces jeunes était issue des milieux pauvres. Un autre expert a soulevé la question du recrutement des enfants dans les groupes non étatiques, compte tenu du fait que le Mexique a souligné son absence de responsabilité dans une déclaration interprétative à cet égard. L’expert a demandé comment l’État envisageait de faire face à la situation relative à « l’armée zapatiste » du Chiapas. S’agissant de l’exportation d’armes, il a demandé si le Mexique exerçait un contrôle sur leur destination, en particulier dans le cas où des mineurs pourraient en être les destinataires de par leur participation à un conflit dans un pays tiers. Un de ses collègues a voulu savoir si les jeunes Mexicains de moins de 18 ans seraient mobilisables en situation d’urgence.

La Présidente du Comité, Mme Yanghee Lee, a demandé quel était le statut – militaire ou civil – des enfants inscrits dans les écoles militaires. En cas de poursuites, sont-ils passibles de la justice militaire ? Il semble par ailleurs que des mineurs soient utilisés comme « guetteurs » dans la guerre contre les trafiquants de drogue, a observé la Présidente, ce qui revient d’autant plus à les placer en première ligne qu’ils souvent sont armés. Mme Yanghee Lee a aussi voulu savoir dans quelle mesure la dérogation permettant à des mineurs de moins de 18 ans de s’enrôler dans l’armée ne concerne pas, au premier chef, des jeunes issus des milieux pauvres.

Mme Ortiz, Rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Mexique relatif au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a souligné pour sa part que la pauvreté pouvait inciter des jeunes à se rallier au narcotrafic, comme guetteurs notamment. Ces jeunes sont-ils considérés comme des victimes ou comme des délinquants ? Sur quelle aide juridique peuvent-ils compter ? Mme Ortiz a évoqué le cas d’un jeune Mexicain qui s’enrôlerait dans l’armée d’un autre pays d’Amérique centrale : comment sera-t-il accueilli lors de son retour éventuel au Mexique ?

Une experte a évoqué les milliers d’assassinats commis chaque année au Mexique, en dépit de l’absence officielle de conflit, le Gouvernement ayant déclaré la guerre aux narcotrafiquants avec son lot de victimes collatérales. L’experte elle a demandé comment l’État envisageait de protéger les mineurs pris dans ces événements. Elle a mis en garde contre le risque d’atteindre un « point de non retour ».

Un de ses collègues est revenu sur la quasi-réserve envers le Protocole facultatif constituée par le fait que le Mexique ait décliné toute responsabilité quant aux menées des groupes non étatiques. L’expert a demandé un éclaircissement de la délégation à ce sujet. Une experte a demandé, enfin, de quelle diffusion le Protocole facultatif bénéficiait dans le pays, particulièrement au sein des forces armées.

Renseignements complémentaires au sujet du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

La délégation a expliqué que le Mexique consent des efforts considérables pour mettre en œuvre ses obligations en matière de droits de l'homme, en vertu de son adhésion aux principaux instruments internationaux de droits de l'homme. Malgré un retard certain au départ, le Mexique a présenté sept rapports ces dernières années, recevant la visite de représentants des organes de défense des droits de l'homme. Il a déclaré que le Comité des droits de l'enfant était invité lui-même à venir constater sur place l’action de son gouvernement. Une Commission de politique gouvernementale en matière de droits de l'homme a été mise en place afin de favoriser le dialogue avec la société civile.

Abordant la question du service militaire, la délégation a expliqué que celui-ci pouvait être effectué de manière volontaire (cas des personnes intégrant l’Académie militaire) ou obligatoire à l’âge de 18 ans – 45 ans au maximum. Il s’agit dans ce dernier cas d’une obligation citoyenne de type social pour tous les garçons, effectuée le samedi et qui consiste à effectuer des travaux d’intérêt général. Les garçons prévoyant de quitter le pays pendant la période normalement prévue, ou en prévision d’études à venir, peuvent effectuer leur service militaire dès 16 ans. Les mineurs de moins de 18 ans qui commettent une faute pendant leur service ne sont pas sanctionnés au-delà de la moitié de la peine normalement prévue. L’incarcération ne peut avoir lieu qu’en cas d’attitudes antisociales graves. Enfin, la délégation a précisé que pour être admis dans les forces armées, il convient d’avoir 18 ans révolus. La seule dérogation concerne les jeunes souhaitant entrer à l’Académie militaire. L’enrôlement forcé est interdit, a fortiori l’enrôlement de mineurs, a rappelé la délégation.

