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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat consacrée aux victimes de la traite des personnes

02 Juin 2010

APRES-MIDI

2 juin 2010

Le Conseil des droits de l'homme a tenu cet après-midi une réunion-débat consacrée à la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, destinée en particulier à permettre aux victimes de la traite de faire entendre leur voix.

Ouvrant les débats, M. Hisham Badr, Vice-Président du Conseil des droits de l'homme, a insisté sur la nécessité d'aborder la question de la traite des êtres humains sous l'angle des droits de l'homme des victimes. Il est essentiel dans ce contexte de donner la parole à celles et ceux qui ont traversé ce calvaire et y ont survécu, a-t-il estimé. Mme Kyung-Wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a ajouté que la traite des êtres humains devait être considérée comme un crime transnational. Elle a appelé les États qui ne l'ont encore fait à adhérer au Protocole additionnel à la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Mme Joy Ngozi Ezeilo, Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, a pour sa part soutenu qu'une approche centrée sur la victime et sur les droits de l'homme était nécessaire pour bien aborder la question de la traite des êtres humains: ce n'est qu'en écoutant les victimes que l'on pourra véritablement poursuivre les trafiquants.

Le Conseil des droits de l'homme a ensuite entendu les témoignages de cinq victimes de la traite des personnes. Charlotte Awino, de l'Ouganda, enlevée par l'Armée de libération du Seigneur (LRA) et victime de sévices sexuels, a déclaré que les victimes ont avant tout besoin de soutien matériel et psychologique pour se reconstruire et se réinsérer. La mère de Charlotte, Mme Angela Atyam, a demandé au Conseil des droits de l'homme d'aider les peuples d'Afrique à mettre un terme aux exactions de l'Armée de résistance du Seigneur. M. Kumar Ramjali, du Népal, enlevé pour être soumis au travail forcé en Iraq. Mme Jana Kohut, de la Bosnie-Herzégovine, a été forcée à la prostitution en 2005 en Slovénie et a demandé aux gouvernements, médias et autres institutions d'adopter une attitude claire et résolue pour contrer les réseaux puissants sur lesquels s'appuient les trafiquants. Mme Kikka Cerpa, du Venezuela, a quant à elle jugé qu'il fallait considérer comme criminels ceux qui achètent des services sexuels, leur argent enrichissant les trafiquants et entretenant le système. Enfin, M. Andrey Pura, Bélarussien séquestré dans une briqueterie au Daguestan durant plusieurs mois, a déploré que les lois contre l'esclavage ne soient pas appliquées par la Russie.

Les délégations ont rendu hommage au courage des témoins qui ont contribué à lever le voile sur des drames peu connus. Les témoignages des victimes ont amené plusieurs délégués à insister sur l'importance de placer le bien-être et la protection des victimes au centre de la lutte contre la traite. D'autres délégations ont appelé à la ratification du Protocole de la Convention de Palerme et souligné les liens étroits entre la traite et les disparités en matière de développement, qui favorisent les migrations illégales. Plusieurs intervenants ont en outre mis en avant les réalisations de leur pays en matière de lutte contre la traite des êtres humains.

Les délégations suivantes ont participé aux débats: Allemagne, Brésil, Union européenne, Philippines, Mexique, Pakistan, Burkina Faso, Colombie (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), République du Congo, Slovaquie, Thaïlande, Tunisie, France, Russie, Indonésie, Nigéria (au nom du Groupe africain), Bélarus, Australie, Népal, Argentine, Paraguay, États-unis, Suisse, Maroc, Chine, Turquie, Uruguay, Azerbaïdjan, Lituanie, Égypte, Panama, Algérie, Pérou, République de Corée et Slovénie. La Commission des droits de l'homme des Philippines et plusieurs organisations non gouvernementales sont aussi intervenues: Alianza Global contra la Trata de Mujeres (au nom également de Franciscain international et Amnesty International) et la Fédération internationale Terre des hommes.

