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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables

14 Juin 2010

APRES-MIDI

14 juin 2010

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables et les droits de l'homme, sur la base d'une étude que prépare le Haut Commissariat aux droits de l'homme sur ce thème à la demande du Conseil.

En prélude à cette réunion-débat, le Président du Conseil des droits de l'homme a rappelé que la mortalité maternelle est une question urgente de droits de l'homme. Chaque année, quelque 529 000 femmes meurent des suites de complications liées à la grossesse, un chiffre qui représente un décès par minute. Selon la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui est intervenue dans une déclaration liminaire, une des causes sous-jacentes des décès pendant la grossesse ou l'accouchement sont la violence fondée sur le sexe et la discrimination et, plus fondamentalement, le fait que les femmes n'ont pas la pleine jouissance de tous leurs droits. Le risque de perdre la vie en la donnant n'est pas un danger inévitable inhérent à la grossesse et à l'accouchement; elle résulte souvent de décisions politiques qui aboutissent à une discrimination directe ou indirecte contre les femmes.
M. Anand Grover, Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, dans une déclaration faite en son au nom, rappelle que des interventions peu coûteuses et bien ciblées peuvent prévenir la grande majorité des décès des femmes lors de la grossesse ou de l'accouchement et que les États ont souscrit des engagements à cet égard, notamment dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Mme Rocío Barahona Riera, experte du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que le Comité étaient actuellement en train de rédiger un commentaire général sur le droit à la santé sexuelle et reproductive dont l'objectif est de définir la portée et le contenu normatif de ce droit, afin d'aider les États à honorer leurs obligations internationales en la matière.

Pour Mme Aminata Touré, du Fonds des Nations Unies pour la population, l'accès au planning familial, à des sages-femmes compétentes et à des soins obstétriques d'urgence revêt une importance fondamentale. La nécessité de promouvoir la participation des femmes et des communautés les plus pauvres à la planification de la santé a par ailleurs été relevée par le Coordonnateur national de l'équipe santé de Care International au Pérou et membre de l'initiative internationale sur la mortalité maternelle et les droits de l'homme, M. Ariel Frisancho. En effet, en 25 ans de campagne en faveur d'une maternité moins risquée, l'un des échecs a consisté à ne pas mobiliser suffisamment les femmes en faveur de leur droit à la vie, a constaté le professeur Mahmoud Fathalla, Président du Comité consultatif de l'Organisation mondiale de la santé sur la recherche en matière de santé.

Au total, ce sont 18% des décès maternels qui sont imputables au VIH/sida, a par ailleurs souligné Mme Susana Fried, du Bureau pour les politiques de développement du Programme des Nations Unies pour le développement, plaidant en faveur d'une mobilisation des ressources pour que soient abordés comme il se doit tous les problèmes liés au VIH/sida, à la santé et au développement. Enfin, deux intervenants ont participé au débat par le biais de courtes présentations vidéo: M. Michael Mbizvo, Directeur du Département de la santé reproductive et de la recherche à l'Organisation mondiale de la santé, et Mme Alicia Yamin, de l'École de droit et de l'École de santé publique d'Harvard et chercheur à l'Institut Christian Michelsen de Bergen (Norvège). Ils ont insisté sur l'importance de promouvoir l'accès à l'information sur la santé reproductive, l'accès à des services de santé abordables pour toutes les femmes, et l'accès à l'éducation comme moyens de lutter contre la mortalité maternelle.

Au cours du débat qui a suivi, les délégations de pays ont relevé avec préoccupation que l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la santé maternelle est celui qui est le plus loin d'être réalisé. Engagement et volonté politiques sont nécessaires pour parvenir à réduire et éradiquer la mortalité maternelle, ont-elles souligné. Certaines ont toutefois rappelé qu'en dépit de leur volonté, des pays sont confrontés à des contraintes techniques et financières. Dans la lutte contre la mortalité maternelle, des intervenants ont insisté sur la nécessité de lutter contre les violences sexuelles et les pratiques nocives telles que les mariages forcés et les mutilations génitales féminines. Les inégalités, les discriminations et les violences contre les femmes et les jeunes filles comptent parmi les principales causes de mortalité maternelle, a-t-il été rappelé.