Un autre membre de la délégation a expliqué que le rétablissement de la sécurité dans le pays allait bien au-delà de la lutte contre les narcotrafiquants : il s’agit d’un combat total. Sur les quelque 34 000 victimes de cette guerre, 90 % sont des victimes de règlements de compte entre groupes criminels ; le solde est dû aux affrontements entre forces de l’ordre et malfaiteurs. La délégation a souligné que le Mexique n’était plus simplement un pays de transit mais aussi de consommation de la drogue. Alors que la consommation de cocaïne diminue aux États-Unis au profit des amphétamines, les producteurs cherchent de nouveaux débouchés – tels le Mexique, le Brésil et certains pays européens. Cette situation de transition suppose une collaboration renforcée entre les pays concernés. Pour ce qui concerne la protection de l’enfance, des brochures attractives ont été diffusées dans les écoles pour dissuader les élèves de toucher à la drogue. La délégation a reconnu que la criminalité au Mexique était un sujet de préoccupation, tout en relevant plusieurs pays de la région avaient des taux d’homicides bien plus élevés. On sait d’autre part que la lutte systématique contre la délinquance organisée s’accompagne d’abord d’une augmentation de la violence, comme on a pu le constater à New York, Chicago, Bogota, Medellin ou Palerme, avant un rétablissement de la situation en prélude à l’infléchissement du phénomène. C’est la raison pour laquelle le Mexique est convaincu d’être engagé dans la bonne voie. Son action vise notamment à empêcher les groupes armés à recruter des jeunes.

S’agissant de la situation au Chiapas, les autorités se sont efforcées de transformer l’« Armée zapatiste de libération nationale » autoproclamée en mouvement citoyen. Depuis l’entrée en vigueur du Protocole en 2002, il n’y a pas eu conflit avec cette organisation, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne enfin la déclaration interprétative sur la non-responsabilité de l’État au sujet des menées des groupes non étatiques, cela ne signifie pas que le Mexique ne soit pas disposé à prendre toutes les mesures possibles pour faire face à la situation, a précisé la délégation. Le Mexique est disposé à revoir cette déclaration si besoin est, a expliqué une représentante de la délégation, le Mexique étant pleinement responsable des actes commis sur son territoire.

Conclusion

La rapporteuse du Comité en charge du rapport sur le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, Mme Ortiz, a constaté que le Mexique devait poursuivre son travail d’harmonisation. Sous les applaudissements, Mme Ortiz a annoncé qu’elle s’apprêtait à quitter le Comité à la fin de la présente session, le Mexique étant le dernier pays qu’elle aura eu à suivre dans le cadre de cette institution.

Le rapporteur du Comité en charge du rapport sur le Protocole facultatif sur les enfants dans les conflits armés, M. Pollar, a souligné que la discussion avait bien montré l’engagement de l’État partie. Si cette discussion a été une bonne occasion d’éclairer le Comité, la discussion n’a pas pu pour autant faire entièrement le tour de la question faute de temps, a-t-il noté.

Le chef de la délégation du Mexique pour le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, M. Zamora Castro, a remercié le Comité, se disant conforté par le constat selon lequel son pays avait progressé. Sa collègue, Mme Landerreche, chef de la délégation pour le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a souligné que lorsqu’existait un objectif commun le dialogue s’en trouvait facilité, ce qui est apparu clairement aujourd’hui.

La Présidente du Comité, Mme Lee, a indiqué que les observations finales du Comité seraient rendues publiques dans le courant de la semaine. Elle a remercié Mme Ortiz pour ses huit années passées au sein du Comité des droits de l'enfant.

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