Le Conseil des droits de l'homme poursuivra ses travaux demain matin dès 9 heures en reprenant le dialogue interactif sur les rapports présentés, à la mi-journée aujourd'hui, par la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats et par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

Réunion-débat avec des victimes de la traite des personnes

Déclarations liminaires

M. HISHAM BADR, Vice-président du Conseil des droits de l'homme, a introduit la réunion-débat en insistant sur la nécessité d'aborder la question de la traite des êtres humains sous l'angle des droits de l'homme des victimes. Il est essentiel dans ce contexte de donner la parole à celles et ceux qui ont traversé ce calvaire et y ont survécu. La réunion-débat sera axée sur la nécessité de prendre en compte les besoins des victimes.

MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, s'est réjouie de participer à cette manifestation unique qui donnera l'occasion au Conseil des droits de l'homme d'entendre les témoignages de personnes ayant survécu à la traite des êtres humains. Chacune des expériences qui seront relatées rappellera avec force la raison d'être du Conseil des droits de l'homme.

La traite des êtres humains est l'une des pires formes de violations des droits de l'homme, a poursuivi Mme Kang. Les femmes, hommes et enfants qui en sont victimes subissent de nombreuses formes d'exploitation sexuelle et liée au travail. La traite doit de plus être abordée en tant que crime transnational et comme un défi résidant au cœur même de l'action de la communauté internationale face au phénomène croissant des migrations transfrontalières. Plus fondamentalement, elle doit être considérée comme une atteinte à la dignité et à l'intégrité des individus. Elle détermine la jouissance des droits qui nous sont les plus chers: droit à la vie, à l'égalité, à la santé, à la liberté de mouvement et d'être reconnu comme un sujet de droit. En termes pratiques, le fait de placer les victimes au centre de la démarche implique d'envisager, à chaque étape, les répercussions d'une loi ou d'une mesure sur les personnes ayant été victimes de la traite ou risquant de le devenir.

Cette démarche, a poursuivi Haut-Commissaire adjointe, oblige en particulier à refuser toute solution revenant à transiger sur le respect des les droits et des libertés. L'approche est déterminée par l'éradication de la discrimination et le démantèlement des structures perpétuant l'impunité dont jouissent les auteurs de la traite. Cette approche centrée sur les victimes commence nécessairement par l'écoute des victimes et des survivants de la traite. Leur expérience doit étayer la formulation de mesures plus efficaces et mieux ciblées. C'est pourquoi le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a associé des victimes et de survivants aux travaux de l'Assemblée générale dans ce domaine.

Pour sa part, le Conseil des droits de l'homme doit veiller à l'application concrète et réelle du cadre juridique international de lutte contre la traite et toutes les formes d'exploitation qui y sont liées. Les États doivent rendre compte des violations de leurs obligations en matière de protection et d'identification des victimes, de soutien aux victimes, de poursuite des auteurs des crimes et de prévention de leur répétition. Mme Kang a appelé les États qui ne l'ont encore fait à adhérer au Protocole de la Convention de Palerme visant à empêcher, supprimer et sanctionner le trafic de personnes, notamment des femmes et des enfants, dont on célèbre actuellement le dixième anniversaire de l'adoption par l'Assemblée générale. La réponse des États doit être mesurée à l'aune de leurs obligations juridiques internationales, a conclu Mme Kang, estimant qu'à cet égard les organes des traités de droits de l'homme, ainsi que les mécanismes du Conseil des droits de l'homme, notamment le mandat du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, ont un rôle particulièrement important à jouer.

MME JOY NGOZI EZEILO EMEKEKWUE, Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a estimé que c'est un message très important adressé aujourd'hui par le Conseil des droits de l'homme. La traite des personnes est un crime qui donne lieu à des violations effroyables des droits de l'homme et nécessite toute l'attention des États membres, a-t-elle souligné. Elle a espéré que la réunion d'aujourd'hui mobilisera un engagement croissant, après avoir entendu les voix et les réflexions des victimes. Mme Ezeilo s'est dite convaincue qu'il s'agit d'un privilège d'écouter des personnes exceptionnelles qui ont survécu à la traite des êtres humains et ont encore la force de venir le raconter. Elle a soutenu qu'une approche centrée sur la victime et sur les droits de l'homme est nécessaire pour bien aborder la question de la traite des êtres humains: ce n'est qu'en écoutant les victimes que l'on pourra véritablement poursuivre les trafiquants, a-t-elle déclaré. Avant de les présenter aux membres du Conseil, la Rapporteuse spéciale a expliqué que les personnes qui allaient participer à la réunion avaient été victimes de traite dans des contextes très différents: exploitation sexuelle, travail forcé, en temps de paix comme en temps de conflit armé. La traite se produit dans des conditions très diverses; il ne faut pas se concentrer uniquement sur les formes largement connues de la traite, a tenu à préciser Mme Ezeilo, indiquant à titre d'exemple que la traite des hommes ou le travail forcé ne sont pas très connus.