Les délégations suivantes ont participé au débat: Colombie (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Nouvelle-Zélande, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Indonésie, Brésil, Union africaine, Turquie, Espagne (au nom de l'Union européenne), Cuba, Burkina Faso, Hongrie, Paraguay, Soudan (au nom du Groupe arabe), Pays-Bas, Maurice, Mexique, Japon, Sénégal, Australie, Argentine, Belgique, Uruguay, Malaisie, Algérie, Finlande (au nom des pays nordiques), Djibouti, Chine et Égypte.

Des représentants d'Amnesty International et de Center for Reproductive Rights (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) ont également pris la parole.

Demain, à 10 heures, le Conseil entamera son débat général sur la question du suivi et de l'application de la Déclaration et du programme d'action de Vienne, s'agissant notamment de la prise en compte des droits fondamentaux des femmes dans tous les organismes du système des Nations Unies.

Réunion-débat sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables et les droits de l'homme

Le rapport de la Haut-Commissaire (A/HRC/14/39, en anglais seulement) sur l'étude thématique que le Conseil a prié le Haut Commissariat d'élaborer sur la mortalité et la morbidité maternelles évitables et les droits de l'homme a été présenté dans le compte rendu du matin du 8 juin 2010 (HRC/10/67).

Déclaration liminaire de la Haut-Commissaire

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a évoqué les dimensions de la mortalité et de la morbidité maternelles en rapport avec les droits de l'homme, citant notamment l'impact sur le droit à la vie, sur le droit à l'égalité en matière de dignité, sur le droit à l'éducation, sur le droit de chercher, recevoir et transmettre l'information, sur le droit de jouir du progrès scientifique, sur le droit de ne pas être soumis à une discrimination, ainsi que sur le droit au plus haut niveau de santé physique et mentale possible. Selon les derniers chiffres officiels des Nations Unies, quelque 529 000 femmes meurent chaque année des suites de leur grossesse, a poursuivi Mme Pillay, soit un décès par minute. Parallèlement, pour chaque décès maternel, environ 20 femmes souffrent de lésions et de handicaps liés à la grossesse, ce qui représente dix millions de femmes chaque année. La grossesse et l'accouchement entraînent des risques élevés pour les jeunes filles et les adolescentes, dont les corps ne sont pas pleinement développés, a souligné la Haut-Commissaire.

Dans de nombreux pays, a poursuivi Mme Pillay, les complications résultant de la grossesse et de l'accouchement constituent les principales causes de décès parmi les femmes âgées de 15 à 19 ans, alors que dans le monde, 15% des décès maternels, au total, touchent des adolescentes. Dans certains pays, le risque de décès maternel est de un pour sept alors que dans d'autres, il est extrêmement bas, ce qui prouve que la mortalité maternelle peut être réduite de manière significative, a fait observer la Haut-Commissaire. Dans tous les pays, les taux de décès maternel varient énormément entre les différentes communautés ethniques et socioéconomiques, ce qui témoigne de l'importance qu'il y a à remédier aux disparités et aux inégalités en matière d'accès à des services de soins de santé maternelle de qualité. Environ 80% des décès maternels sont causés par l'une des causes médicales suivantes: hémorragies, infections, avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité, hypertension et travail prolongé. Toutefois, a ajouté Mme Pillay, trop souvent, les causes sous-jacentes de ces décès sont la violence fondée sur le sexe et la discrimination et, plus fondamentalement, le déni de la jouissance pleine et entière, par les femmes, de tous leurs droits fondamentaux. L'expérience et les études scientifiques ont prouvé que des interventions médicales appropriées et un accès à des services de soins de santé de qualité constituent des facteurs essentiels de réduction des décès maternels et des handicaps résultant de la maternité.

Comme le souligne le rapport, a indiqué Mme Pillay, les décès maternels sont globalement causés par un certain nombre de facteurs liés entre eux, en particulier par des retards qui, en fin de compte, empêchent les femmes enceintes de recevoir les soins de santé dont elles ont besoin. Ces retards portent sur la recherche d'une assistance médicale appropriée lors d'une urgence obstétrique, sur la capacité d'atteindre une institution de santé appropriée et sur la capacité de recevoir une aide adéquate dans une telle institution. Les taux de mortalité et de morbidité maternelles qui en résultent sont inacceptables en ce sens que, dans la majorité des cas, ils pourraient être évités, a insisté la Haut-Commissaire. La perte de vie n'est pas un danger inévitable et inhérent à la grossesse et à l'accouchement: elle résulte souvent de décisions politiques qui exercent une discrimination directe ou indirecte contre les femmes.

Pour ce qui est des obligations des États, Mme Pillay a rappelé qu'ils doivent assurer aux femmes l'accès à toute une gamme de services de santé sexuelle et reproductive en tant que partie intégrante de la prévention de la mortalité et de la morbidité maternelles. Elle a également souligné que les États ont le devoir de remédier au problème des avortements pratiqués dans des conditions de sécurité insuffisante, qui restent l'une des principales causes de décès maternel.

En dépit des efforts déployés, les évaluations actuelles montrent que l'effort de réduction de la mortalité maternelle est insuffisant pour atteindre l'objectif du Millénaire pour le développement de réduction de la mortalité des trois quarts d'ici 2015. Plus troublant encore, a insisté Mme Pillay, l'objectif concernant l'amélioration de la santé maternelle est l'un des plus éloignés de leur réalisation de tous les objectifs du Millénaire pour le développement. Une approche de ces questions fondée sur les droits de l'homme peut contribuer à la mise en place de programmes et politiques plus efficaces, plus équitables et plus durables, a poursuivi la Haut-Commissaire. Une telle approche aidera les États à comprendre le lien entre pauvreté, discrimination, égalité et santé.

En conclusion, Mme Pillay a notamment plaidé en faveur d'une compilation de bonnes pratiques ou de pratiques efficaces à travers une consultation d'experts qui pourrait être organisée conjointement par les institutions pertinentes des Nations Unies. L'ampleur de la mortalité et de la morbidité maternelles rappelle combien les femmes à travers le monde font l'expérience de l'inégalité et de la discrimination. Cette mortalité et cette morbidité sont perpétuées par des lois et politiques officielles, ainsi que par des normes et des pratiques sociales préjudiciables: cela mérite que nous y consacrions toute notre attention, a conclu la Haut-Commissaire.

Exposés des panélistes

M. ANAND GROVER, Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, dans une déclaration lue par Mme Dragana Korljan, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé qu'en 2000, le nombre des décès dus à la mortalité maternelle à travers le monde était estimé à 500 000, dont 95% en Asie et Afrique. C'est face à ce chiffre jugé intolérable que la communauté internationale a placé la réduction de la mortalité maternelle parmi les objectifs du Millénaire pour le développement. M. Grover rappelle qu'il est bien connu que, grâce à des interventions peu coûteuses et bien ciblées, la grande majorité des décès des femmes lors de la grossesse ou de l'accouchement pourraient être prévenus plus efficacement et plus rapidement que le rythme trop lent des progrès obtenus dans de nombreux pays durant ces dernières décennies. M. Grover insiste aussi sur un aspect moins connu du problème: la mortalité maternelle n'est pas seulement un problème sanitaire devant être traitée par des professionnels de santé, mais aussi une question de droits de l'homme qui exige un effort concerté de la part des pouvoirs publics et de la société civile, ainsi que la volonté politique de lutter contre la discrimination que subissent les femmes dans de nombreux domaines.

M. Grover souligne dans sa déclaration que son prédécesseur et lui-même avaient constamment insisté sur le fait que les États ont l'obligation, en vertu du droit international des droits de l'homme, de prendre des mesures politiques et juridiques au profit des plus vulnérables. Or, beaucoup des femmes qui risquent de mourir durant leur grossesse ou en couches sont pauvres et vivent en lieu rural ou dans des banlieues, y compris dans les pays industrialisés; il s'agit souvent d'adolescentes ou de jeunes femmes de moins de 25 ans. L'accroissement des dépenses et le renforcement des politiques et systèmes de santé, en vue de donner la priorité à la santé maternelle, sont donc essentiels pour la réduction de la mortalité maternelle. Ces politiques doivent s'accompagner d'un accès à l'information, notamment sur la santé reproductive, indépendamment du statut marital ou du lieu d'origine; au planning familial; à l'avortement légal; et à des mesures d'éducation en faveur des femmes.