L'actrice britannique EMMA THOMPSON a ensuite présenté un bref message vidéo consacré à lutte contre la traite des personnes.

Témoignages

MME CHARLOTTE AWINO, de l'Ouganda, a raconté qu'elle avait été enlevée, comme 139 fillettes, par des membres de l'Armée de libération du Seigneur (LRA) alors qu'elle se trouvait dans son école dans le Nord du pays. Si 109 fillettes ont été rapidement libérées, 30 ont été emmenées. De nombreux enfants enlevés ont été tués en chemin car trop fatigués et d'autres sont morts du choléra pendant les déplacements ou ont été utilisés comme boucliers humains. Elle a expliqué que, comme d'autres, elle avait été obligée de transporter de lourdes charges ou encore de creuser la terre. Elle a expliqué avoir été donnée à un homme qui disposait déjà d'une vingtaine d'autres fillettes enlevées, un homme brutal avec qui elle a eu deux enfants. Elle a raconté avoir été battue sur ordre du dirigeant de la LRA Joseph Kony au motif qu'elle avait tenté de s'échapper. Elle a indiqué être restée en captivité sept ans et dix mois avant de parvenir à s'enfuir en 2004 alors que les rebelles étaient de retour dans le Nord de l'Ouganda. Charlotte Awino a ensuite déclaré que les victimes comme elle avaient besoin de soutien pour se reconstruire, d'aide dans le domaine de la santé et de l'éducation mais aussi de soutien psychologique pour se réinsérer dans les communautés. Les victimes ont besoin de protection et le droit de l'Organisation des Nations Unies doit être transcrit dans les faits, a-t-elle affirmé. Elle a souhaité la mise en place d'un mécanisme de recherche des personnes disparues. Elle s'est interrogée sur ce que l'ONU pouvait faire pour des enfants comme elle ou pour ceux qui sont devenus de jeunes adultes, se demandant s'ils seront qualifiés de prostitués, de rebelles ou de terroristes, comme elle l'a elle-même été.

MME ANGELA ATYAM, la mère d'Angéla Awino, a déclaré que des groupes rebelles commettaient les mêmes crimes dans plusieurs pays. Elle a demandé au Conseil des droits de l'homme d'aider les peuples d'Afrique à mettre un terme aux exactions de l'Armée de résistance du Seigneur.

M. KUMAR RAMJALI, du Népal, a fait part de son histoire d'enfant victime de la traite des êtres humains en Iraq, au sein d'un groupe d'autres enfants dont douze ont été assassinés dans des conditions atroces. Appâté par des offres d'emploi frauduleuses, M. Ramjali a versé de très fortes sommes d'argent à plusieurs agences de placement indiennes. En 2004, il a été emmené en Jordanie, étape supposée d'un voyage qui devait le conduire aux États-Unis. Privé de son passeport, endetté, sans contacts, il s'est retrouvé pris au piège en Jordanie. Transféré et retenu à Bagdad dans des conditions très difficiles, il a appris la mort de douze de ses compagnons d'infortune aux mains d'insurgés qui ont diffusé l'exécution sur Internet. Il a finalement été engagé dans une blanchisserie travaillant pour le compte de l'armée des États-Unis, au rythme de douze heures de travail par jour à raison de sept jours par semaine. Après quatre ans passés dans une base militaire, pour un salaire de 580 dollars par mois et dans des conditions extrêmement pénibles, il a finalement pu récupérer son passeport et rentrer dans son pays. M. Ramjali a espéré que son témoignage aidera les familles des douze Népalais décédés et que le Conseil prendra des mesures afin de faire cesser les souffrances des victimes de la traite.