M. Grover rappelle que les États ont souscrit un engagement international en retenant le cinquième objectif du Millénaire pour le développement. Or, deux décennies plus tard, cet objectif est le plus éloigné de sa réalisation. De plus, cet objectif prévoit une réduction des trois quarts de la mortalité maternelle d'ici à 2015: autrement dit, il tolère encore 125 000 décès évitables. Or, accepterait-on de fixer un objectif prévoyant explicitement 125 000 exécutions ou 125 000 cas de torture par an? Plus grave, nous sommes encore loin de la réalisation de cet objectif, déjà bien trop modeste: cela confirme que les droits fondamentaux des femmes sont largement ignorés. Cela ne peut durer, estime M. Grover, qui demande que, lors du Sommet des objectifs du Millénaire pour le développement de septembre, les États abordent l'objectif 5 dans une perspective de santé publique et l'ensemble des objectifs du Millénaire pour le développement dans la perspective des droits de l'homme.

MME ROCÍO BARAHONA RIERA, membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a estimé que la réunion-débat d'aujourd'hui reflète la complexité de la question qui est au cœur du thème de la mortalité et morbidité maternelles évitables: les taux de mortalité maternelle, soit un demi-million de décès pas année, témoignent-ils d'une violation massive du droit à la santé génésique et, par conséquent, d'un manquement aux obligations internationales concernant ce droit particulier? Selon Mme Barahona Riera, le fait que ce droit ne soit pas réalisé constitue non seulement une violation de ce droit en soi, mais également la violation de multiples autres droits de l'homme: droit à la vie, droit à la non-discrimination et droit de bénéficier du progrès scientifique, entre autres.

L'experte a indiqué que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels était en train de rédiger un «commentaire général» sur le droit à la santé sexuelle et reproductive. L'objectif est de définir clairement la portée et le contenu normatif de ce droit, afin d'aider les États à honorer leurs obligations internationales dans ce domaine, y compris par l'adoption de mesures concrètes et de politiques publiques destinées à garantir le droit à la santé génésique sans discrimination. Les États devront, pour ce faire, éliminer des pratiques culturelles et religieuses qui violent ces droits. Ils devront aussi garantir des soins maternels et infantiles de qualité et assurer l'accès à l'information sur la contraception et aux services d'urgences obstétriques, ainsi que le libre choix en matière de santé sexuelle et reproductive.

Mme Barahona Riera a rappelé que le cinquième objectif du Millénaire pour le développement prévoyait de réduire la mortalité maternelle de 75% entre 1990 et 2015. Au vu des progrès réalisés jusqu'ici, il importe d'intensifier les efforts en vue de la réalisation de cet objectif. Ces dernières années, a poursuivi l'experte, on a pu constater que l'affaiblissement des systèmes de santé publics au profit de systèmes de santé privés a aggravé la situation des femmes et des adolescentes vulnérables. L'experte a, par conséquent, plaidé pour un renforcement des systèmes de santé publics afin d'offrir des soins de santé gratuits et de qualité pour tous. Elle a préconisé d'allouer les ressources nécessaires aux services de santé maternelle et infantile, ainsi qu'aux programmes d'éducation à la santé sexuelle et reproductive; d'assurer des services gratuits de contraception et de planification des naissances; et d'accorder une attention particulière aux soins et à la nutrition avant et après l'accouchement. Sans ces mesures de base, la mortalité maternelle, la mortalité infantile, les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses précoces augmenteront et toucheront des millions de femmes dans le monde, a-t-elle mis en garde.

MME SUSANA FRIED, Consultante spécialiste des questions de genre et de droits de l'homme, chargée des questions relatives aux pratiques en matière de VIH/sida au Bureau pour la politique de développement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a souligné qu'il est nécessaire d'aller de l'avant pour prévenir quelque 500 000 décès maternels annuels. Dire que le VIH/sida et la mortalité maternelle sont liés est une évidence, a-t-elle poursuivi. Au total, 18% des décès maternels sont imputables au VIH/sida, a rappelé Mme Fried. À cet égard, certaines interventions structurelles pourraient avoir des effets utiles et mener à des progrès durables, surtout lorsqu'elles permettent la création de mécanismes impliquant directement les femmes, a-t-elle souligné.

Mme Fried a rappelé que les droits de l'homme sont au cœur de tous les objectifs du Millénaire pour le développement. Outre qu'elles sont davantage exposées aux décès liés à la grossesse et à l'accouchement, les femmes vivant avec le VIH/sida sont confrontées à des actes de violence et à des violations de leurs droits fondamentaux, a insisté la Conseillère du PNUD. Le PNUD appuie l'intégration de la santé maternelle dans les stratégies de réduction de la pauvreté, a poursuivi Mme Fried. Celle-ci a enfin plaidé en faveur d'une mobilisation des ressources afin que soient abordés comme il se doit tous les problèmes liés au VIH/sida, à la santé et au développement.