MME JANA KOHUT, née en Bosnie-Herzégovine, s'est installée en Slovénie en décembre 2004 pour y poursuivre ses études. À la recherche d'un emploi pour financer ses études, elle a été convoquée par une amie à un entretien dans une entreprise de comptabilité. Après deux minutes d'entretien, elle est capturée par deux hommes qui l'ont emmenée dans une voiture noire. Se débattant, elle a été violée à plusieurs reprises. Par la suite, elle a été forcée à se prostituer à Ljubljana. Elle a été plusieurs fois menacée, violée, battue. Fin janvier 2005, elle a réussi à échapper aux trafiquants: une des personnes l'ayant fait tomber dans ce piège lui avait glissé son passeport sous la porte. Combien d'autres jeunes filles de treize ans, nos filles, nos sœurs, nos enfants, seront-elles encore obligées de se prostituer, a demandé Mme Kohut? L'ignorance et le silence signifient que l'on consent devant le crime, a-t-elle souligné. Selon elle, ce crime peut être empêché à condition d'être unis dans l'effort. Il faut s'atteler à comprendre clairement la traite, ses racines et adopter une position ferme. Les gouvernements, les médias, les institutions juridiques, les établissements médicaux, entre autres, doivent adopter une attitude claire et compréhensible du point de vue des lois sur ces problèmes. Les trafiquants sont extrêmement bien connectés aux autres, nous devons l'être également, a-t-elle conclu.

MME KIKKA CERPA, du Venezuela, a raconté être tombée amoureuse à 17 ans d'un homme alors qu'elle travaillait dans un hôtel. Celui-ci a ensuite déménagé à New York où il l'a fait venir, sans lui dire que lui-même et sa famille travaillaient dans le commerce du sexe. Elle a raconté son travail comme prostituée, ajoutant que jamais ni la police ni les procureurs ne lui avaient demandé si elle était victime de la traite. Elle a expliqué qu'une de ses amies prostituées avait été assassinée et qu'elle avait alors cherché à fuir le réseau. Elle est parvenue à s'installer avec ses deux filles dans un refuge pour femmes battues, a obtenu de divorcer d'avec l'homme qui la maltraitait et a pu régulariser son statut migratoire. Mme Cerpa a expliqué témoigner pour aider les victimes de la traite, ajoutant qu'il faut considérer comme des criminels ceux qui achètent les services sexuels car l'argent qu'ils donnent sert à enrichir les trafiquants et à maintenir le système. Elle a en outre estimé qu'il faut former la police et les procureurs pour qu'ils puissent identifier les victimes.
Suite témoignages

M. ANDREJ PURA, du Bélarus, a indiqué qu'alors que sur le trajet pour Sotchi (Fédération de Russie) où il se rendait à la recherche d'un emploi, il a été enlevé au Daguestan pour effectuer un travail qui s'est révélé être de l'esclavage au travail. Il a été forcé à dormir sur des planches, dans la poussière ou la boue, il était mal nourri et le travail était dur. Des hommes surveillaient de jour et de nuit, afin d'empêcher les hommes retenus contre leur gré de s'enfuir. M. Pura est tout de même parvenu à s'enfuir. Les lois contre l'esclavage existent en Fédération de Russie comme dans d'autres pays, mais elles ne sont pas appliquées, a-t-il fait remarquer.

Commentaires et questions des délégations

Plusieurs délégations, et notamment celle du Brésil, ont pris la parole pour saluer l'effort difficile consenti par les témoins d'aujourd'hui qui ont accepté de revivre leur souffrance devant le Conseil. Elles ont espéré que ce dialogue servira à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains, en permettant de comprendre les conséquences individuelles de la traite et les besoins des victimes. Le représentant de l'Allemagne a estimé important de dévoiler le sort des personnes victimes de la traite, afin que leur calvaire ne soit pas occulté par la froideur des statistiques. Le Conseil souhaite en particulier entendre des propositions, fondées sur l'expérience des victimes, quant à la manière d'éviter de devenir une victime de la traite, a-t-il ajouté. Pour le délégué de l'Espagne, qui s'exprimait au nom de l'Union européenne, il est en effet important de déterminer les meilleurs moyens d'atteindre et de mettre en garde les personnes potentiellement victimes de la traite. Les victimes ont un rôle important à jouer dans nos actions futures et la prise en compte de leurs points de vue confère plus d'efficacité à nos actions, a estimé le représentant de la Lituanie. Pour la déléguée de la République de Corée, les témoignages de cet après-midi font prendre conscience de l'échec actuel de la lutte contre le fléau de la traite.