MME AMINATA TOURÉ, du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a jugé inacceptable qu'entre 350 000 et un demi-million de femmes meurent chaque année en donnant la vie. Les faibles progrès dans la réduction de la mortalité maternelle enregistrés par de nombreux pays témoignent du peu de valeur accordé aux femmes, et en particulier aux femmes pauvres, a-t-elle estimé. Pour le FNUAP, l'approche «droits de l'homme» est la plus efficace et la plus durable pour réduire la mortalité et la morbidité maternelles. Mme Touré a préconisé que tous les cas de mortalité maternelle soient recensés et expliqués. Elle a demandé la mise en place de mécanismes participatifs permettant aux organisations de femmes de prendre part à la planification de la santé au plan local et national. L'experte a demandé que les institutions nationales de droits de l'homme intègrent les doits reproductifs dans leur travail. Les juges devraient comprendre que la prévention de la mortalité maternelle évitable est un droit fondamental. Enfin, il faudrait mettre en place des mécanismes pour indemniser les victimes et survivantes de la mortalité maternelle évitable. Mme Touré a cité en exemple la loi sur la maternité adoptée en 1994 par l'Équateur, qui garantit à toute femme enceinte ou en couches des soins de qualité et gratuits; la loi couvre aussi tous les enfants de moins de cinq ans.

Nous savons aussi qu'il est important de garantir l'accès au planning familial, à des sages-femmes compétentes et à des soins obstétriques d'urgence, a poursuivi Mme Touré, pour qui l'accent doit être mis sur la participation communautaire. Il est également essentiel d'insister sur les soins aux groupes désavantagés et marginalisés, a-t-elle ajouté, en rappelant que des progrès dans certains indicateurs nationaux peuvent fort bien masquer une dégradation de la situation de certains groupes pauvres ou désavantagés, comme les femmes pauvres, autochtones, déplacées ou encore handicapées. Mme Touré a rappelé que les coûts sont un obstacle majeur à l'accès aux services de santé maternelle, de même que la faible qualité des services, même gratuits. Elle a donc insisté sur l'importance d'une augmentation des dépenses en faveur de services de santé de qualité.

M. MICHAEL MBIZVO, Directeur du Département de la santé reproductive et de la recherche à l'Organisation mondiale de la santé, a fait une présentation vidéo en indiquant que l'efficacité de la lutte contre la mortalité maternelle dépend de deux facteurs: l'accès des femmes à l'information sur la santé reproductive; et l'accès des femmes à des services de santé abordables. M. Mbizvo a en outre souligné l'importance de l'accès à l'éducation: lorsque les femmes sont informées, font des choix en toute connaissance de cause et prennent leurs propres décisions, on constate que la mortalité maternelle diminue.

MME ALICIA YAMIN, enseignante à la Faculté de santé publique de Harvard, chercheuse à l'Institut Christian Michelsen de Bergen (Norvège), a notamment déclaré dans une autre présentation vidéo que si 99% de la mortalité maternelle intervient dans les pays en développement, il ne faut pas oublier que les femmes dans le monde développé, et notamment aux États-Unis, sont elles aussi confrontées à des problèmes d'accès à des soins de santé abordables et de qualité. Une étude récente a ainsi montré qu'aux États-Unis, les petites filles de couleur sont quatre fois plus susceptibles de décéder à la naissance que les petites filles blanches: la prévention de la mortalité des filles doit nécessairement passer par la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes.

M. MAHMOUD FATHALLA, professeur égyptien de gynécologie et d'obstétrique, Président du Comité consultatif mondial sur la recherche sanitaire de l'OMS, a indiqué qu'une étude réalisée dans 181 pays avait montré que de nombreux progrès enregistrés dans les trois dernières décennies en matière de lutte contre la mortalité maternelle sont le résultat d'abord de l'éducation à la maternité, puis à trois autres facteurs également liés à l'éducation: diminution du nombre des grossesses non désirées, augmentation des revenus individuels et suivi des accouchements par du personne de santé professionnel.

L'une des causes de l'échec des campagnes en faveur de la sécurisation de la maternité tient au fait que l'on n'a pas su mobiliser les femmes pour le respect de leur droit à la vie. Les femmes du Nord ont oublié depuis longtemps ce qu'était la mortalité maternelle, alors que leurs sœurs du Sud tendent à considérer la mortalité maternelle comme un risque inévitable, a-t-il déclaré. Or, les femmes du XXIe siècle ne doivent pas être tenues de renoncer à leur droit à la vie: elles meurent parce que certaines sociétés n'ont pas encore décidé que leur vie méritait d'être sauvée, a affirmé le professeur Fathalla. Rappelant que la grossesse n'est pas une maladie mais une fonction biosociale privilégiée sans laquelle l'humanité disparaîtrait rapidement, M. Fathalla a conclu sa présentation en demandant au Conseil de ne pas sous-estimer ce qu'il est en mesure de faire pour combattre la tragédie humaine de la mortalité maternelle.

M. ARIEL FRISANCHO, Coordonnateur national de l'équipe santé de Care International au Pérou et membre de l'initiative internationale sur la mortalité maternelle et les droits de l'homme, a estimé que le rapport du Haut Commissariat présentait des propositions pertinentes sur l'importance d'adopter une approche de droits de l'homme en matière de mortalité et morbidité maternelles évitables. M. Frisancho a constaté que des progrès importants ont été réalisés dans la lutte contre la mortalité maternelle, ajoutant que ces progrès doivent être portés au crédit des gouvernements qui ont fait preuve d'une certaine volonté politique et pris des mesures effectives dans ce domaine. Pour sauver la vie des femmes, les établissements de santé doivent respecter les droits et la dignité des femmes, a-t-il souligné. L'accès à des soins de bonne qualité, en temps opportun, fait partie intégrante des droits des femmes.

M. Frisancho a souligné que la participation était un aspect fondamental dans la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles évitables. Il s'est dit persuadé que si les femmes participent à la prise des décisions les concernant, les grossesses seront plus sûres. Il faut écouter la population, a-t-il insisté. Des changements durables ne pourront être obtenus qu'avec la participation de tous, en particulier des plus pauvres, aux politiques de santé. Cet aspect renforce l'approche de droits de l'homme préconisée par la Haut-Commissaire dans la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles évitables.

M. Frisancho a donné quelques exemples du travail effectué par son équipe sur le terrain. Des initiatives ont été lancées pour renforcer les capacités des réseaux locaux de la société civile et des femmes leaders de communautés, pour qu'ils se chargent de la surveillance et de l'évaluation des services de santé existant. Les informations ainsi récoltées sont ensuite prises en compte dans le cadre d'un dialogue avec les autorités sanitaires au niveau local et avec l'Ombudsman, en vue d'améliorer les services de santé. Ce projet, a précisé M. Frisancho, a également permis d'accroître la sensibilité des femmes des zones rurales à leurs droits, ainsi que de mettre en avant la nécessité d'améliorer la réponse des services de santé aux demandes et aux besoins des femmes. D'autres initiatives de renforcement des capacités des communautés ont également été mises en place en Inde et au Kenya, a conclu M. Frisancho.

Aperçu du débat

À l'instar de la Colombie, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, plusieurs pays – notamment le Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), le Brésil, le Paraguay, les Pays-Bas ou encore l'Australie – ainsi que le représentant de l'Union africaine, ont relevé avec préoccupation que le cinquième objectif du Millénaire pour le développement, qui concerne la santé maternelle, est celui qui est le plus loin d'être réalisé, selon l'étude thématique de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la question.

La représentante de la Colombie, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a exprimé l'espoir que le Conseil prendrait des mesures visant la réduction de la mortalité maternelle dans le monde. Engagement et volonté politiques sont nécessaires pour parvenir à une telle réduction, ont souligné plusieurs délégations. La représentante du Burkina Faso a pour sa part rappelé qu'en dépit de leur volonté, certains pays sont confrontés à des contraintes techniques et financières dans leur choix de lutter contre la mortalité maternelle et infantile. La représentante de Cuba a déploré que la situation en matière de mortalité maternelle n'ait pas changé depuis des années, insistant sur l'importance d'une coopération internationale pour remédier à cette situation. Plusieurs délégations ont, elles aussi, insisté sur la nécessité d'une coopération internationale adéquate aux fins de la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles.