Les témoins ont été invités à donner leur avis sur différents problèmes d'intérêt pour les États. Ainsi, la délégation de la Slovaquie a-t-elle demandé des conseils sur la manière d'améliorer la confiance des victimes envers les organismes de soutien. La représentante de la Commission des droits de l'homme des Philippines leur a pour sa part demandé quelles seraient selon eux les activités de prévention qui auraient pu convaincre les victimes à ne pas tomber dans le piège dans lequel elles sont tombées. La représentante de l'Égypte les a invités à informer le Conseil des lacunes qu'ils perçoivent dans le cadre normatif régissant la lutte contre la traite des êtres humains. Enfin, la délégation de l'Algérie s'est enquise des meilleurs moyens de démanteler les réseaux de trafiquants d'êtres humains et de remonter les flux financiers pour retrouver les commanditaires de ces crimes.

Ces témoignages montrent la nécessité urgente pour les pays d'adopter des mesures pour lutter contre la traite, a déclaré le représentant des Philippines. Il a dans ce cadre insisté sur l'importance du partenariat entre États, institutions internationales et organisations non gouvernementales, un appel à la coopération également lancé par la délégation du Mexique. Pour ce qui est du niveau régional, la représentante du Burkina Faso a indiqué que des accords ont été passés entre son pays et d'autres d'Afrique de l'Ouest dans le domaine de la lutte contre la traite. L'importance des outils régionaux de lutte contre la traite a également été soulignée par le représentant de la Colombie, qui s'exprimait au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC): il a appelé à l'échange d'expériences et de bonnes pratiques au niveau national, régional et international. Pour les États-Unis, le cadre le plus efficace de la lutte contre la traite se situe au niveau des organisations régionales.

L'attention a en outre été portée sur les instruments internationaux qui traitent de la question, comme la Convention de Palerme et son Protocole additionnel relatif à la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Le représentant de la France a relevé à cet égard le cadre d'action de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) que son pays finance et qui doit permettre d'aider les États qui ont ratifié la Convention de Palerme à la mettre concrètement en application. La délégation de l'Australie a ensuite encouragé tous les États à ratifier la Convention de Palerme et son Protocole additionnel.

Cette discussion a également été l'occasion pour les délégations de mettre en évidence certaines dimensions de la traite qui leur paraissent cruciales. Pour le représentant du Pakistan, qui s'exprimait au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, la «demande» dans le domaine de la traite augmente; il a estimé que cet aspect devrait faire l'objet d'une attention particulière. Le représentant de la Fédération de Russie a quant à lui mis en relief les liens étroits entre la traite et les disparités de développement qui favorisent les migrations illégales. Puisque les auteurs de ces actes profitent de la pauvreté des victimes en leur promettant un emploi ou de l'argent, la question de la traite concerne directement les droits sociaux, économiques et culturels, a fait observer le délégué népalais. Il faut faire face aux causes profondes de la traite telles que la pauvreté, a renchéri le représentant de l'Azerbaïdjan. La délégation du Nigéria, s'exprimant au nom du Groupe africain, a fait remarquer que la traite, comme d'autres formes de criminalité, évolue constamment et présente différentes facettes, un constat également partagé par la délégation de la Slovénie. Enfin, de l'avis du représentant de la Tunisie, la discrimination fondée sur le sexe et les conflits armés ont fortement contribué à l'extension du problème de la traite.