La représentante de la Nouvelle-Zélande a invité la Haut-Commissaire à soumettre son rapport thématique sur cette question en tant que contribution à la réunion de haut niveau qui se tiendra à New York au mois de septembre prochain pour passer en revue les engagements pris dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement, notamment en matière d'amélioration de la santé des femmes. Plusieurs délégations, dont celle de l'Espagne au nom de l'Union européenne, se sont pour leur part félicitées du Plan d'action du Secrétaire général sur la santé des enfants et des femmes.

La mortalité maternelle est certes un problème de santé publique, mais c'est aussi un problème de droits de l'homme, a-t-il été souligné. Le défi de la prévention de la mortalité maternelle doit être traité à la fois sur le plan médical et sur les plans social et économique, a souligné la représentante de la Turquie. La représentante du Mexique a pour sa part rappelé que la mortalité maternelle est un problème de justice sociale. Le représentant du Pakistan a souligné que la mortalité maternelle est particulièrement élevée au sein de certaines communautés ethniques des pays développés. Certains intervenants, comme le représentant de l'Espagne, ont insisté sur la nécessité de lutter contre les violences sexuelles et les pratiques nocives telles que les mariages forcés.

La représentante de la Belgique a dénoncé les effets dévastateurs sur la santé des pratiques nocives traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines. Les inégalités et discriminations contre les femmes et les jeunes filles sont l'une des principales causes de mortalité maternelle, a pour sa part souligné la représentante de l'Australie. Plaidant en faveur du concept de «sécurité humaine», qui permet à chaque citoyen d'épanouir son potentiel, la représentante du Japon a attiré l'attention sur les causes socioéconomiques, y compris la violence contre les femmes, du problème de la mortalité maternelle.

Le représentant du Soudan, au nom du Groupe arabe, a rappelé que de nombreux décès de femmes auraient pu être évités si ces femmes avaient pu avoir accès en temps voulu aux soins de santé nécessaires. Il a par ailleurs attiré l'attention sur la situation préoccupante des femmes palestiniennes enceintes dans les territoires occupés, où elles se retrouvent parfois à accoucher aux points de contrôle.

Le représentant de l'Union africaine a indiqué que les chefs d'États et de Gouvernement de l'Union africaine ont choisi de faire de la réduction de la santé maternelle et infantile le thème du prochain sommet de l'Union qui se tiendra à Kampala, en Ouganda, au mois de juillet prochain.

Plusieurs pays ont fait part des mesures qu'ils ont prises aux fins de la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles. Le représentant de l'Indonésie a reconnu qu'en dépit de progrès ces dernières années, son pays reste confronté à un certain nombre de défis pour atteindre cet objectif du millénaire. Le représentant du Brésil a fait part du plan d'action national pour la santé intégrale de la femme récemment lancé dans son pays. La représentante de Cuba a souligné que dans son pays, plus de 99%, soit la quasi-totalité des accouchements se font dans des hôpitaux, entre les mains d'un médecin. La représentante de la Hongrie a notamment attiré l'attention sur le système de planification familiale généralisé mis en place dans son pays. Le représentant du Paraguay a indiqué que son pays avait adopté un plan national de santé sexuelle et reproductive pour les années 2009-2013. Le représentant de Maurice a souligné que les services de santé sont gratuits dans son pays, sans discrimination aucune. La situation à Maurice a beaucoup progressé ces dernières années en matière de santé maternelle, a-t-il ajouté. Le représentant du Sénégal a indiqué que dans son pays, les autorités ont érigé au rang de priorité la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles, cherchant en particulier à promouvoir dans ce contexte l'accès universel aux soins obstétricaux et médicaux d'urgence. La représentante de l'Australie a indiqué qu'en Papouasie Nouvelle Guinée, le risque de décès maternel durant la grossesse ou l'accouchement est de 1 sur 55 contre 1 sur 13 000 en Australie. Le représentant de l'Argentine a indiqué que son pays a conçu un plan de réduction des mortalités maternelle et néonatale.

La représentante des Pays-Bas s'est enquise des résultats du dialogue engagé entre les institutions spécialisées concernées s'agissant de la réduction de la mortalité maternelle. Quels sont les moyens de susciter une synergie entre le Conseil et l'Organisation mondiale de la santé s'agissant de ces questions, a demandé le représentant de Maurice?

La représentante de la Colombie, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a attiré l'attention sur le fait que l'objectif 5 restait le plus éloigné de sa réalisation, et a estimé que le Sommet de septembre sur les objectifs du Millénaire pour le développement serait l'occasion de mettre l'accent sur la réalisation de cet objectif.