D'autres intervenants ont attiré l'attention sur certaines mesures qu'ils ont prises pour lutter contre la traite, à l'instar du représentant de la République du Congo qui a souligné que son pays s'est attaqué à la question de l'adoption illégale d'enfants. Le Paraguay a mis en place un bureau interinstitutionnel chargé d'orienter les politiques publiques et les programmes de prévention de la traite. Le Maroc criminalise quant à lui la vente et la traite d'enfants, le travail forcé imposé à l'enfant ainsi que la prostitution, avec des peines plus sévères lorsque ces actes sont commis par des bandes criminelles et qu'ils s'accompagnent de torture ou de tout autre acte de brutalité. La Chine et le Panama ont chacun mis en place un système de lutte contre la traite qui comprend prévention, sensibilisation, répression et réparation. Quant au Pérou, pays d'origine, de transit et de destination de la traite internationale, la stratégie de lutte adoptée est axée sur la prévention, les poursuites, les sanctions, la protection des victimes et la coopération internationale.

Parmi les mesures préconisées par les délégations pour lutter efficacement contre la traite, l'importance de la formation du personnel appelé à assister les victimes de la traite a notamment été évoquée. À ce sujet, la représentante de la Thaïlande a expliqué que son pays a accompagné les mesures d'aide et de soutien aux victimes d'un vaste effort de sensibilisation des fonctionnaires chargés de leur application. Le bien-être et la protection des victimes doivent être placés au centre de la lutte contre la traite, a poursuivi le délégué de l'Indonésie. Pour la délégation suisse, il est d'autant plus important d'assurer la protection des victimes qu'elles sont, en général, les seuls témoins à la disposition de la justice. Sur ce point, la délégation uruguayenne a constaté que les victimes hésitent souvent à se faire connaître par crainte de représailles et par manque de confiance. Le délégué de la Turquie a pour sa part souligné qu'il est inacceptable de pénaliser les victimes.

Selon la représentante d'une organisation non gouvernementale, il est crucial de faire participer les victimes au processus de lutte anti-traite. Elle a à cet égard exhorté les États à créer un mécanisme de révision transparent et inclusif pour pouvoir donner la parole aux victimes dans la lutte contre la traite. Le représentant du Bélarus a quant à lui suggéré de créer au sein du Haut-Commissaire une unité distincte spécialisée dans la lutte contre la traite. Enfin, la délégation d'Argentine a tenu à souligner que la lutte contre la traite ne doit pas être utilisée comme prétexte pour mettre en place des mesures abusives, discriminatoires ou restrictives sur le plan des politiques migratoires.

Réponses des témoins

MME AWINO a lancé un appel à la communauté internationale pour que les solutions évoquées ce jour soient appliquées effectivement à l'éradication de la traite des êtres humains. Les victimes doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs attentes et leurs besoins. Le Conseil des droits de l'homme doit tout mettre en œuvre pour éradiquer la traite et l'esclavage des êtres humains sous toutes leurs formes.

MME KOHUT a indiqué que la lutte contre la traite des êtres humains dépend aussi de l'engagement personnel des membres du Conseil, qui sont bien informés et connaissent, chacun, les meilleurs moyens d'action à leur disposition.

MME ATYAM a remercié les pays qui ont déjà pris des mesures de lutte contre la traite des êtres humains, et appelé les autres à agir mesures sans tarder, compte tenu de la menace grave qui plane en ce moment même sur de nombreuses victimes potentielles.

MME CERPA a déclaré que le trafic, de par sa nature transnationale, doit être combattu à la fois au plan international et par des mesures locales d'aide aux victimes.

M. RAMJALI a préconisé le lancement de campagnes de sensibilisation par vidéo en direction des victimes potentielles de la traite des êtres humains.

Conclusion

MME EZEILO, Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, a remercié les survivants de la traite des êtres humains qui ont bien voulu témoigner et sont devenus eux-mêmes des combattants de la traite. Ils sont à la fois des victimes et des survivants, a-t-elle insisté. La question principale reste selon elle d'identifier ce qui peut être fait contre la traite. Si l'on ne fait rien, la communauté internationale se couvrira de honte, a-t-elle averti. Elle a estimé particulièrement important de déployer des efforts contre la traite des êtres humains en veillant à ne pas criminaliser les victimes, et en adoptant une approche centrée sur l'être humain.

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