La représentante de l'Uruguay et de l'Algérie ont estimé que leur pays serait en mesure de réaliser l'objectif 5 d'ici à 2015. La représentante de l'Algérie a en outre mis l'accent sur le rôle de l'aide publique au développement en matière de santé. Plusieurs représentants ont mis l'accent sur la coopération internationale. Ce fut le cas de la Malaisie, dont la représentante a estimé qu'il fallait aussi parler de la capacité de l'État à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement, de la Chine, ou encore de l'Égypte, qui a insisté sur le lien entre l'objectif 5 et les autres objectifs, notamment l'objectif 8 sur la coopération internationale.

La représentante de la Finlande, au nom des pays nordiques, a insisté sur l'engagement ferme de ce groupe de pays en faveur des droits des femmes et notamment du droit à la santé et à l'accès aux soins génésiques. Elle a plaidé en faveur du droit des femmes du monde entier à connaître et disposer pleinement de leur corps, estimant qu'une éducation sexuelle inclusive était essentielle pour réduire la mortalité maternelle, prévenir les grossesses non désirées et lutter contre le VIH/sida. Elle a rappelé que les décès liés à des avortements étaient les plus faibles dans les pays où l'avortement est légal.

Le représentant d'Amnesty International a déclaré que, pour causes de difficultés économiques, beaucoup de femmes n'avaient plus accès aux soins de santé maternelle. Toutefois, a-t-il ajouté, les États peuvent faire des progrès quand ils ont la volonté politique de réduire la mortalité et morbidité maternelle. La représentante de Center for Reproductive Rights (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) a estimé que les progrès durables ne seraient possibles que si sont réellement garantis les droits sexuels des femmes, y compris leurs droits reproductifs, et a encouragé le Conseil à entériner les conclusions du rapport du Haut Commissariat aux droits de l'homme, et la Haut-Commissaire à présenter ce rapport lors du Sommet de septembre sur les objectifs du Millénaire pour le développement.

Conclusions des panélistes

MME BARAHONA RIERA est revenue sur une question relative à la coopération internationale et a estimé que la réunion du mois de septembre sur l'évaluation des progrès en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement permettra de mieux envisager la forme que prendra cette coopération en vue de 2015. Il faut que les parties s'acquittent de leurs obligations et garantissent les droits des femmes, a-t-elle rappelé, précisant que les services fondamentaux de santé génésique devraient être considérés comme prioritaires et devraient être gratuits.

MME FRIED a, à l'instar de plusieurs intervenants, relevé l'importance du huitième objectif, relatif au partenariat international. La coopération internationale est de la plus haute importance. Elle a également insisté sur l'importance de concevoir la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles évitables dans le cadre d'une approche de droits de l'homme.

MME TOURÉ a rappelé que les États ont l'obligation de prendre des mesures pour réaliser pleinement tous les différents droits, y compris le droit à la santé et le droit à la vie. Il faut aider les pays en développement à garantir ces droits. Le Conseil des droits de l'homme a d'ailleurs demandé aux pays développés d'honorer les engagements auxquels ils ont souscrits, s'agissant notamment de l'assistance aux pays en développement, a-t-elle rappelé. Elle a expliqué que le Fonds des Nations Unies pour la population aidait les pays à éliminer les barrières financières qui entravent l'accès des femmes aux services de santé, ainsi qu'à s'atteler aux causes de la mortalité maternelle comme l'insuffisance de l'éducation des filles et les mariages et grossesses précoces.

M. FATHALLA a fait observer que deux options s'offrent à la communauté internationale: soit elle considère la mortalité maternelle comme un problème de droits de l'homme, fait autre chose et progresse, soit elle continue comme d'habitude. Si elle choisit cette deuxième option, nous ne pouvons pas s'attendre à ce qu'elle relève les défis, a-t-il mis en garde.

M. FRISANCHO a souligné l'importance de la volonté politique: il faut que les États consentent à ce que les femmes aient voix au chapitre. Il faut renforcer les capacités, promouvoir l'autonomisation des femmes et assurer leur participation. Nous savons ce qu'il faut faire pour lutter contre la mortalité maternelle, mais si nous n'écoutons pas les personnes directement concernées, nous échouerons, a-t-il averti. Il a également relevé l'importance de toucher les populations résidant dans les campagnes.

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